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Rapport | Doc. 12609 | 09 mai 2011

Promouvoir le microcrédit au service d'une économie plus sociale

Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Márton BRAUN, Hongrie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12064, Renvoi 3624 du 25 janvier 2010. 2011 - Commission permanente de mai

Résumé

Conçu à l’origine pour favoriser le développement dans le tiers-monde, le microcrédit est aussi devenu aujourd’hui un outil essentiel pour lutter contre la pauvreté dans le monde développé. Il est souvent utilisé comme un moyen d’encourager le travail indépendant et la création des micro-entreprises. Dans de nombreux cas, il s’inscrit dans le cadre de mesures destinées à favoriser le passage du chômage à une activité indépendante. Le microcrédit peut ainsi contribuer aux politiques d’inclusion sociale. Il revêt une importance particulière dans les zones rurales et peut contribuer de manière notable à l’intégration des minorités ethniques et autres, que ce soit sur le plan économique ou social.

Cela étant, le rapport met en garde contre les limites du microcrédit: si le mouvement en faveur de la microfinance a permis d’améliorer l’accès au crédit, la vision «romantique» du pauvre qui serait un créateur d’entreprise potentiel plein de créativité fait abstraction des causes structurelles de la pauvreté dans les différents pays.

Le rapport souligne que les opérations de microcrédit, du fait de l’interdépendance entre les systèmes financier, de l’emploi et de la protection sociale, doivent être vues dans le contexte plus large du cadre juridique et du dispositif d’aide existants. Il est par ailleurs essentiel, pour le succès de ces opérations, de faciliter la transition du chômage, ou de l’assistanat, vers le travail indépendant. Le rapport propose un certain nombre de mesures pour créer l’environnement économique favorable nécessaire pour promouvoir le développement et le bon fonctionnement des institutions de microfinancement dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 13 avril 2011.

(open)
1. Le microcrédit est un outil essentiel pour lutter contre la pauvreté, un investissement judicieux dans le capital humain. Il est souvent utilisé comme un moyen d’encourager le travail indépendant ainsi que la création et le développement des microentreprises. Dans de nombreux cas, il s’inscrit dans le cadre de mesures destinées à favoriser le passage du chômage à une activité indépendante. Le microcrédit peut donc jouer un rôle important pour promouvoir l’inclusion sociale. Il revêt une importance particulière dans les zones rurales et peut contribuer de manière notable à l’intégration des minorités ethniques et des immigrés, que ce soit sur le plan économique ou social.
2. Du fait de l’interdépendance entre les systèmes financier, de l’emploi et de la protection sociale, les opérations de microcrédit doivent être vues dans le contexte plus large du cadre juridique et du dispositif d’aide existants. Il est temps de considérer le microcrédit comme un outil de progrès socio-économique de nos sociétés (notamment dans les domaines de l'emploi et de la cohésion socio-économique). Il convient de noter que le microcrédit, qui n’est pourtant pas un concept nouveau, est utilisé différemment d’un Etat membre du Conseil de l'Europe à l’autre, selon le cadre politique et la législation en place. Si les Etats membres ont déjà pris des mesures afin de promouvoir le microcrédit, il semble que ce soit des mesures très ciblées, parfois uniquement applicables au niveau local. Or, il est essentiel de définir clairement les modalités et les structures des établissements de microcrédit pour en garantir le bon fonctionnement et l'utilité pour la société.
3. L’Assemblée parlementaire invite par conséquent les Etats membres à adapter leurs cadres institutionnel, juridique et commercial respectifs de manière à créer un contexte plus favorable au développement du microcrédit, notamment:
3.1. en concevant des politiques de l’emploi qui garantissent à terme une égalité de traitement entre les travailleurs indépendants et les salariés;
3.2. en favorisant le travail indépendant et les microentreprises au moyen d’une campagne d’information et de sensibilisation visant le grand public et menée dans les écoles, les universités et les agences pour l’emploi;
3.3. en introduisant des mesures visant à lever les obstacles d’ordre juridique, fiscal et administratif, telles que l’exonération des charges sociales pour les entreprises débutantes ou des procédures d’enregistrement simplifiées pour les nouvelles microentreprises, et à favoriser l’accès à des marchés plus nombreux et moins coûteux.
4. L’Assemblée encourage également les Etats membres à créer un environnement économique favorable au développement des institutions de microfinancement et n’excluant aucune catégorie de la population:
4.1. en réduisant les charges d’exploitation grâce à des régimes fiscaux favorables, qu’ils consistent en exonérations fiscales pour les institutions de microfinancement ou en réductions d'impôts pour les particuliers ou les entreprises qui investissent dans leurs activités;
4.2. en améliorant le cadre institutionnel pour les travailleurs indépendants et les microentreprises;
4.3. en accroissant les chances de réussite des nouvelles microentreprises grâce à des services de formation, d’accompagnement et d'aide au développement des entreprises;
4.4. en apportant une assistance technique et un soutien général à la consolidation et au développement des institutions de microfinancement non bancaires, y compris au niveau régional;
4.5. en apportant un capital financier supplémentaire aux organismes de microcrédit.
5. Concernant la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), l’Assemblée réitère son invitation à utiliser plus largement les accords de coopération conclus avec l’Union européenne, les institutions financières internationales et les agences spécialisées des Nations Unies afin de partager les coûts et de mettre en commun les pratiques, les compétences, l’expérience et les risques. La Banque devrait en particulier concentrer ses efforts sur les activités de cofinancement dans les pays qui en ont le plus besoin, concernant notamment le microfinancement, l’entrepreneuriat féminin, les migrants, la cohésion socioéconomique, l’efficience énergétique et les priorités nationales de développement. Cela augmenterait sa visibilité, son impact sur le développement et sa capacité en matière de prise de risque.
6. L’Assemblée se félicite de la participation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe aux initiatives prises en faveur du microcrédit. Le Congrès a déjà mis l’accent sur les possibilités que pouvait offrir la microfinance au niveau local et régional dans sa Résolution 263 (2008) et sa Recommandation 244 (2008) sur la consommation responsable et finance solidaire, ainsi que dans sa Résolution 294 (2009) sur le surendettement des ménages: la responsabilité des régions. L’Assemblée soutient l’appel du Congrès invitant les collectivités territoriales à promouvoir la solidarité envers les plus vulnérables – y compris les personnes exclues du système bancaire traditionnel – notamment en développant les microfinancements, et le microcrédit en général, par le biais de partenariats avec des professionnels.
7. Enfin, l’Assemblée se félicite des activités – hautement pertinentes – menées de longue date par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dans le domaine du financement des petites entreprises (la BERD est le plus gros investisseur en la matière en Europe de l’Est et en Asie centrale) et l'encourage:
7.1. à continuer à offrir aux petites et microentreprises privées un accès durable aux services financiers à travers divers établissements financiers et des investissements novateurs;
7.2. à apporter une assistance à ses institutions partenaires afin de renforcer leurs capacités techniques;
7.3. à engager un dialogue politique afin de créer un environnement propice dans les pays où elle intervient.

B. Exposé des motifs, par M. Braun, rapporteur

(open)

1. Introduction: du tiers-monde aux pays développés

1. Le microcrédit, instrument développé et popularisé par le lauréat du prix Nobel de la Paix en 2006, Muhammad Yunus, est en passe de se généraliser dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il s’agit d'un ensemble de produits financiers accessibles à des personnes traditionnellement exclues du système bancaire classique. Le microcrédit représente aujourd’hui 11,69 milliards de dollars des Etats-Unis dans le monde, et près de 150 millions de personnes en bénéficient.
2. L’instrument du microcrédit a, dans un premier temps, été pensé pour favoriser le développement des pays du tiers-monde. Il a changé la vie de millions de foyers en Asie du Sud, en Amérique latine et en Afrique, tout en favorisant le développement économique de leurs pays. La microfinance a, en effet, joué un rôle crucial dans ces pays, en fournissant des services financiers aux personnes à faible revenu qui n’ont pas accès au système bancaire traditionnel. Loin d’être une panacée pour éradiquer la pauvreté, comme certains l’affirment, elle a néanmoins permis à nombre de personnes démunies dans le monde de créer des entreprises.
3. Les succès du microcrédit dans les pays en voie de développement ont convaincu certains pays industrialisés des multiples avantages de la microfinance. Dès lors, cet instrument est en passe de se développer afin d’aider les ménages les plus pauvres. La France, l’Allemagne et même les Etats-Unis testent le microcrédit, véritable chance pour les plus démunis, à travers différentes mesures et politiques publiques, ou par le biais d’entreprises parapubliques.
4. Dans l’Union européenne, les prêts inférieurs à 25 000 euros relèvent du microcrédit. Ces prêts sont tout à fait adaptés aux micro-entreprises employant moins de 10 personnes, qui représentent 91 % des entreprises européennes. 99 % des nouvelles entreprises en Europe sont des micro-entreprises et un tiers d’entre elles sont créées par des personnes sans emploi. Ces micro-entreprises sont exclues des prêts bancaires traditionnels pour diverses raisons, notamment le risque financier qu’elles représentent pour les organismes prêteurs.
5. En outre, la crise économique et financière que nos économies traversent met en lumière certaines limites du système libéral tel qu’il est actuellement pratiqué et pourrait donner une impulsion nouvelle à la microfinance. Muhammad Yunus a d’ailleurs déclaré en février 2010 que «cette crise [était] une chance pour redessiner le système» 
			(2) 
			Libération,
4 février 2010.. Selon lui, il faudrait saisir l’occasion pour «repenser les institutions financières, repenser les agences de notation, [et] repenser les banques». Différents changements doivent être envisagés afin d’offrir une chance aux citoyens les plus affectés par la crise. La promotion de la microfinance en Europe peut donc être considérée comme l’un des changements nécessaires pour les sociétés européennes.
6. Il s'agit d'une démarche similaire à celle qui anime les débats internationaux quant à la nécessité de prendre des mesures pour réguler le monde de la finance et des banques afin d’éviter de réitérer, une fois de plus, les mêmes erreurs.

2. Un moyen de pallier les inégalités socio-économiques et d’améliorer la cohésion sociale

7. Le microcrédit est un outil essentiel pour lutter contre la pauvreté, un investissement judicieux dans le capital humain. L’idée de prêter de l’argent aux plus défavorisés afin de les sortir de la misère économique dans laquelle ils vivent est aujourd’hui de plus en plus acceptée mais les conditions d’obtention de crédit sont souvent draconiennes et les taux de remboursement des prêts restent exceptionnellement élevés. C’est pourquoi le rapporteur juge utile de promouvoir le microcrédit comme une alternative de financement pour les personnes en difficultés, pour qu’elles puissent se voir offrir des opportunités de réussite sociale.
8. La crise économique actuelle a particulièrement touché les populations fragiles comme les femmes, les ménages les plus pauvres, les jeunes et les travailleurs indépendants. Les dispositifs de microcrédit pourraient avoir un impact positif sur les politiques de soutien aux membres les plus vulnérables de la société.
9. Dans certaines régions du monde, la microfinance est utilisée pour servir l’objectif d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes. En Inde, par exemple, la BRWD (Base for Rural Women Development), organisme créé par l’organisation non gouvernementale INDP (Intercultural Network for Development and Peace) a permis aux femmes de prendre une position dans la société en Inde. Cette initiative a eu des répercussions remarquables en termes de dignité et d’indépendance des femmes. Je tiens à rappeler ici que l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie des grands enjeux défendus par l’Assemblée parlementaire, et que tout outil qui pourra aider à sa mise en œuvre doit être par conséquent utilisé au sein des Etats membres 
			(3) 
			Voir
aussi la Résolution 1328
(2003) de l'Assemblée sur les femmes et les microcrédits,
et le Doc. 9696,
rapport de la commission sur l'égalité des chances entre les femmes
et les hommes..
10. Ce même raisonnement peut ensuite s’appliquer à toute population fragile, que ce soit des minorités nationales, des personnes handicapées ou encore des jeunes qui sont de plus en plus touchés par le chômage. Ici, le rapporteur souhaite insister sur la dimension sociale que peut avoir le microcrédit, si son utilisation est ciblée sur des populations qui connaissent des difficultés plus importantes.
11. L’utilisation de la microfinance dans ce cadre doit être envisagée comme un complément des politiques sociales mises en place dans les différents Etats membres du Conseil de l’Europe. Je tiens ici à souligner que toute action gouvernementale peut être plus efficace si elle est accompagnée par des initiatives de la société civile.

3. Un outil pouvant favoriser le développement régional

12. Depuis plusieurs années, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe demande à l’Assemblée de «reprendre l’étude du développement régional des pays membres dans le nouveau contexte paneuropéen» 
			(4) 
			Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux, Recommandation 69 (1999) sur le partenariat
économique régional – facteur de cohésion sociale en Europe.. Par conséquent, le rapporteur juge intéressant, dans le cadre de ce rapport, de mettre en avant les avantages notables que pourrait apporter le microcrédit quant à cette problématique.
13. Deux aspects doivent faire l’objet d’une analyse: d’une part, la question des zones rurales enclavées et, d’autre part, la question des disparités régionales au sein des Etats du Conseil de l’Europe. En adoptant des politiques en faveur du développement régional, que ce soit à petite ou moyenne échelle, les gouvernements européens agissent pour plus de cohésion sociale sur leur territoire et favorisent donc la stabilité sociopolitique de leur pays.
14. Tout d’abord, les politiques de désenclavement économique des territoires ruraux pourraient être complétées par des dispositifs de microfinance. En France, la région Poitou-Charentes a mis en place le «microcrédit Poitou-Charentes» qui a permis à plus de 1 000 ménages de faire face à des difficultés financières et de retrouver le chemin de l’emploi, grâce par exemple à l’acquisition d’une voiture dans des zones rurales enclavées. En Allemagne, une nouvelle initiative intitulée «Ich AG» (entreprise uninominale) véhicule l’idée selon laquelle le travail indépendant est un choix de carrière viable et intéressant. En France, la création de micro-entreprises est désormais reconnue comme un moyen de réinsérer les personnes sans emploi, qui bénéficient de certaines exonérations de charges sociales au cours des trois premières années d’activité.
15. A mon avis, les gouvernements européens devraient soutenir en priorité les institutions de microfinance qui tentent d’axer leur activité en faveur du développement économique et social des territoires en difficulté. En effet, une telle politique pourrait avoir de multiples répercussions positives dont la baisse des disparités régionales en Europe serait la plus importante. Ici, le cas de la Pologne et des difficultés de cinq de ses régions (Varmie-Mazurie, Podlachie, Lublin, Basses-Carpates et Sainte-Croix) semble être une bonne illustration 
			(5) 
			Site
de l’Union européenne, programme opérationnel «Développement de
la Pologne orientale».. Sa finalité est de «stimuler la croissance économique et de surmonter la stagnation qui marginalise les régions de Pologne orientale».
16. L’utilisation de la microfinance pour le développement régional semble être tout à fait appropriée. En favorisant le développement de nouvelles activités, le microcrédit pourrait permettre un plus grand dynamisme économique, une amélioration des conditions de vie des citoyens, et par voie de conséquence il pourrait atténuer les conflits liés à des sentiments d’injustice entre régions d’un même Etat.
17. Ce problème lié aux disparités régionales doit, selon le rapporteur, être pris au sérieux. Les difficultés que rencontrent actuellement des pays comme la Belgique ou l’Espagne sont des facteurs d’instabilité politique et peuvent, au moins en partie, s’expliquer par des déséquilibres économiques entre les régions.
18. Ainsi, je souhaite que les Etats du continent entament une réflexion sur les perspectives de développement régional qu’offre l’outil du microcrédit, afin de travailler ensemble pour une meilleure cohésion entre les territoires et un développement économique plus équilibré en Europe.

4. Un éventuel levier pour l’emploi

19. Par la création de multiples opportunités pour les entreprises, la microfinance est également un nouvel instrument de lutte contre le chômage. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Commission européenne s’est emparée du sujet et a souhaité mettre en place un système européen de microfinancement. En déclarant que «l’instrument de microfinancement […] permettra de créer de nouveaux emplois [et] augmentera l’offre des microcrédits, les rendra plus accessibles et fera ainsi sortir du chômage des populations vulnérables», László Andor, commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, illustre clairement la volonté de la Commission d’inscrire le microcrédit dans l’arsenal de la lutte contre le chômage.
20. Ce possible levier pour l’emploi doit être examiné sous plusieurs angles. Le rapporteur envisage ici deux objectifs différents mais complémentaires dans la lutte contre le chômage. En effet, la microfinance doit être utilisée non seulement pour créer de nouveaux emplois, mais surtout pour préserver ceux qui existent. Ce deuxième objectif est particulièrement important dans le contexte économique actuel, puisqu’avant de penser à la relance, encore faut-il essayer de limiter les conséquences néfastes de la récession. Par ailleurs, il me semble essentiel de faciliter la transition du chômage, ou de l’assistanat, au travail indépendant.
21. D’une part, le microcrédit est un moyen de stimuler la création de nouvelles entreprises qui, en peu de temps, permettra à la personne concernée de générer elle-même son activité et son revenu. Cela représente une alternative non négligeable à la recherche d’un emploi salarié, notamment en période de ralentissement économique. D’autre part, la microfinance peut donner la possibilité à des micro-entrepreneurs de faire des investissements productifs qu’ils ne pourraient envisager sans cet outil. Par conséquent, le recours à la microfinance pour les petites et moyennes entreprises (PME) peut potentiellement ouvrir la voie à un développement de leur activité, et donc à la création de nouveaux emplois.
22. Pour ce qui est de préserver des emplois déjà existants, le mécanisme est simple. En donnant la possibilité aux entreprises d’avoir recours à la microfinance pour pallier des difficultés temporaires, des emplois peuvent être préservés sans risquer la faillite. Par conséquent, cette idée selon laquelle la microfinance pourrait permettre une meilleure absorption par les PME des chocs externes ou internes sur l’économie (voir supra), est également liée à la préservation d’emplois menacés en période de crise.
23. Ainsi, ma démarche s’inscrit-elle dans la direction de la «Stratégie de Lisbonne» développée par l’Union européenne. Cette stratégie, lancée pendant le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 et redéfinie à mi-parcours, consistait à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’à l’horizon 2010 l’Union européenne soit devenue «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale» 
			(6) 
			«Relever
le défi – La Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi»
(dit «Rapport Kok»), Commission européenne, novembre 2004..
24. Je suis conscient que les objectifs contenus dans la stratégie de Lisbonne sont loin d’être atteints, mais ils n’en sont pas moins louables et pertinents. La crise économique et financière qui touche en profondeur les économies européennes doit amener les gouvernements à poser les fondations d’une croissance plus stable et plus durable, pour un développement économique et social équilibré, de façon à réduire le niveau de chômage en Europe.

5. Des opportunités pour les entreprises

25. D’une manière générale, l’utilisation de la microfinance combinée à des facilités administratives peut stimuler le dynamisme économique de jeunes chefs d’entreprises porteurs d’idées novatrices, mais bien souvent dépourvus de moyens financiers. Le microcrédit peut effectivement aider les individus à investir leurs compétences et leurs capacités dans une entreprise.
26. Le microcrédit peut non seulement soutenir la création de nouvelles entreprises, mais il permet aussi de lutter contre le chômage dans les industries ou les régions qui connaissent un déclin économique. Ainsi, par le biais des dispositifs de microcrédit, de nouvelles perspectives s’offrent aux personnes ayant acquis depuis peu le statut de travailleurs indépendants.
27. Le financement des petites entreprises est souvent coûteux et risqué pour les banques commerciales (faible montant des emprunts, clients inexpérimentés, plans commerciaux inappropriés, etc.). Les dispositifs de microfinance peuvent alors servir aux jeunes entreprises d’outil de départ pour prendre leur essor et «faire leur entrée» dans le monde des banques commerciales.
28. Il ne suffit pas d’accorder des prêts pour garantir le succès d’un programme de microcrédit. Les entrepreneurs ont besoin d’autres services pour prendre un bon départ: conseil, microassurance, etc. Chacun des acteurs de ces programmes – de l’entrepreneur au contribuable – a un intérêt commun: promouvoir des entreprises florissantes et viables. La complexité de l'environnement des micro-entreprises exige que des services d'aide au développement des entreprises soient disponibles et que les créateurs d’entreprise possèdent tout un éventail de compétences qui, souvent, leur fait défaut. Les former, les accompagner ou les encadrer est essentiel pour améliorer leurs chances de réussite.
29. Encourager la création de petites et moyennes entreprises est au cœur de la problématique du microcrédit. Cependant, le rapporteur considère que la microfinance ne doit pas être vue comme un simple outil de financement. Il est nécessaire de prendre en compte sa dimension sociale et les opportunités économiques qu’elle engendre, notamment en termes de développement de micro-entreprises.

6. Une réponse possible à la crise

30. A l’heure d’une timide reprise économique, l’impact du microcrédit en faveur de la création de petites et moyennes entreprises – secteur économique qui conserve un fort potentiel – ne doit pas être négligé. Que ce soit en termes de soutien à l’activité ou d’aide à la création d’entreprise, le microcrédit est un outil qui peut s’avérer efficace dans de nombreuses situations.
31. En effet, en période de crise économique, on assiste souvent à un phénomène dit de «credit crunch» qui se traduit par une augmentation des taux d’intérêt appliqués aux prêts bancaires. Ce phénomène résulte directement d’une perte de confiance conjoncturelle liée à la crise elle-même et peut mettre les entreprises dans une situation délicate. Ainsi, le recours à la microfinance dans ce contexte pourrait être un moyen d’atténuer les conséquences de ces augmentations des coûts d’emprunt. Par conséquent, les PME seraient moins pénalisées par la conjoncture économique et pourraient envisager de continuer à investir, même de façon plus restreinte, pour développer leur activité.
32. En outre, le microcrédit peut être un moyen d’éviter la faillite pour une entreprise qui connaîtrait des difficultés temporaires. Dans cette situation, le microcrédit pourrait, dans une certaine mesure, agir comme un filet de sécurité face aux conséquences de la crise économique et financière. S’il peut paraître un peu tard pour agir dans ce sens en ce qui concerne la crise actuelle, le rapporteur considère que le développement de dispositifs efficaces ayant pour objectif d’aider les entreprises en difficulté peut être instauré de manière préventive pour permettre une meilleure réactivité en cas de choc externe ou interne qui affecterait l’activité économique.

7. La nécessité d’un soutien des organisations internationales

33. Au niveau international, la microfinance a peu à peu fait son chemin depuis les premiers prêts octroyés par Mohammed Yunus à un groupe de femmes bangladaises. Depuis, les Nations Unies ont déclaré l’année 2005 «Année du microcrédit» et plusieurs initiatives liées au microcrédit et à la microfinance voient le jour aussi bien au niveau mondial qu’au niveau européen.
34. Le soutien au microcrédit que peuvent apporter les organisations internationales peut et doit prendre différentes formes, en fonction de leur mandat et domaine d’action. Ce rapporteur estime que certaines organisations internationales peuvent aider les Etats par leur expertise et leurs conseils, et que d’autres sont en position de leur apporter un soutien financier et pratique.
35. Certaines organisations internationales pourraient donc intervenir pour un meilleur fonctionnement et une compréhension accrue des risques inhérents à la promotion du microcrédit. Chacun sait que les politiques visant à réduire les coûts et les barrières d’accès au crédit, mises en place dans de nombreux pays au cours des dernières années pour maintenir ou augmenter les niveaux de consommation fragilisés par les inégalités de revenus 
			(7) 
			Raghuram G. Rajan,
«Fault Lines: How Hidden Fractures Still Threaten the World Economy»,
2010., ont eu pour conséquence une forte augmentation de l’endettement privé et public qui aujourd’hui fragilise la stabilité démocratique des Etats 
			(8) 
			Recommandation 1961 (2011) de l'Assemblée
«Le surendettement des Etats: un danger pour la démocratie et les droits
de l'homme». Voir également Doc.
12556, rapport de la commission des questions économiques
et du développement  (rapporteur: M. Pieter Omtzigt).. On ne peut donc se lancer dans une vaste aventure de promotion d’un mécanisme de crédit sans chercher à réduire au minimum les risques de perte de contrôle.
36. Le rapporteur insiste donc sur l’importance de la dimension de conseil de certaines organisations internationales. Il considère que leur expertise en termes d’analyse économique et de politiques publiques devrait être mise à profit par les gouvernements dans leur démarche de promotion de la microfinance. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou encore les institutions de Bretton Woods peuvent, chacune dans son cadre de référence, permettre une action plus efficace et raisonnée des gouvernements.
37. D’autres organisations internationales, lorsqu’elles en ont les moyens juridiques et/ou financiers, doivent aussi apporter leur soutien aux initiatives de promotion de la microfinance. Ainsi, sous l’égide de l’Union européenne, plusieurs projets ont vu le jour qui peuvent servir d’exemple quant aux modalités d’intervention pratique des organisations internationales dans le domaine de la microfinance:
37.1. Le Parlement européen atout d’abord mis en place l’instrument de microfinancement «Progress»en décembre 2009. Faisant suite à l’adoption d’un rapport sur le microcrédit, cet instrument prévoit d’accorder des prêts allant jusqu’à 25 000 euros aux citoyens européens qui souhaitent développer leur micro-entreprise. 
37.2. Ensuite, placé sous la houlette de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Commission européenne, le projet JASMINE 
			(9) 
			Joint Action
to Support Micro-finance institutions in Europe (Action
commune pour soutenir les institutions de microfinance en Europe).vise à développer le microcrédit pour favoriser la croissance et la création d’emplois en Europe. Cette initiative a en outre pour objectif de mobiliser des capitaux pour les fournisseurs de microcrédits et de mettre en place, à l’échelle européenne, un nouveau dispositif doté d’un personnel capable d’apporter une expertise et d’accompagner le développement des institutions de microfinance non bancaires.
37.3. Pour finir, le projet JEREMIE 
			(10) 
			Joint European Resources for Micro to Medium
Enterprises (Ressources européennes communes pour les
micro- à moyennes entreprises)., initiative du Fonds européen d’investissement (FEI) et de la BEI, vise à prendre en compte les défaillances du marché pour améliorer l’accès au financement pour les micro-, petites et moyennes entreprises. Cet instrument présente d'ailleurs des avantages considérables pour permettre une réduction des taux d’intérêt liés au microcrédit. En effet, l’objectif du projet JEREMIE est de regrouper plusieurs missions complémentaires en offrant des fonds propres, des garanties, des prêts et/ou encore des crédits d’assistance technique.
38. Toutefois, ce rapporteur s’inquiète de la prolifération de nouveaux dispositifs qui risquent d’engendrer des difficultés. Il considère en effet que le système gagnerait à être unifié pour plus de clarté et d’efficacité.
39. Aussi, les organisations de type «banque de développement», comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ou encore la Banque de développement du Conseil de l’Europe, peuvent aussi jouer un rôle important dans le développement de la microfinance. Cette activité semble être tout à fait en accord avec les objectifs que ces organisations poursuivent, et l’Assemblée pourrait les encourager à aller dans ce sens, notamment par le biais des recommandations et résolutions qu’elle adopte périodiquement sur leurs activités.
40. Pour ce qui est de la BERD, dans le cadre d’un échange de vues avec la commission des questions économiques et du développement au siège de la Banque, à Londres, le 21 janvier 2011, M. Henry Russell, directeur de la BERD pour le financement des petites entreprises, a décrit les programmes de la banque en faveur des PME et les formules de microcrédit, qui ont un impact important dans la lutte contre la pauvreté et dopent la création d'emplois. En 2010, le montant moyen des sous-prêts était de 3 700 euros, et l'encours du portefeuille de financement aux petites entreprises atteignait les 804 millions d’euros (le volume annuel avoisinait 180 millions d’euros, et 214 millions d’euros ont été décaissés). La BERD soutient depuis très longtemps les petites et micro-entreprises ainsi que les PME, car elles contribuent de manière essentielle à sa mission, qui est de promouvoir l’économie de marché.
41. La BERD soutient les programmes d’aide aux petites et micro-entreprises par le biais d’intermédiaires financiers. Ces programmes permettant à de petites entreprises d’accéder au système financier classique, ce qui est souvent difficile dans les pays d’opération de la banque. Non seulement la BERD travaille avec les banques existantes, mais elle apporte également son aide pour la création de banques de microfinancement et d’institutions de microfinancement non bancaires. La pérennité des activités des petites et micro-entreprises est assurée en renforçant leurs structures administratives et en les formant quant aux procédures appropriées en matière de prêt.
42. Les programmes de prêt de la BERD permettent aux créateurs d’entreprise et aux sociétés d’accéder à un financement qui ferait autrement défaut. En règle générale, la BERD met des fonds à disposition d’une banque locale (qui peut être un établissement de microfinancement créé dans le cadre du programme), qui prête à son tour ces fonds à de petites entreprises. (Pour la Banque, une micro-entreprise a besoin de 6 800 euros maximum; une petite entreprise, de 68 000 euros maximum.) Pour veiller à ce que les fonds soient utilisés de manière efficiente et parviennent aux «bons» destinataires, la BERD sollicite le concours financier de donateurs afin d’instaurer une coopération technique. Les fonds ainsi levés permettent d’envoyer auprès de certaines banques des conseillers spécialisés qui forment le personnel et mettent en place des procédures de prêt rapides pour les clients des petites entreprises.
43. A ce jour, la BERD a lancé des programmes de prêt aux petites et micro-entreprises dans 19 pays (pour la plupart des pays qui entament tout juste un processus de transition vers une économie de marché, le dernier en date étant la Mongolie). C’est souvent dans les régions les plus isolées, où les entreprises n’ont pas ou peu d’accès à un financement, que ces programmes portent le mieux leurs fruits. La BERD entend, parmi ses objectifs prioritaires, couvrir un large territoire régional, y compris sur le plan de la formation et de la motivation des personnels. Néanmoins, les leçons apprises de la crise – tandis que les créances douteuses atteignaient un maximum dans la microfinance – ont révélé l'importance de la gouvernance des entreprises, d'une analyse approfondie des risques et d'un financement en devises locales pour les petits emprunteurs.
44. Répondant aux questions des membres, M. Russell a expliqué que les activités de la BERD en faveur des petites entreprises de certains pays étaient limitées en raison de la difficulté de trouver de bons partenaires locaux. En Azerbaïdjan, la BERD a choisi de créer une banque en partant de zéro, contribuant ainsi au transfert de compétences et à la construction des institutions du pays. Les pertes supportées par la BERD dans les activités de microfinance ont confirmé l'élévation du niveau de risque, ce qui justifie également la hausse des taux d'intérêt perçus sur les microcrédits.
45. En ce qui concerne la CEB, son objectif principal de promotion de la cohésion sociale l’a conduite à financer différents organismes de microfinance. En 2009, elle a par exemple approuvé un nouveau programme de 23 millions d’euros avec la MicroBank (Banque sociale de «la Caixa») pour promouvoir de nouvelles créations d’emplois et apporter un soutien spécifique à des groupes vulnérables en Espagne 
			(11) 
			CEB,
Corporate Social Responsibility Report, avril 2010..
46. L’objectif des projets financés par la CEB est en général l’insertion sociale de populations en difficulté. Ces projets visent des populations ciblées et les microcrédits envisagés sont censés leur permettre soit de devenir travailleur indépendant, soit de développer une micro-entreprise déjà existante, ou encore de surmonter des difficultés temporaires 
			(12) 
			Ibid..

8. Mettre en place des mesures complémentaires pour pallier les limites du microcrédit

47. La question de l’efficience de la microfinance soulève des débats importants entre les économistes. Il est en effet difficile d’évaluer réellement l’impact de la microfinance sur le développement économique. La question de la pertinence de politiques ciblées sur des populations fragiles a également été soulevée par certains. Ainsi, ces deux dernières années, le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Nicaragua et le Pakistan ont tous été touchés par des crises liées au remboursement de microprêts. Le Groupe consultatif pour l’assistance aux plus défavorisés, créé à l’initiative de la Banque mondiale afin d’améliorer l’accès des personnes défavorisées aux services financiers, impute ces bouleversements à l’attention insuffisante prêtée à la capacité de remboursement des emprunteurs 
			(13) 
			Voir
«Microfinance: Small loan, big snag», Financial Times, 1er décembre
2010..
48. Le rapporteur précise qu’il ne faut en aucun cas considérer le microcrédit comme une solution miracle à tous les problèmes que connaissent les économies et les sociétés européennes. Il peut certes être un outil favorisant le développement et la cohésion sociale, mais il doit être considéré comme une partie d’un ensemble plus large et plus complexe de mesures, ce d’autant plus qu’il ne faut pas oublier que le microcrédit a ses limites: si le mouvement en faveur de la microfinance a permis d’améliorer l’accès au crédit, la vision «romantique» du pauvre qui serait un créateur d’entreprise potentiel plein de créativité fait abstraction des causes structurelles de la pauvreté dans les différents pays.
49. Le rapporteur tient à souligner l’importance de la dimension de conseil dans la mise en place des dispositifs de microcrédit, surtout dans le cadre du soutien à la création de micro-entreprises. Il est en effet souhaitable que les personnes ou entreprises qui désirent bénéficier de la microfinance aient accès à des conseillers capables d’évaluer leur situation et leurs projets afin de les diriger vers des solutions raisonnable et productives. Il semble en effet incontournable de poser la question d’un système d’assurance et de soutien en lien avec l’octroi d’un microcrédit.
50. La microfinance doit être envisagée de façon équilibrée pour qu’elle puisse réellement jouer un rôle moteur pour le développement de micro-, petites et moyennes entreprises. Le développement d’une «compétence de conseil» doit permettre d’orienter les potentiels bénéficiaires de la microfinance et d’assurer la pérennité et l’efficacité de leurs projets économiques. On devrait éviter l'octroi inconsidéré de microcrédits, qui n’auraient pour effet à moyen et long termes que de détériorer la situation financière des intéressés. Les microcrédits sont en effet des instruments extrêmement coûteux et risqués. Afin de couvrir les risques, les intermédiaires proposent souvent les prêts à des taux d’intérêt élevés, que les petites entreprises ne sont parfois pas en mesure de supporter. En conséquence, je considère qu’il ne peut y avoir de dispositifs de microcrédit adéquats, utiles et durables sans un soutien public (de l’Etat).
51. La question de la gestion des risques et de la réglementation de ces produits financiers doit également être soulevée. Les Etats européens ne doivent pas négliger mais au contraire prendre en compte l’expérience de ces dernières années et se prévaloir contre d’éventuels risques de bulles spéculatives. Certains craignent en effet de voir les événements qui ont conduit à la crise des subprimes se reproduire. Selon votre rapporteur, il faut se préserver des dérives potentielles de la microfinance qui pourrait permettre à certains de s’enrichir sur le dos des pauvres.
52. En ce qui concerne les garanties au microcrédit, différentes expériences ont été menées. Au Bangladesh, des garanties collectives ou conjointes ont été mises en place. Ce modèle de caution solidaire a été développé car il semblait adapté au public pauvre auquel se destinait la microfinance. Deux raisons principales expliquent cette démarche:
  • «le système s’appuie sur la pression sociale (ou la menace crédible d’une sanction sociale) qui peut efficacement se substituer aux garanties matérielles»;
  • le prêteur supporte ainsi moins de coûts car le groupe, en se créant, passe par une étape de sélection interpersonnelle et que la surveillance des uns et des autres est également transférée au groupe 
			(14) 
			Baptiste Venet, Le
microcrédit dans les pays en développement: aspects théoriques et
empiriques, université Paris-IX-Dauphine, décembre 2004..
53. Cependant, cela implique un niveau élevé de taux d’intérêt. Le problème soulevé ici est simple: comment faire en sorte que les microcrédits, qui sont par principe des opérations financières risquées, ne soient pas assujettis à des primes de risque qui pèsent sur les taux d’intérêt?
54. A cet égard, il est impératif de proposer de nouvelles formules d'intermédiation financière afin de réduire le coût des prêts et d'accroître l'efficacité des services consultatifs qui accompagnent le microcrédit. Une autre question reste ouverte: les établissements de microcrédit peuvent-ils accepter des dépôts et proposer d'autres services bancaires classiques à la population?
55. Au cours de la réunion de la commission à Londres, des membres ont soutenu la proposition de votre rapporteur selon laquelle les grandes banques qui accordent des lignes de microcrédit à des partenaires plus petits devraient imposer certaines conditions pour les microfinancements octroyés à partir de leurs fonds, et notamment en matière de taux d'intérêt. Les établissements de microcrédit pourraient progressivement proposer un éventail plus large de services à la population, répondant ainsi aux besoins réels de leurs clients.
56. Par ailleurs, des modalités et des structures bien définies sont la clé du bon fonctionnement et de l'utilité des établissements de microcrédit pour la société. Il faudrait consentir des efforts pour faire baisser les taux d'intérêt pratiqués par les établissements de microcrédit. Les Etats pourraient aussi envisager de subventionner certains microfinancements qui semblent grandement contribuer à promouvoir les priorités nationales de développement. En d’autres termes, le «rôle social» des micro-entreprises est particulièrement pertinent et mérite une attention accrue de la part des décideurs politiques.

9. Remarques finales

57. Aujourd’hui, le microcrédit représente certainement une partie de la solution pour réformer notre système économique mondial. Changer de vision économique, apporter des solutions innovantes notamment dans le domaine de l’économie solidaire, tels sont les grands enjeux et défis de ce rapport consacré au microcrédit.
58. Je suis convaincu qu’il est temps de considérer le microcrédit comme un outil de promotion des progrès socio-économiques de nos sociétés (notamment dans les domaines de l'emploi et de la cohésion socio-économique). La microfinance doit également être mieux réglementée, sans toutefois se focaliser sur la limitation des taux d’intérêt ou des bénéfices. Il faudrait plutôt s’attacher à modifier les règles afin d’aider les établissements de microfinancement à mieux sélectionner les emprunteurs, et, partant, à baisser les coûts.
59. Je souhaite recommander à la CEB de continuer à promouvoir les institutions de microfinance comme elle le fait actuellement. La CEB doit poursuivre son action de soutien des organismes qui, par le biais du microcrédit, favorisent le développement et la cohésion sociale.
60. Je pense qu’il faudrait développer des actions coordonnées entre secteur privé, institutions nationales et organisations internationales pour s’assurer de la cohérence des mesures mises en place. Il convient ici de noter que les récents accords que la CEB a conclus avec d’autres organisations internationales, avec des banques nationales ou encore des fonds privés, vont dans ce sens.
61. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent mettre en place des programmes de promotion du microcrédit en cohérence avec les problèmes nationaux qui leur sont propres. Ils devraient essayer, autant que faire se peut, d’utiliser la microfinance comme outil complémentaire dans des dispositifs d’intervention plus larges.
62. A mon avis, les éventuels avantages du microcrédit devraient être évalués de façon cohérente entre tous les niveaux de décision pour permettre une maximisation de son efficacité. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pourrait également prendre part à cette initiative de promotion du microcrédit et s’interroger sur les possibilités que peut offrir la microfinance à l’échelon local – comme il le souligne dans sa Résolution 263 (2008) et sa Recommandation 244 (2008) sur la consommation responsable et finance solidaire, ainsi que dans sa Résolution 294 (2009) sur le surendettement des ménages: la responsabilité des régions. Le Congrès y invite les collectivités territoriales à promouvoir la solidarité envers les plus vulnérables – y compris les personnes exclues du système bancaire traditionnel – notamment en développant les microfinancements, et le microcrédit en général, par le biais de partenariats avec des professionnels.