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Rapport | Doc. 11943 | 08 juin 2009

L’urgence à combattre les crimes dits «d’honneur»

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteur : M. John AUSTIN, Royaume-Uni

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11348, Renvoi n° 3373 du 1er octobre 2007. 2009 - Troisième partie de session

Résumé

Toute forme de violence à l’encontre des femmes et des filles, au nom de traditionnels codes d’honneur, est considérée comme un crime dit «d’honneur» et constitue une violation grave des droits fondamentaux de la personne humaine. Aucune tradition, ni aucune culture ne saurait se prévaloir d’un quelconque honneur pour porter atteinte aux droits fondamentaux des femmes. En outre, au cours des vingt dernières années, les crimes dits «d’honneur» se sont intensifiés en Europe, notamment en France, en Suède, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume Uni et en Turquie.

L’Assemblée parlementaire devrait demander, entre autres mesures, aux Etats membres du Conseil de l’Europe d’élaborer et mettre en œuvre un plan national d’action pour combattre la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence commise au nom d’un prétendu «honneur», d’instaurer «une éducation en matière relationnelle, sexuelle et de santé génésique» tant auprès des filles que des garçons, d’impliquer les autorités religieuses ou de commencer un dialogue avec elles et de les inviter à condamner les crimes dits «d’honneur» et à coopérer dans la prévention contre ces crimes.

L’Assemblée devrait également demander aux Parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe de légiférer s’ils ne l’ont pas encore fait sur l’incrimination des faits de crimes «d’honneur» et en prévoyant une peine qui corresponde à la gravité des faits commis (tant à l’égard de leurs auteurs que de leurs complices et commanditaires), soit en créant une infraction spécifique, soit en prévoyant une circonstance aggravante des peines.

Elle devrait enfin recommander au Comité des Ministres des mesures adéquates, parmi lesquelles l’inviter à charger le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) d’inclure dans la future convention du Conseil de l’Europe les formes les plus répandues et les plus sévères de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique et les crimes dit «d’honneur».

A. Projet de résolution

(open)
1. Rappelant sa Résolution 1327 (2003) sur les prétendus «crimes d’honneur», l’Assemblée parlementaire constate que le phénomène, loin de s’atténuer, s’est amplifié, y compris en Europe. Il touche principalement les femmes, qui en sont le plus souvent les victimes, tant en Europe que dans le monde, en particulier dans des communautés et sociétés patriarcales et intégristes.
2. Toute forme de violence à l’encontre des femmes et des filles, au nom de traditionnels codes d’honneur, est considérée comme un crime dit «d’honneur» et constitue une violation grave des droits fondamentaux de la personne humaine. Ces violences prennent diverses formes, telles que les «meurtres d’honneur», les agressions, les tortures, les restrictions de se regrouper librement, la séquestration ou l’emprisonnement et l’ingérence dans le choix d’un conjoint ou partenaire.
3. L’Assemblée dénonce fermement ces crimes et écarte toute forme de justification qui les sous-tend: aucune tradition, ni aucune culture ne saurait se prévaloir d’un quelconque honneur pour porter atteinte aux droits fondamentaux des femmes. Il n’y a pas d’honneur dans les crimes dits «d’honneur». L’Assemblée est déterminée à mettre fin de toute urgence à cette pratique.
4. Elle demande par conséquent aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
4.1. d’élaborer et mettre en œuvre un plan national d’action pour combattre la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence commise au nom d’un prétendu «honneur», si ce n’est pas déjà fait;
4.2. de fournir un enseignement et une éducation de qualité pour tous, respectueux des droits des filles et des garçons et des droits des femmes et des hommes, en application de sa Résolution 1669 (2009) sur «Les droits des filles d’aujourd’hui: les droits des femmes de demain»;
4.3. d’instaurer une éducation en matière relationnelle, sexuelle et de santé génésique tant auprès des filles que des garçons, visant notamment à apprendre le respect de leur partenaire et les droits fondamentaux de la personne humaine;
4.4. de continuer à impliquer les autorités religieuses ou commencer un dialogue avec elles, afin de clarifier avec elles le fait que leur religion impose le respect de la vie et de la liberté de chacun et que les crimes dits «d’honneur» n’ont pas de fondement religieux et les inviter à les condamner et à coopérer dans la prévention contre ces crimes;
4.5. de mener des campagnes de sensibilisation afin de changer les mentalités et les comportements qui en résultent:
4.5.1. auprès de la population en général afin de sensibiliser chacun aux droits des filles et des femmes et à l’égalité;
4.5.2. auprès des jeunes non seulement pour leur faire connaître leurs droits, en particulier celui de choisir librement leur sexualité et de choisir leur partenaire et attirer leur attention sur l’existence des crimes dits «d’honneur», mais aussi pour les inciter à dénoncer le cas échéant ces crimes et demander la protection des autorités de leur pays;
4.5.3. dans les communautés concernées, en particulier les communautés ethniques minoritaires ou issues de l’immigration, même au niveau national, y compris auprès des adultes, afin de promouvoir les droits des filles et des femmes et de montrer la valeur intrinsèque des femmes autant que celle des hommes;
4.6. de sensibiliser les professionnels de l’enfance, de l’éducation et des personnels médico-sociaux, pour leur permettre de détecter les risques de crimes dits «d’honneur»;
4.7. de sensibiliser la presse à la cruauté des ces crimes, l’inviter à les dénoncer et en montrer l’inhumanité, tout en préservant la dignité et la vie privée des victimes;
4.8. de protéger et soutenir les victimes ou potentielles victimes:
4.8.1. en créant un nombre suffisant d’hébergements, répartis en fonction des besoins sur tout le territoire, afin de leur permettre de se cacher ou d’être protégées de leurs agresseurs;
4.8.2. en mettant en place des programmes de soutien physique et psychologique de longue durée afin de leur permettre de se reconstruire physiquement et psychologiquement;
4.8.3. en les aidant à avoir ou à retrouver une autonomie financière;
4.8.4. en leur fournissant le cas échéant une nouvelle identité ainsi qu’une protection policière;
4.9. de créer et diffuser un numéro d’aide téléphonique pour répondre à toutes les questions de violence à l’égard des femmes et les orienter vers les structures d’aide d’urgence;
4.10. de mettre en place une véritable base de données ou des statistiques qui tiennent compte du concept des crimes «d’honneur», nécessaires pour avoir une compréhension plus large du problème;
4.11. de former les policiers et les magistrats à la complexité des crimes dits «d’honneur» et en particulier:
4.11.1. de former les policiers chargés des enquêtes à l’accueil des victimes et les agents chargés des poursuites pénales à la spécificité de ces crimes et à leur identification, afin qu’ils recueillent un maximum de preuves sur le caractère spécifique de l’infraction lorsque les faits dénoncés laissent supposer que le crime a pu être commis au nom d’un prétendu «honneur»;
4.11.2. de former le personnel judiciaire à la spécificité de ces crimes, à la manière de conduire les interrogatoires et d’éviter les pressions sur les victimes et leurs appréhensions, ainsi qu’à juger conformément à la gravité des violences commises;
4.11.3. de créer une unité spécialisée au sein des services de poursuite, pour faire face aux crimes dits «d’honneur» afin que chaque individu impliqué soit mis en examen et, s’il part pour l’étranger, fasse l’objet d’une demande d’extradition;
4.12. de soutenir les organisations non gouvernementales dans les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine et peuvent assurer le lien entre les communautés immigrées et leurs pays d’origine;
4.13. de soutenir et financer les organisations non gouvernementales qui luttent contre les crimes dits «d’honneur» et soutiennent et accueillent les victimes.
5. Elle demande aux Parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.1. de légiférer, s’ils ne l’ont pas encore fait, sur l’incrimination des faits de crimes «d’honneur» en prévoyant une peine qui corresponde à la gravité des faits commis, tant à l’égard de leurs auteurs que de leurs complices et commanditaires, soit en créant une infraction spécifique, soit en prévoyant une circonstance aggravante des peines;
5.2. de prévoir l’octroi d’un dédommagement juste et équitable qui corresponde à la gravité des préjudices subis par la victime, le cas échéant à l’aide d’un fonds garanti par l’Etat;
5.3. de prévoir, après une évaluation des risques, la protection judiciaire de la victime ou victime potentielle qui dénonce de tels faits, ainsi que des témoins, y compris l’interdiction de sortir du territoire pour les mineurs en danger;
5.4. de prévoir le financement des services d’hébergement, d’aide et de soutien aux victimes;
5.5. de développer des politiques et des programmes pour lutter contre la pauvreté des femmes et la féminisation de la pauvreté;
6. Elle encourage le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord‑Sud) à renforcer ses programmes relatifs à l’égalité entre les sexes et la lutte contre la violence fondée sur le genre et à poursuivre le dialogue entre les pays du Nord et les pays du Sud sur les enjeux de l’égalité entre les sexes et la lutte contre les violations graves des droits de la personne humaine.
7. Elle décide d’intégrer la lutte contre les formes les plus sévères de violence à l’égard des femmes dans ses programmes d’assistance et de coopération parlementaires.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2009) sur l’urgence à combattre les crimes dits «d’honneur» et demande au Comité des Ministres de veiller à son application par les Etats membres, en tenant compte des principes fondamentaux d’égalité entre les sexes et de respect des droits de la personne humaine.
2. L’Assemblée demande au Comité des Ministres d’élaborer une stratégie globale visant à mettre fin aux crimes dits «d’honneur». Cette stratégie reposera sur l’élimination de toute forme de justification législative atténuant ou supprimant la responsabilité pénale des auteurs de crimes «d’honneur». Elle visera à abolir l’acceptation sociale des crimes «d’honneur» et mettra l’accent sur le fait qu’aucune religion ne prône les crimes «d’honneur». Elle mènera une étude permettant de déterminer et de traiter efficacement les causes fondamentales de cette forme de violence contre les femmes. Elle soutiendra la mise en place d’un réseau international pour lutter contre les crimes «d’honneur».
3. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à charger le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) d’inclure dans la future convention du Conseil de l’Europe les formes les plus répandues et les plus sévères de la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique et les crimes dits «d’honneur».
4. Rappelant sa Recommandation 1798 (2007) sur le respect du principe d’égalité des sexes en droit civil, l’Assemblée réitère sa demande qu’un nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme consacrant l’égalité entre femme et homme soit rédigé.
5. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à intégrer la lutte contre les formes les plus sévères et les plus répandues de violence à l’égard des femmes dans ses programmes d’assistance et de coopération et à rechercher des ressources extrabudgétaires pour financer ces activités.

C. Exposé des motifs par M. Austin, rapporteur

(open)

1. Définition des crimes dits «d’honneur»

1. Le champ d’application des crimes dits «d’honneur» est très large. Toute forme de violence à l’encontre des femmes et des filles, au nom de traditionnels codes d’honneur, est considérée comme un crime dit «d’honneur». Ainsi, ce qui différencie cette forme de violence parmi les autres formes de violence à l’encontre des femmes, repose sur le fait que la violence a été exercée au nom de traditionnels codes d’honneur. Dès lors que «l’honneur» de la famille est, selon cette dernière, en jeu et que la femme en subit les conséquences, l’on peut valablement parler de crime dit «d’honneur».
2. Les auteurs Welchman et Hossain 
			(1) 
			“Honour – Crimes, Paradigms
and Violence against Women”, Lynn Welchman et Sara Hossain, Zed
Books, Londres, 2006. ont défini les crimes «d’honneur» comme suit: «Les crimes dits d’honneur peuvent prendre la forme de diverses violences à l’encontre des femmes, telles que les «meurtres d’honneur», les agressions, la séquestration ou l’emprisonnement et l’ingérence dans le choix d’un époux. Ces comportements sont «justifiés» publiquement au nom d’un ordre social censé exiger la préservation d’une idée de l’honneur résidant dans la suprématie masculine (familiale et/ou conjugale) sur les femmes et, en particulier, leurs comportements sexuels, qu’ils soient réels, suspectés ou potentiels».
3. Ces «crimes» sont constitués d’un ensemble de violences infligées aux femmes par les membres de leurs familles au nom de l’honneur. Le meurtre en est la forme la plus extrême.
4. La perception de ce qui salit l’honneur est très vaste et surtout très subjective, ce qui en rend la qualification difficile. La notion d’«honneur» cache une forme de tension entre le relativisme culturel et l’application universelle des droits de l’homme. Elle est d’ailleurs tellement subjective et sujette à des interprétations diverses que les femmes ne trouvent pas de salut au sein de leur famille ou de leur communauté. En effet, la simple impression qu’une femme a enfreint le code de conduite sexuelle peut être une atteinte à l’honneur.
5. Aussi, le contrôle des hommes s’exerce à la fois sur le corps des femmes, mais aussi sur leur comportement, l’ensemble de leurs faits et gestes, leurs déplacements et leur langage. Derrière cette question se pose plus fondamentalement le problème du contrôle de la sexualité des femmes et des droits reproductifs dans la famille. Selon Mme Coomaraswamy, «l’honneur est généralement vu comme résidant dans le corps des femmes» 
			(2) 
			Dr Radhika Coomaraswamy,
ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence
à l’encontre des femmes.. En d’autres termes, la femme n’a pas le droit à l’autodétermination individuelle.
6. Le rôle de la virginité est également essentiel. A cet égard, on constate dans les hôpitaux publics une demande croissante de reconstruction de l’hymen qui vient soit des jeunes filles, mais parfois aussi des familles, en vue d’un mariage consenti ou forcé. Leur but est toujours de sauver «l’honneur».
7. Le crime dit «d’honneur» a souvent pour but de punir une relation, réelle ou supposée, que la famille désapprouve et/ou un «comportement immoral»: par exemple une simple discussion avec un voisin de sexe masculin. Tous ces actes peuvent donner lieu à de violentes mesures de rétorsion infligées à la femme par les hommes de sa famille, souvent avec l’appui des autres femmes de la famille. Ces punitions prennent des formes diverses: ces femmes sont reniées par leur famille, elles sont coupées de leur environnement social et risquent d’être exploitées. Elles sont séquestrées, enlevées, menacées. Beaucoup d’entre elles sont torturées, mutilées et défigurées à vie. D’autres sont brûlées par l’acide, immolées ou tuées d’une autre façon. Dans des situations extrêmes enfin, d’autres n’ont pas le choix que de s’immoler 
			(3) 
			Voir «S’immoler à 20
ans» de Marie-Josée Brunel et Dorothée Olliéric, Grasset, 2007:
dans la région d’Hérat en Afghanistan, un jour sur deux, une femme
se suicide par le feu, s’arrosant d’essence de la tête aux pieds,
à la façon des bonzes. ou se suicider 
			(4) 
			«Le suicide, seule
arme des femmes kurdes [Irak] contre le code de l’’’honneur’’» article
de Jennie Matthew pour l’AFP le 23 août 2007..
8. Les familles pensent devoir sauver leur «honneur» en punissant la «coupable». Ce crime s’apparente étroitement à la «vengeance par le sang». Le dénominateur commun pour tous les crimes dits d’honneur reste, toutefois, celui des maltraitances, de la violation des droits humains et, dans certains cas, du meurtre, généralement commis sur les femmes au nom de l’honneur tel que défini par le(s) auteur(s) du crime.
9. Le mariage forcé, même s’il ne répond pas à un acte "répréhensible" de la femme, peut aussi entrer dans cette catégorie dans la mesure où les parents vont exercer une forme de violence visible ou non, pression psychologique, chantage affectif, ou violence physique, en ne laissant pas les futurs époux choisir leur conjoint.
10. Comme l’a récemment montré le témoignage de Mme Humayra Abedin 
			(5) 
			Mme Abedin
a témoigné en marge de la session de printemps 2009 de l’Assemblée.
Voir la news: 
			(5) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=4576#_ftn1'>http://www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=4576#_ftn1</a>, il y a un mélange net entre mariage forcé et crime dit «d’honneur» dans la mesure où la menace ou l’acte de mariage forcé repose souvent sur une violence fondée sur l’honneur. Cette jeune femme, médecin originaire du Bangladesh travaillant au Royaume-Uni, fut séquestrée au Bangladesh et forcée à se marier. En application de la nouvelle législation au Royaume-Uni sur les mariages forcés 
			(6) 
			Le
26 juillet 2007 a été adopté en Grande-Bretagne le «Forced Marriage
Act» (protection civile) qui a pour but de protéger les personnes
contre la conclusion d’un mariage forcé, ainsi que celles qui ont
été forcées d’en conclure un. Cette loi est entrée en vigueur le
25 novembre 2008. Elle autorise les tribunaux à rendre des injonctions
visant à protéger les victimes contre les mariages forcés (Forced
Marriage Protection Orders (FMPO)). Ces injonctions peuvent prévoir
des interdictions, des restrictions ou d’autres dispositions jugées
nécessaires par le tribunal, et prendre différentes formes: empêcher
un mariage de se produire; ordonner la remise de son passeport;
empêcher qu’une personne soit emmenée à l’étranger; et stopper toutes
formes d’intimidation et de violence. Les requêtes peuvent être
introduites par la victime ou par des tiers, à condition qu’ils
y soient autorisés par le tribunal. Les FMPO relèvent du droit civil;
leur non-respect n’est pas une infraction pénale. Les tribunaux
peuvent toutefois déléguer des pouvoirs d’arrestation lorsqu’ils
rendent des FMPO et des peines d’emprisonnement peuvent être prononcées
en cas d’infractions., et grâce à la coopération avec le Bangladesh, elle put retourner au Royaume-Uni où elle essaie de se reconstruire.
11. Cette violence existe aussi à l’encontre des homosexuels ainsi que des hommes et des garçons qui, par exemple, dans le cadre des mariages forcés, se voient aussi dans l’obligation de se marier à une personne qu’ils n’ont pas choisie, puisqu’il y va prétendument de l’honneur des familles que les enfants respectent le choix que les pères ont fait pour eux. Les hommes qui ont eu une relation amoureuse interdite avec une fille peuvent aussi en être victimes.
12. Dans la plupart des cas, les crimes dits «d’honneur» sont perpétrés par le mari, le père ou le frère de la femme ou de la fille considérée comme coupable. Les frères s’autoproclament souvent les gardiens de l’honneur de leur sœur. Souvent, le plus jeune des frères, si possible mineur, est choisi pour réaliser le crime, afin qu’il ne soit pas jugé trop sévèrement par les tribunaux. La famille considère que la femme a sali son honneur et doit donc être punie pour cette offense. Le fait que les femmes soient considérées comme un objet, une propriété, contribue à cette forme de violence. Cette idée est très enracinée dans les sociétés patriarcales.
13. Ainsi, le concept de «crimes dits «d’honneur»» recouvre toute forme de violence à l’encontre des filles et des femmes (plus rarement des hommes et des garçons), au nom de traditionnels codes d’honneur, exercée par des membres de la famille, des mandataires ou par les victimes elles-mêmes. Les crimes dits «d’honneur» constituent une violation grave des droits de la personne qui les subit.

2. Ampleur et spécificité du phénomène

14. Dans les pays occidentaux, on avait tendance à croire que les crimes dits «d’honneur» se produisaient exclusivement dans certains pays d’Asie tels que le Pakistan 
			(7) 
			Victimes d’un «crime
d’honneur», cinq femmes ont été ensevelies vivantes dans une fosse
commune, dans la province pakistanaise du Baloutchistan, article
intitulé «Un crime au nom de la tradition» dans le quotidien Le
Monde du 6 septembre 2008., l’Afghanistan ou le Bangladesh, d’Afrique et du Moyen-Orient. Or, force est de constater qu’au cours des vingt dernières années, les crimes dits «d’honneur» se sont intensifiés en Europe, notamment en France, en Suède, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume Uni 
			(8) 
			“Honour
crimes ’increasing in UK’”, BBC News, 12 juin 2007. et en Turquie.
15. Depuis le rapport de 2003 de la commission 
			(9) 
			Rapport du 7 mars 2003
de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les
hommes (rapporteuse: Mme Cryer) Doc. 9720 – Résolution
1327 (2003) «Les prétendus «crimes d’honneur»»., qui avait déjà soulevé la question de l’augmentation des crimes dits «d’honneur», ce problème n’a pas été résolu et a même pris de l’ampleur. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu relancer le sujet. En effet, craignant d’être accusés d’impérialisme culturel ou d’intolérance, certains ne dénoncent pas ces crimes. Il ne s’agit pourtant pas d’impérialisme mais de dénonciation d’une violation grave des droits fondamentaux de la personne humaine. L’audition que la commission a organisée sur ce sujet le 6 juin 2008 
			(10) 
			Procès-verbal de l’audition
sur «Urgence à faire face aux crimes dits «d’honneur»» (réf: AS/Ega
(2008) PV 5 add) disponible sur demande au secrétariat de la commission. était d’excellente qualité et je m’y référerai en temps utile.
16. Pour ne prendre qu’un exemple, rappelons le meurtre de Banaz Mahmod Babakir Agha à Birmingham en avril 2006. Elle était âgée de 20 ans, et a été violée et torturée avant d’être étranglée, sur ordre de son père et avec l’aide de son oncle, parce qu’elle aimait un homme qui ne lui était pas destiné. Ses appels à l’aide, restés vains, nous interpellent sur les réponses que doivent apporter les Etats membres du Conseil de l’Europe à cette question, et sur la sensibilisation qu’il faut mener auprès des jeunes en particulier.
17. Les crimes «d’honneur» existent partout en Europe. Ces crimes sont commis dans tous les milieux, et ne concernent pas seulement les régions rurales, mais également les villes et les milieux «éduqués». Cependant, un rapport sur les meurtres dits «d’honneur» en Turquie en 2007 souligne que ces meurtres ont plutôt lieu dans les milieux moins éduqués (voir paragraphe 22 ci-après). Ils sont particulièrement présents dans certaines communautés ethniques minoritaires. Ce phénomène a pu être expliqué – mais non justifié – par le fait que les immigrés et leur famille, souvent mal intégrés dans les pays d’accueil, se replient sur les coutumes et traditions des pays d’origine, voire les renforcent, afin de sauvegarder une certaine identité.
18. Les faits sont désormais plus souvent relayés par la presse. Par exemple, il a été reporté que six femmes ont été retrouvées mortes en Tchétchénie, a priori tuées par des proches pour des raisons d’honneur 
			(11) 
			Chechens
possibly killed for ’’honour’’, Reuters, 27 novembre 2008.. La ministre autrichienne en charge des femmes 
			(12) 
			Heidrun Silhavy, 11
septembre 2008. a rappelé qu’en Autriche, des femmes étaient victimes de mutilations génitales, de mariages forcés et de crimes «d’honneur». En Allemagne, les journaux se font l’écho de ces crimes 
			(13) 
			«Les
crimes d’honneur constituent une attaque dirigée contre nous tous»,
éditorial de Till Raether publié dans le magazine allemand «Brigitte»,
n° 15/2008.. Il en est de même au Royaume-Uni 
			(14) 
			Par exemple, “British
women are already suffering from Islamic law”, article de Joan Smith
du 10 février 2008 paru dans Independent On Sunday. et en Turquie 
			(15) 
			Article
de Mme Aysun Sayýn intitulé «Un rapport
révèle les horreurs des “meurtres d’honneur”» dans le Turkish Daily News
du 24 septembre 2007.. En Turquie, des projets pour résoudre le problème ont vu le jour 
			(16) 
			KA-MER (Association
de soutien aux femmes candidates) Rapport 2005 sur le «projet de
développement de méthodes permanentes pour lutter contre les crimes
commis sous couvert d’«honneur» dans le sud-est et l’est de l’Anatolie»..
19. Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) estime que le nombre total de meurtres pour raisons d’honneur peut s’élever à 5000 victimes par an dans le monde, en particulier dans les pays et communautés musulmans 
			(17) 
			Etat
de la population mondiale en 2008.. Cependant, ce chiffre ne constituerait que la partie émergée de l’iceberg parce qu’il ne concerne que les homicides, et ne recouvre donc pas les autres formes de violences infligées au nom de l’honneur.
20. Toutefois, comme le souligne Mme Asma Jahangir 
			(18) 
			Avocate
pakistanaise, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté
de religion et de croyance., il est pratiquement impossible d’évaluer avec précision le nombre de crimes dits «d’honneur». Le sentiment de honte et des menaces au sein de la communauté (en connexion avec le fait que certaines victimes de violence domestique ne parlent pas car elles n’ont pas nécessairement conscience qu’un crime a été commis) et le fait qu’elles sont émotionnellement et économiquement dépendantes de l’agresseur leur donnent une fausse perception car elles pensent «mériter» la punition si bien que les témoins ne se manifestent guère et que les décès sont généralement classés parmi les accidents ou les suicides.
21. Même si les crimes dits «d’honneur» recensés sont essentiellement perpétrés dans des pays musulmans ou au sein de communautés musulmanes, ils se produisent également dans beaucoup d’autres communautés. Certains de ces crimes ont notamment été signalés dans des communautés hindoues, sikhs et chrétiennes. Cette violence patriarcale trouve souvent son origine dans des convictions fondamentalistes et des traditions conservatrices dont l’objet principal est de contrôler la liberté et la sexualité des femmes 
			(19) 
			Procès-verbal précité,
p. 2, Mme Hagberg, MD in social work,
Network against honour related violence.. Bien qu’un grand nombre de crimes dits «d’honneur» semblent résulter de convictions religieuses profondes, le paradoxe est qu’aucune des grandes religions du monde ne préconise la peine de mort pour inconduite liée à l’honneur et que beaucoup de dirigeants religieux et d’universitaires condamnent cette pratique et affirment qu’elle n’a pas de fondement religieux.
22. Le rapport de la Direction des Droits de l’Homme du bureau du Premier Ministre turc a dénombré 231 meurtres dits «d’honneur» en 2007 en Turquie 
			(20) 
			Rapport
sur «les assassinats de coutume et d’honneur» en 2007 en date du
25 juin 2008 
			(20) 
			<a href='http://www.ihb.gov.tr/'>http://www.ihb.gov.tr/</a>. Ce rapport fait état des causes multidimensionnelles de ces crimes, c’est-à-dire économiques, sociales et culturelles. Quant à leur répartition géographique, ils se déroulent le plus souvent dans les grandes villes, avec par exemple 167 meurtres à Istanbul au cours des cinq dernières années, 144 à Ankara. Un doublement des meurtres a été observé à Istanbul entre 2006 et 2007, passant de 27 à 53. Il semblerait que le fort taux d’immigration vers ces métropoles conjugué aux difficultés socio-économiques de ces migrants ainsi qu’une difficile adaptation au nouvel environnement urbain radicalisent les cultures et traditions d’origine. Le rapport souligne aussi que le nombre de meurtres «d’honneur» est plus fréquent dans les couches les moins éduquées de la population.
23. En Europe, je crains que l’on n’ait trop longtemps fermé les yeux sur ces violences patriarcales et culturelles qui, si il y a encore quelques années n’étaient pas faciles à appréhender, ne peuvent être aujourd’hui ignorées. Ces femmes et ces filles ont le droit, comme tout être humain, de vivre librement leur vie dans une société moderne et multiculturelle. Elles souhaitent, comme toutes les femmes modernes, choisir et vivre leur propre vie.
24. Les attaques perpétrées à leur encontre sont autant d’attaques contre les sociétés dans lesquelles nous vivons 
			(21) 
			Voir éditorial de Till
Raether précité.. Nous ne pouvons tolérer de telles atteintes aux droits fondamentaux que constituent par exemple la liberté de mouvement ou la liberté d’expression, l’égalité entre les femmes et les hommes.
25. Cette violence ne peut évidemment pas être légitimée par les codes d’honneur des perpétrants. Sa forme et ses racines particulières demandent aussi un traitement particulier, tant en matière de protection des victimes que de prévention et de répression des auteurs. J’adhère entièrement à la qualification de «meurtres de la honte» donnée par l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, au sujet des «pratiques traditionnelles nuisibles que l’on nomme "meurtres d’honneur"» (2000).

3. Proposition de mesures de protection des victimes et de prévention des crimes dits «d’honneur»

26. On peut se réjouir du fait que les prétendus crimes «d’honneur» sont de plus en plus reconnus par certains Etats comme un véritable fléau frappant leur société et que les instances de décision de certains pays, tels que la Turquie ou le Pakistan, ont pris des mesures pour prévenir et réprimer plus sévèrement ces crimes. Cependant, force est de constater que la prise de conscience est à peine amorcée, voire inexistante, au sein des populations concernées.
27. La prévention des crimes dits «d’honneur» doit se faire à deux niveaux, au plan interne dans chaque pays mais aussi au niveau international.
28. Dans chaque pays, les actions doivent être développées au niveau national mais aussi au niveau régional, ce phénomène étant parfois plus marqué dans certaines régions. La population doit être sensibilisée à ce problème en vue de le prévenir ou, le cas échéant, d’être punie en ayant conscience de la gravité extrême du crime commis. Les professionnels de la police et de la justice doivent être formés à la spécificité des délits et crimes commis au nom de l’honneur. Les personnels de l’éducation, enseignants et personnels des structures de garde d’enfants, et ceux d’accueil de la jeunesse doivent être sensibilisés au sujet afin de déceler les premiers symptômes, de déterminer adéquatement les mesures à prendre et d’orienter les filles et femmes vers une structure d’accueil et d’aide. Des structures spécialisées d’accueil, de conseil et d’aide et des centres d’hébergement d’urgence pour les filles et femmes menacées de crimes «d’honneur» doivent être mis en place. Les victimes de crimes «d’honneur» devront être soutenues physiquement et psychologiquement. Souvent mises au banc de la famille, un hébergement s’impose pour les aider à se reconstruire. Elles devront être informées de leurs droits et soutenues juridiquement. Pour Mme Nammi 
			(22) 
			Procès-verbal précité,
p. 4., Directrice de la Campagne internationale contre les «crimes d’honneur», il ne faut jamais renvoyer les victimes dans leur famille, il n’existe bien souvent qu’une chance.
29. Les ONG de soutien et de défense des droits des femmes devront recevoir l’appui financier des autorités nationales.
30. Le dialogue avec les autorités religieuses est également primordial, même si certains 
			(23) 
			Par
exemple, Mme Sahgal, chef de l’Unité
pour l’égalité des sexes, Amnesty International, procès-verbal précité,
p. 2. Voir un article du Dalymail du 26 mars 2007 intitulé 'Extremists
are encouraging violence against Muslim women'. se montrent sceptiques sur la capacité des leaders religieux autoritaires à adopter une attitude progressive. Les Etats devraient mettre en place une véritable base de données ou des statistiques qui tiennent compte du concept des crimes «d’honneur», nécessaires pour avoir une préhension plus large du problème.
31. Les Etats devront mettre en place des mécanismes permettant aux victimes et à d’autres personnes de signaler ces crimes en toute sécurité, dans un cadre strictement confidentiel, en renforçant les mécanismes existants ou en en créant de nouveaux.
32. Les Etats devront rédiger et mettre en œuvre un plan national d’action pour combattre la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence commise au nom d’un prétendu «honneur» 
			(24) 
			Voir le plan national
d’action pour 2007/2008 du gouvernement suédois: «Action plan for
combating men’s violence against women, violence and oppression
in the name of honour and violence in same-sex relationships»., s’ils ne l’ont pas encore fait.
33. Sur le plan européen, je propose que le Comité des Ministres élabore une stratégie globale visant à mettre fin aux crimes dits «d’honneur». Cette stratégie reposera sur l’élimination de toute forme de justification législative atténuant ou supprimant la responsabilité pénale des auteurs de crimes «d’honneur». Elle visera à abolir l’acceptation sociale des crimes «d’honneur». Elle devra mettre l’accent sur le fait que l’islam impose le respect de la vie et de la liberté de chacun et qu’aucune religion ne prône les crimes «d’honneur». Elle demandera aux autorités nationales la création et le soutien financier de centres d’hébergement et de conseil pour les potentielles victimes.
34. Je soutiens la bonne initiative de Mme Hagberg qui met en avant la création d’un réseau national ou international pour lutter contre les crimes «d’honneur» (www.minheder.nu).
35. Je souhaite reprendre la liste de recommandations de Mme Nammi qui me paraissent pertinentes: création d’unités de police spécialisées, mise en œuvre de campagnes de sensibilisation du public, établissement de systèmes de protection qui fournissent une nouvelle identité et une nouvelle histoire aux victimes, des formations pour toutes les organisations et services tels que la police, les services sociaux, les enseignants, les services de protection de l’enfance, les organisations de femmes, une évaluation des risques pour les survivants et leur protection par la police, des logements appropriés pour les survivants en Europe, un programme de soutien physique et psychologique de longue durée pour les survivants, des ressources financières et des mesures de sécurité pour les organisations d’aide aux victimes, la prise en considération de la peur des crimes «d’honneur» lors de l’octroi de l’asile, un soutien aux femmes qui n’ont pas accès aux fonds publics 
			(25) 
			Mme Nammi,
procès-verbal précité, p. 4-5. Voir <a href='http://www.ikwro.org.uk'>www.ikwro.org.uk</a> et <a href='http://www.stophonourkillings.com'>www.stophonourkillings.com</a>. .
36. A la lumière de l’expérience de l’avocate Usha Sood 
			(26) 
			Voir le témoignage
de Mme Sood, procès-verbal précité, p.
5., je souhaite que l’accent soit mis sur la formation des policiers et des magistrats, tant pour les enquêtes en matière de prévention que pour les poursuites.
37. Au Royaume-Uni, une unité spécialisée des services du Procureur de la Couronne a été créée pour faire face aux crimes «d’honneur» afin que chaque individu impliqué dans les actes de violence soit mis en examen 
			(27) 
			Voir
“Special units to crack down on honour killing”, the Guardian du
16 juin 2007. Unité créée en réaction au meurtre de Banaz Mahmod.. Au demeurant, cette unité s’occupera des demandes d’extradition, afin d’éviter que les crimes restent impunis lorsque les auteurs s’enfuient.

4. Poursuites engagées à l’encontre des auteurs et complices des crimes dits «d’honneur»

38. Comme je l’ai dit en introduction, la notion d’honneur est subjective puisqu’elle relève de l’appréciation subjective de l’auteur du crime dit «d’honneur» ou de la famille qui a commandité le crime. En matière pénale, c’est tout un faisceau d’indices qui devra amener les enquêteurs et les juridictions à apprécier le caractère spécifique des faits constitutifs de l’infraction.
39. La question qui se pose est alors de savoir si une législation spéciale est nécessaire pour la répression des crimes «d’honneur».
40. Certains auteurs estiment qu’une législation spécifique n’est pas nécessaire pour les crimes dits «d’honneur» mais que le système judiciaire doit clarifier le fait que de tels crimes soient qualifiés de meurtres lorsque la victime est tuée. Malheureusement, il existe encore des procureurs et des juges qui, dans les pays les plus éclairés, acceptent des justifications culturelles pour rejeter un mobile aggravant ou écarter la préméditation. Certains d’entre eux considèrent la défense de l’honneur comme une circonstance atténuante 
			(28) 
			Voir «Stratégies européennes
sur la violence à l’encontre des femmes: sont-elles adéquates pour
résoudre les crimes fondés sur l’honneur et les justifications culturelles
à la violence à l’encontre des femmes?» Carol Hagemann-White, 26 novembre
2007.. En Europe, des juridictions ont même acquitté les auteurs de coups portés sur une jeune fille pour des raisons «d’honneur» 
			(29) 
			«La
justice italienne absout la charia en famille – Un père musulman
acquitté malgré les violences infligées à sa fille», article d’Eric
Joszef paru dans le quotidien Libération du 10 août 2007..
41. Mme Sahgal 
			(30) 
			Procès-verbal précité,
p. 2. a déploré le fait que les juridictions qualifient de crimes «d’honneur» des actes en fonction de la communauté d’où vient l’auteur plutôt qu’en fonction de la nature de l’acte lui-même.
42. Au vu des erreurs d’interprétation et des divergences précédentes, il me semble donc nécessaire de faire appel à une plus grande rigueur dans la définition des infractions et de la détermination des personnes impliquées dans la réalisation du crime «d’honneur». La définition d’une infraction spéciale apporte une solution à ce problème.
43. La Turquie est à cet égard un exemple actuel de la prise de conscience du problème par les autorités. Le nouvel article 82 du Code pénal prévoit que les crimes «d’honneur» seront punis d’une peine aggravée, là où avant ils bénéficiaient de circonstances atténuantes 
			(31) 
			Le tribunal de Van
dans la région de Diyarbakır a condamné cinq membres d’une même
famille à la prison à vie pour le meurtre d’une fille de 16 ans
enceinte suite à un viol, article intitulé «Full family jailed for
honor killing act», Hurriyet Daily News.com 2009..
44. En Belgique, une proposition de résolution visant à lutter contre les prétendus crimes d’honneur a été déposée le 8 avril 2008 
			(32) 
			Proposition déposée
par Mme Zrihen et consorts, document
du Sénat 4-678 – 2007/2008., visant principalement à ce que la législation actuelle, estimée suffisante, soit appliquée aux crimes «d’honneur».
45. Lorsque la preuve d’un crime «d’honneur» n’a pas été rapportée, c’est le droit pénal général qui s’appliquera devant les juridictions concernées.

5. Conclusions

46. Tout en respectant les différences culturelles entre les êtres humains, et en affirmant que les crimes «d’honneur» constituent une violation inadmissible des droits fondamentaux des femmes, y compris le droit à ne pas subir de violence, il faut reconnaître que les cultures peuvent et doivent changer de façon à respecter les droits de la personne humaine.
47. Il me semble important de prendre des mesures spécifiques face à ce problème spécifique des crimes dits «d’honneur», tant au niveau des législations que des mesures de protection et d’aide aux victimes, mais aussi de prévention et de répression.
48. En particulier, l’Assemblée parlementaire devrait demander aux parlements nationaux, si ce n’est pas encore le cas, d’ériger en infraction pénale tout crime «d’honneur» et de le punir sévèrement conformément à la gravité des faits commis, et d’inclure les complices ou commanditaires dudit crime dans le champ d’application de cette législation. La loi devrait également prévoir la mise en place de mesures de protection et des services d’aide aux victimes, même potentielles.
49. L’Assemblée devrait demander aux Etats membres du Conseil de l’Europe de mettre l’accent sur la sensibilisation de l’opinion au problème des crimes «d’honneur», en particulier en menant des actions ciblées auprès des enfants, filles et garçons, jeunes femmes et hommes, afin de les informer sur ces crimes et leurs effets nocifs et de promouvoir la liberté de chacun de vivre à l’abri de la discrimination et de l’oppression pour des motifs fondés sur le sexe ou l’orientation sexuelle. L’objectif est de dénoncer les violations des droits de la personne humaine engendrés par un système de domination patriarcale et de changer les mentalités et les comportements qui en résultent.
50. Les Etats devraient en particulier:
  • sensibiliser les professionnels de l’enfance, de l’éducation et de la vie scolaire et les former au respect de la tolérance et de l’égalité entre les filles et les garçons et les femmes et les hommes;
  • sensibiliser les policiers, les juges et les procureurs aux crimes «d’honneur», à la façon d’enquêter afin de recueillir un maximum d’éléments sur le caractère spécifique de l’infraction et d’établir solidement les faits, sur la nécessité de poursuivre ces infractions et sur leur jugement, en application de la loi;
  • sensibiliser les personnels socio-médicaux à la problématique des crimes «d’honneur» et des mariages forcés;
  • engager le dialogue avec les autorités religieuses et les inviter à respecter l’égalité entre les femmes et les hommes et condamner les crimes «d’honneur» et toute forme de violence à l’encontre des femmes.
51. Enfin, l’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres d’élaborer une stratégie globale sur l’élimination des crimes «d’honneur», y compris une étude sur les crimes «d’honneur» permettant de déterminer et de traiter efficacement les causes fondamentales de cette forme de violence contre les femmes.
52. En conclusion, au vu des développements ci-dessus, je soumets donc à l’adoption par l’Assemblée les projets de résolution et de recommandation ci-avant annexés. Je propose qu’ils soient examinés pendant la partie de session de juin de l’Assemblée de 2009 (22-26 juin).

(open)

***

Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission: Doc. 11348, Renvoi n° 3373 du 1er octobre 2007

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 14 mai 2009

Membres de la commission: Mme Pernille Frahm (Présidente), M. José Mendes Bota (1er Vice-président), Mme Ingrīda Circene (2ème Vice-présidente), Mme Anna Čurdová (3ème Vice-présidente), Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel (suppléante: Mme Maria Stavrositu), M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise Beck, Mme Anna Benaki, Mme Deborah Bergamini, M. Laurent Béteille, Mme Oksana Bilozir, Mme Rosa Delia Blanco Terán, Mme Olena Bondarenko, M. Predrag Bošković, M. Han Ten Broeke, Mme Anna Maria Carloni, M. James Clappison, Mme Diana Çuli, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Mirjana Ferić-Vac, Mme Sónia Fertuzinhos, Mme Doris Frommelt, Mme Alena Gajdůšková, M. Giuseppe Galati, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, Mme Fatme Ilyaz, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanoviċ, Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, Mme Angela Leahu, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė, M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yulia Novikova, M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Jaroslav Paška, Mme Maria del Carmen Quintanilla Barba, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Jadwiga Rotnicka, Mme Marlene Rupprecht, Mme Klára Sándor, M. Steingrímur J. Sigfússon, Mme Miet Smet, Mme Albertina Soliani, Mme Darinka Stantcheva, Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Doris Stump, M. Mihai Tudose, M. Volodymyr Vecherko, Mme Tatiana Volozhinskaya, M. Marek Wikiński, M. Paul Wille, Mme Betty Williams, M. Gert Winkelmeier, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh, Mme Rodoula Zissi.

N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en gras

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux.