1. Introduction
1. Le fossé salarial renvoie comme son nom l’indique
aux différences salariales qui existent entre les hommes et les
femmes. Si le principe d’un salaire égal est défendu par la plupart
des démocraties européennes, il est aussi inscrit depuis 1948 dans
la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pourtant, le nombre
d’arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes et la
réalité quotidienne du monde du travail montrent abondamment que
le principe de l’égalité des salaires est encore régulièrement foulé
aux pieds.
2. Le fossé salarial se retrouve dans quasi toutes les entreprises
européennes mais, plus grave encore, il est également de mise dans
le secteur public, qui devrait pourtant montrer l’exemple. Le fossé
salarial n’est pas à mettre au compte, comme la majorité des problèmes
liés au capital humain, des seuls facteurs traditionnels que sont
l’âge, la formation et l’expérience. D’ailleurs, on n’accorde plus
guère de crédit à la thèse qui veut que le fossé salarial s’explique
par le manque d’investissement des femmes dans la formation. L’évolution
dans les Etats européens montre qu’un nombre croissant de femmes
suivent de plus en plus des formations supérieures ou universitaires
et que leur participation à
tous les niveaux de la vie professionnelle a nettement progressé.
Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, la référence
au sexe est de moins en moins présente dans ces facteurs individuels
traditionnels.
3. Des études sociologiques et statistiques soulignent que le
fossé salarial est principalement à mettre au compte d’une ségrégation
persistante dans les activités professionnelles et de son impact
sur la structure salariale. Il devient de plus en plus clair que
ce ne sont pas les critères classiques individuels justifiant les différences
salariales qui sont principalement responsables du maintien du fossé
salarial. Ce sont plutôt les mécanismes discriminatoires (cachés
ou non) des stratégies politiques et professionnelles et les pratiques
du marché de l’emploi, où les accords institutionnels, une certaine
«norme» et une gestion sociale imprègnent fortement la structure
salariale, qui contribuent ainsi à maintenir le fossé salarial.
4. Le marché de l’emploi reste fortement marqué par la différence
fondamentale entre les «professions masculines» et les «professions
féminines», voire par l’existence de secteurs réservés aux femmes
et de secteurs réservés aux hommes. Le présent rapport s’attardera
dès lors sur cette question de ségrégation. Une gouvernance sociétale
ancestrale et les modèles d’emploi qu’elle véhicule posent également
question dans de nombreux pays et sont à leur tour sources de ségrégation.
5. Un autre facteur pertinent est l’absence d’une classification
équilibrée des fonctions. Cette classification consiste à attribuer
un salaire à chaque échelon de la fonction, la nature de la fonction
constituant le seul critère, quelle que soit la personne qui l’occupe.
Combinée au principe «à travail de valeur égale, rémunération égale»,
la classification peut aider à garantir une structure salariale
plus juste. Ce système n’est pas appliqué dans de nombreux Etats
membres, ou permet que subsistent des mécanismes discriminatoires,
au détriment des femmes. L’absence de révisions fondamentales de
ces systèmes de classification des fonctions s’explique aisément.
En effet, aucun des partenaires sociaux n’a intérêt à ce qu’un système
d’analyse moderne supplante les systèmes déjà désuets. Pour les
employeurs, cela se traduirait par une hausse substantielle des
coûts salariaux. Pour les syndicats plane le risque de dissensions
internes et de conflits à l’occasion de la révision d’échelles salariales
qui, historiquement, ont été surévaluées.
6. Même si les femmes sentent qu’elles sont sous-payées ou traitées
de manière inégale, la voie de la justice semble très peu porter
ses fruits et elle est rarement empruntée. Les syndicats interviennent
souvent timidement, de peur de voir leurs négociations et acquis
antérieurs remis en cause devant le tribunal. Un tel comportement
dissuasif des syndicats augmente encore l’isolement juridique des
travailleuses. La charge émotionnelle associée à l’initiative d’engager
une action en justice contre leur propre employeur constitue également
un frein. Même si les garanties légales sont entre-temps décrites
de manière assez précise dans la plupart des Etats, leur application
est loin d’être évidente dans la majorité des pays. Le marché du
travail et le fossé salarial omniprésent, toujours vécu par des
millions de femmes européennes comme une pénalisation injuste, en
témoignent. Leur ressentiment est d’autant plus grand que, malgré
l’engagement historique inscrit dans la législation nationale et
traduit par des traités et directives internationales, elles continuent
à subir de manière structurelle le fossé salarial. La discrimination,
si elle est n’est pas toujours visible, perdure.
7. Ce fossé salarial perdure du fait, d’une part, de la discrimination
que subissent directement les femmes et, d’autre part, d’inégalités
structurelles, comme la ségrégation pratiquée dans les secteurs
d’activité, les professions et les modes de travail, l’accès à l’éducation
et à la formation, les systèmes d’évaluation et de rémunération
entachés de préjugés, ainsi que les clichés
.
8. Le présent rapport a pour objet de définir la présence du
fossé salarial, d’en discerner les facteurs déterminants, ainsi
que d’en tirer des conclusions et de faire des recommandations.
Il ne s’agit pas du premier rapport de la commission sur le sujet.
Le rapport de mars 2005 intitulé «Discrimination à l’encontre des
femmes parmi les demandeurs d’emploi et sur le lieu de travail»,
présenté Mme Anna Čurdová, qui a conduit à l’adoption de la
Recommandation 1700 (2005) de
l’Assemblée, définissait déjà le fossé salarial comme l’un des trois
principaux problèmes rencontrés par les femmes sur le marché du
travail (les deux autres étant la difficulté d’accès au marché de
l’emploi et le «plafond de verre») – qui s’expliquent tous par la
discrimination dont sont victimes les femmes
.
2. La présence du fossé salarial
9. Le fossé salarial se calcule/se définit souvent comme
étant la différence entre le salaire moyen brut horaire des femmes
et des hommes. Il peut se traduire par une formule mathématique
facile à retenir: H-F/H*100. En fonction de la définition, des données
de référence et des méthodes de calcul, il peut y avoir de larges
variations dans l’estimation du fossé salarial. C’est ainsi que
les résultats diffèrent beaucoup d’un Etat européen à l’autre. Si
l’on prend seulement en compte les différences moyennes entre les
salaires bruts dans le secteur privé, les chiffres seront plus négatifs
que si l’on y intègre les résultats du secteur public. En effet,
il y a proportionnellement plus de femmes qui occupent des fonctions
supérieures dans le secteur public, qui est souvent aussi plus sensible
à une politique d’égalité des chances entre hommes et femmes. Quoi
qu’il en soit, qu’il s’agisse du secteur privé ou public, le salaire
brut ou net horaire, mensuel ou annuel présente bien une différence
structurelle au préjudice de la femme. Calculé sur toute la durée
de la vie, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes
est encore plus important, ce qui explique dans une large mesure
la féminisation de la pauvreté observée dans nombre de nos pays
(pauvreté qui frappe en particulier les mères célibataires et les
femmes âgées).
10. La discrimination prend souvent la forme de facteurs difficilement
mesurables. C’est ainsi que les résultats sont particulièrement
sensibles aux grandes différences sectorielles qui, à première vue,
ne font pas craindre de discrimination. De nombreuses études tendent
à montrer qu’il y a proportionnellement plus de femmes au travail
dans des secteurs payant moins bien. Ce constat est essentiel car
ces effets sont la conséquence de la structure du marché du travail
en tant que tel et c’est lui qui est dans une large mesure responsable
du (maintien du) fossé salarial. Comme l’avait déjà expliqué Mme
Čurdová en 2005: «les femmes sont souvent payées moins que les hommes
pour un travail de valeur égale. Ce type de discrimination se fonde généralement
sur une “ségrégation professionnelle horizontale par sexe”. Par
exemple, le niveau d’études et l’expérience requis pour effectuer
un certain travail sont les mêmes, mais les femmes sont moins payées
(les chauffeurs et chauffeurs de taxi sont souvent mieux payés que
les femmes de ménage ou les réceptionnistes). Dans certains pays,
les salaires ont baissé dans certaines professions à mesure qu’elles
devenaient de plus en plus féminines (par exemple les médecins et
les enseignants en Europe centrale et orientale).»
Même dans
ces professions, à forte ségrégation, il y a souvent des hommes
aux postes les mieux payés; par exemple, bien que les femmes représentent
plus de 70 % de l’ensemble du corps enseignant dans certains pays,
les hommes sont proportionnellement plus nombreux aux postes de
chef d’établissement. Cela est très souvent le résultat d’une «discrimination
à l’envers», lorsque le besoin d’une plus forte représentation masculine
se fait sentir dans la profession. Les hommes bénéficient alors
plus vite de promotions et d’augmentations de salaire
.
11. Outre le concept de fossé salarial, se pose la question de
la fiabilité des données, qui mettent parfois en évidence des différences
conséquentes et incroyables du fossé salarial moyen existant dans
un pays entre deux années consécutives
. Il faut donc être très prudent dans le
maniement des données lorsqu’on étudie le développement du fossé
salarial. Le fossé salarial n’existe pas. L’objet de ce rapport
n’est pas de faire une analyse quantitative du problème ni de s’engager
dans des spéculations théoriques, mais bien d’établir les liens
de cause à effet pour aboutir à des réflexions critiques qui permettront
de faire des recommandations visant à déjouer cette injustice tenace.
Nous nous appuyons sur les données d’Eurostat de 1994 à 2004 pour les
entreprises publiques et privées, qui analysent toute une série
de chiffres et où le fossé salarial moyen analysé représente la
différence entre le salaire horaire brut moyen des hommes et des
femmes exprimé en pourcentages. On arrive à un chiffre moyen avoisinant
les 25 % pour les Etats membres de l’Union européenne
. Secteurs public et
privé confondus, le chiffre moyen s’établissait à 17,4 % pour les
27 Etats membres de l’Union européenne en 2007
(d’après
les données d’Eurostat les plus récentes).
3. Facteurs déterminants
3.1. Ségrégation et origine
12. C’est la ségrégation sur le marché du travail qui
explique en grande partie le fossé salarial. Comme certains secteurs
paient tout bonnement moins que d’autres, et que les femmes y sont
comme nous l’avons dit surreprésentées, l’existence d’un fossé salarial
est évidente dans la plupart des Etats membres. L’offre plus importante
que la demande pour ces emplois aura à son tour pour conséquence
de dévaluer la main-d’œuvre féminine
. Ces secteurs sont en outre stéréotypés
comme étant des secteurs «soft», d’un moindre intérêt économique
et financier. L’ensemble de ces secteurs constituent donc un marché
du travail ségrégationniste, où il convient de faire la distinction
entre ségrégation verticale et horizontale.
13. La ségrégation horizontale ou «murs de verre»: les femmes
et les hommes travaillent clairement dans des secteurs différents.
Les hommes travaillent plus souvent dans des secteurs marchands
et les femmes dans des secteurs axés sur le développement du bien-être
et de la prospérité. Cela a probablement encore plus d’impact sur
les différences de salaires moyens, car le secteur marchand paie
mieux, applique souvent un système de primes et de commissions et
se caractérise par des bénéfices plus élevés; en outre, dans ces secteurs
(hyper)concurrentiels, on attire du personnel ayant une bonne expérience
en lui promettant des avantages financiers comme des augmentations
de salaires (indicateur salarial féminin, 2009). Le nettoyage, la
production textile, les soins de santé, les services sociaux et
l’enseignement (de base) sont des secteurs typiquement féminins
en Europe. Des emplois types des femmes sont réceptionniste, caissière,
vendeuse (non qualifiée), employée de maison ou employée de bureau.
14. Cependant, des données concernant l’ancienne «République démocratique
allemande» (l’ex-Allemagne de l’Est)
semblent
contredire cette idée selon laquelle la ségrégation horizontale
serait l’une des causes principales de l’écart de rémunération entre
les hommes et les femmes. En effet, il n’y avait guère de ségrégation
horizontale entre emplois féminins et masculins sur le marché du
travail de la RDA: les personnes, hommes ou femmes, qui habitaient
près d’un centre industriel avaient tendance à y travailler, et
les étudiantes étaient aussi nombreuses que les étudiants à obtenir
un diplôme d’ingénieur. En outre, la garde des enfants était socialisée
et plus de 90 % des enfants de plus d’un an étaient accueillis dans
des crèches ou des jardins d’enfants gérés par l’Etat. Pourtant,
les écarts de salaire étaient importants, puisqu’une femme gagnait
environ 25 % de moins qu’un homme (la retraite d’une femme était
même inférieure d’environ 40 % à celle d’un homme), alors que l’égalité
entre les femmes et les hommes était l’un des piliers de l’idéologie
communiste et qu’elle était censée avoir été atteinte dans le cadre
du «Realsozialismus» («socialisme réel») de la RDA. Ces faits confirment
le constat établi par mon ancienne collègue parlementaire, Mme Smet,
qui indiquait déjà en 2001, dans un rapport du Parlement européen,
que plus de la moitié de l’écart de rémunération ne s’expliquait pas
par des facteurs structurels, «objectifs», mais par la persistance
d’une discrimination à l’encontre des femmes.
15. La logique du marché de l’emploi et la structure salariale,
qui vont de pair, sont particulièrement défavorables aux femmes.
Les femmes ont en général moins d’expérience que les hommes sur
le marché du travail. Le marché du travail européen étant axé sur
une récompense salariale de l’expérience, le fossé salarial risque
de s’élargir si l’expérience était davantage récompensée. On constate
donc que les pays caractérisés par un marché du travail très sensible
aux aptitudes et à l’expérience professionnelle présentent des fossés salariaux
plus importants. Les sociologues Blau et Kahn définissent ce mécanisme
qui n’est pas immédiatement perceptible, de la manière suivante:
si les femmes ont moins d’expérience professionnelle que les hommes,
on peut dire qu’en moyenne, plus la récompense salariale de l’expérience
acquise est importante pour les salariés indépendamment de leur
sexe, plus le fossé salarial sera profond. De même, si les femmes ont
tendance à exercer des professions différentes de celles des hommes
dans des secteurs autres que ceux des hommes, pour des raisons qui
tiennent peut-être à une discrimination ou à d’autres facteurs,
on constate que plus la prime dont bénéficient les salariés hommes
et femmes lorsqu’ils travaillent dans un secteur masculin est importante,
plus le fossé salarial qui les sépare se creuse
.
16. Le résultat est évident. L’argument de l’expérience semble
être un puissant facteur du maintien de la ségrégation verticale,
plus connue sous le nom de «plafonds de verre». Les hommes et les
femmes se retrouvent de ce fait à des niveaux de fonctions différents
au sein du même secteur ou de la même entreprise, les femmes occupant
les fonctions inférieures, moins bien rémunérées, et les hommes,
les fonctions supérieures, mieux rémunérées. Cela a un impact important
sur les salaires moyens, mais a aussi un autre effet pervers, à
savoir le crowding effect: les
salaires vont baisser dans les secteurs réservés aux femmes (où existent
des facilités pour le travail à temps partiel), parce qu’il y a
trop de femmes pour un nombre limité d’emplois.
3.2. Normalisation sociale et institutionnalisation
17. La structure salariale ne récompense pas seulement
les capacités individuelles comme l’expérience ou la productivité
potentielle. La ségrégation horizontale et la ségrégation verticale
décrites ci-dessus sont toutes deux le reflet d’influences actuelles
et d’influences qui se sont développées historiquement sur le marché
du travail. Il y a, d’une part, l’impact des normes sociales et,
d’autre part, des stratégies patronales qui interagissent avec le
marché de l’emploi et influencent systématiquement la structure
des salaires. L’importance de ce phénomène est souvent au centre
de l’argumentation dans la littérature critique attachée à décortiquer
la sous-évaluation sociale du travail des femmes, qui est donc aussi
l’une des causes premières du fossé salarial. Le rapporteur se dit
également convaincu que le fossé salarial ne doit pas seulement
être attribué à la différence entre hommes et femmes en matière
de capital humain et à la discrimination directe par les employeurs,
mais aussi et surtout à divers mécanismes de comportement social
qui font que le travail des femmes est fortement sous-évalué et
à la concentration des femmes dans certains secteurs, qui maintient
les salaires à un faible niveau.
18. Un autre facteur induit par la société et qui pourrait expliquer
de manière substantielle le fossé salarial est le travail à temps
partiel. Souvent la répartition inégale du travail à temps partiel
n’est pas une question de vrai «choix» pour les femmes. Elle est
plutôt la conséquence de l’inégalité de la répartition des tâches véhiculée
par des schémas stéréotypés à l’égard des femmes, et du manque de
structures d’accueil souples et d’un prix abordable qui mettent
les femmes dans l’impossibilité de répondre aux exigences de flexibilité
des employeurs. De nombreuses études montrent qu’il reste beaucoup
de chemin à faire pour répartir plus justement les responsabilités
familiales et professionnelles entre les hommes et les femmes. L’impact
sur le fossé salarial est à l’avenant. Etant donné que le travail
à temps partiel est principalement affaire de femmes et qu’il est
généralement proposé dans des secteurs d’activité moins lucratifs,
notamment dans le secteur «soft» dit des soins (tâches domestiques,
soins de santé, services sociaux), le salaire horaire brut est faible dans
les emplois à temps partiel.
19. Le travail à temps partiel a également des conséquences négatives
sur le développement de la carrière. Les travailleurs à temps partiel
ont non seulement moins de chances de promotion, mais accumulent
aussi moins d’ancienneté et sont moins concernés par les avantages
extralégaux
. Le succès rencontré par le travail
à temps partiel dans plusieurs pays européens est un phénomène marquant.
De plus en plus de femmes bénéficient de mesures incitatives et
d’aménagements leur permettant de travailler plus facilement à temps partiel.
L’introduction de l’interruption de carrière et du crédit-temps
y contribue grandement. Le système des «chèques services» a également
permis à de nombreuses femmes de travailler à temps partiel. Par
ailleurs, le travail à temps partiel a un effet négatif sur le salaire
horaire des femmes (mais aussi des hommes) parce qu’on trouve très
peu d’emplois à temps partiel au niveau dirigeant ou cadre. Le travail
à temps partiel et l’interruption de carrière, nécessaires pour
remplir les obligations découlant du partage inégal des tâches familiales
et ménagères, jouent donc un rôle essentiel dans le développement
de l’inégalité des salaires.
20. Il existe également dans le secteur privé des avantages extralégaux
de nature familiale qui sont souvent attribués au «chef de famille»,
et donc le plus souvent aux hommes. L’écart salarial le plus criant
concerne les salaires respectifs des hommes mariés avec une famille
à charge et des femmes dans la même situation. Ces avantages non
liés au travail professionnel ont des répercussions tout au long
de la carrière sur les indexations, sur le calcul des allocations
de remplacement et surtout sur le calcul de la pension
.
3.3. Classification des fonctions
21. Une évaluation objective du contenu de la fonction
doit servir de base à la détermination du revenu. C’est le seul
facteur objectivement contrôlable sur le marché du travail qui,
s’il est utilisé de manière professionnelle, permet de s’attaquer
au fossé salarial. L’évaluation des fonctions part de ce principe.
Le salaire dépend uniquement de ce que vous faites et doit être
totalement déconnecté de la manière de travailler (comment) et de
la personne de l’exécutant (qui). Une telle évaluation se base sur
le recours à des critères. Seul le choix de critères réfléchis et
de conseillers professionnels, sans influence de préjugés ou de stéréotypes,
peut contribuer à établir un système équilibré de classification
des fonctions qui à la fois serve de référence et permette d’éliminer
la discrimination, et donc le fossé salarial. Souvent, ces critères
sont le reflet de normes en vigueur en matière de travail des femmes,
et le système d’évaluation devient alors un instrument caché qui
confirme le fossé salarial. Les critères sont alors un exemple de
discrimination sexuelle indirecte.
22. Les exemples sont légion dans la pratique. Il paraît évident
que les ouvriers du bâtiment qui déplacent des pierres effectuent
un travail physique pénible, mais on oublie souvent que les infirmières
doivent soulever des patients plusieurs fois par jour. Des critères
typiquement associés aux fonctions masculines comme la responsabilité,
la prise de décisions ou la formation sont plus valorisés que la
facilité de communication, l’empathie ou la précision, typiquement
associées au travail des femmes. Ces préjugés sont le fait des responsables
des ressources humaines, des analystes de fonctions, des représentants
des syndicats, du personnel d’encadrement et malheureusement aussi
des femmes elles-mêmes. Parce que les femmes sont essentiellement
employées dans le secteur des soins, à des fonctions subalternes
et d’exécution, elles sont d’avance convaincues qu’elles seront
moins considérées. Comme le lien entre les résultats de l’étude
des fonctions et le salaire est aussi souvent faussé et affaire
de concertation, ce système d’évaluation contribue malheureusement,
par un effet pervers, à la ségrégation du marché du travail, et
donc au fossé salarial. Nous n’étudierons pas plus avant le contenu
d’un système objectif et fiable de classification des fonctions.
4. Conclusions et recommandations
23. Le rapporteur conclut ce qui suit:
i. le fossé salarial résulte de mécanismes
discriminatoires directs et indirects, qui maintiennent une ségrégation
à la fois horizontale et verticale sur le marché du travail, et
donc le fossé salarial;
ii. le manque de dispositifs d’accueil temporaire, le mode
de gestion de la société et les stéréotypes conduisent les femmes
à ne pas travailler ou à opter pour le travail à temps partiel;
iii. on manque de données statistiques complètes et d’un mode
de calcul uniformisé du fossé salarial dans les Etats membres.
24. Le rapporteur rappelle ce qui suit:
i. l’arrêt Rummler de la Cour de justice des Communautés
européennes donne un certain nombre d’indications sur les exigences
auxquelles doit répondre une évaluation des fonctions du point de
vue de l’égalité de traitement;
ii. selon les conclusions de la Conférence des ministres de
l’Union européenne chargés de l’égalité entre les femmes et les
hommes, tenue le 4 février 2005 à Luxembourg, une approche diversifiée
des facteurs sous-jacents, parmi lesquels la ségrégation sectorielle
et professionnelle, les classifications de fonctions et les systèmes
de rémunération, permettra d’éliminer les inégalités de salaires
entre hommes et femmes;
iii. une étude récente souligne que, pour assurer l’égalité
entre les hommes et les femmes, la première priorité est la question
du salaire.
25. Le rapporteur considère ce qui suit:
i. l’application du principe «à travail égal, salaire égal»
est cruciale pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes;
ii. il existe une discordance entre la situation juridique
et la situation réelle dans l’approche des différences de salaires
dans la plupart des Etats membres;
iii. iii la travailleuse se trouve dans une situation d’isolement
juridique qui l’empêche de dénoncer elle-même le caractère discriminatoire
de certaines classifications de fonctions et des salaires correspondants.
26. Le rapporteur attire l’attention sur le fait que le 27 mars
2009 a été déclaré Journée de l’égalité salariale.
27. Le rapporteur suggère que l’Assemblée demande aux Etats membres
du Conseil de l’Europe:
i. d’ouvrir
des discussions avec les partenaires sociaux pour éliminer les discriminations
en matière de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions
entre hommes et femmes;
ii. d’entamer des discussions avec les partenaires sociaux
pour revaloriser les secteurs dits «féminins»;
iii. de lutter contre les pièges du travail à temps partiel
en encourageant toutes les mesures tendant à améliorer l’accueil
des enfants et des personnes âgées, ainsi qu’un partage plus équitable
des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes;
iv. de soumettre à leur parlement chaque année, le 8 mars
(Journée internationale de la femme), un rapport décrivant l’état
d’avancement de la concertation avec les partenaires sociaux et
du processus visant à éliminer la ségrégation sur le marché de l’emploi,
et ce jusqu’à ce que soient supprimées les discriminations en matière
de valeurs de fonctions et de classifications de fonctions et la
ségrégation sur le marché de l’emploi.
28. Le rapporteur recommande au Comité des Ministres de lancer
une enquête de comparaison des causes des différences de salaire
entre le travail à temps partiel et le travail à temps complet,
et de communiquer les résultats de cette enquête à l’Assemblée.
***
Commission chargée du rapport: commission
sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes
Renvoi en commission: Doc. 11611, Renvoi
3469 du 27 juin 2008
Projets de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 25 janvier 2010.
Membres de la commission: M.
José Mendes Bota (Président),
Mme Mirjana Ferić-Vac (Vice-Présidente), Mme
Doris Stump (Vice-Présidente),
Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel (remplaçante:
Mme Maria Stavrositu), Mme
Magdalina Anikashvili, M. John Austin (remplaçante: Baronne Gale), M. Lokman Ayva, Mme Deborah
Bergamini, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Rosa Delia Blanco Terán, Mme Olena Bondarenko,
M. Han Ten Broeke (remplaçant: M. Paul Lempens),
Mme Sylvia Canel, Mme Anna Maria Carloni,
M. James Clappison, Mme Ingrida Circene, Mme Anna Čurdová, M. Andrzej Cwierz, M.
Kirtcho Dimitrov, Mme Mesila Doda, Mme Lydie Err,
Mme Pernille Frahm, Mme Doris
Frommelt, Mme Alena Gajdůšková,
M. Giuseppe Galati, Mme Gisèle Gautier,
Mme Sophia Giannaka, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, M. Håkon Haugli, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanović,
Mme Charoula Kefalidou (remplaçant: M. Dimitrios Papadimoulis), Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, Mme Athina Kyriakidou, Mme Sophie Lavagna,
M. Terry Leyden, Mme Mirjana
Malić, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė,
Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova (remplaçant: M. Ivan Popescu), M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Steinunn Valdis Óskarsdóttir,
Mme Beatrix Philipp, Mme Carmen Quintanilla
Barba, M. Stanislaw Rakoczy (remplaçante: Mme Jadwiga Rotnicka), M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter,
M. Nicolae Robu, Mme Karin Roth,
Mme Klára Sándor, M. Manuel Sarrazin (remplaçante: Rupprecht), Mme Albertina Soliani,
Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Elke Tindemans, M. Mihai Tudose, Mme
Tatiana Volozhinskaya (remplaçante: Mme Natalia Burykina), M. Paul Wille, Mme Betty Williams (remplaçant:
M. Tim Boswell), Mme Gisela
Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme
Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux