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Avis de commission | Doc. 12197 | 07 avril 2010

Discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Nursuna MEMECAN, Turquie, ADLE

Origine - Voir le rapport déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Doc. 12185. 2010 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)

La commission soutient pleinement le projet de résolution et le projet de recommandation déposés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et félicite le rapporteur, M. Gross, pour son excellent rapport exhaustif.

La commission est d’avis que la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre peut être exacerbée en raison du sexe et du genre, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, en particulier, courant un risque de violence accru. Il peut également y avoir des cas de discrimination sexuelle dans la communauté Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). La commission félicite la commission des questions juridiques et des droits de l’homme d’avoir inclus la dimension de genre dans les textes à adopter et ne propose donc pas d’amendements.

B. Exposé des motifs, par Mme Memecan, rapporteuse

(open)

1. Définitions

1. Le premier problème auquel on est confronté, lorsqu’on traite la question de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre pour la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, est une certaine confusion au sujet des termes utilisés dans le débat: le «sexe» ou bien «l’orientation sexuelle», le «genre» ou bien l’«identité de genre».
2. Il semble par conséquent utile de reproduire ici les définitions utilisées par M. Gross 
			(1) 
			Doc. 12185, p. 7.:
L’«orientation sexuelle» renvoie à la capacité de chacun de ressentir à l’égard de personnes du sexe opposé, du même sexe ou de plus d’un sexe, une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle, et d’entretenir avec ces personnes des relations intimes et sexuelles. L’orientation sexuelle est une part profonde de l’identité de chaque être humain; elle englobe l’hétérosexualité, la bisexualité et l’homosexualité. Cette dernière est désormais dépénalisée dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
L’«identité de genre» désigne l’expérience intime et personnelle de son genre telle que profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au genre assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut également impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre comme la façon de s’habiller, de parler et de se comporter.
3. Les définitions des termes «sexe» et «genre» ne sont pas uniformes. Cependant, comme le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, l’a souligné dans un document récent, «il importe de bien distinguer la notion de “sexe” de celle de “genre”. Alors que la notion de “sexe” renvoie essentiellement à la différence biologique entre les femmes et les hommes, celle de “genre” intègre les aspects sociaux de la différence des genres, sans se limiter à l’élément biologique» 
			(2) 
			«Droits
de l’homme et identité de genre», document thématique, Commissaire aux droits de l’homme,
juillet 2009..
4. ILGA Europe, une association militante de LGBT, dans le document qu’elle a présenté au Comité ad hoc du Conseil de l’Europe pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO), chargé de rédiger la future convention du Conseil de l’Europe en la matière, va même jusqu’à affirmer que: «L’homophobie et la transphobie peuvent être considérées comme des expressions exacerbées de discrimination fondée sur le genre. On a effectivement dit de l’homophobie qu’elle était “l’arme du sexisme”, en ce sens qu’elle a pour effet de dissuader et de sanctionner les expressions et les comportements qui ne se conforment pas aux concepts patriarcaux de genre et de rôles de genre, et par conséquent de les mettre à mal.» 
			(3) 
			«Document
présenté au Comité ad hoc du Conseil de l’Europe pour prévenir et
combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique»,
ILGA Europe, 8 septembre 2009, p. 4.
5. Le sexisme et la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre semblent ainsi avoir des racines similaires et semblent être liés, bien que les concepts eux-mêmes soient différents.

2. La discrimination sexuelle et la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

6. Il n’est donc par surprenant que les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres («LBT») se heurtent à la violence fondée sur le genre, à la fois en raison de leur genre et du fait que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre remet en cause les concepts traditionnels de genre et de rôles de genre. D’ailleurs, comme ILGA Europe l’a fait remarquer, il n’est pas toujours possible pour les femmes LBT de faire la distinction, dans les expériences auxquelles elles sont confrontées, entre la discrimination contre les lesbiennes et la discrimination contre les femmes 
			(4) 
			Ibid., p. 5. .
7. En 2002, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes a dit lors d’une allocution devant la Commission des droits de l’homme des Nations Unies: «La violence fondée sur le genre est également liée à la notion sociale de ce que cela signifie d’être un homme ou une femme. Les personnes qui s’écartent du comportement considéré comme “normal” sont la cible de violences. La situation est encore plus critique lorsque y est associée la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle ou du changement de l’identité de genre. La violence contre les minorités sexuelles connaît une recrudescence et il est important que nous relevions le défi de ce que l’on pourrait qualifier de dernière frontière des droits humains.» 
			(5) 
			Allocution prononcée
lors de la 50e session de la Commission
des droits de l’homme, Radhika Coomaraswamy, rapporteuse spéciale
des Nations Unies sur la violence contre les femmes, y compris ses
causes et ses conséquences, 10 avril 2002.
8. Il a été démontré que les femmes LBT sont particulièrement affectées par diverses formes de violence fondée sur le genre, telles que le viol, la violence sexuelle, le harcèlement et les mariages forcés 
			(6) 
			Le document
présenté au CAHVIO par ILGA Europe donne de nombreux exemples provenant
de plusieurs pays et cite différentes études. . Les Etats membres devraient par conséquent offrir une protection adaptée au risque accru que courent les femmes LBT, et cela devrait également être pris en compte au cours des négociations au sein du CAHVIO.

3. La discrimination et la violence au sein de la communauté LGBT

9. La communauté LGBT elle-même n’est pas à l’abri de la discrimination et de la violence. Les relations avec un partenaire du même sexe peuvent devenir violentes tout comme dans les relations hétérosexuelles. La différence est principalement une différence de concept: le Conseil de l’Europe est d’avis, par exemple, que la violence contre les femmes (y compris la violence domestique) est la conséquence extrême (mais logique) de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Ce concept est plus difficile à appliquer à la violence qui se produit dans le cadre de relations avec un partenaire du même sexe, lorsque aussi bien les auteurs que les victimes de la violence sont du même sexe.
10. L’existence de la violence ne peut cependant pas être niée. ILGA Europe, dans son document présenté au CAHVIO, a cité un projet de recherche important mené dans ce domaine au Royaume-Uni en 2003, dont les principales conclusions sont résumées ci-après:
  • «Sur un échantillon de 1 911 femmes lesbiennes et bisexuelles, 22 % avaient subi des abus ou des violences physiques, sexuelles ou mentales, exercés par un partenaire régulier du même sexe, tandis que 19 % avaient subi des abus récurrents.
  • Sur un échantillon de 1 391 hommes homosexuels et bisexuels, 29 % avaient subi des abus ou des violences physiques, sexuelles ou mentales, exercés par un partenaire sexuel homme régulier, tandis que 24 % avaient subi des abus récurrents.
  • Les différences entre les femmes et les hommes selon les types d’abus étaient marginales. Aussi bien pour les femmes que pour les hommes, la forme la plus courante des abus était des abus psychologiques ou mentaux, tels que des “insultes, le fait de dénigrer ou de rabaisser l’autre”. Pratiquement autant ont signalé être agressés physiquement ou frappés.» 
			(7) 
			Ibid., p. 21.
11. La conclusion qu’en tire ILGA Europe est que les victimes de violence domestique dans des relations avec un partenaire du même sexe (en particulier les femmes LBT) devraient être couvertes par la future convention du Conseil de l’Europe pour combattre et prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique 
			(8) 
			Ibid., p. 4-6.. Je ne suis cependant pas certaine que cette commission – et l’Assemblée – partage cette conclusion, dans la mesure où la commission et l’Assemblée ont demandé au Comité des Ministres d’élaborer une convention consacrée à la violence contre les femmes, y compris la violence domestique (pour l’Assemblée, la violence domestique n’est qu’une forme de violence faite aux femmes). La Recommandation 1847 (2008) adoptée par l’Assemblée propose effectivement de limiter la future convention du Conseil de l’Europe aux «formes les plus sévères et les plus répandues de la violence à l’égard des femmes».
12. Une autre question épineuse est la discrimination sexuelle au sein de la communauté LGBT. Par exemple, il y a eu des débats pendant plusieurs années au sein de la communauté LGBT de Cologne (Allemagne) sur l’organisation de la Marche des fiertés annuelle, «Christopher», qui, pour de nombreuses femmes LBT, est devenue trop sexualisée et porte atteinte à la dignité des femmes (par exemple, en autorisant une des plus grandes maisons closes européennes à participer, ainsi que des adeptes hétérosexuels et homosexuels du «sadomasochisme» qui font parader leurs «esclaves» sexuelles femmes) 
			(9) 
			Voir plusieurs articles
dans le magazine féminin allemand EMMA, dans
l’édition de juillet-août 2009.. Certaines femmes LBT ont réagi en lançant une «Marche des fiertés des femmes», mais le débat est toujours aussi virulent.
13. Pour terminer, on ne sait pas très bien si les femmes LBT peuvent attendre plus ou moins de solidarité que les hommes homosexuels de la part de la communauté LGBT lorsque, par exemple, elles font leur «coming out», se battent pour leurs droits ou entrent en politique. En Allemagne, un homme qui ne se cache pas d’être homosexuel est devenu récemment vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères; le pays a déjà plusieurs maires hommes qui ont révélé leur homosexualité, mais aucune femme lesbienne vivant son homosexualité au grand jour n’occupe de telles fonctions. Il se pourrait donc bien que les lesbiennes subissent des discriminations sexuelles, y compris dans leur propre communauté.

4. Conclusions

14. Je tiens à féliciter le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, M. Gross, pour son rapport exhaustif et d’excellente tenue. La seule chose qui manque parfois dans ce rapport est une approche sensible aux différences entre les genres. Je suis donc très heureuse d’avoir eu la possibilité de souligner que la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre peut être exacerbée en raison du sexe et du genre, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, courant en particulier un risque accru de violence en raison des structures patriarcales qui persistent dans la société. De surcroît, il peut aussi y avoir des cas de discrimination sexuelle au sein même de la communauté LGBT.

Commission saisie du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Commission saisie pour avis: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission: Décision de l’Assemblée du 29 janvier 2010

Avis adopté par la commission le 26 mars 2010

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux