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Avis de commission | Doc. 12037 | 28 septembre 2009

Les défis posés par le changement climatique

(Ancienne) Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Luuk BLOM, Pays-Bas

Origine - Voir Doc. 12002 déposé par la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales. 2009 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)

La commission des questions économiques et du développement félicite le rapporteur, M. Prescott, et la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales pour cet excellent rapport qu’elle soutient pleinement. La commission reste convaincue que le changement climatique représente un défi majeur pour nos économies et qu’il impose à ces dernières de s’adapter et de se transformer en profondeur afin de préserver la qualité de vie des générations futures. Aujourd’hui, la crise économique mondiale offre une occasion unique de procéder à de telles transformations.

B. Exposé des motifs, par M. Luuk Blom, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La récente percée des partis et mouvements écologiques aux dernières élections européennes a mis en évidence l’impérieuse nécessité de prendre en considération les grands défis posés par le changement climatique pour l’avenir de nos sociétés et des générations futures.
2. Parmi les grandes questions qui s’imposent aujourd’hui aux décideurs publics et privés figurent les défis économiques étroitement liés aux préoccupations environnementales. Car bien souvent, investir dans le développement durable et dans la réduction des gaz à effet de serre permet de réaliser des économies substantielles aussi bien à moyen qu’à long terme. Ne pas investir dans ces énergies renouvelables contribue à accentuer le réchauffement climatique, et de ce fait, à augmenter dans un proche avenir les dépenses publiques liées aux conséquences du changement climatique. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime ainsi que le PIB mondial pourrait diminuer substantiellement si la température s’élevait de 2 à 3 degrés.
3. Aujourd’hui, la crise économique qui touche la plupart des économies de la planète et plus particulièrement les Etats membres du Conseil de l’Europe impose à ces derniers la nécessité d’anticiper les problèmes à venir. De plus, elle propose d’adopter des mesures et des projets qui répondent aussi bien à cette volonté de préserver l’environnement du réchauffement climatique. Ces mesures jetteront les bases d’une nouvelle économie moins riche en carbone.

2. Les conséquences économiques du changement climatique

4. De nombreux domaines de l’économie pourraient être touchés par le changement climatique, aussi bien dans le secteur marchand que non marchand. L’agriculture apparaît certainement comme le secteur de la vie économique le plus exposé. L’accès à l’eau et la raréfaction de cette ressource auront une incidence économique majeure dans des régions où le secteur agricole demeure extrêmement présent, aussi bien en termes d’alimentation que d’emplois. Le manque d’eau obligera les autorités publiques à investir dans de vastes infrastructures d’acheminement (réseaux d’aqueducs et d’assainissement, multiplication de systèmes de collecte des eaux de pluie, etc.) sans parler des investissements liés aux nouvelles contraintes d’adaptation énergétique.
5. L’économie du tourisme se trouvera également affectée par ces bouleversements climatiques. L’augmentation de la température modifiera la carte touristique et de nombreuses régions en Europe qui tirent leurs ressources de cette activité économique risquent d’être fortement pénalisées. Dans les Alpes par exemple qui couvrent plusieurs pays de notre Organisation, le manque de neige entraînera de fortes baisses de chiffres d’affaires.
6. Les conséquences du changement climatique sur le secteur non marchand auront également des répercussions économiques. L’érosion côtière et les migrations provoqueront des exodes urbains avec leurs problèmes de logement, de chômage ou d’insécurité. Les équipements de santé devront faire face à de nouvelles pathologies et s’adapter à ces dernières.

3. Les propositions économiques du rapport Stern (2006)

7. Le rapport sur l’économie du changement climatique (2006) de Sir Nicholas (à présent Lord) Stern, ancien chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) puis de la Banque mondiale a marqué un tournant dans la prise de conscience des dangers qui pèsent sur l’économie mondiale à propos du réchauffement climatique.
8. L’idée principale du rapport repose sur la constatation qu’investir aujourd’hui serait certes coûteux mais les pertes économiques seraient bien plus élevées si rien n’est fait. Economiquement, l’absence d’investissements visant à lutter contre le changement climatique causerait une perte de l’ordre de 5 % du PIB chaque année. Cette perte pourrait même s’élever jusqu’à 20 % du PIB en fonction de la dégradation du climat, de l’impact et des risques causés par cette dernière. Ce changement bouleversera profondément nos économies et nos activités, au même titre que les deux guerres mondiales.
9. A l’inverse, des investissements économiques prenant en compte le réchauffement climatique n’auraient qu’un coût annuel de 2 % du PIB. Pour cela, le rapport propose plusieurs éléments de réflexion. La réduction des gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement climatique, reste la priorité. A ce titre, des politiques industrielles doivent être menées dans ce sens. Créer de nouveaux outils pour répondre aux besoins de demain nécessite d’accroître les budgets de l’innovation et de la recherche afin de proposer de nouvelles technologies décarbonées notamment dans le domaine de l’énergie. Le volet agricole est également concerné et doit être intégré dans de vastes politiques de développement économique afin de permettre aux populations touchées par le réchauffement climatique de subsister économiquement.
10. Sans pour autant tomber dans une perspective alarmiste et apocalyptique, le rapport Stern évoque également les opportunités économiques créées par cette nouvelle orientation de nos politiques économiques. Ces efforts relanceront la croissance économique dopée par les nouvelles solutions en termes d’emplois et de marchés. Qu’il s’agisse de nouvelles sources d’énergies (solaire, éolienne) ou de produits et de services non carbonés, de nouvelles opportunités économiques seront dégagées grâce à ces investissements. Les marchés financiers trouveront également d’importantes opportunités pour développer de nouveaux instruments financiers et de change sur les marchés de l’économie décarbonée, des énergies propres ainsi que, bien évidemment, des assurances. Selon le rapport Stern, le potentiel économique du marché de l’énergie décarbonée pourrait s’élever à près de 500 milliards de dollars (350 milliards d’euros) en 2050 et peut-être plus. Au niveau des entreprises, ces opportunités permettront des économies substantielles, aujourd’hui gaspillées en matière de bénéfices et d’emplois. Selon une étude menée par Boston Consulting Group, les mesures prises en France en faveur de l’environnement dans le cadre du Grenelle de l’environnement entraîneraient dans les douze années à venir le maintien et la création de 600 000 emplois. Enfin, ces politiques assureront une sécurité des marchés énergétiques, profitable à tous les Etats membres de notre Organisation.

4. Les impératifs de la crise économique

11. La crise financière puis économique a mis en évidence la nécessité d’instaurer des mesures qui s’inscrivent dans le long terme et de ce fait, tiennent compte du changement climatique. Comme le rappelle le rapport de M. Prescott, les Etats-Unis ont, depuis l’élection de Barack Obama, donné le coup d’envoi de ces nouvelles politiques. Néanmoins et en dépit de l’inertie de l’administration Bush, l’Etat de Californie a, dès septembre 2006, adopté le Global Warming Solutions Act avec un calendrier de mesures s’étalant jusqu’en 2012 qui prévoit la réduction des émissions de CO2 de 25 % d’ici à 2020 et de 80 % d’ici à 2050. Economiquement, cette loi entraînera pour les citoyens californiens un gain estimé à près de 48 milliards de dollars. Le Président des Etats-Unis, Barack Obama, a également engagé les Etats-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique et a pris de nouvelles mesures au sein de son plan de relance économique et des diverses lois adoptées ou en cours d’adoption en faveur d’une économie propre (énergie, emplois dans l’économie verte, etc.).
12. Cependant, au sein des Etats européens, la décision d’intégrer dans les divers plans de relance économique, des volets consacrés au changement climatique, ne fait pas l’unanimité. La Commission européenne a certes adopté, en janvier 2008, plusieurs mesures allant dans ce sens et notamment une réforme du système d’échange de quotas d’émission (SCEQE) destinée à plafonner les émissions sur l’ensemble de l’Union européenne et dont les recettes pourraient atteindre 50 milliards d’euros par an en 2020. Ces recettes seront reversées aux Etats membres de l’Union européenne pour des investissements dans les énergies renouvelables et le stockage du carbone. La Commission européenne a également décidé en janvier 2009 de réallouer 5 milliards d’euros prévus dans son plan de relance aux énergies propres (3,5 milliards d’euros) et aux autres défis visant à lutter contre le changement climatique. La France n’a pas axé son plan de relance économique sur de nouvelles perspectives économiques liées aux grands défis posés par le changement climatique même si le gouvernement français a lancé un appel d’offres pour la construction d’ici à 2011 d’au moins une centrale solaire par région. Cette mesure représenterait un investissement d’environ 1,5 milliard d’euros, réparti sur trois ans. Cependant, seul un milliard sur les 19 programmés sera consacré aux énergies renouvelables et l’instauration de la taxe carbone qui devrait entrer en vigueur en 2010. Cependant, il serait bon qu’une initiative si importante, qui suscite encore beaucoup de débats, fasse l’objet de discussions et de politiques concertées à l’échelle européenne, pour éviter tout problème de concurrence.
13. Des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne ont, ces dernières années, engagé de gros efforts financiers dans les énergies renouvelables (solaire et photovoltaïque, éolienne) grâce notamment aux investissements de grands groupes industriels et bancaires comme E.ON ou EWE en Allemagne, leader européen incontesté de l’énergie éolienne. Mais la crise économique freine aujourd’hui le développement de ces énergies renouvelables alors que, au contraire, elles représentent une opportunité pour s’engager un peu plus dans cette voie énergétique.
14. Pour mener à bien ces efforts économiques, les différents Etats membres du Conseil de l’Europe devront se doter d’instruments économiques efficaces tels que les régimes d’assurances dans l’adaptation au changement climatique, les signaux-prix sur les marchés (diminution fiscale du prix d’un produit ou d’un service par l’Etat), des systèmes de financement à travers des partenariats publics-privés (afin d’alléger la pression sur les finances publiques), des mesures réglementaires incitatives et des mesures encourageant le développement. L’OCDE appelle d’ailleurs à réfléchir «au rôle que pourraient jouer le marché et les mécanismes réglementaires qui pourraient faciliter l’adaptation» 
			(1) 
			Aspects
économiques de l’adaptation au changement climatique, OCDE, 2008..

5. Vers la Conférence des Nations Unies (COP15) à Copenhague (7-18 décembre 2009)

15. Comme l’a souligné Nicholas Stern dans son rapport, ce problème est global et doit être traité au niveau international. C’est tout l’objet du Forum des économies majeures sur l’énergie et le climat (MEF) qui s’est réuni à plusieurs reprises (notamment à Paris les 25 et 26 mai 2009) entre les grands pays développés et les pays en développement. Les aspects économiques et financiers font également l’objet de discussions permanentes dans de nombreuses enceintes internationales où se retrouvent certains Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment le dialogue de Gleneagles sur les changements climatiques, l’énergie propre et le développement durable (pays du G8, Espagne, Pologne) chargé d’établir la connexion entre les activités de l’industrie énergétique et les changements climatiques.
16. L’OCDE a également pris position dans ce sens. Lors de son conseil ministériel tenu les 24 et 25 juin 2009, elle a adopté une déclaration sur la croissance verte qui souhaite accentuer les efforts entrepris pour mettre en œuvre des stratégies de croissance verte, dans le cadre de notre réponse à la crise actuelle et au-delà, en reconnaissant que «croissance» et «souci de l’environnement» peuvent aller de pair. De plus, l’OCDE a été invitée à mettre en place une stratégie pour la croissance verte qui conduise au redressement économique et à une croissance économique écologiquement et socialement durable. Aujourd’hui, il apparaît plus que vital que nos économies doivent opérer un véritable tournant vers l’économie verte.
17. En vue de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatiquequi se tiendra entre le 7 et le 18 décembre 2009 à Copenhague, la capitale danoise est le lieu d’un forum permanent où se tiennent de grandes réunions et conférences internationales autour du changement climatique. Ainsi du 24 au 26 mai 2009 s’est tenu le sommet mondial des entreprises sur le changement climatique «Les entreprises peuvent fournir les moyens pour qu’il soit possible de vivre dans une société durable et moderne», a ainsi affirmé la ministre du Climat et de l’Energie du Danemark, Connie Hedegaard. Reconnaissant que la réduction des gaz à effet de serre est vitale pour l’avenir social, économique et environnemental des entreprises, les participants ont adopté l’appel de Copenhague prévoyant la réduction par les entreprises des gaz à effet de serre, de forts investissements dans des technologies à faibles émissions déjà existantes et dans le développement de nouvelles technologies. Dans cette optique, l’OCDE organise les 4 et 5 novembre 2009 un forum mondial sur l’environnement dédié à l’éco-innovation.
18. Puis le Sommet des collectivités locales sur le changement climatique (2-4 juin 2009) toujours à Copenhague est revenu sur le rôle des municipalités dans l’accord sur le changement climatique qui entrera en vigueur en 2012. De nombreux thèmes comme la variété des mécanismes financiers pour les collectivités locales, les transports, les transferts de technologie ou l’implication du secteur privé ont été évoqués. Enfin, la Suède, présidente de l’Union européenne depuis le 1er juillet 2009 souhaite également avancer sur ce terrain en instaurant une taxe carbone au sein de l’Union européenne. Comme le rappelle Emma Lindberg, experte des questions de changement climatique à la Société suédoise pour la protection de la nature «La taxe carbone est une bonne initiative. La Suède souhaite aussi montrer que le changement climatique est une bonne opportunité économique pour l’Europe, un moyen de créer des emplois et de nouveaux marchés.» 
			(2) 
			La
Croix, 24 mai 2009. A ce titre, le rapporteur souligne la nécessité d’une concertation au niveau européen.

6. Conclusion

19. Le changement climatique pose à nos sociétés de multiples défis et notamment économiques. Il devient urgent, comme le rappelle le rapport Stern d’investir dans l’économie verte et dans la lutte contre le réchauffement climatique afin de ne pas hypothéquer l’avenir de nos économies mais également le futur de nos sociétés, celles dans lesquelles vivront nos enfants et nos petits-enfants. Ces efforts nécessitent d’investir aujourd’hui dans des solutions rentables à long terme et respectueuses d’un environnement qui n’a cessé et continue de se dégrader.
20. Une vaste dynamique de consultations multilatérales s’est engagée afin de parvenir à un accord lors de la conférence de Copenhague en décembre 2009. Celui-ci devrait marquer une étape importante dans la lutte contre le réchauffement climatique grâce à la possibilité d’un accord sur le financement qui devrait instaurer de nouveaux instruments financiers et surtout entériner un engagement économique important des parties concernées. Comme l’a rappelé le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, le 3 septembre dernier, «les scientifiques ont été accusés pendant des années d’être des alarmistes. Mais les vrais alarmistes ce sont ceux qui disent que l’on ne peut engager une action pour le climat car cela ralentirait la croissance économique».

C. Propositions d’amendements

(open)

Au nom de la commission, le rapporteur propose d’apporter au projet de résolution figurant dans le rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales (Doc. 12002) les modifications suivantes:

Amendement A (au projet de résolution)

A l’alinéa 12, ajouter à la fin la phrase suivante: «Il importe donc d’investir entre autres dès à présent dans une nouvelle économie verte qui relancera de façon durable la croissance économique mondiale et répondra de manière efficace aux défis économiques qui s’annoncent».

Amendement B (au projet de résolution)

A l’alinéa 17, ajouter à la fin: «et demeure convaincue que l’investissement dans de nouvelles technologies propres ne pourra que profiter économiquement au tissu industriel des pays concernés et au développement des entreprises.»

Amendement C (au projet de résolution)

Après l’alinéa 22.12, ajouter un nouvel alinéa ainsi libellé: «Enfin, l’Assemblée parlementaire encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe à trouver des solutions économiques en termes d’approvisionnement énergétique qui soient propres et moins dépendantes des énergies fossiles. Ces solutions devront permettre de favoriser une croissance économique partagée par tous et d’éviter de nouveaux conflits.»

__________

Commission saisie pour rapport: commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Commission pour avis: commission des questions économiques et du développement

Renvoi en commission: Renvoi 3447 du 29 septembre 2008

Projet d’avis adopté à l’unanimité par la commission des questions économiques et du développement le 28 septembre 2009

Secrétariat de la commission: M. Newman, Mme Ramanauskaite, M. de Buyer et M. Pfaadt