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Réponse à Recommandation | Doc. 12446 | 16 décembre 2010

La corruption judiciaire

Auteur(s) : Comité des Ministres

Origine - adoptée à la 1101e réunion des Délégués des Ministres (8 décembre 2010) 2011 - Première partie de session

Réponse à Recommandation: Recommandation 1896 (2010)

1. Le Comité des Ministres a examiné avec attention la Recommandation 1896 (2010) de l’Assemblée parlementaire sur « La corruption judicaire » ainsi que sa Résolution 1703 (2010). Il l’a portée à l’attention des Etats membres et l’a communiquée aux différents organes compétents pour information et commentaires éventuels 
			(1) 
			Le
Comité européen de coopération juridique (CDCJ), le Comité européen
pour les problèmes criminels (CDPC), le Conseil consultatif de procureurs
européens (CCPE), le Conseil consultatif de juges européens (CCJE),
le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) et la Commission
européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ)..
2. Le Comité des Ministres est d’avis que la corruption judiciaire affaiblit l’Etat de droit, pilier de toute démocratie pluraliste, et favorise l’impunité. La lutte contre la corruption judiciaire est par conséquent une priorité de l’action du Conseil de l’Europe. Pour être efficace, elle exige une forte implication des Etats membres pour garantir l’impartialité, l’intégrité et la fiabilité du système judiciaire. Le Comité note que le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), à travers la Résolution Res(97)24 du Comité des Ministres portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, a recommandé le développement de systèmes objectifs, équitables et transparents pour le recrutement, la promotion et la révocation des magistrats ; l'amélioration des conditions matérielles du système judiciaire (traitements raisonnables, ressources et effectifs suffisants) ; la définition d’un mandat de juge et de procureur qui soit suffisamment long et libre de toute interférence indue ; la limitation stricte – selon le niveau nécessaire dans une société démocratique – de l’immunité d’instruction, de poursuites et de jugement pour les infractions de corruption.
3. S’agissant de la révision de la Recommandation Rec(94)12 du Comité des Ministres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, conformément au mandat donné en 2009 au groupe de spécialistes sur le pouvoir judiciaire (CJ-S-JUD) relevant du Comité européen de coopération juridique (CDCJ), le Comité des Ministres souhaite informer l’Assemblée que la nouvelle Recommandation CM/Rec(2010)12 sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités a été adoptée lors de la 1098e réunion des Délégués des Ministres le 17 novembre 2010. Il convient à cet égard de noter que le projet de recommandation, comme la recommandation de 1994, vise à garantir l’indépendance du système judiciaire et traite notamment de l’indépendance interne comme de l’indépendance externe, du statut du juge (sélection et carrière, inamovibilité, terme des fonctions, rémunération et évaluation) et du régime de responsabilités. Dans le sens de la demande de l’Assemblée parlementaire, l’exposé des motifs de cette nouvelle recommandation fait référence à la lutte contre la corruption et prévoit qu’un « niveau de rémunération adéquat est un élément clé de la lutte contre la corruption des juges et vise à les protéger de pressions pouvant être exercées ».
4. Concernant la proposition de l’Assemblée d’élaborer un modèle de code de conduite à l’attention des acteurs du système judiciaire, le Comité des Ministres partage l’avis du GRECO selon lequel un code de conduite doit préconiser les niveaux les plus élevés de professionnalisme et d’intégrité du personnel judiciaire, contribuant ainsi à prévenir les fautes professionnelles et les actes de corruption. Le Comité des Ministres souligne qu’à ce propos, un chapitre du projet de recommandation révisée élaboré par le CJ-S-JUD traite de l’éthique des juges, invitant les Etats membres à énoncer des principes éthiques dans des codes d’éthique judiciaire. Cette question a par ailleurs été portée à l’attention du CDCJ lors de sa récente réunion plénière (11-14 octobre 2010), qui a pris note de la demande relative à l’opportunité et à la faisabilité d’élaborer un modèle de code de conduite professionnelle (ou d‘éthique judiciaire).
5. Le Comité des Ministres soutient la demande de l’Assemblée d’œuvrer pour une coopération plus étroite entre le GRECO et les institutions pertinentes de l’Union européenne afin d’éviter des duplications et de promouvoir des synergies. Il note que le GRECO affirme fermement sa volonté de contribuer à l’élaboration par l’Union européenne d’une politique globale de lutte contre la corruption et de favoriser à cet égard l’adhésion de l’Union européenne au GRECO.
6. S’agissant de la demande faite par l’Assemblée au paragraphe 6, à savoir que le Comité entreprenne une collecte d’informations chiffrées sur les poursuites et les condamnations des acteurs du système judiciaire dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres renvoie l’Assemblée aux résultats du prochain quatrième cycle d’évaluation du GRECO qui portera sur la « prévention de la corruption dans les assemblées parlementaires, dans la magistrature et parmi d’autres acteurs des procédures pré-judiciaires et judiciaires ».
7. Enfin, le Comité des Ministres gardera à l’esprit la demande de l’Assemblée de mettre à jour la Recommandation du Comité des Ministres Rec(2000)19 sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, et souligne que le CDCJ a récemment proposé que le rôle des procureurs en dehors de la sphère pénale fasse l’objet d’une future recommandation du Comité des Ministres, en lien avec l’Avis n° 3 du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) sur « Le rôle du ministère public en dehors du système de la justice pénale », proposition également à l’ordre du jour d’une prochaine réunion des Délégués des Ministres.

Annexe 1 au projet de réponse

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Commentaires du Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO)

1. Le GRECO note avec intérêt l’appel lancé par l’Assemblée parlementaire, dans le droit fil de la Résolution 1703 (2010), pour que l’éradication de la corruption judiciaire soit considérée comme une priorité de l’action du Conseil de l’Europe, en tant qu'elle affaiblit l'Etat de droit, pilier de toute démocratie pluraliste, et qu’elle favorise l'impunité.
2. Le GRECO a souvent constaté, dans le cadre de son travail de suivi, que l’impartialité, l’intégrité et la fiabilité du système judiciaire sont des sujets de préoccupation majeurs dans certains de ses Etats membres. Des systèmes judiciaires inefficaces et partiaux entravent la lutte contre la criminalité, y compris contre la corruption, et ébranlent la confiance du public dans les actions entreprises par les autorités. La justice doit être rendue et il faut que l’on voie qu’elle a été rendue.
3. C’est pourquoi le GRECO a, à maintes reprises, exhorté les Etats membres à prendre des mesures législatives et/ou institutionnelles d’ensemble afin de garantir fermement l’indépendance du système judiciaire et l’obligation pour ce dernier de répondre de ses actes. A cet égard, le GRECO souhaite attirer l'attention sur la Résolution Res(97)24 du Comité des Ministres portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, qui a inspiré les recommandations à multiples facettes du GRECO dans ce domaine. Plus particulièrement, le GRECO a recommandé le développement de systèmes objectifs, équitables et transparents pour le recrutement, la promotion et la révocation des magistrats ; l'amélioration des conditions matérielles du système judiciaire (traitements raisonnables, ressources et effectifs suffisants) ; la définition d’un mandat de juge et de procureur qui soit suffisamment long et libre de toute interférence indue ; la limitation stricte – selon le niveau nécessaire dans une société démocratique – de l’immunité d’instruction, de poursuites et de jugement pour les infractions de corruption.
4. Le GRECO note avec satisfaction le paragraphe 4 de la recommandation de l’Assemblée parlementaire, qui invite le Comité des Ministres à élaborer un modèle de code de conduite à l’attention des acteurs du système judiciaire, à l’instar du modèle de code de conduite pour les agents publics figurant en annexe à la Recommandation Rec(2000)10 du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics. Le GRECO estime, sur la base de sa longue expérience, qu’il est crucial d’établir des codes de conduite qui préconisent les niveaux les plus élevés de professionnalisme et d’intégrité du personnel judiciaire. Il faut souligner en particulier qu’un code de conduite contribue le plus efficacement à prévenir les fautes professionnelles et les actes de corruption quand il est juste et bien connu des personnes auxquelles il s’applique ainsi que du public, quand des mécanismes sont en place pour organiser des formations sur l’utilisation du code et apporter un conseil personnalisé à ceux qui en ont besoin et quand il existe des mécanismes adaptés et efficaces aux fins de la mise en œuvre des dispositions du code.
5. Pour finir, s’agissant du paragraphe 5, le GRECO se joint à l’Assemblée parlementaire pour insister sur la nécessité de renforcer la collaboration du GRECO avec les institutions compétentes de l'Union européenne afin d'éviter les duplications et de promouvoir les synergies. Dans le cadre du Programme de Stockholm, le GRECO réaffirme sa volonté de contribuer à l’élaboration par l’Union européenne d’une politique globale de lutte contre la corruption, conformément à l’invitation adressée par le Conseil européen à la Commission. Le GRECO approuve en particulier l'invitation adressée par le Conseil européen à la Commission de lui soumettre un rapport en 2010 sur les modalités d’adhésion de l’Union au GRECO. A cet égard, le GRECO fait part de sa volonté d’examiner ces modalités avec les services compétents de l’Union européenne en se basant sur le Statut du GRECO, sur la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) et sur la Convention civile sur la corruption (STE n° 174), qui prévoient déjà la possibilité pour l’Union européenne de devenir membre du GRECO.

Annexe 2 au projet de réponse

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Avis du Bureau du Comité européen de coopération juridique (CDCJ)

1. Suite à l’adoption par l’Assemblée parlementaire, à sa session du 27 janvier 2010, de la Recommandation 1896 (2010) sur « La corruption judiciaire », le Comité des Ministres 
			(2) 
			1077e réunion, 24 février
2010. a décidé d’envoyer cette recommandation au Comité européen de coopération juridique (CDCJ) pour information et observations éventuelles.
2. Le Bureau du CDCJ s’est félicité de la recommandation de l’Assemblée parlementaire dans le droit fil des priorités du CDCJ qui s’efforce, depuis des années, de promouvoir l’indépendance des juges, élément inhérent à l’Etat de droit et indispensable à l’impartialité des juges et au fonctionnement du système judiciaire.
3. Le Bureau du CDCJ salue la référence aux travaux du Groupe de spécialistes sur le pouvoir judiciaire (CJ-S-JUD) qui a été chargé en 2009 
			(3) 
			Le mandat
du CJ-S-JUD a expiré le 31/12/2009. de rédiger un projet de recommandation et d’actualiser la Recommandation Rec(94)12 relative à l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, en y intégrant les développements survenus depuis l’adoption de cette dernière et en renforçant sa portée.
4. Le Bureau du CDCJ a entrepris l’examen du projet de recommandation et de l’exposé des motifs correspondant produits par le CJ-S-JUD, invitant les délégations nationales à formuler des commentaires sur le projet en vue de son examen et de son adoption à la 85e réunion plénière du CDCJ (11-14 octobre 2010). Le projet de recommandation sera ensuite transmis au Comité des Ministres pour adoption.
5. La version actuelle du projet stipule que la rémunération des juges devrait être de niveau suffisant pour les mettre à l’abri de toute pression visant à influer sur leurs décisions et, comme l’a suggéré l’Assemblée parlementaire, il pourrait être fait référence à la lutte contre la corruption des juges dans l’exposé des motifs.
6. Concernant la suggestion faite au CJ-S-JUD de prendre en compte les Résolutions 1703 (2010) et 1685 (2009) de l’Assemblée parlementaire relatives respectivement à la corruption judiciaire et aux allégations d’utilisation abusive du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, le CJ-S-JUD a effectivement pu prendre note de cette dernière résolution mais pas de celle relative à la corruption judiciaire, qui n’avait pas encore été adoptée au moment où le groupe a tenu ses réunions.
7. S’agissant du paragraphe 4 de la Recommandation 1896 (2010) de l’Assemblée parlementaire, le Bureau du CDCJ souligne qu’un chapitre spécifique du projet de recommandation traite de l’éthique des juges, invitant les Etats membres à énoncer les principes éthiques dans des codes d’éthique judiciaire, et que le CDCJ pourrait envisager l’opportunité d’élaborer un modèle de code de conduite professionnelle (ou d‘éthique judiciaire) à sa prochaine réunion plénière.
8. Enfin, eu égard au paragraphe 7, le Bureau du CDCJ note que le CJ-S-JUD a décidé de mettre en relief l’importance de la Charte européenne sur le statut des juges, élaborée dans le cadre des réunions multilatérales du Conseil de l’Europe. A cet effet, il y est fait référence dans le préambule du projet de recommandation, parallèlement aux avis du Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE) et aux travaux de la Commission européenne sur l’efficacité du système judiciaire (CEPEJ).

Annexe 3 au projet de réponse

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Commentaires du Bureau du Conseil consultatif de juges européens (CCJE)

1. Lors de leur 1077e réunion (24 février 2010), les Délégués des Ministres ont convenu, entre autres, de communiquer la Recommandation 1896 (2010) sur « La corruption judiciaire » au Conseil consultatif de juges européens (CCJE) pour information et commentaires éventuels.
2. De manière générale, le CCJE tient à exprimer sa très grande satisfaction quant à l’existence d’une recommandation sur la corruption judiciaire.
3. Sur la disposition dans laquelle l’Assemblée parlementaire « invite le Comité des Ministres à élaborer un modèle de code de conduite à l’attention des acteurs du système judiciaire […] », en se référant à l’Avis n° 3 du CCJE, le CCJE émet le souhait, bien qu’il n’ait pas, en tant que Comité consultatif, de compétence normative, d’être impliqué dans l’éventuelle élaboration d’un code de conduite qui s’adresserait à l’ensemble des acteurs du système judiciaire. Le CCJE entend également souligner l’importance qu’un tel code soit préparé par les professionnels eux-mêmes.

Annexe 4 au projet de réponse

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Commentaires du Bureau du Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)

1. Lors de leur 1077e réunion (24 février 2010), les Délégués des Ministres ont convenu, entre autres, de communiquer la Recommandation 1896 (2010) sur « La corruption judiciaire » au Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE) pour information et commentaires éventuels.
2. De manière générale, le CCPE tient à exprimer sa très grande satisfaction quant à l’existence d’une recommandation sur la corruption judiciaire.
3. Sur la disposition encourageant le CCPE « à poursuivre son rôle de gardien de la bonne application de la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale, notamment en ayant à l’esprit l’indépendance des procureurs et au vu des réformes ayant eu lieu dans les Etats membres depuis l’adoption de la recommandation », le CCPE souligne que ce rôle de promotion de ladite recommandation est contenu dans le mandat du CCPE pour 2009/2010 et que chacun des membres du CCPE veille en permanence à faire connaître et expliquer la recommandation. Le CCPE informe également, qu’à l’occasion du 10e anniversaire de la Recommandation Rec(2000)19, il entreprendra en 2010 une étude d’impact dans les Etats membres pour savoir dans quelle mesure ladite recommandation y est connue et appliquée.
4. Sur la disposition encourageant le CCPE « à revoir cette recommandation de façon analogue à la révision en cours de la Recommandation Rec(94)12 », le CCPE précise que, bien qu’il n’ait pas compétence, en tant que Comité consultatif, pour revoir une recommandation du Comité des Ministres, il fera, le cas échéant, des propositions concrètes concernant une éventuelle révision, à la lumière des résultats de l’étude d’impact. Le CCPE précise en outre que la Recommandation Rec(2000)19 contient déjà certaines des mesures préconisées dans la Résolution 1703 (2010) de l’Assemblée parlementaire.
5. Sur la disposition dans laquelle l’Assemblée parlementaire « invite le Comité des Ministres à élaborer un modèle de code de conduite à l’attention des acteurs du système judiciaire (…) », en se référant à l’Avis n° 3 du CCJE, le CCPE se dit prêt à être impliqué, aux côtés du CCJE, dans l’éventuelle élaboration d’un code de conduite qui s’adresserait à l’ensemble des acteurs du système judiciaire et souligne l’importance qu’il soit préparé par les professionnels eux-mêmes. Outre l’Avis n° 3 du CCJE, le CCPE rappelle à ce sujet l’existence des Lignes directrices européennes sur l’éthique et la conduite des membres du Ministère public, dites « Lignes directrices de Budapest », adoptées par la Conférence des Procureurs généraux d’Europe le 31 mai 2005.