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Rapport | Doc. 12140 | 08 février 2010

Le fossé salarial entre les femmes et les hommes

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteur : M. Paul WILLE, Belgique

Résumé

Il est inacceptable que, plus de soixante ans après la proclamation du droit à un salaire égal, ce droit soit toujours bafoué de manière aussi courante et systématique, sans même que cela suscite beaucoup d’attention. Combler le fossé salarial entre les femmes et les hommes doit être considéré comme une priorité, non seulement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé.

L’Assemblée parlementaire devrait par conséquent recommander aux Etats membres de veiller à ce que le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale soit inscrit dans leur législation interne (s’il n’y figure pas déjà), à ce que les employeurs soient obligés de respecter ce droit (et encourent des sanctions s’ils ne le respectent pas), et à ce que les salariés puissent engager une procédure judiciaire pour faire reconnaître ce droit, sans risque pour leur emploi.

Les Etats membres devraient promouvoir des systèmes de classification des fonctions et de rémunération qui soient équitables, y compris dans le secteur privé. Ils devraient être aussi encouragés à s’inspirer du modèle norvégien et de la récente initiative française, selon lesquels au moins 40 % des membres des conseils d’administration de certaines entreprises doivent être des femmes, obligation qui peut favoriser la réduction de l’écart salarial.

L’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres d’intensifier ses efforts visant à garantir que le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale est respecté dans tous les Etats membres, et de charger l’instance compétente de lancer une enquête de comparaison des causes des différences de salaire entre le travail à temps partiel et le travail à temps complet, et de communiquer les résultats de cette enquête à l’Assemblée.

A. Projet de résolution

(open)
1. La discrimination à l’encontre des femmes sur le marché du travail a une longue histoire, tout comme les efforts visant à lutter contre cette discrimination. L’un des principes clés dans ce domaine, le droit à un salaire égal pour un travail égal, a déjà été inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans le Traité de Rome de 1957, qui a institué la Communauté européenne. Par la suite, ce droit a été élargi, et le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale a été inscrit dans la Charte sociale du Conseil de l’Europe de 1961 (ainsi que dans la Charte révisée de 1996), et dans la Directive de la Communauté européenne de 1975 consacrée à ce sujet.
2. Malgré la reconnaissance de ce droit fondamental, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, défini comme la «différence relative entre les rémunérations horaires brutes moyennes des femmes et des hommes», est actuellement estimé à 17,4 % dans l’Union européenne, et il est encore plus important à l’échelle mondiale. Calculé sur toute la durée de la vie, et non pas sur la base d’un salaire horaire, l’écart se creuse encore, ce qui explique la féminisation de la pauvreté (qui frappe en particulier les mères célibataires et les femmes âgées).
3. Plusieurs facteurs sont invoqués pour expliquer le fossé salarial entre les femmes et les hommes: la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail (on parle communément de «murs de verre» et de «plafonds de verre»), l’idée selon laquelle les femmes seraient moins qualifiées et moins expérimentées, et le caractère atypique de leurs horaires de travail et du déroulement de leur carrière, dû à la naissance de leurs enfants et à leurs responsabilités familiales. Cela dit, plus de la moitié de l’écart de rémunération classique entre les femmes et les hommes ne peut pas s’expliquer objectivement par ces facteurs «structurels», mais est en réalité imputable à la persistance d’une discrimination à l’encontre des femmes: différences en matière d’accès à l’éducation, à la formation et au marché du travail, systèmes d’évaluation, de rémunération et de promotion entachés de préjugés, stéréotypes de genre avilissants et conception dépassée du rôle dévolu aux hommes et aux femmes.
4. Il est inacceptable que, plus de soixante ans après la proclamation du droit à un salaire égal, ce droit soit toujours bafoué de manière aussi courante et systématique, sans même que cela suscite beaucoup d’attention. Combler le fossé salarial entre les femmes et les hommes doit être considéré comme une priorité, non seulement dans le secteur public, mais aussi dans le secteur privé.
5. L’Assemblée parlementaire estime qu’il y a un lien entre, d’une part, le fossé salarial entre les femmes et les hommes, et, d’autre part, l’égalité entre les femmes et les hommes dans d’autres domaines – tels que l’égalité des droits et des chances pour les filles et les garçons, la participation paritaire des femmes et des hommes au processus de décision politique, public et économique, et un partage plus équitable des responsabilités familiales et des tâches ménagères entre les femmes et les hommes – et que tout progrès dans un de ces deux domaines peut entraîner un progrès dans l’autre, et réciproquement. L’Assemblée renvoie à plusieurs résolutions et recommandations qu’elle a récemment adoptées sur ces sujets (en particulier à la Résolution 1669 (2009) et à la Recommandation 1872 (2009) intitulées «Les droits des filles d’aujourd’hui: les droits des femmes de demain»), souligne qu’elles sont toujours valables et appelle à les mettre en œuvre de manière pleine et entière.
6. L’Assemblée recommande aux Etats membres:
6.1. de veiller à ce que le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale soit inscrit dans leur législation interne, s’il n’y figure pas déjà, à ce que les employeurs soient obligés de respecter ce droit (et encourent des sanctions s’ils ne le respectent pas), et à ce que les salariés puissent engager une procédure judiciaire pour faire reconnaître ce droit, sans risque pour leur emploi;
6.2. de collecter des statistiques fiables et normalisées sur la rémunération des femmes et des hommes, qui ne doit pas être calculée uniquement sur la base d’un salaire horaire brut, mais aussi sur toute la durée de la vie;
6.3. de promouvoir des systèmes de classification des fonctions et de rémunération qui soient équitables, y compris dans le secteur privé:
6.3.1. en ouvrant des discussions avec les partenaires sociaux pour éliminer les discriminations en matière de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions entre les femmes et les hommes;
6.3.2. en entamant des discussions avec les partenaires sociaux pour revaloriser les secteurs dits «féminins»;
6.4. de viser à faire augmenter le taux de participation des femmes au marché du travail et de lutter contre les pièges du travail à temps partiel en encourageant toutes les mesures tendant à améliorer l’accueil des enfants et des personnes âgées hors du domicile, ainsi qu’un partage plus équitable des responsabilités familiales et des tâches ménagères entre les femmes et les hommes;
6.5. de s’inspirer du modèle norvégien et de la récente initiative française, selon lesquels au moins 40 % des membres des conseils d’administration de certaines entreprises doivent être des femmes, ce qui peut favoriser la réduction de l’écart salarial;
6.6. de soumettre à leur parlement chaque année, le 8 mars, un rapport décrivant l’état d’avancement de la concertation avec les partenaires sociaux et du processus visant à combler le fossé salarial entre les femmes et les hommes et à éliminer la ségrégation sur le marché de l’emploi, jusqu’à ce qu’aient disparu les discriminations en matière de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions, le fossé salarial entre les femmes et les hommes et la ségrégation sur le marché de l’emploi.
7. L’Assemblée appelle les partenaires sociaux, organisations patronales et syndicats, à respecter et défendre le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale, notamment par la promotion et l’adoption de systèmes de classification des fonctions et de grilles des salaires qui soient équitables et transparents.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution … (2010) sur le fossé salarial entre les femmes et les hommes, salue les efforts déployés par le Comité des Ministres pour faire respecter le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale, en particulier par l’intégration de ce droit dans la Charte sociale (révisée) du Conseil de l’Europe.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de donner à ce sujet la priorité qu’il mérite dans le domaine de la lutte contre la discrimination à l’encontre des femmes, et d’intensifier ses efforts visant à garantir que le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale soit respecté dans tous les Etats membres, et pour que le fossé salarial entre les femmes et les hommes soit comblé.
3. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de charger l’instance compétente de lancer une enquête de comparaison des causes des différences de salaire entre le travail à temps partiel et le travail à temps complet et de communiquer les résultats de cette enquête à l’Assemblée.

C. Exposé des motifs, par M. Wille, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le fossé salarial renvoie comme son nom l’indique aux différences salariales qui existent entre les hommes et les femmes. Si le principe d’un salaire égal est défendu par la plupart des démocraties européennes, il est aussi inscrit depuis 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pourtant, le nombre d’arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes et la réalité quotidienne du monde du travail montrent abondamment que le principe de l’égalité des salaires est encore régulièrement foulé aux pieds.
2. Le fossé salarial se retrouve dans quasi toutes les entreprises européennes mais, plus grave encore, il est également de mise dans le secteur public, qui devrait pourtant montrer l’exemple. Le fossé salarial n’est pas à mettre au compte, comme la majorité des problèmes liés au capital humain, des seuls facteurs traditionnels que sont l’âge, la formation et l’expérience. D’ailleurs, on n’accorde plus guère de crédit à la thèse qui veut que le fossé salarial s’explique par le manque d’investissement des femmes dans la formation. L’évolution dans les Etats européens montre qu’un nombre croissant de femmes suivent de plus en plus des formations supérieures ou universitaires 
			(1) 
			Dans
certains Etats membres, plus de femmes que d’hommes sont diplômées
de l’enseignement supérieur, alors que le fossé salarial persiste,
voire s’élargit. et que leur participation à tous les niveaux de la vie professionnelle a nettement progressé. Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, la référence au sexe est de moins en moins présente dans ces facteurs individuels traditionnels.
3. Des études sociologiques et statistiques soulignent que le fossé salarial est principalement à mettre au compte d’une ségrégation persistante dans les activités professionnelles et de son impact sur la structure salariale. Il devient de plus en plus clair que ce ne sont pas les critères classiques individuels justifiant les différences salariales qui sont principalement responsables du maintien du fossé salarial. Ce sont plutôt les mécanismes discriminatoires (cachés ou non) des stratégies politiques et professionnelles et les pratiques du marché de l’emploi, où les accords institutionnels, une certaine «norme» et une gestion sociale imprègnent fortement la structure salariale, qui contribuent ainsi à maintenir le fossé salarial.
4. Le marché de l’emploi reste fortement marqué par la différence fondamentale entre les «professions masculines» et les «professions féminines», voire par l’existence de secteurs réservés aux femmes et de secteurs réservés aux hommes. Le présent rapport s’attardera dès lors sur cette question de ségrégation. Une gouvernance sociétale ancestrale et les modèles d’emploi qu’elle véhicule posent également question dans de nombreux pays et sont à leur tour sources de ségrégation.
5. Un autre facteur pertinent est l’absence d’une classification équilibrée des fonctions. Cette classification consiste à attribuer un salaire à chaque échelon de la fonction, la nature de la fonction constituant le seul critère, quelle que soit la personne qui l’occupe. Combinée au principe «à travail de valeur égale, rémunération égale», la classification peut aider à garantir une structure salariale plus juste. Ce système n’est pas appliqué dans de nombreux Etats membres, ou permet que subsistent des mécanismes discriminatoires, au détriment des femmes. L’absence de révisions fondamentales de ces systèmes de classification des fonctions s’explique aisément. En effet, aucun des partenaires sociaux n’a intérêt à ce qu’un système d’analyse moderne supplante les systèmes déjà désuets. Pour les employeurs, cela se traduirait par une hausse substantielle des coûts salariaux. Pour les syndicats plane le risque de dissensions internes et de conflits à l’occasion de la révision d’échelles salariales qui, historiquement, ont été surévaluées.
6. Même si les femmes sentent qu’elles sont sous-payées ou traitées de manière inégale, la voie de la justice semble très peu porter ses fruits et elle est rarement empruntée. Les syndicats interviennent souvent timidement, de peur de voir leurs négociations et acquis antérieurs remis en cause devant le tribunal. Un tel comportement dissuasif des syndicats augmente encore l’isolement juridique des travailleuses. La charge émotionnelle associée à l’initiative d’engager une action en justice contre leur propre employeur constitue également un frein. Même si les garanties légales sont entre-temps décrites de manière assez précise dans la plupart des Etats, leur application est loin d’être évidente dans la majorité des pays. Le marché du travail et le fossé salarial omniprésent, toujours vécu par des millions de femmes européennes comme une pénalisation injuste, en témoignent. Leur ressentiment est d’autant plus grand que, malgré l’engagement historique inscrit dans la législation nationale et traduit par des traités et directives internationales, elles continuent à subir de manière structurelle le fossé salarial. La discrimination, si elle est n’est pas toujours visible, perdure.
7. Ce fossé salarial perdure du fait, d’une part, de la discrimination que subissent directement les femmes et, d’autre part, d’inégalités structurelles, comme la ségrégation pratiquée dans les secteurs d’activité, les professions et les modes de travail, l’accès à l’éducation et à la formation, les systèmes d’évaluation et de rémunération entachés de préjugés, ainsi que les clichés 
			(2) 
			Commission
européenne: «The Gender Pay Gap, Origins
and policy responses» (étude sur les origines de l’écart
de rémunération entre les hommes et les femmes et sur les mesures
prises par les Etats dans ce domaine), Direction générale «Emploi,
affaires sociales et égalité des chances», Bruxelles, 2006, p. 19..
8. Le présent rapport a pour objet de définir la présence du fossé salarial, d’en discerner les facteurs déterminants, ainsi que d’en tirer des conclusions et de faire des recommandations. Il ne s’agit pas du premier rapport de la commission sur le sujet. Le rapport de mars 2005 intitulé «Discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur le lieu de travail», présenté Mme Anna Čurdová, qui a conduit à l’adoption de la Recommandation 1700 (2005) de l’Assemblée, définissait déjà le fossé salarial comme l’un des trois principaux problèmes rencontrés par les femmes sur le marché du travail (les deux autres étant la difficulté d’accès au marché de l’emploi et le «plafond de verre») – qui s’expliquent tous par la discrimination dont sont victimes les femmes 
			(3) 
			Doc. 10484 de l’Assemblée
parlementaire..

2. La présence du fossé salarial

9. Le fossé salarial se calcule/se définit souvent comme étant la différence entre le salaire moyen brut horaire des femmes et des hommes. Il peut se traduire par une formule mathématique facile à retenir: H-F/H*100. En fonction de la définition, des données de référence et des méthodes de calcul, il peut y avoir de larges variations dans l’estimation du fossé salarial. C’est ainsi que les résultats diffèrent beaucoup d’un Etat européen à l’autre. Si l’on prend seulement en compte les différences moyennes entre les salaires bruts dans le secteur privé, les chiffres seront plus négatifs que si l’on y intègre les résultats du secteur public. En effet, il y a proportionnellement plus de femmes qui occupent des fonctions supérieures dans le secteur public, qui est souvent aussi plus sensible à une politique d’égalité des chances entre hommes et femmes. Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse du secteur privé ou public, le salaire brut ou net horaire, mensuel ou annuel présente bien une différence structurelle au préjudice de la femme. Calculé sur toute la durée de la vie, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est encore plus important, ce qui explique dans une large mesure la féminisation de la pauvreté observée dans nombre de nos pays (pauvreté qui frappe en particulier les mères célibataires et les femmes âgées).
10. La discrimination prend souvent la forme de facteurs difficilement mesurables. C’est ainsi que les résultats sont particulièrement sensibles aux grandes différences sectorielles qui, à première vue, ne font pas craindre de discrimination. De nombreuses études tendent à montrer qu’il y a proportionnellement plus de femmes au travail dans des secteurs payant moins bien. Ce constat est essentiel car ces effets sont la conséquence de la structure du marché du travail en tant que tel et c’est lui qui est dans une large mesure responsable du (maintien du) fossé salarial. Comme l’avait déjà expliqué Mme Čurdová en 2005: «les femmes sont souvent payées moins que les hommes pour un travail de valeur égale. Ce type de discrimination se fonde généralement sur une “ségrégation professionnelle horizontale par sexe”. Par exemple, le niveau d’études et l’expérience requis pour effectuer un certain travail sont les mêmes, mais les femmes sont moins payées (les chauffeurs et chauffeurs de taxi sont souvent mieux payés que les femmes de ménage ou les réceptionnistes). Dans certains pays, les salaires ont baissé dans certaines professions à mesure qu’elles devenaient de plus en plus féminines (par exemple les médecins et les enseignants en Europe centrale et orientale).» 
			(4) 
			Ibid., paragraphe
18 de l’exposé des motifs de Mme Čurdová. Même dans ces professions, à forte ségrégation, il y a souvent des hommes aux postes les mieux payés; par exemple, bien que les femmes représentent plus de 70 % de l’ensemble du corps enseignant dans certains pays, les hommes sont proportionnellement plus nombreux aux postes de chef d’établissement. Cela est très souvent le résultat d’une «discrimination à l’envers», lorsque le besoin d’une plus forte représentation masculine se fait sentir dans la profession. Les hommes bénéficient alors plus vite de promotions et d’augmentations de salaire 
			(5) 
			Ibid., paragraphe
19..
11. Outre le concept de fossé salarial, se pose la question de la fiabilité des données, qui mettent parfois en évidence des différences conséquentes et incroyables du fossé salarial moyen existant dans un pays entre deux années consécutives 
			(6) 
			Rubery, J.,
Grimshaw, D. et Figueiredo, H. The Gender
Pay Gap and Mainstreaming pay Policy in EU-Member States, Manchester,
2002.. Il faut donc être très prudent dans le maniement des données lorsqu’on étudie le développement du fossé salarial. Le fossé salarial n’existe pas. L’objet de ce rapport n’est pas de faire une analyse quantitative du problème ni de s’engager dans des spéculations théoriques, mais bien d’établir les liens de cause à effet pour aboutir à des réflexions critiques qui permettront de faire des recommandations visant à déjouer cette injustice tenace. Nous nous appuyons sur les données d’Eurostat de 1994 à 2004 pour les entreprises publiques et privées, qui analysent toute une série de chiffres et où le fossé salarial moyen analysé représente la différence entre le salaire horaire brut moyen des hommes et des femmes exprimé en pourcentages. On arrive à un chiffre moyen avoisinant les 25 % pour les Etats membres de l’Union européenne 
			(7) 
			Commission
européenne, 2006, p. 24.. Secteurs public et privé confondus, le chiffre moyen s’établissait à 17,4 % pour les 27 Etats membres de l’Union européenne en 2007 
			(8) 
			Site
web de la Commission européenne sur l’écart de rémunération entre
les femmes et les hommes: <a href='http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=684&langId=fr'>http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=684&langId=fr</a>. (d’après les données d’Eurostat les plus récentes).

3. Facteurs déterminants

3.1. Ségrégation et origine

12. C’est la ségrégation sur le marché du travail qui explique en grande partie le fossé salarial. Comme certains secteurs paient tout bonnement moins que d’autres, et que les femmes y sont comme nous l’avons dit surreprésentées, l’existence d’un fossé salarial est évidente dans la plupart des Etats membres. L’offre plus importante que la demande pour ces emplois aura à son tour pour conséquence de dévaluer la main-d’œuvre féminine 
			(9) 
			Blau, F.D.
et Kahn, L.M., «Wage structure and gender earnings differential:
an international comparison», Economica, 1996,
63, p. 29-62.. Ces secteurs sont en outre stéréotypés comme étant des secteurs «soft», d’un moindre intérêt économique et financier. L’ensemble de ces secteurs constituent donc un marché du travail ségrégationniste, où il convient de faire la distinction entre ségrégation verticale et horizontale.
13. La ségrégation horizontale ou «murs de verre»: les femmes et les hommes travaillent clairement dans des secteurs différents. Les hommes travaillent plus souvent dans des secteurs marchands et les femmes dans des secteurs axés sur le développement du bien-être et de la prospérité. Cela a probablement encore plus d’impact sur les différences de salaires moyens, car le secteur marchand paie mieux, applique souvent un système de primes et de commissions et se caractérise par des bénéfices plus élevés; en outre, dans ces secteurs (hyper)concurrentiels, on attire du personnel ayant une bonne expérience en lui promettant des avantages financiers comme des augmentations de salaires (indicateur salarial féminin, 2009). Le nettoyage, la production textile, les soins de santé, les services sociaux et l’enseignement (de base) sont des secteurs typiquement féminins en Europe. Des emplois types des femmes sont réceptionniste, caissière, vendeuse (non qualifiée), employée de maison ou employée de bureau.
14. Cependant, des données concernant l’ancienne «République démocratique allemande» (l’ex-Allemagne de l’Est) 
			(10) 
			«Voir le dossier
sur les femmes est-allemandes vingt ans après la chute du mur»,
paru dans le numéro de novembre-décembre 2009 du magazine allemand EMMA, p. 58-103. semblent contredire cette idée selon laquelle la ségrégation horizontale serait l’une des causes principales de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. En effet, il n’y avait guère de ségrégation horizontale entre emplois féminins et masculins sur le marché du travail de la RDA: les personnes, hommes ou femmes, qui habitaient près d’un centre industriel avaient tendance à y travailler, et les étudiantes étaient aussi nombreuses que les étudiants à obtenir un diplôme d’ingénieur. En outre, la garde des enfants était socialisée et plus de 90 % des enfants de plus d’un an étaient accueillis dans des crèches ou des jardins d’enfants gérés par l’Etat. Pourtant, les écarts de salaire étaient importants, puisqu’une femme gagnait environ 25 % de moins qu’un homme (la retraite d’une femme était même inférieure d’environ 40 % à celle d’un homme), alors que l’égalité entre les femmes et les hommes était l’un des piliers de l’idéologie communiste et qu’elle était censée avoir été atteinte dans le cadre du «Realsozialismus» («socialisme réel») de la RDA. Ces faits confirment le constat établi par mon ancienne collègue parlementaire, Mme Smet, qui indiquait déjà en 2001, dans un rapport du Parlement européen, que plus de la moitié de l’écart de rémunération ne s’expliquait pas par des facteurs structurels, «objectifs», mais par la persistance d’une discrimination à l’encontre des femmes.
15. La logique du marché de l’emploi et la structure salariale, qui vont de pair, sont particulièrement défavorables aux femmes. Les femmes ont en général moins d’expérience que les hommes sur le marché du travail. Le marché du travail européen étant axé sur une récompense salariale de l’expérience, le fossé salarial risque de s’élargir si l’expérience était davantage récompensée. On constate donc que les pays caractérisés par un marché du travail très sensible aux aptitudes et à l’expérience professionnelle présentent des fossés salariaux plus importants. Les sociologues Blau et Kahn définissent ce mécanisme qui n’est pas immédiatement perceptible, de la manière suivante: si les femmes ont moins d’expérience professionnelle que les hommes, on peut dire qu’en moyenne, plus la récompense salariale de l’expérience acquise est importante pour les salariés indépendamment de leur sexe, plus le fossé salarial sera profond. De même, si les femmes ont tendance à exercer des professions différentes de celles des hommes dans des secteurs autres que ceux des hommes, pour des raisons qui tiennent peut-être à une discrimination ou à d’autres facteurs, on constate que plus la prime dont bénéficient les salariés hommes et femmes lorsqu’ils travaillent dans un secteur masculin est importante, plus le fossé salarial qui les sépare se creuse 
			(11) 
			Blau,
F.D. et Kahn, L.M., «Gender differences in pay», Journal of Labor Economics, 2000,
15, p. 1-42, p. 81..
16. Le résultat est évident. L’argument de l’expérience semble être un puissant facteur du maintien de la ségrégation verticale, plus connue sous le nom de «plafonds de verre». Les hommes et les femmes se retrouvent de ce fait à des niveaux de fonctions différents au sein du même secteur ou de la même entreprise, les femmes occupant les fonctions inférieures, moins bien rémunérées, et les hommes, les fonctions supérieures, mieux rémunérées. Cela a un impact important sur les salaires moyens, mais a aussi un autre effet pervers, à savoir le crowding effect: les salaires vont baisser dans les secteurs réservés aux femmes (où existent des facilités pour le travail à temps partiel), parce qu’il y a trop de femmes pour un nombre limité d’emplois.

3.2. Normalisation sociale et institutionnalisation

17. La structure salariale ne récompense pas seulement les capacités individuelles comme l’expérience ou la productivité potentielle. La ségrégation horizontale et la ségrégation verticale décrites ci-dessus sont toutes deux le reflet d’influences actuelles et d’influences qui se sont développées historiquement sur le marché du travail. Il y a, d’une part, l’impact des normes sociales et, d’autre part, des stratégies patronales qui interagissent avec le marché de l’emploi et influencent systématiquement la structure des salaires. L’importance de ce phénomène est souvent au centre de l’argumentation dans la littérature critique attachée à décortiquer la sous-évaluation sociale du travail des femmes, qui est donc aussi l’une des causes premières du fossé salarial. Le rapporteur se dit également convaincu que le fossé salarial ne doit pas seulement être attribué à la différence entre hommes et femmes en matière de capital humain et à la discrimination directe par les employeurs, mais aussi et surtout à divers mécanismes de comportement social qui font que le travail des femmes est fortement sous-évalué et à la concentration des femmes dans certains secteurs, qui maintient les salaires à un faible niveau.
18. Un autre facteur induit par la société et qui pourrait expliquer de manière substantielle le fossé salarial est le travail à temps partiel. Souvent la répartition inégale du travail à temps partiel n’est pas une question de vrai «choix» pour les femmes. Elle est plutôt la conséquence de l’inégalité de la répartition des tâches véhiculée par des schémas stéréotypés à l’égard des femmes, et du manque de structures d’accueil souples et d’un prix abordable qui mettent les femmes dans l’impossibilité de répondre aux exigences de flexibilité des employeurs. De nombreuses études montrent qu’il reste beaucoup de chemin à faire pour répartir plus justement les responsabilités familiales et professionnelles entre les hommes et les femmes. L’impact sur le fossé salarial est à l’avenant. Etant donné que le travail à temps partiel est principalement affaire de femmes et qu’il est généralement proposé dans des secteurs d’activité moins lucratifs, notamment dans le secteur «soft» dit des soins (tâches domestiques, soins de santé, services sociaux), le salaire horaire brut est faible dans les emplois à temps partiel.
19. Le travail à temps partiel a également des conséquences négatives sur le développement de la carrière. Les travailleurs à temps partiel ont non seulement moins de chances de promotion, mais accumulent aussi moins d’ancienneté et sont moins concernés par les avantages extralégaux 
			(12) 
			X. Baeselen et consorts, proposition
de résolution visant à lutter contre l’écart salarial entre les
hommes et les femmes, Chambre des représentants de Belgique, 2009,
Bruxelles.. Le succès rencontré par le travail à temps partiel dans plusieurs pays européens est un phénomène marquant. De plus en plus de femmes bénéficient de mesures incitatives et d’aménagements leur permettant de travailler plus facilement à temps partiel. L’introduction de l’interruption de carrière et du crédit-temps y contribue grandement. Le système des «chèques services» a également permis à de nombreuses femmes de travailler à temps partiel. Par ailleurs, le travail à temps partiel a un effet négatif sur le salaire horaire des femmes (mais aussi des hommes) parce qu’on trouve très peu d’emplois à temps partiel au niveau dirigeant ou cadre. Le travail à temps partiel et l’interruption de carrière, nécessaires pour remplir les obligations découlant du partage inégal des tâches familiales et ménagères, jouent donc un rôle essentiel dans le développement de l’inégalité des salaires.
20. Il existe également dans le secteur privé des avantages extralégaux de nature familiale qui sont souvent attribués au «chef de famille», et donc le plus souvent aux hommes. L’écart salarial le plus criant concerne les salaires respectifs des hommes mariés avec une famille à charge et des femmes dans la même situation. Ces avantages non liés au travail professionnel ont des répercussions tout au long de la carrière sur les indexations, sur le calcul des allocations de remplacement et surtout sur le calcul de la pension 
			(13) 
			Ibid..

3.3. Classification des fonctions

21. Une évaluation objective du contenu de la fonction doit servir de base à la détermination du revenu. C’est le seul facteur objectivement contrôlable sur le marché du travail qui, s’il est utilisé de manière professionnelle, permet de s’attaquer au fossé salarial. L’évaluation des fonctions part de ce principe. Le salaire dépend uniquement de ce que vous faites et doit être totalement déconnecté de la manière de travailler (comment) et de la personne de l’exécutant (qui). Une telle évaluation se base sur le recours à des critères. Seul le choix de critères réfléchis et de conseillers professionnels, sans influence de préjugés ou de stéréotypes, peut contribuer à établir un système équilibré de classification des fonctions qui à la fois serve de référence et permette d’éliminer la discrimination, et donc le fossé salarial. Souvent, ces critères sont le reflet de normes en vigueur en matière de travail des femmes, et le système d’évaluation devient alors un instrument caché qui confirme le fossé salarial. Les critères sont alors un exemple de discrimination sexuelle indirecte.
22. Les exemples sont légion dans la pratique. Il paraît évident que les ouvriers du bâtiment qui déplacent des pierres effectuent un travail physique pénible, mais on oublie souvent que les infirmières doivent soulever des patients plusieurs fois par jour. Des critères typiquement associés aux fonctions masculines comme la responsabilité, la prise de décisions ou la formation sont plus valorisés que la facilité de communication, l’empathie ou la précision, typiquement associées au travail des femmes. Ces préjugés sont le fait des responsables des ressources humaines, des analystes de fonctions, des représentants des syndicats, du personnel d’encadrement et malheureusement aussi des femmes elles-mêmes. Parce que les femmes sont essentiellement employées dans le secteur des soins, à des fonctions subalternes et d’exécution, elles sont d’avance convaincues qu’elles seront moins considérées. Comme le lien entre les résultats de l’étude des fonctions et le salaire est aussi souvent faussé et affaire de concertation, ce système d’évaluation contribue malheureusement, par un effet pervers, à la ségrégation du marché du travail, et donc au fossé salarial. Nous n’étudierons pas plus avant le contenu d’un système objectif et fiable de classification des fonctions.

4. Conclusions et recommandations

23. Le rapporteur conclut ce qui suit:
i. le fossé salarial résulte de mécanismes discriminatoires directs et indirects, qui maintiennent une ségrégation à la fois horizontale et verticale sur le marché du travail, et donc le fossé salarial;
ii. le manque de dispositifs d’accueil temporaire, le mode de gestion de la société et les stéréotypes conduisent les femmes à ne pas travailler ou à opter pour le travail à temps partiel;
iii. on manque de données statistiques complètes et d’un mode de calcul uniformisé du fossé salarial dans les Etats membres.
24. Le rapporteur rappelle ce qui suit:
i. l’arrêt Rummler de la Cour de justice des Communautés européennes donne un certain nombre d’indications sur les exigences auxquelles doit répondre une évaluation des fonctions du point de vue de l’égalité de traitement;
ii. selon les conclusions de la Conférence des ministres de l’Union européenne chargés de l’égalité entre les femmes et les hommes, tenue le 4 février 2005 à Luxembourg, une approche diversifiée des facteurs sous-jacents, parmi lesquels la ségrégation sectorielle et professionnelle, les classifications de fonctions et les systèmes de rémunération, permettra d’éliminer les inégalités de salaires entre hommes et femmes;
iii. une étude récente souligne que, pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, la première priorité est la question du salaire.
25. Le rapporteur considère ce qui suit:
i. l’application du principe «à travail égal, salaire égal» est cruciale pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes;
ii. il existe une discordance entre la situation juridique et la situation réelle dans l’approche des différences de salaires dans la plupart des Etats membres;
iii. iii la travailleuse se trouve dans une situation d’isolement juridique qui l’empêche de dénoncer elle-même le caractère discriminatoire de certaines classifications de fonctions et des salaires correspondants.
26. Le rapporteur attire l’attention sur le fait que le 27 mars 2009 a été déclaré Journée de l’égalité salariale.
27. Le rapporteur suggère que l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
i. d’ouvrir des discussions avec les partenaires sociaux pour éliminer les discriminations en matière de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions entre hommes et femmes;
ii. d’entamer des discussions avec les partenaires sociaux pour revaloriser les secteurs dits «féminins»;
iii. de lutter contre les pièges du travail à temps partiel en encourageant toutes les mesures tendant à améliorer l’accueil des enfants et des personnes âgées, ainsi qu’un partage plus équitable des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes;
iv. de soumettre à leur parlement chaque année, le 8 mars (Journée internationale de la femme), un rapport décrivant l’état d’avancement de la concertation avec les partenaires sociaux et du processus visant à éliminer la ségrégation sur le marché de l’emploi, et ce jusqu’à ce que soient supprimées les discriminations en matière de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions et la ségrégation sur le marché de l’emploi.
28. Le rapporteur recommande au Comité des Ministres de lancer une enquête de comparaison des causes des différences de salaire entre le travail à temps partiel et le travail à temps complet, et de communiquer les résultats de cette enquête à l’Assemblée.

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Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission: Doc. 11611, Renvoi 3469 du 27 juin 2008

Projets de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 25 janvier 2010.

Membres de la commission: M. José Mendes Bota (Président), Mme Mirjana Ferić-Vac (Vice-Présidente), Mme Doris Stump (Vice-Présidente), Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel (remplaçante: Mme Maria Stavrositu), Mme Magdalina Anikashvili, M. John Austin (remplaçante: Baronne Gale), M. Lokman Ayva, Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Rosa Delia Blanco Terán, Mme Olena Bondarenko, M. Han Ten Broeke (remplaçant: M. Paul Lempens), Mme Sylvia Canel, Mme Anna Maria Carloni, M. James Clappison, Mme Ingrida Circene, Mme Anna Čurdová, M. Andrzej Cwierz, M. Kirtcho Dimitrov, Mme Mesila Doda, Mme Lydie Err, Mme Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt, Mme Alena Gajdůšková, M. Giuseppe Galati, Mme Gisèle Gautier, Mme Sophia Giannaka, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, M. Håkon Haugli, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanović, Mme Charoula Kefalidou (remplaçant: M. Dimitrios Papadimoulis), Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, Mme Athina Kyriakidou, Mme Sophie Lavagna, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova (remplaçant: M. Ivan Popescu), M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Steinunn Valdis Óskarsdóttir, Mme Beatrix Philipp, Mme Carmen Quintanilla Barba, M. Stanislaw Rakoczy (remplaçante: Mme Jadwiga Rotnicka), M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Karin Roth, Mme Klára Sándor, M. Manuel Sarrazin (remplaçante: Rupprecht), Mme Albertina Soliani, Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Elke Tindemans, M. Mihai Tudose, Mme Tatiana Volozhinskaya (remplaçante: Mme Natalia Burykina), M. Paul Wille, Mme Betty Williams (remplaçant: M. Tim Boswell), Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux