1. Introduction:
Les forêts, base de la vie
1. Les végétaux sont à la base
de la vie. Ils ont été les premiers organismes à quitter le milieu
marin; ils sont le premier maillon des chaînes alimentaires – en
utilisant l’énergie solaire, ils produisent des substances organiques
qui sont ensuite assimilées par les animaux et les êtres humains.
Les végétaux forment la partie la plus active du cycle de l’oxygène.
Du fait de leur importante biomasse, les processus de la photosynthèse et
de la respiration ont des effets considérables sur la composition
gazeuse de l’atmosphère de la planète.
2. La forêt est le principal type de formation végétale dans
de nombreux biomes terrestres; elle comprend généralement une ou
plusieurs espèces d’arbres avec une canopée dense. Les forêts abritent
aussi des plantes herbacées, des arbustes, des mousses et des lichens.
L’écosystème forestier est capable de s’auto-entretenir, ce qui
est son attribut essentiel. Cela signifie qu’une forêt peut vivre
beaucoup plus longtemps que chacun des arbres qui la composent.
Les arbres peuvent croître, se développer, vieillir et mourir, les
vieux arbres sont remplacés par des sujets plus jeunes, mais la
forêt elle-même reste intacte.
3. Les forêts peuvent être constituées de conifères, de feuillus
ou d’un mélange des deux (forêts mixtes), d’espèces caducifoliées
et d’espèces sempervirentes. Elles offrent un habitat à de nombreux
oiseaux et autres animaux et constituent une source de bois, de
baies, de champignons et de matières premières. La biomasse accumulée
par la forêt constitue 90 % de la biomasse terrestre totale (qui
est comprise entre 1 650 x 109 et 1 911 x 109 tonnes
en poids sec; les forêts de conifères représentent 14 à 15 % de
ce total et les forêts humides 55 à 60 %). En conséquence, les forêts
mondiales forment d’importantes réserves de carbone.
4. Les forêts, qui jouent un rôle important dans la régulation
du climat et la protection du sol et de l’eau, sont un facteur essentiel
à la durabilité de la biosphère. Leur préservation et leur reproduction
nécessitent des efforts permanents.
5. Les forêts ont toujours été d’une grande importance pour les
êtres humains. Elles jouent un rôle significatif dans certaines
économies modernes, tout en ayant une grande valeur environnementale,
sociale, culturelle et récréative dans la plupart des pays. Il convient
aussi de garder à l’esprit que les vastes forêts anciennes abritent
de nombreux peuples indigènes.
2. Le rôle des forêts face aux problèmes
environnementaux de la planète
6. Les forêts du globe remplissent
de nombreuses fonctions environnementales essentielles, qu’il s’agisse de
fixer et de stocker le dioxyde de carbone de l’atmosphère, de prévenir
l’érosion des sols ou de réguler l’équilibre hydrique.
7. Chacun sait que les forêts sont souvent appelées «les poumons
de la planète». Bien qu’elle ne soit pas très précise, cette métaphore
décrit bien l’importance des forêts dans les cycles du carbone et
de l’oxygène. De même que tous les végétaux, les forêts, grâce à
la photosynthèse, produisent des substances organiques en utilisant
le dioxyde de carbone atmosphérique comme source de carbone et en
rejetant de l’oxygène. Pour une molécule de dioxyde de carbone absorbée
par un végétal (c’est-à-dire un atome de carbone capturé), une molécule
d’oxygène est rejetée dans l’atmosphère. Le carbone capturé au cours
de la photosynthèse (et intégré dans les substances organiques produites)
est, pour partie, utilisé par le végétal pour construire son propre
organisme et, pour partie, retourne dans l’atmosphère sous forme
de dioxyde de carbone au cours de la respiration ou de la décomposition
du végétal. Par conséquent, le carbone utilisé par le végétal au
cours de son cycle de vie pour entretenir son propre organisme équivaut
à l’oxygène libéré.
8. L’importance des forêts en tant que réservoirs de carbone
est le résultat de leur énorme biomasse et du stockage de longue
durée du carbone séquestré organiquement dans les troncs d’arbres.
Par exemple, dans les forêts boréales où la décomposition est lente,
un tronc d’arbre mort mettra de cent à cinq cents ans à se décomposer,
ce qui signifie que le carbone accumulé par un arbre au cours de
sa vie sera capturé pendant plusieurs siècles après sa mort. Toutefois,
dans les forêts anciennes où la biomasse s’est stabilisée et les
taux de décomposition sont pratiquement équivalents à la production
primaire, la quantité annuelle de carbone fixée par la photosynthèse
est à peu près égale à la quantité libérée lors de la décomposition.
Dans ces conditions, les forêts ne jouent plus le rôle de «puits
de carbone», mais restent des réservoirs de carbone très importants tant
que leur intégrité est préservée.
9. Il convient de noter que la situation est parfois plus compliquée
et que de vieilles forêts peuvent continuer à faire office de puits
de carbone, du fait de l’accumulation de carbone dans le sol, par
exemple. En outre, des écosystèmes forestiers humides, tels que
les tourbières boisées, présentent en permanence des taux d’accumulation
de carbone significatifs, même lorsque ce sont des forêts anciennes.
Les sols extrêmement humides et le déficit d’oxygène qui en résulte
empêchent la décomposition des substances organiques mortes. Celles-ci
s’accumulent ainsi dans les sols marécageux, formant des couches
de tourbe qui s’épaississent au fil des années. L’épaisseur de la
couche de tourbe peut atteindre plusieurs mètres – entre 3 et 5
et parfois jusqu’à 10 mètres. Les forêts de tourbières, ainsi que
les tourbières ouvertes et non boisées et de nombreux autres types
de zones humides, accumulent de la tourbe pendant des milliers d’années,
en capturant du dioxyde de carbone et en rejetant de l’oxygène dans
l’atmosphère. Le carbone accumulé reste stocké jusqu’à ce que la
tourbière soit drainée et que l’oxygène puisse pénétrer en profondeur.
Le processus est alors inversé – la tourbe qui se décompose rejette
du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce rejet pouvant être particulièrement
massif si la tourbière prend feu, ce qui n’est pas rare dans les
terrains asséchés.
10. Il est donc évident que, pour être efficace, sachant que c’est
l’excès de dioxyde de carbone atmosphérique qui provoque l’effet
de serre, toute politique climatique doit prendre en compte le rôle
de puits et de réservoirs de carbone joué par les forêts, afin de
faire face aux défis environnementaux mondiaux tels que le réchauffement
climatique.
11. Le rôle des forêts dans la protection de l’eau est également
bien connu. Cette action n’est pas seulement reconnue sur le plan
théorique, elle est aussi utilisée dans la pratique. De nombreux
pays ont adopté une législation afin de préserver les forêts qui
servent d’écran protecteur le long des rives et à proximité des sources
des cours d’eau et des lacs. La législation russe contient des dispositions
pertinentes et demande de prévoir la mise en place de rideaux forestiers
le long de tous les cours d’eau, lacs et aquifères relativement importants,
ces rideaux étant plus larges à proximité des cours d’eau abritant
des sites de reproduction de poissons d’intérêt commercial. On sait
aussi que la forêt a la capacité de prévenir l’érosion des berges,
de renforcer les pentes et d’éviter le développement de ravines.
Si les pentes d’une vallée fluviale et les rives des affluents du
cours d’eau principal sont boisées, l’érosion est beaucoup moins
importante – les racines des arbres et des autres plantes de la
forêt stabilisent le sol, empêchant la formation de fossés d’écoulement profonds;
une litière épaisse, des mousses et des lichens protègent également
la couche superficielle du sol; les troncs et les branches morts
et les irrégularités microscopiques du sol détournent et ralentissent
le flux d’écoulement.
12. La forêt peut avoir un impact considérable sur le volume des
pluies et des chutes de neige. Il a été démontré qu’elle favorise
les turbulences de l’air et entraîne de ce fait davantage de précipitations.
Les bassins fluviaux boisés peuvent recevoir des pluies et des chutes
de neige beaucoup plus abondantes que les zones non boisées. De
plus, comparée à la végétation herbacée, la forêt peut évaporer
des quantités d’eau bien supérieures (à la différence des herbacés,
les arbres peuvent capter l’eau beaucoup plus profondément dans le
sol), ce qui signifie qu’une partie de cette eau, par l’intermédiaire
des forêts, retourne dans le cycle atmosphérique, de sorte qu’en
période de sécheresse l’air y est plus humide que dans les zones
déboisées.
13. La déforestation à grande échelle figure parmi les principales
causes des inondations catastrophiques de plus en plus fréquentes,
particulièrement dans les régions montagneuses où la fonte des neiges
dans des espaces découverts peut être particulièrement intensive.
14. Les forêts peuvent ralentir les vents, prévenir l’érosion
des sols et accumuler de l’humidité: ces caractéristiques sont déjà
mises à profit pour lutter contre un problème environnemental très
grave de désertification. Par exemple, depuis les années 1970, la
République populaire de Chine met en œuvre un programme gouvernemental
− la «grande muraille verte» − visant à planter des arbres sur 350 000 km²
afin de prévenir la progression du désert de Gobi. L’évaluation
objective de ce programme de reboisement à grande échelle donnera
des informations qui pourront être très utiles pour mener des projets
similaires dans d’autres parties du monde.
15. Dernier aspect, mais non le moindre: le rôle des forêts dans
la préservation de la biodiversité mondiale. Les forêts, qu’elles
soient tropicales, tempérées ou boréales, offrent un ensemble d’habitats
très diversifiés aux plantes, aux animaux et aux micro-organismes.
Les forêts sont donc censées abriter la majorité des espèces terrestres
vivant sur notre planète. La diversité biologique forestière englobe,
outre les arbres, la multitude de plantes, d’animaux et de micro-organismes
qui habitent ce milieu. Elle peut être envisagée à différents niveaux: écosystèmes,
paysages, espèces et populations. Des interactions complexes sont
à l’œuvre entre ces niveaux et au sein d’un même niveau. Dans les
forêts biologiquement diversifiées, cette complexité permet aux organismes
de s’adapter à des conditions environnementales en constante évolution
et d’assurer les fonctions écosystémiques.
3. La
situation actuelle des forêts au niveau mondial
3.1. Description
générale
16. La superficie mondiale des
forêts est estimée à quelque 38 millions de km2,
dont un peu plus de la moitié dans les pays en développement. La
perte de superficies forestières à l’échelle du globe serait d’environ 6,5 millions
de km² (principalement dans les pays en développement) contre une
progression de 0,9 million de km², soit un solde négatif de 5,5 millions
de km². En général, le recul des territoires forestiers est surtout
visible dans les pays en développement, bien que son ampleur soit
finalement plus faible que celle qui avait été annoncée pour les
années 1980-1990, tendance qui semble se poursuivre.
17. Les études montrent que les principaux facteurs affectant
la forêt sont le développement agricole en Afrique et en Asie et
les grands programmes de développement économique associés à la
migration et au développement des infrastructures et de l’agriculture
en Amérique latine et en Asie. En Asie, la culture du palmier à
huile est devenue une cause majeure de perte de superficies forestières.
Bien que la production de bois ne soit pas la principale cause de
recul de la forêt, elle constitue également un facteur important, notamment
parce que les opérations d’exploitation forestière se sont accompagnées
dans de nombreuses régions de la construction de routes destinées
à faciliter l’accès aux zones éloignées pour permettre la colonisation
agricole.
18. La carte élaborée par l’Institut des ressources mondiales
illustre les changements intervenus dans la couverture forestière:
elle montre l’espace terrestre occupé par les forêts aujourd’hui
et il y a huit mille ans.
Figure 1: La couverture forestière
il y a huit mille ans et aujourd’hui. Les superficies couvertes
par les forêts il y a huit mille ans apparaissent en gris foncé;
les forêts qui subsistent aujourd’hui sont en gris clair.
Tableau 1. Ampleur et causes
du recul de la forêt par continent selon l’Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
Continent
|
Zones boisées en millions d’hectares
|
Taux de recul en hectares/an
|
Principales causes
|
Amérique latine
|
990
|
5 à
10 millions
|
Exploitation forestière
|
Afrique
|
730
|
2 à
4 millions
|
Exploitation forestière,
pâturage
|
Asie
|
600
|
2 à
4 millions
|
Exploitation forestière,
pâturage
|
Amérique du Nord
|
580
|
40 000
|
Pollution
|
Europe
|
150
|
12 000
|
Pollution
|
19. La situation des forêts dans
le monde aujourd’hui ne peut être considérée comme bonne. Les forêts
font l’objet d’une exploitation forestière intensive et sont rarement
régénérées. La production annuelle de cette exploitation s’élève
à plus de 4,5 milliards de m3 de bois.
L’opinion publique mondiale est particulièrement préoccupée par
la situation des forêts tropicales et subtropicales, où la production
forestière représente plus de la moitié du volume d’exploitation
prescrit annuellement au niveau mondial. 160 millions d’hectares
de forêts humides ont déjà été détruits, et seulement 10 % des 11 millions
d’hectares exploités chaque année sont régénérés par la plantation
de forêts homogènes. Ces forêts humides, qui couvrent environ 7 %
des régions périéquatoriales, sont les «poumons de la planète».
Elles jouent un rôle exceptionnellement important dans la génération
de l’oxygène atmosphérique et l’absorption du dioxyde de carbone.
Les forêts humides abritent près de 4 millions d’espèces sauvages.
Elles offrent un habitat à 80 % des insectes et à deux tiers des
espèces végétales connues. Ces forêts produisent un quart des réserves
d’oxygène. Le Brésil possède 33 % des superficies de forêt humide,
tandis que le Zaïre et l’Indonésie en ont chacun 10 %. Selon la
FAO, ces forêts sont détruites au rythme de 100 000 km2 par
an.
3.2. Les
forêts européennes
20. Il y a environ huit mille ans,
70 % du territoire européen était couvert de forêts. Elles s’étendaient presque
partout, excepté dans les zones de haute montagne, les espaces ouverts
et les terrains humides. Avec la croissance démographique et l’apparition
de nouveaux matériels, l’exploitation forestière s’est développée
rapidement. Des espaces ont été défrichés à des fins agricoles,
et le bois a été utilisé comme matériau de construction et combustible.
21. A l’heure actuelle, l’espace forestier en Europe a diminué
de 68 % par rapport à sa superficie d’origine (hors Russie), alors
que seulement 1 % des anciens peuplements forestiers ont subsisté.
On ne trouve de grands espaces forestiers que dans le nord de l’Europe,
dans les régions subalpines et dans la partie européenne de la Russie.
Toutefois, le fait qu’au cours des dernières années, les superficies
forestières ont augmenté de 4 %, plus que dans toute autre partie
du monde, constitue incontestablement une bonne nouvelle.
22. Les forêts russes jouent un rôle clé dans la préservation
de la biodiversité et des fonctions biosphériques, car elles abritent
le plus grand ensemble d’écosystèmes naturels et une partie considérable
de la diversité des espèces mondiales.
23. La Russie occupe une position unique en termes de variations
latitudinales et zonales de la biodiversité, du fait que son territoire
comporte des écosystèmes naturels zonaux clairement définis. Il
existe en Russie plus de 180 espèces indigènes d’arbres et d’arbustes,
qui forment les forêts.
24. Dans l’Union européenne, les forêts se caractérisent par une
grande diversité de conditions climatiques, géographiques et écologiques:
climat tempéré ou boréal, zone méditerranéenne, alpine ou de plaine.
Les conditions socio-économiques peuvent varier considérablement
entre les pays ou les régions.
25. L’expansion de la superficie forestière européenne dépasse
la perte de terres boisées due à l’infrastructure et aux usages
urbains. Cette tendance, remontant aux années 1950 (plus tôt dans
certains pays), repose sur des facteurs divers. Plusieurs pays ont
agrandi leur couvert forestier par le biais de programmes de plantation
sur des terres agricoles non cultivées. Cette évolution positive
démarque l’Union européenne du grand nombre d’autres régions du
monde où la déforestation continue de réduire les ressources forestières.
Il convient cependant de noter que, si elle n’est pas planifiée
correctement, la plantation de forêts risque d’être préjudiciable
à des terres agricoles de grande valeur et de détruire des habitats constitués
par des biotopes caractéristiques des paysages ouverts.
26. L’importance des forêts européennes pour la conservation de
la nature a été reconnue dans le cadre de la mise en œuvre de la
Convention de Berne. Plusieurs types d’habitats forestiers sont
inscrits à l’annexe I de la Résolution no 4
du Comité permanent de la Convention de Berne et à l’annexe I de
la «Directive Habitat» de l’Union européenne, et doivent être protégés
respectivement au moyen du réseau Emeraude et du réseau Natura 2000.
4. Les
problèmes concernant la situation des forêts dans le monde
4.1. La
gestion des forêts
27. La gestion des forêts est un
type de gestion des ressources naturelles qui n’est durable que
s’il respecte quelques principes élémentaires:
- utilisation des forêts dans
les limites de leur régénération;
- préservation et renforcement des fonctions écologiques,
protectrices (protection de l’eau en particulier) et autres des
forêts;
- gestion et conservation de la biodiversité forestière;
- mise en place d’une procédure d’utilisation des forêts
selon leur importance, leurs fonctions, leur emplacement et les
conditions environnementales et économiques;
- création de conditions permettant la régénération de la
forêt;
- respect de règles d’utilisation reposant sur des données
scientifiques.
28. Les ressources forestières servent à de nombreux usages, par
exemple:
- récolte de bois;
- récolte de caoutchouc;
- récolte de la sève;
- récolte de fourrage;
- plantes médicinales et matières premières pour l’industrie;
- pâturage;
- ruches et ruchers;
- cueillette de fruits sauvages, de baies, de fruits à coque,
de champignons et d’autres ressources alimentaires;
- ramassage de mousses, de débris forestiers, de feuilles
tombées et de joncs.
29. En outre, certains espaces forestiers peuvent être utilisés
à diverses fins: chasse, recherche, culture, santé, tourisme et
sport.
30. De nombreuses organisations gouvernementales et internationales
s’occupent désormais des questions forestières et ont ainsi une
influence sur l’industrie forestière et la fixation des prix. L’une
de ces organisations est le Groupe d’experts intergouvernemental
sur les forêts (GIF), créé en avril 1995 par la Conférence des Nations
Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) de 1992 à
Rio de Janeiro. Le GIF travaille avec des organisations internationales,
des gouvernements, des organisations non gouvernementales et le
secteur privé. Ses activités ont un impact important sur la situation
des forêts et l’industrie forestière.
31. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO) fournit régulièrement des informations et publie tous les
deux ans “Situation des forêts du monde (SOFO)”. L’évaluation des
ressources forestières mondiales (FRA) effectuée également par la
FAO sert de base aux décisions de nombreuses autres organisations.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) mène
des actions liées au rôle environnemental des forêts et à leur protection.
4.2. L’industrie
forestière
32. Les produits de la forêt, le
volume de production, les conditions du marché, les prix et d’autres paramètres
pertinents sont directement liés à l’état des forêts dans le monde
à une période donnée, à la situation environnementale et aux politiques
mondiales et nationales en matière de gestion forestière. Les tendances
économiques, politiques, démographiques et sociales déterminent
les modes de gestion forestière et ont une incidence sur la formulation
des politiques nationales et l’établissement des institutions compétentes.
33. La localisation et la superficie des forêts sont principalement
affectées par les changements démographiques (croissance) et l’urbanisation,
les besoins en produits de l’industrie forestière et la capacité des
forêts à assurer d’importantes fonctions environnementales.
34. Les tendances politiques ayant une incidence sur le secteur
forestier comprennent la décentralisation, la privatisation, la
libéralisation du commerce et la mondialisation de l’économie.
35. Si la superficie totale des forêts ne cesse de diminuer, la
demande en produits forestiers augmente au contraire régulièrement.
L’une des principales tendances est le développement de technologies
de transformation plus efficientes permettant de meilleurs rendements
avec une consommation moindre de matières premières. L’adoption
de technologies plus respectueuses de l’environnement est également importante.
36. La liste des produits ligneux résultant de l’industrie forestière
est très longue. Ce secteur comprend l’exploitation forestière,
la production de bois d’œuvre et d’industrie, la production de pulpe
et de copeaux, la production de caisses, la construction de bâtiments
en bois et d’autres produits du bois.
37. Pour être utilisable, le bois doit être transformé en fonction
de sa destination finale. Les industries forestières utilisent une
vingtaine de procédés technologiques, parmi lesquels le sciage,
le broyage, la compression, la conformation, l’abrasion, le perçage,
le traitement chimique, etc.
38. La principale conséquence négative de la gestion forestière
est la surexploitation (on coupe plus de bois qu’il en pousse chaque
année). La surexploitation entraîne l’épuisement des ressources
forestières. Celles-ci sont actuellement surexploitées à l’échelle
de la planète. Certes, les ressources forestières sont renouvelables,
mais leur régénération prend en moyenne de quatre-vingts à cent ans,
voire plus longtemps, selon le type de forêts. La surexploitation
de grandes superficies risque de provoquer l’extinction de certaines espèces,
en raison de la disparition de leur habitat.
39. La sous-exploitation, quant à elle, entraîne un vieillissement
de la forêt, une baisse de la productivité et le développement de
maladies sur les vieux arbres. En conséquence, pour maximiser la
faisabilité économique de l’industrie forestière, les spécialistes
ont tendance à plaider pour une gestion reposant sur un équilibre
entre l’exploitation et la régénération des forêts. Il convient
toutefois de noter que si, d’un point de vue économique, il ne semble
pas très rationnel de couper moins de bois qu’il en pousse chaque
année, cette sous-exploitation peut être bénéfique à la biodiversité,
car une forêt plus ancienne fournit généralement des habitats à
un plus grand nombre d’espèces; cela est particulièrement intéressant
lorsque les espèces en question sont rares ou menacées.
40. Les problèmes environnementaux sont liés non seulement au
volume de la production, mais aussi aux modes d’exploitation. En
pesant le pour et le contre, on constate que l’exploitation sélective
revient plus cher, mais qu’elle est plus respectueuse de l’environnement.
41. L’industrie forestière fournit des matières premières qui
servent à des usages très divers, de la construction de bâtiments
à la production de papier, en passant par la fabrication de meubles.
A condition d’avoir une durée de vie suffisamment longue, ces produits
peuvent être considérés eux aussi comme des réservoirs de carbone.
Pour évaluer dans sa totalité l’influence de l’industrie forestière
sur le climat, il faut cependant calculer précisément «l’empreinte
carbone» de l’ensemble du cycle de vie des produits.
42. La gestion durable des forêts peut aussi passer par une utilisation
du bois comme source d’énergie renouvelable, à condition que la
surexploitation soit interdite et que soit prise en compte la nécessité
de préserver la biodiversité. Cela dit, remplacer des forêts anciennes
par des plantations d’arbres à croissance rapide destinés à la production
de biocarburants est un exemple typique de «mascarade écologique» (green wash), puisque la quantité
de carbone libérée par la destruction de vieux bois peut être supérieure
à la quantité économisée du fait du remplacement de carburants fossiles
par des carburants renouvelables.
4.3. Les
incendies de forêt
43. Les incendies de forêt sont
l’un des principaux facteurs abiotiques agissant sur les écosystèmes.
Ils constituent une phase naturelle du cycle de vie de certains
écosystèmes forestiers, comme les forêts de résineux du sud-est
des Etats-Unis. Dans les forêts où les incendies sont un phénomène
typique, les vieux arbres présentent une écorce caractéristique
qui résiste au feu, sauf s’il est particulièrement violent. Certains types
de pommes de pin, par exemple les cônes de pinus
banksians, lorsqu’ils sont portés à une certaine température,
libèrent facilement leurs graines. Dans certains cas, les incendies
entraînent un enrichissement du sol en éléments nutritifs tels que
le phosphore, le potassium, le calcium et le magnésium, permettant
la production de fourrages de bonne qualité. Les mesures de prévention
des incendies peuvent modifier les écosystèmes qui dépendent d’un
brûlage périodique de la végétation. Dans ces forêts, l’accumulation
de quantités trop importantes de débris non consumés, due à ces
mesures, risque de provoquer des feux d’une extrême violence. Dans
les écosystèmes forestiers ayant une tendance naturelle à brûler,
la biodiversité dépend en partie de feux de faible intensité.
44. Toutefois, la majorité des incendies de forêt sont aujourd’hui
provoqués par l’homme. Selon les statistiques, il en est ainsi de
97 % des incendies de forêt et 3 % seulement sont naturels. Aussi
bien la flore que la faune souffrent des incendies, dans la mesure
où la vaste majorité d’entre eux sont le fait de personnes qui utilisent
le feu à mauvais escient et ne respectent pas les règles de sécurité
lors des activités agricoles. Les forêts jonchées de débris sont
exposées à un risque accru d’incendie.
45. Chaque année, les incendies de forêt brûlent 2 millions de
tonnes de substances organiques. Ils ont également des répercussions
sur l’industrie forestière: moindre croissance, diminution de la
diversité forestière, augmentation des chablis, détérioration du
sol. Par ailleurs, les incendies de forêt facilitent la dispersion
d’insectes nuisibles et de champignons du bois. Des incendies fréquents
empêchent la régénération du couvert forestier.
46. Dans les régions peuplées où l’on pratique une gestion forestière
intensive, les entreprises situées en forêt, grâce aux équipements
dont elles disposent (systèmes d’alarme, extincteurs, postes d’incendie,
etc.), sont à même de lutter contre les incendies et ainsi de protéger
les forêts en cas de besoin. Afin de renforcer la capacité à faire
face aux incendies de forêt, il convient de prendre diverses mesures:
acquisition de moyens d’extinction, mise en place de pare-feu, développement
des infrastructures de transport et des réseaux d’alimentation en
eau, élimination des débris.
47. Les incendies de forêt sont actuellement détectés/localisés
grâce à des installations/postes d’observation, des patrouilles
sur le terrain et une surveillance par satellites. Idéalement un
système spatial opérationnel de surveillance des incendies devrait
permettre une couverture complète et en temps réel des incendies
de forêt et de leurs conséquences. Pour parer à la concentration
de fumée, des détecteurs aéroportés à infrarouge devraient localiser/détecter
les zones d’incendies.
48. Si l’amélioration des techniques de lutte aura des répercussions
sur l’ampleur des incendies, il faut néanmoins davantage de campagnes
d’éducation et de sensibilisation à la radio, à la télévision et
dans d’autres médias pour en réduire les effets.
4.4. Les
maladies de la forêt
49. Les insectes nuisibles et les
maladies, qui constituent la deuxième cause importante de dépérissement et
de disparition des forêts, sont l’une des plus grandes menaces pour
la santé de la forêt, les ressources forestières et la biodiversité.
Si l’infestation des forêts par des insectes et des maladies fait
partie des processus écologiques naturels, ces phénomènes tendent
cependant à devenir plus fréquents sous l’effet d’une gestion inappropriée.
Au cours des dix dernières années, en Russie, la surface moyenne
des territoires affectés en permanence par des infestations d’insectes
et des maladies s’est élevée à 5,37 millions d’hectares. Les pullulations
d’insectes phytophages et les épidémies de maladies ont causé la
perte de pas moins de 190 000 ha de forêts. Alors que la superficie
des espaces forestiers attaqués par des insectes phyllophages avait
augmenté au cours des années 2005-2007, en 2008 640 000 ha de moins
ont été touchés par rapport à 2007, principalement en raison du
recul des surfaces plantées.
50. Ces phénomènes s’expliquent par plusieurs raisons, mais d’abord
par la périodicité des invasions d’insectes nuisibles. Dans des
conditions climatiques favorables, les insectes se multiplient à
un rythme accéléré. Une telle croissance entraîne dans la plupart
des cas une vague d’infestation. Selon les données disponibles pour
2007, les forêts sibériennes, principalement dans les régions de
Tomsk et d’Irkoutsk, ont été les plus gravement atteintes par les
insectes nuisibles et les maladies.
51. Parmi les maladies, le chancre du sapin est la plus répandue
(445 000 ha). En Sibérie, cette maladie est principalement localisée
dans la région de Kemerovo. L’aggravation générale de l’état de
santé des forêts en Russie s’explique – outre les caractéristiques
biologiques particulières de certains insectes et maladies – par
un ensemble de plus en plus complexe de facteurs défavorables et
de défaillances institutionnelles dans le fonctionnement des services
de protection de la forêt, notamment le manque de spécialistes dans
ce domaine, la faiblesse des budgets consacrés aux études sur les
pathologies de la forêt et à leur surveillance et l’insuffisance
de la lutte contre les insectes nuisibles. Le premier de ces problèmes
peut être corrigé assez facilement par une meilleure normalisation
et une harmonisation des définitions.
52. Afin de stabiliser l’état de santé des forêts, les services
de protection et d’inspection des forêts mènent des actions concrètes
de préservation. Tout un arsenal de méthodes et de moyens techniques
sont utilisés pour lutter contre les insectes et les maladies, mais
il n’y en a aucun qui soit de nature universelle, à même de garantir
une approche intégrée et probante contre tous les types d’insectes.
53. Chaque année, des mesures spécifiques sont mises en place
pour lutter contre les insectes et les maladies sur un territoire
de plus de 500 000 ha. La proportion de méthodes biologiques, notamment
le recours à des engrais bactériens et à des préparations virales,
s’élève à environ 55 %.
54. La lutte contre les insectes et les maladies ne peut être
efficace et rentable que si elle est systématique, si elle utilise
tous les moyens appropriés, si elle tient compte des types d’insectes
et de maladies et des dommages qu’ils causent et si elle est adaptée
aux conditions écologiques, climatiques et météorologiques des forêts.
Il convient aussi de noter que des mesures trop agressives, visant
à éradiquer l’ensemble des organismes nuisibles et des maladies,
risquent de porter gravement atteinte à la biodiversité.
4.5. L’exploitation
illégale
55. Au seuil du nouveau millénaire,
on observe une intensification de l’exploitation illégale, en violation
des législations sur la forêt et l’environnement et des conventions
internationales. L’exploitation illégale se traduit chaque année
par des pertes considérables, particulièrement pour les économies
des pays producteurs de bois. Dans bien des cas, la proportion de
bois produit illégalement dépasse de loin celle de la production
légale. Cette activité fait baisser les prix et amoindrit la rentabilité
des entreprises légales. Dans certains pays, le volume de l’exploitation
illégale équivaut à celui de l’exploitation légale. Par exemple,
en Indonésie, la production légale s’élevait entre 25 et 28 millions
de m3 à la fin des années 1990, tandis
que la production illégale était comprise entre 17 et 30 millions
de m3 (Programme de gestion des ressources
naturelles, Djakarta).
56. Dans certains pays, même de hauts fonctionnaires s’adonnent
à l’exploitation illégale et à d’autres activités connexes. Selon
une étude récente menée au Cameroun dans le cadre du projet «Global
Forest Watch», de hauts fonctionnaires ont fait main basse sur les
ressources naturelles d’immenses concessions forestières illégales.
Selon les dires de plusieurs scientifiques, 80 % de l’exploitation
serait illégale au Brésil, particulièrement en Amazonie. L’exploitation
illégale touche non seulement les forêts tropicales, mais aussi
les forêts boréales. Ainsi, en raison d’un défaut de surveillance
par les services forestiers canadiens, la surexploitation est devenue
courante en Colombie britannique. En Pologne ou au Bélarus, du bois
est prélevé dans certains espaces naturels protégés. En Russie,
malheureusement, l’exploitation illégale est devenue courante. Celle-ci
et les activités d’exploitation non conformes à la législation représentant
au moins 20 % de la production.
57. L’exploitation illégale peut être subdivisée comme suit:
a. Exploitation non autorisée
57.1.1. exploitation par la population
locale à des fins non commerciales (approximativement 8 000 à 10 000
m3 par an);
57.1.2. exploitation par des ressortissants ou des groupes organisés
à des fins commerciales (de 16 000 à 500 000 m3 par
an selon les régions);
57.1.3. exploitation par des entreprises dans des zones non autorisées
à proximité d’une zone classée ou dans des zones difficiles d’accès
ou malaisées à contrôler (difficile à estimer, probablement des centaines
de milliers de m3);
57.1.4. surexploitation dans des zones autorisées et non autorisées;
57.1.5. exploitation pour la construction non autorisée sur des
sites non forestiers.
b. Exploitation «autorisée» illégale – L’exploitation peut
être autorisée mais illégale si l’exploitation dans les zones visées
est contraire à la loi (l’exploitation par elle-même n’est pas conforme
aux termes contractuels):
57.2.1. octroi
d’une autorisation d’exploitation dans des zones protégées par la
loi;
57.2.2. octroi d’une autorisation d’exploitation en contravention
des réglementations forestières en vigueur;
57.2.3. octroi d’une autorisation d’exploitation dans des zones
spéciales après une modification illicite des textes pertinents;
57.2.4. gestion illicite de la forêt;
57.2.5. exploitation assortie d’infractions à la législation.
58. La production illégale de bois
de valeur dépasse les 600 000 m3 en Russie
et s’élève à 2 à 3 millions de m3 pour
les bois moins précieux.
4.6. Le
reboisement
59. Le reboisement consiste à régénérer
les forêts exploitées légalement et à replanter des zones touchées par
l’exploitation illégale, les incendies et d’autres phénomènes préjudiciables,
ou encore à planter de nouvelles forêts et à diversifier les essences.
60. Il existe deux types d’activités de reboisement: le reboisement
artificiel (création de peuplements artificiels par plantation ou
semis) et la stimulation de la régénération naturelle (mesures favorisant
le reboisement des zones exploitées avec des essences de valeur,
principalement picea et pinus dans la taïga).
61. Selon les statistiques officielles, 40 % des superficies exploitées
de manière inconsidérée ont fait l’objet d’un reboisement au cours
des vingt dernières années. Dans la plupart des cas, on a utilisé
des jeunes plants de 2 à 4 ans, qui garantissent en principe un
taux de survie élevé et offrent des sujets de remplacement. L’essentiel
des plantations concerne de petites zones adjacentes aux zones de
taïga exploitées de manière inconsidérée à proximité des voies de
communication utilisées pour l’exploitation (c’est-à-dire faciles
à contrôler), tandis que le reste des zones exploitées (90 à 95 %)
demeure non planté, bien que l’on puisse voir des espaces de peuplement
dense à proximité des agglomérations.
62. Pour faciliter la régénération naturelle, il convient de sélectionner
et de laisser en place des arbres et des peuplements semenciers,
à condition que ces sujets ne soient pas sous-représentés et que
la distance entre les peuplements permette la pollinisation anémophile.
Cette pratique n’est pas toujours appliquée: les mesures de régénération
consistent le plus souvent à laisser en place des arbres semenciers
en mauvais état et sans valeur commerciale qui meurent rapidement
et ne produisent donc plus de graines. Il existe sans aucun doute
des exemples de reboisement réussis dans des forêts d’intérêt commercial
dont la situation effective est relativement contrôlée et où sont
pratiquées au moins certaines activités sylvicoles (notamment exploitation
et traitement des jeunes arbres dans des zones plus ou moins importantes).
De plus, le reboisement des forêts de conifères peut réussir dans
des conditions qui ne sont pas favorables à une croissance rapide
des arbres à petites feuilles (par exemple sur les sols sableux
ou rocailleux très pauvres en éléments nutritifs). Néanmoins, les
cas de reboisement réussi de forêts de conifères de valeur dans
la zone de la taïga sont assez rares (en réalité, ils ne représentent
pas plus de 5 % de la superficie exploitée totale) et ne jouent
pas un rôle important dans l’ensemble du développement forestier
des zones exploitées.
63. Le reboisement est pratiqué dans de nombreuses régions du
monde, particulièrement dans les pays de l’Asie orientale, où il
est utilisé pour accroître les superficies forestières. La surface
de forêts a augmenté dans 22 des 50 pays les plus boisés. Globalement,
l’Asie a gagné un million d’hectares de forêts entre 2000 et 2005. Au
Salvador, les forêts humides ont progressé de plus de 20 % entre
1992 et 2001.
64. En République populaire de Chine, où les forêts ont été en
grande partie détruites, le gouvernement a adopté une loi qui oblige
chaque citoyen âgé de 11 à 60 ans et apte à travailler à planter
de 3 à 5 arbres par an, ou à accomplir un travail équivalent dans
les services forestiers, ou à payer un impôt d’un montant équivalent.
Selon le Gouvernement chinois, environ 1 milliard d’arbres ont été
plantés en Chine depuis 1982. Chaque année, le 12 mars, la Chine
célèbre la Journée de l’arbre. De plus, le pays a adopté le projet
«Grande muraille verte», qui vise à prévenir la progression du désert
de Gobi grâce à la plantation d’arbres. Il a cependant été reconnu
que ce projet n’était pas une réussite, en raison du faible taux
de survie des arbres plantés (jusqu’à 75 % de pertes). Globalement,
depuis les années 1970, l’espace forestier en Chine a augmenté de
47 millions d’hectares. Il y a vingt ans, seulement 12 % du territoire
chinois était boisé. Ce chiffre est désormais passé à 16,55 %, soit
un taux de croissance de 4,55 % en vingt ans, ce qui n’est pas très
élevé compte tenu de l’ampleur des activités de reboisement annoncées.
65. Aujourd’hui, la croissance des superficies forestières en
Europe résulte dans une large mesure d’une approche scientifique
sérieuse du reboisement, mais il convient aussi de signaler qu’une
grande partie des forêts plantées en Europe relève de la monoculture
et présente une faible biodiversité. Ce qui est plus grave encore,
c’est qu’une proportion non négligeable de ces plantations sont
constituées d’espèces exotiques. Les mêmes problèmes s’observent
dans d’autres parties du monde.
4.7. La
propriété forestière
66. Partout dans le monde, la forêt
soulève des questions de propriété, les titres étant souvent inexistants.
67. Dans l’Union européenne des 15, environ un tiers des forêts
et autres terres boisées étaient la propriété de l’Etat, contre
deux tiers en propriété privée. Aujourd’hui, le pourcentage de la
propriété de l’Etat a augmenté. Outre l’évolution de la structure
de la propriété forestière, d’autres changements se sont produits
également dans les activités professionnelles et dans les modes
de vie des propriétaires forestiers privés. Dans certaines régions,
ceux-ci ne tirent plus leur principal revenu de la sylviculture,
compte tenu de leur mode de vie de plus en plus urbanisé.
68. Cependant, bien que le pourcentage de la propriété privée
ait baissé, le nombre d’exploitations privées a augmenté. Les processus
de restitution des forêts qui se sont déroulés dans les nouveaux
Etats membres y ont introduit la notion de propriété forestière
privée. Il y a cependant une grande variation du degré de maîtrise et
de compréhension de la gestion forestière par les propriétaires
forestiers, de la taille des exploitations forestières et des attentes
et de l’intérêt suscités par la gestion forestière.
69. La taille moyenne des exploitations forestières publiques
de l’Union européenne est de plus de 1 000 ha, contre seulement
13 ha pour les exploitations privées. La situation varie considérablement
d’un pays à l’autre et la plupart des propriétaires privés possèdent
des exploitations de moins de 3 ha. A cet égard, la structure de
propriété forestière de l’Union européenne diffère de celle des
autres pays dotés de larges ressources forestières, dans lesquels
la propriété publique est le modèle le plus répandu, voire l’unique modèle.
70. Le Brésil est le pays qui possède la plus vaste étendue de
forêt tropicale du monde et environ 64 % (environ 544 millions d’hectares)
de son territoire est recouvert d’une formation boisée quelconque.
71. La superficie de forêt naturelle utilisable pour la production
de bois est évaluée à 412 millions d’hectares, dont environ 124 millions
d’hectares dans le domaine public, incluant des forêts nationales,
des réserves indigènes, des parcs nationaux et d’autres zones de
conservation. Les 288 millions d’hectares restants sont pour la
plus grande partie des propriétés privées. On estime que 15 % de
la superficie de forêt utilisable pour la production de bois font
l’objet de mesures de conservation permanentes, par exemple en tant
que rives de fleuves ou sources d’eau, conformément aux dispositions
du Code forestier. La superficie effective de forêt disponible pour
l’approvisionnement en bois est donc de l’ordre de 350 millions
d’hectares.
72. Au Brésil, l’Institut national de recherche spatiale produit
tous les ans des chiffres sur la déforestation basée sur 100 à 220 images
prises durant la saison sèche par le satellite Landsat. Selon l’Institut,
le biome de la forêt amazonienne, originellement de 4 100 000 km2 au
Brésil a été réduit à 3 403 000 km2 en
2005, représentant une perte de 17,1 %. Depuis 1970, c’est une forêt
tropicale équivalant à la taille du Texas (plus grand que la France)
qui a été perdue. Durant la pire année de la déforestation en 1995,
sous les assauts répétés des tronçonneuses et des allumettes, une
surface de la taille de la Belgique a été perdue.
73. L’ancien Vice-Président américain Al Gore s’était attiré les
foudres du Brésil, il y a quelques années, en affirmant que l’Amazonie
appartenait au monde entier. Plus récemment, le Président brésilien,
Luiz Inácio Lula da Silva, a fustigé des politiciens britanniques
qui encourageaient leurs concitoyens à acheter des parcelles de
terres en Amazonie pour les soustraire à l’exploitation. «L’Amazonie
appartient aux Brésiliens!» avait proclamé le Président da Silva.
74. En Afrique, dans neuf des pays les plus fournis en forêts,
presque toutes demeurent dans le domaine public. Les données officielles
indiquent la possession étatique sur 98 % de la superficie forestière.
75. Dans plusieurs cas, la réforme effective de tenure forestière
en Afrique est empêchée par un manque de volonté politique et d’enthousiasme
pour reconnaître les droits locaux et autochtones. L’élaboration
et l’exécution inadéquates des réformes sont aussi un défi, même
là où les droits légaux des populations autochtones et des communautés
forestières sont reconnus.
76. La préférence des gouvernements pour les concessions industrielles
et de conservation au détriment des droits des communautés et de
leurs subsistances a freiné aussi des réformes effectives. Le manque
de clarté dans les régimes de tenure a permis à des gouvernements
de promouvoir de grandes concessions d’abattage, d’extraction de
pétrole, de minerais, de biocarburants et d’autres produits agricoles
au détriment des populations forestières.
77. Le ministre du Développement durable du Congo estimait à plusieurs
milliards les besoins financiers pour simplement établir une bonne
connaissance de la ressource et établir des inventaires.
4.8. Les
initiatives internationales en faveur de la conservation des forêts
et de leur utilisation durable
78. Les deux grandes conventions
mondiales consacrées à l’environnement qui ont été signées à Rio
de Janeiro en 1992 – la Convention-cadre sur le changement climatique
et la convention sur la diversité biologique – traitent de la conservation
et de l’utilisation durable des forêts à l’échelle mondiale.
79. Des questions se soulèvent aujourd’hui sur la question de
savoir comment répartir les sommes et quel organisme sera en charge
de leur gestion, sur la nécessité de prévoir un fonds pour la seule
forêt ou au contraire d’intégrer cette dernière dans ce qui, à terme,
doit devenir un grand «fonds vert», sachant que les pays développés
s’étaient engagés sur un financement annuel international de US$100 milliards
de dollars à partir de 2020.
80. Le 11 mars 2010 s’est déroulée à Paris la Conférence internationale
sur les grands bassins forestiers, dans le but de consolider et,
si possible, renforcer les annonces de financement précoces faites
à Copenhague pour la forêt et le climat, ainsi que les annonces
faites par les pays en développement portant sur d’actions nationales
sur le mécanisme REDD+.
81. Dans un communiqué conjoint publié durant la Conférence de
Copenhague, six Etats (l’Australie, les Etats-Unis, la France, le
Japon, la Norvège et le Royaume-Uni) avaient annoncé l’intention
d’allouer collectivement près de US$ 3,5 milliards de financement
initial pour REDD+ sur la période 2010-2012 pour permettre une mise
en œuvre immédiate d’actions de lutte contre la déforestation.
82. Un des obstacles majeurs à la lutte contre la déforestation
est qu’un arbre vivant a souvent moins de valeur marchande qu’un
arbre abattu. Le mécanisme de réduction des émissions liée à la
déforestation et à la dégradation forestière dans les pays en développement
(REDD) vise précisément à lever cet obstacle en attribuant aux émissions
forestières évitées une valeur financière. Il prend le nom de «REDD
+» lorsqu’en plus des émissions évitées sont pris aussi en compte
la capacité de stockage de carbone des forêts et la bonne gouvernance
et l’aménagement des forêts.
83. Plusieurs programmes ont été créés pour financer ce mécanisme.
On peut notamment mentionner:
- le
programme des Nations Unies pour la réduction des émissions liées
à la déforestation et à la dégradation de la forêt;
- l’initiative climat et forêt (CFI) de la Norvège;
- le Fonds de partenariat pour le carbone forestier de la
Banque mondiale.
84. L’Australie, les Etats-Unis, la France, le Japon la Norvège
et le Royaume-Uni ont confirmé leur engagement collectif à hauteur
de 3,5 milliards de dollars des Etats-Unis sur la période 2010-2012
et l’Allemagne, l’Espagne, la Slovénie et la Commission européenne
ont rejoint ce premier groupe de donateurs.
5. Conclusions
et recommandations
85. Le mauvais état et les problèmes
des forêts du globe sont dus à une utilisation inconsidérée des ressources
forestières et à une gestion peu rationnelle (que ce soit dans les
pays développés ou dans les pays en développement), ainsi qu’à un
retard dans la mise au point et l’application des techniques de
gestion forestière durable – en particulier des méthodes de gestion
forestière et d’utilisation des ressources qui permettent de conserver
non seulement la productivité des forêts mais aussi leurs fonctions
biologiques, leur valeur esthétique et récréative et leur diversité
biologique et paysagère.
86. Aujourd’hui, les incendies, l’exploitation illégale, les maladies
et les infestations d’insectes nuisibles touchent de vastes superficies
et représentent un grave problème pour les forêts. Tous ces aspects
négatifs sont directement liés à l’activité humaine. 3 % seulement
des incendies de forêt recensés chaque année sont d’origine naturelle,
97 % étant provoqués par l’homme.
87. Les foyers de maladie et la prolifération des insectes nuisibles
sont liés aux espaces forestiers qui sont soumis aux activités humaines
et ne font pas l’objet de mesures de restauration.
88. Les effets préjudiciables de l’exploitation illégale ne se
limitent pas à la destruction de la forêt, mais ont aussi d’importantes
conséquences environnementales et économiques. Ces opérations sont
toujours barbares: aucun arbre semencier n’est laissé sur les sites
d’exploitation, les espaces souffrent de la pollution et de la croissance
non maîtrisée de communautés monospécifiques (perte de biodiversité)
dont sont exclues les espèces qui ne sont pas intéressantes commercialement.
Après quoi, ces espaces deviennent des foyers d’incendies (terrains
jonchés de débris), de maladies et de pullulation d’insectes nuisibles
(communautés monospécifiques). Comme on pouvait s’y attendre, les
mêmes conséquences sont souvent perceptibles dans des espaces forestiers
faisant l’objet d’une utilisation légale, où les exploitants font
seulement semblant de mettre en œuvre des mesures de reboisement.
89. Tous les problèmes liés au dépérissement des forêts ont une
cause commune – l’absence de contrôle effectif sur la situation
des forêts et les activités de ceux qui les utilisent, à quoi s’ajoutent
le manque d’harmonisation et les lacunes des législations forestières
des différents pays.
90. A cet égard, les mesures ci-après pourraient être proposées
pour venir à bout de ces problèmes:
- créer une commission dans le cadre d’une organisation
existante (par exemple l’Organisation des Nations Unies), chargée
d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre une législation visant
à préserver et protéger les forêts; mettre au point et appliquer
des techniques de gestion durable des forêts;
- élaborer une législation internationale (accords) sur
la protection des forêts, ayant un caractère contraignant pour tous
les pays dotés d’importantes ressources forestières qui l’auront
ratifiée;
- élaborer des propositions en vue du paiement d’une taxe
par unité de gaz à effet de serre, qui serait collectée par la commission
créée et dont le montant serait affecté à des mesures de restauration des forêts
et réparti entre les pays dotés de ressources forestières en proportion
des volumes de gaz à effet de serre qui sont absorbés par leurs
forêts;
- faire assurer le contrôle du respect de la nouvelle législation
établie dans le cadre de la commission créée et le suivi de la situation
des forêts par les organisations internationales environnementales
qui existent dans les pays dotés d’importantes ressources forestières
et qui seront enregistrées (accréditées) auprès de la commission
en question.