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Avis de commission | Doc. 12139 | 27 janvier 2010

Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe

(Ancienne) Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteure : Mme Elsa PAPADIMITRIOU, Grèce, PPE/DC

Origine - Voir le Doc. 12108, rapport de la commission des questions politiques. 2010 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales félicite la commission des questions politiques d’avoir porté le sujet à l’attention de l’Assemblée. Elle approuve l’analyse du rapporteur qui estime que la dimension relative à la démocratie, aux droits de l’homme et à la prééminence du droit, qui est au centre du mandat du Conseil de l’Europe, doit être renforcée dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (Union pour la Méditerranée) et que le Conseil de l’Europe devrait jouer un rôle beaucoup plus important. Elle attire l’attention sur les multiples niveaux de coopération possible, dont la coopération avec les assemblées parlementaires régionales et la coopération au niveau des collectivités territoriales.

B. Propositions d’amendements

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Amendements au projet de résolution

Amendement A (au projet de résolution)

Ajouter à la fin du paragraphe 7 ce qui suit:

«L’Assemblée souligne aussi l’importance de la diplomatie parlementaire dans le Bassin méditerranéen et se félicite à cet égard de la coopération constructive qu’elle a encouragée avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), depuis la création de cette dernière en 2006, sur toute une série de sujets méditerranéens présentant un intérêt commun pour les deux assemblées, comme la protection de l’environnement et la gestion des catastrophes, les flux migratoires, le rôle des collectivités territoriales et la question israélo-palestinienne.»

Amendement B (au projet de résolution)

Ajouter à la fin du paragraphe 11.5 ce qui suit:

«ainsi qu’au niveau régional, avec les plates-formes parlementaires existantes comme l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM);».

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 11.7, ajouter après les mots «dans les domaines de la justice,» les mots «du développement durable».

Amendements au projet de recommandation

Amendement D (au projet de recommandation)

Au paragraphe 3, remplacer les mots «de prospérité et de compréhension humaine, sociale et culturelle» par ce qui suit:

«de développement durable et de prospérité, fondé sur la compréhension humaine, sociale et culturelle».

Amendement E (au projet de recommandation)

Insérer après le paragraphe 3 un nouveau paragraphe 4 libellé comme suit:

«Elle constate aussi que 15 de ses membres sont aussi membres de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), créée en 2006 à Amman (Jordanie) après une quinzaine d’années de coopération entre les Etats de la région méditerranéenne dans le cadre du processus mené par l’UIP sous le nom de Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM). Avec un total de 25 Etats membres du Bassin méditerranéen, l’APM vise, au moyen de la diplomatie parlementaire, à trouver des solutions communes aux problèmes actuels, ouvrant la voie à une Méditerranée en paix et prospère pour tous.»

C. Exposé des motifs, par Mme Papadimitriou, rapporteur

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1. Le rapport de M. Denis Badré intitulé «Euro-Méditerranée: pour une stratégie du Conseil de l’Europe» ouvre la possibilité d’un examen et d’un suivi, par le Conseil de l’Europe, du processus en cours dans la région euro-méditerranéenne pour favoriser la paix et la stabilité. Il renvoie utilement à des résolutions antérieures du Conseil de l’Europe, à d’autres instances internationales et à la coopération avec des partenariats établis (processus de Barcelone, politique européenne de voisinage, Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales, EUR-OPA, Med Net par exemple) et appelle à une interaction avec les assemblées parlementaires méditerranéennes qui existent déjà, à savoir l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) et l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM).
2. Il importe toutefois de noter la différence qui existe entre les deux assemblées régionales: les parlements membres de l’APEM représentent tous les pays de l’Union européenne (27) plus certains autres, tandis que les Etats de l’Est et du Sud (16) se voient accorder un tiers des voix. Au sein de l’APM, qui comprend les Etats riverains de la Méditerranée (Nord et Sud), l’équilibre Nord-Sud respecte le principe d’égalité. Inutile de dire que cet équilibre s’est révélé un atout pour l’APM dont l’efficacité est déjà reconnue par les Etats membres et par les Nations Unies 
			(1) 
			L’APM bénéficie
du statut d’observateur auprès de l’ONU, en application de la Résolution
A/RES/64/124 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 16 décembre
2009..
3. Le Conseil de l’Europe doit mettre son expertise dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit au service de la région méditerranéenne. Cette région géopolitique est l’une des régions où il est le plus difficile de faire respecter les principes et les valeurs du Conseil de l’Europe. Le fait qu’elle comprenne des pays qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe est un faux argument, car les effets du drame éternel de la Mare Nostrum s’étendent à tous les Etats européens.
4. Outre la nécessité impérieuse de régler les tensions et les conflits politiques qui existent de longue date et de rétablir la paix et la stabilité dans la région, nous nous trouvons face à une urgence, celle de mettre fin à la dégradation environnementale de la mer Méditerranée et de préserver sa biodiversité.
5. La croissance rapide que la région a connue ces dernières décennies a certes eu des effets positifs notables sur les conditions de vie de la population, mais elle s’est largement faite aux dépens de l’équilibre environnemental, qui est essentiel au bien-être de l’homme, et a souvent contribué à accroître les disparités socio-économiques, caractéristiques du Bassin méditerranéen d’aujourd’hui. De plus, les difficultés d’accès à des ressources rares, comme l’eau et les terres arables, ajoutent aux tensions et à l’instabilité politiques.
6. La question du développement durable de la Méditerranée fait l’objet d’un rapport distinct, actuellement élaboré par la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales (rapporteur: M. Joseph Falzon, Malte, PPE/DC), qui sera présenté à l’Assemblée au courant de 2010.
7. Au niveau mondial, 2010 sera l’Année internationale de la biodiversité et une année importante pour jeter les bases d’un avenir caractérisé par de faibles émissions de CO2, grâce au consensus des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), notamment à la suite des résultats mitigés des négociations à haut niveau menées à Copenhague (COP-15) en décembre 2009.
8. Nous savons à quel point il est essentiel de prendre des engagements politiques et économiques fermes pour limiter les effets des changements climatiques et empêcher un réchauffement supérieur à 2°C, et remédier aux effets de la dégradation de l’environnement sur notre planète. Les menaces croissantes qui pèsent sur les écosystèmes fragiles, comme ceux de la région méditerranéenne, sont des exemples éloquents qui devraient inspirer notre action politique.
9. Comme le rapporteur M. Denis Badré l’a mentionné à juste titre dans son exposé des motifs, parmi les six projets prioritaires définis par l’Union pour la Méditerranée, trois projets ont trait directement au développement durable, à savoir la dépollution de la mer Méditerranée, les initiatives de protection civile destinées à lutter contre les catastrophes d’origine naturelle humaine et un plan sur l’énergie solaire méditerranéen.
10. Si je souscris pleinement à l’analyse de M. Badré selon laquelle les activités actuellement jugées prioritaires par l’Union pour la Méditerranée n’intègrent pas les aspects fondamentaux que sont la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, qui sont essentiels pour parvenir à la sécurité, à la stabilité politique et à la paix dans la région méditerranéenne, je suis cependant d’avis que ces valeurs ne peuvent être «imposées» aux pouvoirs publics, mais qu’elles pourraient être favorisées, à tous les niveaux de la société, par une coopération plus étroite sur des projets concrets d’intérêt commun.
11. Le Conseil de l’Europe dispose de plusieurs mécanismes dans le domaine du développement durable qui pourraient être ouverts à la coopération avec les pays méditerranéens, à savoir:
  • la Convention de Berne (Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, 1979) ratifiée par le Maroc (2001) et par la Tunisie (1996). Elle a pour objet d’assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels, et de promouvoir la coopération européenne dans ce domaine;
  • la Stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère (SPDBP) mise en place en 1995 à la suite du Sommet de la Terre de Rio et de l’adoption de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Approuvée par 54 pays d’Europe, d’Europe orientale et d’Asie centrale, elle complète les travaux entrepris dans le cadre de la Convention de Berne. Son principal objectif est de trouver une réponse cohérente au déclin de la diversité biologique et paysagère en Europe et d’intégrer la conservation et la durabilité de la biodiversité dans les activités d’autres secteurs, tels que l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’industrie, le transport et le tourisme. Les activités pourraient encore être plus larges si elles incluaient la coopération avec les pays du Bassin méditerranéen;
  • l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs(EUR-OPA), créé en 1987, en tant que plate-forme de coopération entre les pays d’Europe et ceux du sud de la Méditerranée dans le domaine des risques naturels et technologiques majeurs. Son domaine d’action englobe la connaissance des aléas, la prévention des risques, la gestion des crises ainsi que l’analyse postcrise et la réhabilitation. L’accord est «partiel», car tous les Etats membres du Conseil de l’Europe n’y ont pas adhéré, mais il est «ouvert» aux pays non membres et compte aujourd’hui parmi ses membres à part entière l’Algérie, le Liban et le Maroc.
12. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales a établi une coopération parlementaire avec:
  • le Conseil mondial de l’eau et le Parlement turc pour renforcer la contribution parlementaire les «Parlements mobilisés pour l’eau» au 5e Forum mondial de l’eau d’Istanbul (mars 2009). La commission a organisé en novembre 2008 la réunion préparatoire qui a essentiellement porté sur la mise en œuvre du droit à l’eau et à des services d’assainissement dans la législation nationale et son application concrète aux populations dans le besoin; la gestion planifiée des bassins hydrographiques et des aquifères transfrontières et la promotion de la coopération; et les politiques de décentralisation pour la prestation des services locaux d’alimentation en eau et d’assainissement. La question du «droit à l’eau» est particulièrement difficile à négocier avec les ministres qui ont seulement reconnu un «besoin d’eau», refusant d’en faire un «droit». L’Assemblée propose en conséquence d’accueillir une réunion intermédiaire à Strasbourg en 2011 pour avancer sur ces questions avant le 6e Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille en 2012;
  • l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), depuis sa création en 2006, sur toute une série de sujets méditerranéens présentant un intérêt commun pour les deux assemblées, comme la protection de l’environnement et la gestion des catastrophes, les flux migratoires, le rôle des collectivités territoriales et la question israélo-palestinienne.
13. En conclusion, la question environnementale, au lieu d’être une source de conflit pourrait être le moyen de régler les vieux conflits politiques de la région si elle était considérée comme un instrument de coopération et de paix. Nous avons besoin de solidarité entre les pays de la région et des conditions humaines minimales: l’accès à l’eau potable, à des services d’assainissement ainsi qu’à l’énergie. Ce sont des droits fondamentaux pour toute femme et tout homme dans la région méditerranéenne.
  • Qui peut garantir ce principe?
  • Qui peut persuader les Israéliens et les Palestiniens que les eaux souterraines de la Terre sainte, berceau des trois religions monothéistes, ne peuvent suivre le tracé d’aucun mur de séparation construit par l’homme et que les droits fondamentaux, comme le droit à l’eau, sont des droits dont les deux nations doivent jouir?
  • Qui, en dehors du Conseil de l’Europe, peut veiller au maintien du juste équilibre entre le Nord, qui fournit les technologies, et le Sud, heureux propriétaire de ces abondantes sources d’énergie renouvelable?
  • Qui peut, mieux que le Conseil de l’Europe, faire en sorte que le migrant environnemental relève du système de protection des réfugiés politiques ou humanitaires mis en place par l’ONU?
  • Pour finir, qui peut promouvoir la protection de l’environnement pour qu’elle soit au même niveau que celle de la démocratie, de la paix et des droits de l’homme?
14. L’«environnement» ne se limite pas à notre milieu physique et nous devons le dire. S’agissant de la région méditerranéenne, nous devons impérativement évoquer tous les aspects de notre cadre de vie: sociaux, économiques et culturels, sous peine de ne pas pouvoir parler d’«environnement méditerranéen»?
15. Il convient de se féliciter du rapport très riche de Denis Badré. La commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales propose de poursuivre ce débat sur la base de son rapport, qui mettra l’accent sur le contrôle stratégique de la crise environnementale dans la région méditerranéenne, sous ses aspects multidimensionnels. Elle s’engagerait ainsi dans un domaine extrêmement intéressant et exaltant à un moment critique, ce qui conférerait au Conseil de l’Europe un rôle essentiel et universel tout en ouvrant des perspectives ambitieuses pour les travaux futurs de l’Assemblée parlementaire.

***

Commission chargée du rapport: commission des questions politiques

Commissions saisies pour avis: commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, et commission des questions économiques et du développement

Renvois en commission:Doc. 11507, Renvoi 3420 du 14 avril 2008

Avis approuvé par la commission le 26 janvier 2010

Secrétariat de la commission: Mme Agnès Nollinger, M. Bogdan Torcătoriu et Mme Dana Karanjac