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Rapport | Doc. 12424 | 22 octobre 2010

Renforcer la sécurité énergétique de l’Europe en utilisant davantage le gaz naturel liquéfié

(Ancienne) Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Miloš MELČÁK, République tchèque

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11827, Renvoi 3537 du 29 mai 2009. 2010 - Commission permanente de novembre

Résumé

Ce rapport souligne l’importance de la sécurité énergétique pour le bon fonctionnement des Etats européens et la compétitivité de leurs économies à l’heure de la mondialisation. Atteindre un niveau optimal de sécurité énergétique reste un enjeu économique et politique de taille, qui nécessite une coopération interétatique et institutionnelle plus étroite en Europe. Cette approche est particulièrement indiquée pour développer les options énergétiques sous-exploitées, comme les systèmes de gaz naturel liquéfié (GNL), qui pourraient non seulement servir de complément en cas de défaillance des structures conventionnelles d’approvisionnement en énergie, mais aussi devenir un élément stratégique du système énergétique européen.

Grâce à une meilleure utilisation des systèmes de GNL, les pays européens pourraient tirer pleinement avantage du marché mondial du gaz naturel, en croissance rapide, réaliser des économies substantielles à long terme sur leur facture énergétique et renforcer leurs infrastructures de stockage et de réserves afin de compenser à tout moment les ruptures d’approvisionnement. De plus, les pays disposant de réseaux de voies navigables intérieures bien développés pourraient envisager de mettre en place une gestion intégrée de ces réseaux et de leurs systèmes énergétiques, notamment pour ce qui est du transport du GNL.

C’est pourquoi ce rapport salue le Plan d’action de l’Union européenne en matière de solidarité et de sécurité énergétiques, ainsi que les programmes de recherche et d’investissement concernant les infrastructures énergétiques qui visent à soutenir, entre autres, le développement d’installations de GNL, surtout dans les nouveaux Etats membres de l’Union et dans les pays candidats. Le rapport propose aussi toute une série de mesures pratiques que les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient prendre pour remédier aux points faibles de leur consommation d’énergie.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 5 octobre
2010.

(open)
1. La sécurité énergétique, cruciale pour le bon fonctionnement des Etats, constitue également un facteur essentiel de compétitivité pour les économies européennes dans le contexte de la mondialisation. Toute l’Europe se préoccupe en permanence de la sécurité énergétique, comme en ont témoigné récemment un certain nombre de crises gazières et autres incidents. L’Assemblée parlementaire estime que parvenir à des niveaux optimaux de sécurité énergétique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe constitue une tâche ambitieuse du point de vue économique ainsi qu’une raison impérieuse d’intensifier la coopération politique.
2. Cherchant à faire émerger une compréhension commune des risques en matière de sécurité énergétique et des réponses politiques possibles dans la Grande Europe, l’Assemblée a, à de nombreuses reprises, insisté sur l’importance que revêtent la diversification des produits, techniques et trajets d’approvisionnement de l’énergie ainsi que la nécessité d’économiser l’énergie, de faire des choix d’investissement solides et de mieux coordonner les politiques énergétiques dans toute l’Europe. L’Assemblée est convaincue que, malgré les difficultés économiques actuelles, les décideurs doivent rester concentrés sur l’objectif stratégique d’un développement durable sur le long terme et soutenu par de l’énergie en suffisance, à des coûts abordables, accessible et propre, en préservant aussi un certain degré de solidarité et de coopération transfrontalières dans le secteur énergétique.
3. Bien que les pays européens utilisent une large gamme de ressources énergétiques pour répondre aux besoins de leurs économies et des ménages, la plupart dépendent de manière prédominante du pétrole et du gaz importés. Qui plus est, bon nombre de pays d’Europe centrale et orientale ont un fournisseur unique et un nombre restreint de voies d’approvisionnements pour leurs importations, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux à-coups de l’offre, avec des conséquences économiques, politiques et sociales directes.
4. Il est possible de mieux garantir la sécurité des futurs approvisionnements en gaz naturel, qui compte parmi les plus importantes sources d’énergie, en recourant davantage à des options sous-exploitées telles que les systèmes de gaz naturel liquéfié (GNL). L’Assemblée note que les efforts visant à développer le GNL en Europe peuvent contribuer significativement à une sécurité énergétique accrue sur le plan national, en particulier en Europe centrale et orientale. Les systèmes de GNL pourraient non seulement servir de complément en cas de défaillance imprévue des structures conventionnelles d’approvisionnement en énergie, mais aussi devenir un élément stratégique du système énergétique européen.
5. Grâce à une utilisation plus intensive des systèmes de GNL, les pays européens pourraient tirer pleinement avantage du marché mondial de gaz naturel en rapide croissance, dégager des économies substantielles à long terme sur leur facture énergétique et optimiser les infrastructures de stockage et de réserves afin de compenser les ruptures d’approvisionnement en périodes de pointe ou minimiser les dysfonctionnements de l’approvisionnement énergétique en général. En outre, les pays dotés de réseaux fluviaux et de canaux étendus pourraient envisager de développer le transport de GNL pour un acheminement jusqu’aux utilisateurs finaux grâce à ces voies navigables, et créer ainsi un réseau de gazoducs virtuel qui ne serait jamais engorgé et permettrait d’acheminer le GNL vers les lieux dont les caractéristiques géographiques, démographiques ou écologiques ne justifient pas la pose de gazoducs traditionnels.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle que l’Europe est dotée d’un réseau de voies navigables intérieures très étendu qui offre un mode de transport comparativement peu onéreux, efficient, propre et fiable. Comme elle le soulignait dans sa Résolution 1473 (2005), ce réseau présente un potentiel de développement important, jusqu’ici largement inexploité, par exemple grâce au projet de canal Danube-Oder-Elbe. Dans la perspective de promouvoir la coopération économique régionale, les liaisons de transport multimodales et l’utilisation du GNL, les pays européens devraient porter davantage d’intérêt à la gestion intégrée de leurs voies navigables et systèmes énergétiques.
7. L’Assemblée se félicite du plan d’investissement de 4 milliards d’euros en faveur des infrastructures énergétiques qui a été adopté par l’Union européenne en 2009, du Plan d’action de l’Union européenne pour la solidarité et la sécurité énergétiques et du Plan stratégique pour les technologies énergétiques accompagné du 7e Programme-cadre pour la recherche et le développement technologiques 2007-2013, qui pourraient, entre autres choses, servir à soutenir le développement d’infrastructures de GNL dans les nouveaux Etats membres de l’Union et les pays candidats à l’adhésion.
8. L’Assemblée demande donc aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. d’étudier les vulnérabilités actuelles et futures dans leur utilisation de l’énergie au niveau national en vue de mettre en place des mesures adéquates de sécurité pour faire face aux situations d’urgence et d’apporter les améliorations structurelles nécessaires à la poursuite de la diversification et à une utilisation plus efficace de leurs approvisionnements énergétiques;
8.2. de lancer des programmes de coopération régionale pour un développement coordonné de leurs infrastructures et réseaux de transport transfrontaliers de GNL;
8.3. de mener rapidement à bien les travaux préparatoires en vue de la réalisation de la liaison fluviale Danube-Oder-Elbe;
8.4. de lancer une étude de faisabilité internationale sur le développement du réseau de transport de GNL utilisant le bassin du Danube;
8.5. de travailler à la gestion intégrée de leurs réseaux de voies navigables et de leurs systèmes énergétiques;
8.6. de saisir les opportunités d’investissement existant dans le domaine des infrastructures et technologies du GNL grâce au Plan d’investissement 2009 de l’Union européenne en faveur des infrastructures énergétiques, au Plan d’action pour la solidarité et la sécurité énergétiques et au Plan stratégique pour les technologies énergétiques;
8.7. de réexaminer la possibilité de créer un opérateur indépendant de système de transmission européen dans le cadre du troisième paquet de l’Union européenne de libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité.

B. Exposé des motifs, par M. Melčák, rapporteur

(open)

1. Introduction: comment l’Assemblée parlementaire voit la sécurité énergétique

1. Dès 2005, la commission des questions économiques et du développement avait soulevé la question de la vulnérabilité croissante de l’Europe en matière énergétique 
			(2) 
			Voir Résolution 1434 (2005) sur la vulnérabilité croissante de l’Europe en matière
d’énergie, Doc. 10458 (rapporteur: M. Radu-Mircea Berceanu, Roumanie, SOC). ; elle avait tiré la sonnette d’alarme à propos de l’appétit apparemment insatiable de la plupart des pays européens en matière de consommation énergétique, avec pour corollaire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés, ce qui ne laisse pas d’être préoccupant du fait d’un durcissement de la compétition mondiale pour les ressources en énergie primaire, d’autant que cette tendance semble difficilement conciliable avec les engagements écologiques ambitieux de l’Europe au titre du Protocole de Kyoto.
2. Les conséquences économiques et politiques de cette dépendance croissante à l’égard des importations énergétiques étaient d’autant plus patentes que la coopération énergétique entre les pays européens demeurait limitée, même dans le cadre du Marché unique de l’Union européenne. En janvier 2006, ainsi qu’en janvier 2009, les alarmes ont brutalement retenti lorsque les fournitures de gaz russe à l’Europe centrale et occidentale via l’Ukraine ont été brutalement réduites 
			(3) 
			Selon les estimations
des pouvoirs publics, la dernière crise du gaz aurait occasionné
des pertes de 800 à 900 millions d’euros, notamment en Bulgarie,
en Hongrie, en Croatie, en Serbie et en République tchèque. du fait d’une décision unilatérale autant qu’arbitraire du premier pays fournisseur de l’Europe. Nous avons alors réalisé que l’approvisionnement énergétique – et en particulier la fourniture de gaz naturel et de pétrole – peut être utilisé comme instrument de pression politique 
			(4) 
			Voir Recommandation 1779 (2007) et Résolution
1531 (2007), «Danger de l’utilisation de l’approvisionnement énergétique
comme instrument de pression politique», Doc. 11116 (rapporteur: M. Marko Mihkelson, Estonie, PPE/DC). et devenir pour nos Etats membres soit une pomme de discorde, soit un élément fédérateur.
3. Alors que la présidence tchèque de l’Union européenne, au premier semestre de 2009, a fait de la sécurité énergétique la première des priorités pour 27 pays, votre rapporteur est persuadé que les 47 Etats du Conseil de l’Europe doivent également avoir leur mot à dire dans la recherche de solutions intelligentes dans ce domaine. Les difficultés économiques actuelles ne devraient pas nous faire perdre de vue nos objectifs stratégiques pour un développement durable sur le long terme et soutenu par une énergie suffisante, à un coût abordable, accessible et propre, ainsi que par un certain degré de solidarité et de coopération transfrontières dans le secteur énergétique.
4. Le manque de fiabilité des partenaires sur le plan de la production et du transfert des ressources ainsi que les difficultés à faire respecter les contrats, dont on a eu amplement la preuve lorsque les fournitures de gaz naturel ont été stoppées, sont un signal d’alarme pour l’avenir également. Outre les incertitudes politiques et économiques internes à certains Etats fournisseurs, on note déjà clairement des écarts par rapport à des plans d’investissement naguère conséquents, voire des réductions dans la conjoncture actuelle marquée par la crise économique. On peut donc s’attendre à une aggravation supplémentaire des problèmes liés aux limites technologiques et aux capacités auxquelles se heurtent les systèmes existants de production et de transfert, ce qui aura un impact sur les volumes de gaz disponibles pour les consommateurs européens.
5. Dans ces circonstances, pour les approvisionnements futurs et la distribution de gaz naturel, l’un des produits énergétiques les plus significatifs, il ne faut pas compter sur une simple «amélioration» des conditions actuelles en matière d’approvisionnement. Nous devons dès à présent commencer à rechercher et à nous ouvrir de nouvelles possibilités jusque-là ignorées. Dans ce contexte, l’urgence du problème connexe de la sécurité du transport a aussi pris toute sa dimension, que ce soit pour le transport par des gazoducs traversant des territoires sur lesquels les Etats consommateurs ne peuvent pas avoir d’influence ou au niveau multinational.
6. Pour que se dégage un terrain d’entente sur les risques en matière de sécurité énergétique et sur les possibilités de réponses au niveau politique, les membres de l’Assemblée ont suggéré que la diversification des produits et des technologies énergétiques, le transfert des technologies, les économiques d’énergie, des choix d’investissement sains, l’innovation technologique et des politiques énergétiques mieux coordonnées pourraient contribuer à garantir la stabilité des flux énergétiques en Europe, ce qu’on appelle la sécurité du transport. Votre rapporteur entend mettre en valeur le rôle que le transport de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment par le biais des voies navigables, pourrait jouer pour contribuer à mieux assurer la sécurité énergétique dans bon nombre de pays d’Europe. Cela pourrait aussi constituer une réponse à la crise économique en cours.

2. L’importance du gaz naturel dans l’équilibre énergétique des pays européens

7. Les pays européens utilisent une large palette de ressources énergétiques au service de leurs économies et des ménages. Chaque Etat a sa propre formule énergétique, utilisant en proportions variables des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), le nucléaire et des sources d’énergie renouvelable (géothermie, énergie éolienne et hydraulique, biomasse, biocarburants et énergie solaire). Or, malgré tout, la plupart des pays sont encore excessivement dépendants du pétrole et du gaz. En effet, seul un petit nombre de pays (l’Azerbaïdjan, le Danemark, la Norvège, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni) sont autosuffisants en énergie et produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. En outre, la plupart des pays d’Europe centrale et orientale dépendent d’importations pétrolières et gazières provenant d’une source unique d’approvisionnement.

2.1. Principales caractéristiques des marchés du gaz naturel

8. Le gaz naturel est la deuxième plus importante source d’énergie pour l’Europe. Il représente environ 25 % de la consommation énergétique de l’Union européenne, contre 37 % pour le pétrole. La majeure partie du gaz naturel provient de gisements britanniques, néerlandais, italiens, roumains, allemands et danois. On importe également, en quantités diverses, du gaz de Russie, de Norvège et d’Algérie.
9. Le gaz naturel étant transporté sur des distances considérables, les infrastructures pour ce faire constituent le maillon le plus onéreux de l’ensemble de la chaîne de transport du gaz depuis le lieu de son extraction jusqu’au client. Le gaz naturel modifié peut être transporté par gazoduc ou sous forme liquéfiée par méthanier.
10. L’Europe est actuellement dotée d’un réseau dense de gazoducs. Pour les plus récents, les pressions en fonctionnement atteignent les 10 MPa et les tuyaux ont parfois des diamètres supérieurs à un mètre (par exemple en République tchèque, où des gazoducs d’un diamètre de 1 400 mm sont en exploitation). Certains gazoducs sont posés sur le fond sous-marin, comme pour le transport du gaz de la mer du Nord ou de l’Afrique vers l’Europe.
11. Les méthaniers sont utilisés pour les transports maritimes sur de longues distances. Le gaz naturel comprimé (GNC) et le gaz naturel liquéfié sont ainsi acheminés d’Algérie, du Nigéria, d’Australie ou du Qatar vers l’Europe. Le gaz naturel est comprimé ou liquéfié dans les installations sur la côte et transféré par pompage dans le méthanier. Au terminal de destination, le navire est vidé par pompage dans des cuves de stockage et, à l’état gazeux, dans les gazoducs.
12. Les importations de gaz de la Russie – transitant pour l’essentiel par l’Ukraine – représentent quelque 26 % de la consommation de l’Union européenne, soit environ 40 % du gaz importé consommé par les ménages et les industries. En Europe centrale et orientale, le gaz russe représente jusqu’à 87 % du total des importations et 60 % de la consommation. Ainsi, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la République slovaque se fournissent à 100 % en gaz russe, et la Bulgarie et la République tchèque à 94 % et à 82 % respectivement; en Europe du Nord, la Finlande s’approvisionne totalement en gaz naturel auprès de la Russie voisine.

2.2. Le gaz naturel, source d’énergie «plus propre»

13. La demande mondiale de gaz naturel augmente en moyenne de 1,6 % par an, et devrait connaître une croissance significative au cours des prochaines décennies. Les pays européens ont choisi de se reposer de plus en plus sur le gaz naturel pour des raisons écologiques: on note une tendance nette à remplacer les combustibles fossiles, très polluants (en particulier le charbon et le lignite, mais aussi le pétrole), par du gaz naturel, qui est plus propre à la combustion 
			(5) 
			Pour produire un même
niveau de chaleur, l’utilisation de gaz naturel permet de réduire
les émissions de CO2 (sans parler d’autres polluants) d’environ
25 % par rapport au pétrole, et de 65 % par rapport au charbon., et, dans certains pays, par le nucléaire. Toutefois, comme des débats au sein de l’Assemblée l’ont montré, l’énergie nucléaire continue de diviser l’opinion publique du fait de soucis concernant la sécurité et le traitement des déchets. Les sources d’énergie renouvelable pourraient, en apparence, se révéler des alliées providentielles dans cette situation, mais la réalité montre que leur potentiel n’est pas si facile à concrétiser, pour des raisons écologiques, et que leur contribution à la sécurité énergétique est utile, mais limitée.

2.3. Des questions de prix et d’approvisionnement

14. A mesure que la demande européenne de gaz naturel augmentera, les réserves et la production des gisements gaziers en Europe occidentale vont diminuer, et les importations de gaz augmenter. Actuellement, la majeure partie du gaz naturel, transportée sur le continent par des gazoducs, emprunte des trajets déterminés à l’avance, qui ne peuvent pas être modifiés rapidement pour réagir à l’évolution des conditions de marché ou de la situation politique. Cela a pour conséquences que toute perturbation de l’approvisionnement demande un certain temps avant d’être résolue, et que l’économie de bon nombre de pays européens risque d’en être affectée.
15. Outre qu’il est le combustible fossile le plus propre, largement utilisé dans toute l’Europe, le gaz naturel offre d’importantes possibilités d’économies sur la facture énergétique. Jusqu’ici, les prix du gaz suivaient les cours du pétrole ou des produits pétroliers, mais avec un avantage en termes de production et de valeur énergétique, ce qui permettait au gaz d’être relativement plus attrayant que le pétrole sur le plan du coût. Alors que le ralentissement économique international a, temporairement, pesé sur la demande de pétrole et de gaz, l’évolution des cours a montré une déconnexion intéressante entre ces deux types de carburant.
16. Le cours du baril de pétrole, qui s’établissait autour de 140 dollars des Etats-Unis en juillet-août 2008, a brutalement chuté à l’automne 2008, touchant le fond à 40 dollars le baril avant de se stabiliser autour de 70 dollars le baril actuellement. En revanche, la dynamique des cours du gaz équivalents sur la même période a montré un recul constant mais plus régulier (passant de 7 à 8 dollars par mmBtu 
			(6) 
			«mmBtu»
est l’abréviation pour millions d’unités thermiques britanniques;
7 à 8 dollars par mmBtu équivaut à un cours du pétrole se situant
autour de 40 à 50 dollars le baril. à 4 à 5 dollars par mmBtu) du fait de l’excédent d’offre de gaz sur le marché international, qui a stimulé de manière remarquable la compétitivité du gaz par rapport au pétrole. Cette tendance devrait se maintenir à l’avenir, les nouvelles technologies permettant aux grands pays producteurs de gaz de récupérer des quantités supplémentaires considérables de gaz des couches de roche schisteuse. Pour les experts, il s’agit là de rien de moins qu’une ouverture exceptionnelle pour débloquer des ressources gigantesques dans le monde entier, ce qui transformera de manière radicale la géopolitique du gaz naturel 
			(7) 
			«Europe looks to U.S.
to reach vast gas stocks», International Herald Tribune, 8 octobre
2009..
17. La sécurité de l’approvisionnement et de l’acheminement du gaz naturel, en tant qu’une des sources d’énergie les plus importantes, ne peut pas être assurée par des «améliorations» du système existant. Les options sous-exploitées, telles que le GNL, doivent attirer davantage l’attention. Les efforts visant à accélérer le développement du GNL ont été jugés les plus réalistes du point de vue de la sécurité de l’énergie et du transport au niveau national. Les systèmes de GNL devraient servir non seulement d’élément de «complément opérationnel» en cas de pannes inopinées des ressources énergétiques standards, mais également de composante stratégique du système énergétique européen.

3. L’acheminement de gaz naturel liquéfié par transport terrestre – une option pour les pays enclavés

3.1. Les spécificités de la production et du transport du GNL

18. Le gaz naturel liquéfié représente environ 26 % du négoce international de gaz naturel 
			(8) 
			La part du GNL dans
les fournitures nationales de gaz des pays industrialisés va d’environ
2 % aux Etats-Unis à 100 % au Japon., mais seulement 12 % en Europe. Ce négoce augmente en raison du déclin des ressources nationales de gaz naturel dans les pays consommateurs, parce que ceux-ci souhaitent diversifier leur approvisionnement et parce que les pays producteurs de gaz commercialisent de plus en plus de GNL. Le GNL constitue également une option intéressante d’approvisionnement non limitée par la capacité des réseaux existants de gazoducs ou par les facteurs politiques. Particulièrement adapté aux acheminements sur longue distance, il permet aux pays de diversifier leurs importations énergétiques et de se doter également de capacités de stockage et de réserves significatives.
19. Une fois déchargé dans les terminaux d’importation ou les installations de stockage locales, le GNL peut être acheminé par route, rail ou voies navigables pour la desserte d’installations secondaires ou de stations de remplissage pour les véhicules, comme c’est le cas aux Etats-Unis, dans certains pays asiatiques et en Australie. Toutefois, la situation est différente en Europe, où les terminaux d’importation de GNL le regazéifient en quasi-totalité et l’acheminent aux consommateurs sous forme gazeuse par gazoduc. Il existe quelques programmes expérimentaux de transport de GNL par rail, route ou voie d’eau en Espagne et au Royaume-Uni.
20. Pour obtenir du GNL, on utilise des technologies de refroidissement pour le processus de condensation et des techniques spéciales d’isolation pour le transport. Même si le processus de liquéfaction du gaz et d’ajustement des infrastructures est onéreux, le recours accru au GNL contribuerait à réduire les frais d’investissement et de fonctionnement à moyen et long terme. Pour l’avenir, il est essentiel de développer cette option énergétique et de donner des conseils politiques dans ce sens aux décideurs européens, tant du secteur privé que du secteur public.
21. Les processus de liquéfaction, de stockage et de regazéification du gaz naturel sont certes technologiquement complexes, mais ils sont bien maîtrisés. Depuis les années 1960, on transporte du GNL par voie maritime depuis des pays en développement disposant de vastes ressources en gaz naturel vers des pays industrialisés gros consommateurs de cette énergie.
22. Le gaz une fois liquéfié est plus facile à transporter sur de longues distances depuis les sites de production, puisque son volume est réduit: un litre de GNL correspond à environ 600 litres de gaz naturel extrait naturellement. Cette technique, qui consiste à porter la température du gaz à –163° Celsius, est utilisée depuis les années 1960 et contribue pour une très grande part à assurer les besoins énergétiques mondiaux. Alors que la production mondiale devrait doubler entre 2004 et 2010, le GNL pourrait représenter bientôt environ un tiers des flux de gaz totaux, avec des volumes de plus de 300 millions de tonnes par an.
23. En Europe, le gaz naturel était acheminé par gazoduc jusqu’à la fin des années 1960; puis le premier terminal de GNL a été construit en 1968, en Espagne; un autre a été mis en service en 1971 en Italie. Aujourd’hui, les importations de gaz naturel des pays de l’Union européenne proviennent essentiellement de la Fédération de Russie (24 %), de Norvège (17 %) et d’Algérie (11 %). Le reste de leurs besoins est couvert par leur propre production (environ 36 %) et par du GNL (à peu près 12 %), livré dans des terminaux spécialisés situés sur le littoral.
24. Bien qu’il n’y ait pas, en Europe, de livraisons directes de GNL aux consommateurs en dehors des gazoducs, le transport de GPL (gaz de pétrole liquéfié) et de GNC (gaz naturel comprimé) par route est bien développé dans des pays comme la Turquie, l’Espagne, le Portugal, la Pologne, la Norvège, la Russie, la Finlande et, en dehors de l’Europe, aux Etats-Unis, au Japon, en Corée et en Australie. Certains pays, dont l’Allemagne, l’Indonésie, le Pakistan, le Chili et le Brésil, utilisent le GNC pour les transports. A la connaissance du rapporteur, seuls les Etats-Unis (Californie) et l’Australie utilisent le GNL comme carburant.
25. Du fait de sa forte densité et de sa faible pression, le gaz comprimé est plébiscité en tant que carburant pour les transports, puisqu’il est plus économique à la fois en termes de coût et de distance parcourue (il coûte 30 % moins cher que le diesel) et que, dans certains pays, il peut bénéficier d’un taux de taxation réduit. De plus, en unité pondérale, le GNC et le GNL ont une valeur calorifique supérieure de 31 % à celle du pétrole. Le GNL est aussi relativement bien placé par rapport au gaz transporté par gazoduc: le coût de la liquéfaction et du transport est comparable à celui de la compression et de la recompression du gaz en gazoduc.
26. Le GNL est inodore, non toxique, non corrosif et non explosif à l’état liquide. S’il se répand accidentellement, il s’évapore rapidement sans contaminer les sols. Comme pour tous les carburants, certaines précautions s’imposent dans la manutention du GNL pour éviter des fuites inflammables. Les technologies actuelles prévoient le stockage et le transport de GNL dans des réservoirs à double paroi qui ressemblent à des thermos géants. Des pertes minimes par évaporation peuvent se produire si l’isolation n’est pas parfaite. Lorsque le GNL est transporté par méthaniers, ces fuites sont généralement orientées vers les moteurs pour propulser le navire, ce qui permet d’éviter toute perte de gaz.
27. La flotte mondiale de méthaniers se compose pour l’essentiel de navires de haute mer d’une capacité de 120 000 à 140 000 m3, qui va bientôt être doublée dans les nouveaux navires. Pour le transport de GNL à l’intérieur des pays, les navires de transport sont bien entendu de contenance moindre, avec une capacité allant jusqu’à 2 000 à 4 000 m3. Sur le plan technique, il est possible de porter cette capacité à environ 20 000 m3 en s’adaptant aux conditions locales lorsque les ponts sur les fleuves sont de hauteur suffisante. Le tirant d’eau nécessaire pour les bateaux fluviaux de transport de GNL est plutôt faible, étant donné la faible gravité du GNL (il est deux fois et demie plus léger que l’eau). Du fait des propriétés du GNL, son transport est moins dépendant des niveaux d’eau en cours d’année. Ainsi, on estime que, sur une année, le GNL pourrait être transporté 70 % du temps via l’Elbe depuis Hambourg jusqu’en République tchèque, et sur le Danube de la Roumanie jusqu’en Hongrie, Slovaquie et Autriche pratiquement toute l’année.
28. Pour les pays enclavés d’Europe centrale, qui disposent de réseaux de voies navigables particulièrement denses et dont les caractéristiques géographiques, démographiques ou écologiques ne justifient pas la pose de gazoducs, il est particulièrement intéressant de transporter le GNL par ce moyen, d’autant que cela permet aussi d’exploiter des petits gisements de gaz dont la capacité limitée est insuffisante pour justifier la construction de gazoducs. En Europe, les voies navigables intérieures offrent une solution de transport intéressante pour le GNL. En fait, pour l’acheminement du GNL (par containers), on pourrait considérer les rivières et les canaux comme un réseau de gazoducs virtuels venant compléter les gazoducs à proprement parler.

Terminaux européens de GNL prévus (horizon 2010) 
			(9) 
			Šebor
G., Pospíšil M. et Žákovec J., Technicko – ekonomická analýza vhodných
alternativních paliv v dopravě. Vysoká škola chemicko – technologická
v Praze, 2006. – carte non exhaustive.

Graphic
29. Ce réseau peut commencer à un terminal maritime ou des lieux de stockage intermédiaire de GNL. Les réservoirs de stockage peuvent être souterrains ou non. Les réservoirs actuellement en service ont une capacité de 160 000 m3 lorsqu’ils sont construits à l’air libre et de 200 000 m3 lorsqu’ils sont souterrains – ce qui représente environ la taille d’un transporteur moyen de GNL.

3.2. Considérations économiques pour une utilisation accrue du GNL

30. En 2005, on comptait une cinquantaine de terminaux d’importation de GNL dans le monde. Neuf Etats membres du Conseil de l’Europe – la Belgique, la France, la Grèce, l’Italie, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni – disposent d’au moins un de ces terminaux et absorbent environ un quart du total des flux du GNL transporté dans le monde. D’autres terminaux pour le GNL sont actuellement en cours de construction ou prévus notamment en Allemagne, à Chypre, en Croatie, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie et en Ukraine. La Russie, le plus gros producteur mondial de gaz, a ouvert son premier terminal d’exportation de GNL sur l’île de Sakhaline en février 2009 et prévoit d’en construire trois de plus (sur le gisement offshore de Shtokman en mer de Barents, au nord de Mourmansk 
			(10) 
			Ce projet conjoint
de Gazprom (Russie), Total S.A. (France) et StatoilHydro (Norvège)
pourrait commencer à livrer du GNL en 2014, si tous les aspects
techniques et financiers du projet sont réglés dans les délais., sur la péninsule de Yamal, dans le Nord, et dans la ville extrême-orientale de Vladivostok) d’ici à 2020. Cependant, de manière générale, les pays d’Europe centrale et orientale sont nettement en retard pour ce qui est de mettre à profit les opportunités offertes par les technologies utilisées pour le GNL.
31. Les pays d’Europe de l’Ouest disposant d’infrastructures pour la réception de GNL semblent très peu affectés par des interruptions occasionnelles de fourniture de gaz telles qu’en connaissent les Etats d’Europe centrale et orientale qui importent une grande partie de leur gaz via des gazoducs depuis la Russie. En fait, les deux dernières crises gazières qui ont opposé la Russie et l’Ukraine ont révélé la vulnérabilité énergétique des pays d’Europe centrale, orientale et du Sud-est, apportant ainsi de l’eau au moulin de ceux qui militent pour un accroissement des capacités en GNL dans cette région. Or, dans le même temps, le premier pays producteur de gaz – la Russie – a des raisons impérieuses d’augmenter sa propre capacité de production et de négoce du GNL sur les marchés mondiaux.
32. L’augmentation permanente de la production de GNL dans le monde et le recul des prix du gaz stimulent le développement de nouveaux projets dans le secteur du GNL pour les pays importateurs de gaz, dans le cadre de leur stratégie de diversification et de recherche d’une «énergie plus propre» pour leur approvisionnement. Les pays qui choisissent d’utiliser davantage le GNL en tant que carburant pour les véhicules sont en passe de voir se multiplier (par un facteur 3) les avantages par rapport à l’utilisation d’infrastructures conventionnelles pour le gaz naturel. Le GNL est également un choix de carburant tout à fait adapté pour les systèmes de stockage et de réserve destinés à compenser les pénuries en périodes de pic de demande ou à atténuer de manière générale les ruptures dans la fourniture énergétique. De nouvelles utilisations du GNL, par exemple pour le chauffage des habitations individuelles et des serres, sont actuellement testées en Chine et pourraient, à l’avenir, aboutir à des applications concrètes considérables en Europe.
33. Cela s’explique par un certain nombre de raisons interconnectées:
  • le GNL est une ressource systémique qui n’a pas encore été intégrée par bon nombre de pays dans leur équilibre énergétique;
  • sa mise en œuvre est donc à l’évidence un complément aux différentes sources de l’équilibre énergétique; en revanche, bon nombre de pays ne sont encore techniquement pas prêts à utiliser le GNL;
  • les sources de négoce du GNL sont souvent distinctes des sources primaires de gaz naturel commun, tant sur le plan géographique (Qatar, Algérie, Nigéria, mais aussi Norvège, Russie, Australie, etc.)que sur le plan technique (stations de liquéfaction);
  • les systèmes de transport de GNL sont à 98 % totalement séparés des routes de transport de gaz naturel;
  • le GNL peut être utilisé pour accroître considérablement les capacités de stockage stratégique;
  • le transport maritime est utilisé pour les approvisionnements de base depuis les lieux d’extraction et peut se poursuivre sur le continent en empruntant les voies d’eau intérieures;
  • grâce au transport maritime, il est possible d’optimiser tant sur le plan économique que sur le plan écologique le réseau de transport routier et ferroviaire, qui atteint rapidement ses limites de capacités en divers lieux stratégiques (ports européens);
  • les approvisionnements, transfert et utilisation de GNL dans bon nombre de pays européens à façade maritime démontrent que cette activité pourrait être développée davantage;
  • à cet égard, un réseau de base pour l’importation de GNL en Europe a déjà été mis en place et le développement se concentre désormais sur le transfert et la consommation à l’intérieur de l’Europe.
34. Passer aux technologies du GNL exige des investissements importants. Si les coûts de production 
			(11) 
			Le
processus de liquéfaction pourrait représenter pratiquement la moitié
des coûts d’investissement dans l’ensemble de la chaîne de valeur
du GNL. et de transport sur de longues distances sont assumés par les exportateurs, la plupart des pays européens ne sont, pour leur part, concernés que par les processus liés à la réception, à la distribution locale et à la regazéification. Ces processus doivent être basés sur des analyses approfondies de faisabilité et de coût, et doivent bénéficier d’un appui politique à long terme aux niveaux national et régional. En outre, si les réseaux fluviaux sont envisagés pour la chaîne de distribution, comme le suggère votre rapporteur, il conviendra alors de mener des études de développement supplémentaires.
35. L’utilisation accrue du GNL en Europe revêt une importance majeure en tant que catalyseur exceptionnellement fort d’investissement dans divers secteurs économiques, mais en particulier pour la structure d’approvisionnement des matières premières. Outre qu’elle influe sur les choix d’énergie (pour la vente en gros comme en détail), le GNL sert également de moteur du développement pour la métallurgie, l’ingénierie mécanique, les technologies de régulation ainsi que, voire à un niveau supérieur, dans le bâtiment et les travaux publics, la gestion de l’eau, l’agriculture, l’industrie chimique (engrais) et le transport. Le GNL constitue donc un gisement particulièrement important de développement économique en Europe et au-delà. Ainsi, l’acceptation de GNL comme un élément des politiques en matière d’énergie doit s’appuyer sur le fait que le GNL est en train de devenir un maillon permanent du système énergétique et pas seulement une solution de rechange en cas d’interruption de l’approvisionnement en énergie.

3.3. Le Danube, cas idéal pour une étude de faisabilité internationale

36. Alors que l’Europe dispose d’un intense réseau de voies navigables – un mode de transports comparativement peu onéreux, efficient, propre et fiable 
			(12) 
			Voir Résolution 1473 (2005) sur les voies navigables européennes: le point sur le
projet de canal Danube-Oder-Elbe. Voir aussi Doc. 10730 (rapporteur: M. Márton Braun, Hongrie, PPE/DC). –, seuls trois pays européens s’en servent de manière significative. Ainsi, la part du transport fluvial aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne représente respectivement quelque 44 %, 14 % et 13 % de l’ensemble des activités de transport. A cet égard, votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur l’énorme potentiel du Danube et de son bassin pour le transport de GNL.
37. Le Danube – deuxième plus long fleuve d’Europe, qui relie l’Allemagne, l’Autriche, la République slovaque, la Hongrie, la Croatie, la Serbie, le Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie et l’Ukraine – est un maillon essentiel, bien que sous-utilisé, du réseau de transport continental. Sa profondeur est telle que des navires de taille respectable peuvent l’emprunter et ses ponts sont suffisamment élevés pour laisser passer des transporteurs de GNL pouvant naviguer en mer et sur les fleuves. En outre, le Danube relie d’importants centres de consommation de gaz (zones urbaines et industrielles) en Roumanie, en Serbie, en Hongrie, en Slovaquie et en Autriche, ainsi que de grandes infrastructures de stockage de gaz et tout un ensemble de réseaux d’approvisionnement en gaz. Le Gouvernement roumain prévoit de construire un terminal de GNL à Constanţa pour importer du gaz d’Azerbaïdjan via les installations de liquéfaction géorgiennes. Avec le soutien de l’Union européenne, ce projet pourrait être étendu aux pays voisins et leur fournir ainsi un accès à une offre de GNL stratégiquement importante.
38. Afin de promouvoir la coopération économique et les liaisons de transport multimodal en Europe centrale, des efforts ont été récemment déployés pour relier le Danube à la mer du Nord et à la mer Baltique via des canaux artificiels, l’Elbe et l’Oder. Des investisseurs tchèques, slovaques et autrichiens sont vivement intéressés par l’achèvement du projet de canal reliant le Danube à l’Oder et à l’Elbe dans le cadre du Réseau de transports transeuropéens de l’Union européenne et de l’Accord européen sur les grandes voies d’eau d’importance internationale. Ce projet vise à compléter les maillons manquants dans le réseau des voies navigables. Sa réalisation permettrait aux pays de la région de maximiser les avantages de ce commerce, y compris grâce à des installations plus importantes pour le transport de marchandises telles que le GNL et leur stockage dans les réservoirs existants souterrains au sud-est de la République tchèque, à l’ouest de la République slovaque et en Autriche orientale.
39. Lors de l’évaluation des conditions économiques et environnementales pour la mise en œuvre de ce projet stratégique, la nécessité d’atténuer les conséquences de la longue période de déclin du développement des transports fluviaux en Europe centrale apparaît comme primordiale. Au vu de l’importance du corridor fluvial Danube-Oder-Elbe (auparavant le canal Danube-Oder-Elbe), il faudra que les institutions européennes concernées interviennent pour assurer la protection optimale de l’environnement sur le territoire réservé pour la construction du corridor, notamment en République tchèque. Une telle approche devrait neutraliser des pressions unilatérales de la part des environnementalistes ou des lobbies industriels locaux, pour être en cohérence avec la législation de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.
40. De ce point de vue, le Danube et les principaux fleuves adjacents (l’Oder et l’Elbe) peuvent être considérés comme un corridor supplémentaire très utile de transport de gaz naturel en Europe centrale suivant l’axe nord-sud, et pourraient contribuer à intensifier la coopération régionale dans plusieurs domaines. L’enjeu est en fait non seulement d’ouvrir une voie de transport importante mais également de tirer parti des avantages complémentaires dus aux retombées d’un investissement dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’énergie, de la protection contre les inondations, des loisirs et de l’emploi.
41. Votre rapporteur propose donc que la commission des questions économiques et du développement et l’ensemble de l’Assemblée parlementaire réitèrent leur appui à l’achèvement rapide des travaux préparatoires en vue de la réalisation de la connexion Danube-Oder-Elbe et préconisent une étude de faisabilité internationale sur le développement du transport de GNL via le bassin du Danube. En outre, comme les débats en commission l’ont fait apparaître, les éventuelles retombées de ce projet sur le trafic maritime dans le détroit du Bosphore et dans l’ensemble de la région en termes de sécurité et d’environnement doivent être étudiées avec un soin particulier.

4. Vers une coopération innovante en matière énergétique pour une plus grande unité en Europe

42. Au cours des dernières années, nous avons connu des bouleversements majeurs sur les marchés mondiaux et européens de l’énergie. La crise financière que nous traversons et les obstacles économiques qu’elle entraîne dans toute l’Europe ont fait plonger la croissance et la consommation énergétique. Des experts des instances internationales de l’énergie – que ce soit le Forum international de l’énergie, le Conseil mondial de l’énergie, l’Agence internationale de l’énergie, la Charte de l’énergie – et les grandes compagnies du secteur – Gazprom, E.ON Rurhgas, Statoil ou l’ENI – ont signalé un ralentissement majeur de près de 20 % dans les activités de production et d’investissement énergétiques pour 2009 (bien que la consommation de gaz ait connu un recul moindre, d’environ 9 % seulement) du fait de la crise économique 
			(13) 
			Conclusions présentées
durant l’atelier «Sécurité énergétique et crise financière», organisé
à Genève du 18 au 20 novembre 2009 dans le cadre de la 18e session
annuelle du Comité sur l’énergie durable de la Commission économique
pour l'Europe des nations unies (CEE-NU).. Cette réaction aux signaux des marchés devrait durer environ deux ans.
43. Le secteur de l’énergie ressent la contraction essentiellement du fait de la réduction des activités économiques, du tassement de la demande d’énergie, du renchérissement des conditions d’emprunt et de la volatilité des prix. Les acteurs clés du secteur hésitent sur les investissements à long terme, ce qui pourrait entraîner plus tard des pénuries et des ruptures d’approvisionnement énergétique. Or, il faut investir massivement aujourd’hui pour que le développement reprenne sans heurt lorsque les économies occidentales seront sorties de la crise et auront renoué avec la croissance.L’importance du gaz naturel et du GNL devrait croître avec le temps, en particulier pour les pays européens. Alors que les combustibles fossiles continueront de dominer la gamme énergétique en Europe 
			(14) 
			Actuellement, trois
quarts des centrales en cours de construction sont conçues pour
fonctionner avec des combustibles fossiles, alors que les investissements
dans l’efficience énergétique et les énergies renouvelables commencent
très lentement à modifier la situation., le gaz naturel peut servir à assurer la transition vers un avenir plus propre en termes énergétiques.
44. Il faut absolument davantage de coordination et de solidarité au niveau régional pour optimiser les grands choix technologiques et d’investissement. Une sécurité énergétique accrue à l’avenir passe par l’équité de l’interdépendance entre acheteurs et fournisseurs, guidée par des incitations politiques claires, une vision à long terme et une plus grande transparence des marchés. Comme le souligne l’Agence internationale de l’énergie dans ses dernières «Perspectives mondiales de l’énergie», la portée et l’envergure du défi énergétique est énorme – bien plus que les gens ne le réalisent. Mais ce défi, nous pouvons et nous devons le relever. Selon une étude de la Commission européenne 
			(15) 
			«Interconnecter
l’Europe – Nouvelles perspectives pour les réseaux d’énergie transeuropéens»,
Commission européenne, DG-Tren, 2008., l’Europe devra investir pas moins de 1,6 milliard de milliards d’euros d’ici à 2030 pour simplement remplacer des infrastructures vétustes dans le secteur de l’électricité et du gaz. En 2009, les Etats membres de l’Union européenne ont adopté une mesure de relance sous la forme d’un plan d’investissement de 4 milliards d’euros en faveur des infrastructures énergétiques, dont les premiers effets pourraient se faire sentir dès 2010.
45. Les pays d’Europe centrale et orientale demeurent trop dépendants d’un fournisseur unique de gaz naturel (pour l’essentiel, la Russie), tandis que les pays d’Europe occidentale doivent préserver leur diversité d’approvisionnement au moment où les ressources en gaz naturel de la mer du Nord diminuent progressivement. Les experts énergétiques estiment qu’une part croissante de GNL dans la combinaison énergétique globale permettrait aux pays européens d’accéder à près de 80 % des réserves mondiales de gaz avérées et accroître par là même la diversité d’approvisionnement, tout en s’ouvrant de meilleures possibilités d’accéder à des cours du gaz plus favorables sur les marchés spot. Pour ce faire, il convient de se doter de capacités adéquates de terminaux d’importation du GNL et de stockage.
46. Des études de Capgemini ont montré que, si tous les nouveaux terminaux de GNL prévus en Europe sont construits, les capacités seront suffisantes et peut-être même excédentaires. Cependant, la plupart de ces terminaux sont construits en Europe de l’Ouest. La construction de nouveaux grands gazoducs se heurte à de nombreuses difficultés financières. Votre rapporteur est convaincu que le principal défi pour les pays européens consistera donc à ne plus envisager le problème de la sécurité des approvisionnements à l’échelle nationale mais à une dimension plus large englobant toute l’Europe et à s’unir pour mettre en œuvre une politique énergétique véritablement européenne, parallèlement aux efforts nécessaires au niveau national.
47. L’Union européenne peut sans aucun doute jouer un rôle moteur essentiel à cet égard, en particulier pour ce qui est des orientations politiques sur une sécurité énergétique renforcée, la mise en œuvre de normes pour l’efficience énergétique et le développement de technologies intelligentes dans le domaine de l’énergie. Le Plan stratégique pour les technologies énergétiques (plan SET) de l’Union européenne, avec le 7e Programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (FP7), qui s’étend de 2007 à 2013 avec une enveloppe de 2,35 millions d’euros, se concentre sur la recherche et l’innovation dans l’énergie non nucléaire. Ce sont, certes, des plans relativement modestes si on les compare aux récentes initiatives des Etats-Unis, du Japon, de la Chine et de la Corée, mais ils pourraient servir à entamer une étude de faisabilité pour améliorer l’intégration des terminaux de GNL au réseau européen de transport par voies navigables et pour explorer les perspectives de développement du secteur du GNL en Europe centrale et orientale.
48. La sécurité énergétique est désormais en permanence au cœur des préoccupations en Europe, ce qui implique que les politiques suivent la question de près et qu’il soit nécessaire de mieux comprendre nos vulnérabilités, tant présentes que futures 
			(16) 
			La CEE-NU a identifié
pas moins de 150 facteurs de risques en matière de sécurité énergétique
et mène actuellement une étude d’importance majeure., dans le domaine de l’utilisation de l’énergie. Dans ce contexte, votre rapporteur souhaite souligner que le fait que l’Europe dépende de plus en plus des importations de certaines sources primaires d’énergie ne signifie pas automatiquement que tous les pays européens deviennent plus vulnérables. En fait, importer davantage d’énergie à un prix abordable et provenant de sources diversifiées pourrait stimuler à la fois la compétitivité locale et le développement dans les pays exportateurs d’énergie. Il est donc important de faire la distinction entre notre vulnérabilité énergétique à court terme, qui exige des mesures de sécurisation pour faire face à des urgences, et la vulnérabilité à long terme, qui exige des mesures structurelles pour la diversification des approvisionnements en énergie. Votre rapporteur est persuadé que la coopération européenne pour développer à terme le réseau de GNL sur le continent peut et doit contribuer à un développement économique plus équilibré et à une sécurité énergétique accrue pour tous les usagers.