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Rapport | Doc. 12284 | 07 juin 2010

Les forêts: l’avenir de notre planète

(Ancienne) Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteur : M. Vyacheslav TIMCHENKO, Fédération de Russie, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11634, Renvoi 3471 du 27 juin 2008, Renvoi 3500 du 28 novembre 2008. 2010 - Troisième partie de session

Résumé

Les forêts remplissent des fonctions essentielles pour la régulation du climat terrestre et pour la sauvegarde de l’environnement en général, en prévenant l’érosion des sols et les inondations, et en ralentissant les vents, contribuant ainsi à la diminution de la désertification. Elles abritent une très grande partie des espèces de la planète, et ont, par conséquent, un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité.

Toutefois, et même si les politiques européennes de reboisement ont donné des résultats positifs, l’on constate qu’une grande partie de ces forêts présente une faible biodiversité. La situation à l’échelle planétaire est beaucoup plus préoccupante puisque, à la suite des exploitations illégales, l’on constate un net recul des territoires forestiers, et ce notamment dans les pays en voie de développement.

L’Assemblée propose, par conséquent, de mettre en place des mesures de contrôle plus efficaces afin d’enrayer la déforestation et d’élaborer des accords internationaux, notamment pour les pays dotés d’importantes ressources financières. Elle propose également de prévoir des techniques de gestion durable des forêts ainsi que des campagnes d’éducation et de sensibilisation pour la prévention des incendies.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 28 mai 2010.

(open)
1. Les forêts sont souvent appelées «les poumons de la planète». Leur superficie mondiale est estimée à quelque 38 millions de kilomètres carrés, dont un peu plus de la moitié dans les pays en développement. Les forêts, grâce à la photosynthèse, produisent des substances organiques en utilisant le CO2 atmosphérique comme source de carbone et en rejetant de l’oxygène. Du fait de l’importante biomasse qu’elles représentent, les forêts ont des effets considérables sur la composition gazeuse de l’atmosphère et contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique.
2. Les forêts remplissent d’autres fonctions environnementales. Outre leur rôle important dans la régulation du climat terrestre, elles ont aussi un rôle essentiel dans la protection du sol (en prévenant l’érosion et les inondations) et de l’eau (en tant que régulateur pour l’équilibre hydrique). Les forêts contribuent aussi à la diminution de la désertification, en ralentissant les vents, ce qui permet de prévenir l’érosion des sols et l’accumulation de l’humidité.
3. Les forêts ont un rôle non négligeable dans la préservation de la biodiversité mondiale. Qu’elles soient tropicales, tempérées ou boréales, elles offrent un ensemble d’habitats très diversifiés aux plantes, aux animaux et aux micro-organismes. Les forêts abritent la majorité des espèces terrestres de la planète.
4. Les forêts jouent également un rôle significatif pour l’économie de certains pays, tout en gardant leurs valeurs environnementale, sociale, culturelle et récréative.
5. L’Assemblée parlementaire constate toutefois un net recul des territoires forestiers, surtout dans les pays en développement, où l’on observe une intensification de l’exploitation illégale, en violation des législations et des conventions internationales en vigueur, ce qui entraîne des pertes considérables, particulièrement pour les pays producteurs de bois. Dans bien des cas, la proportion de bois produit illégalement dépasse de loin celle de la production légale.
6. En Europe, on assiste, par contre, à une croissance des superficies forestières, résultat d’une approche scientifique sérieuse du reboisement. Une grande partie des forêts plantées en Europe relève de la monoculture et présente une faible biodiversité. L’Assemblée regrette qu’une proportion non négligeable de ces plantations soit constituée par des espèces exotiques.
7. L’Assemblée rappelle que l’importance des forêts européennes pour la conservation de la nature a été reconnue dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de Berne et que plusieurs types d’habitats forestiers sont inscrits à l’annexe I de la Résolution no 4 du Comité permanent de la Convention de Berne et à l’annexe I de la «Directive Habitat» de l’Union européenne. L’Assemblée se félicite d’ailleurs de la mise en place du réseau Emeraude et du réseau Natura 2000.
8. L’Assemblée souhaite également rappeler les deux grandes conventions mondiales signées lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992 à Rio de Janeiro – la Convention-cadre sur le changement climatique et la Convention sur la diversité biologique – qui traitent de la conservation et de l’utilisation durable des forêts à l’échelle mondiale.
9. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1761 (2006) sur la prévention des incendies de forêts et souligne que la majorité des incendies de forêts sont aujourd’hui provoqués par l’homme, ce qui entraîne des pertes considérables aussi bien sur la flore que sur la faune. L’Assemblée déplore que la grande majorité des incendies soient provoqués directement ou indirectement par les hommes qui ne respectent pas les règles de sécurité.
10. L’Assemblée estime qu’il est nécessaire de mettre en place un contrôle plus efficace pour enrayer la déforestation et d’harmoniser les législations régissant la sylviculture des différents pays. C’est pourquoi l’Assemblée invite les Etats membres et non membres du Conseil de l’Europe, ainsi que les organisations concernées:
10.1. à créer une commission dans le cadre d’une organisation existante (par exemple l’Organisation des Nations Unies), chargée d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre une législation visant à préserver et protéger les forêts;
10.2. à élaborer des accords internationaux sur la protection des forêts, ayant un caractère contraignant pour tous les pays dotés d’importantes ressources forestières qui les auront ratifiés;
10.3. à élaborer et instaurer un système de paiement d’une taxe par unité de gaz à effet de serre, dont le montant serait affecté à la restauration des forêts et réparti entre les pays dotés de ressources forestières en proportion des volumes de gaz à effet de serre qui sont absorbés par leurs forêts;
10.4. à accréditer auprès de la commission en question les organisations concernées existantes dans les pays dotés d’importantes ressources forestières, pour qu’elles aient le pouvoir de contrôler le respect de la nouvelle législation et du suivi de la situation sylvicole;
10.5. à prendre les mesures nécessaires pour la prévention et la détection des feux de forêt et pour améliorer la vitesse de réaction, ainsi que les technologies de lutte contre les incendies de forêt, pour en réduire le nombre et l’ampleur;
10.6. à mettre au point et appliquer des techniques vérifiées de gestion durable des forêts;
10.7. à mettre en place des sanctions pénales pour les pyromanes;
10.8. à prendre des mesures pour lancer des campagnes d’éducation et de sensibilisation à la prévention des incendies;
10.9. à mettre en place des politiques climatiques qui prennent en compte le rôle de puits et de réservoirs de carbone joué par les forêts, afin de faire face aux défis environnementaux mondiaux, notamment au réchauffement climatique;
10.10. à effectuer des reboisements d’une manière soigneusement contrôlée et scientifique, en évitant les monocultures et surtout la plantation à large échelle d’espèces exotiques;
10.11. à soutenir l’activité des services de protection et d’inspection des forêts, notamment dans leur lutte contre les insectes et les maladies des arbres;
10.12. à respecter, dans la gestion des forêts, les principes suivants:
10.12.1. l’utilisation des forêts dans les limites de leur régénération;
10.12.2. la préservation et le renforcement des fonctions écologiques, protectrices (des sols et des eaux en particulier) et autres des forêts;
10.12.3. la bonne gestion et la conservation de la biodiversité forestière;
10.12.4. la mise en place d’une procédure d’utilisation des forêts selon leur importance, leurs fonctions, leur emplacement et les conditions environnementales et économiques;
10.12.5. la création de conditions permettant la régénération de la forêt;
10.12.6. le respect de règles d’utilisation reposant sur des données scientifiques;
10.13. imposer aux industries d’exploitation sylvicole l’utilisation de technologies de transformation plus efficientes permettant de meilleurs rendements avec une consommation moindre de matières premières.
11. L’Assemblée invite également le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux à analyser et encourager les bonnes pratiques aux niveaux local et régional dans le domaine de la préservation des forêts.

B. Exposé des motifs, par M. Timchenko, rapporteur

(open)

1. Introduction: Les forêts, base de la vie

1. Les végétaux sont à la base de la vie. Ils ont été les premiers organismes à quitter le milieu marin; ils sont le premier maillon des chaînes alimentaires – en utilisant l’énergie solaire, ils produisent des substances organiques qui sont ensuite assimilées par les animaux et les êtres humains. Les végétaux forment la partie la plus active du cycle de l’oxygène. Du fait de leur importante biomasse, les processus de la photosynthèse et de la respiration ont des effets considérables sur la composition gazeuse de l’atmosphère de la planète.
2. La forêt est le principal type de formation végétale dans de nombreux biomes terrestres; elle comprend généralement une ou plusieurs espèces d’arbres avec une canopée dense. Les forêts abritent aussi des plantes herbacées, des arbustes, des mousses et des lichens. L’écosystème forestier est capable de s’auto-entretenir, ce qui est son attribut essentiel. Cela signifie qu’une forêt peut vivre beaucoup plus longtemps que chacun des arbres qui la composent. Les arbres peuvent croître, se développer, vieillir et mourir, les vieux arbres sont remplacés par des sujets plus jeunes, mais la forêt elle-même reste intacte.
3. Les forêts peuvent être constituées de conifères, de feuillus ou d’un mélange des deux (forêts mixtes), d’espèces caducifoliées et d’espèces sempervirentes. Elles offrent un habitat à de nombreux oiseaux et autres animaux et constituent une source de bois, de baies, de champignons et de matières premières. La biomasse accumulée par la forêt constitue 90 % de la biomasse terrestre totale (qui est comprise entre 1 650 x 109 et 1 911 x 109 tonnes en poids sec; les forêts de conifères représentent 14 à 15 % de ce total et les forêts humides 55 à 60 %). En conséquence, les forêts mondiales forment d’importantes réserves de carbone.
4. Les forêts, qui jouent un rôle important dans la régulation du climat et la protection du sol et de l’eau, sont un facteur essentiel à la durabilité de la biosphère. Leur préservation et leur reproduction nécessitent des efforts permanents.
5. Les forêts ont toujours été d’une grande importance pour les êtres humains. Elles jouent un rôle significatif dans certaines économies modernes, tout en ayant une grande valeur environnementale, sociale, culturelle et récréative dans la plupart des pays. Il convient aussi de garder à l’esprit que les vastes forêts anciennes abritent de nombreux peuples indigènes.

2. Le rôle des forêts face aux problèmes environnementaux de la planète

6. Les forêts du globe remplissent de nombreuses fonctions environnementales essentielles, qu’il s’agisse de fixer et de stocker le dioxyde de carbone de l’atmosphère, de prévenir l’érosion des sols ou de réguler l’équilibre hydrique.
7. Chacun sait que les forêts sont souvent appelées «les poumons de la planète». Bien qu’elle ne soit pas très précise, cette métaphore décrit bien l’importance des forêts dans les cycles du carbone et de l’oxygène. De même que tous les végétaux, les forêts, grâce à la photosynthèse, produisent des substances organiques en utilisant le dioxyde de carbone atmosphérique comme source de carbone et en rejetant de l’oxygène. Pour une molécule de dioxyde de carbone absorbée par un végétal (c’est-à-dire un atome de carbone capturé), une molécule d’oxygène est rejetée dans l’atmosphère. Le carbone capturé au cours de la photosynthèse (et intégré dans les substances organiques produites) est, pour partie, utilisé par le végétal pour construire son propre organisme et, pour partie, retourne dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone au cours de la respiration ou de la décomposition du végétal. Par conséquent, le carbone utilisé par le végétal au cours de son cycle de vie pour entretenir son propre organisme équivaut à l’oxygène libéré.
8. L’importance des forêts en tant que réservoirs de carbone est le résultat de leur énorme biomasse et du stockage de longue durée du carbone séquestré organiquement dans les troncs d’arbres. Par exemple, dans les forêts boréales où la décomposition est lente, un tronc d’arbre mort mettra de cent à cinq cents ans à se décomposer, ce qui signifie que le carbone accumulé par un arbre au cours de sa vie sera capturé pendant plusieurs siècles après sa mort. Toutefois, dans les forêts anciennes où la biomasse s’est stabilisée et les taux de décomposition sont pratiquement équivalents à la production primaire, la quantité annuelle de carbone fixée par la photosynthèse est à peu près égale à la quantité libérée lors de la décomposition. Dans ces conditions, les forêts ne jouent plus le rôle de «puits de carbone», mais restent des réservoirs de carbone très importants tant que leur intégrité est préservée.
9. Il convient de noter que la situation est parfois plus compliquée et que de vieilles forêts peuvent continuer à faire office de puits de carbone, du fait de l’accumulation de carbone dans le sol, par exemple. En outre, des écosystèmes forestiers humides, tels que les tourbières boisées, présentent en permanence des taux d’accumulation de carbone significatifs, même lorsque ce sont des forêts anciennes. Les sols extrêmement humides et le déficit d’oxygène qui en résulte empêchent la décomposition des substances organiques mortes. Celles-ci s’accumulent ainsi dans les sols marécageux, formant des couches de tourbe qui s’épaississent au fil des années. L’épaisseur de la couche de tourbe peut atteindre plusieurs mètres  – entre 3 et 5 et parfois jusqu’à 10 mètres. Les forêts de tourbières, ainsi que les tourbières ouvertes et non boisées et de nombreux autres types de zones humides, accumulent de la tourbe pendant des milliers d’années, en capturant du dioxyde de carbone et en rejetant de l’oxygène dans l’atmosphère. Le carbone accumulé reste stocké jusqu’à ce que la tourbière soit drainée et que l’oxygène puisse pénétrer en profondeur. Le processus est alors inversé – la tourbe qui se décompose rejette du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce rejet pouvant être particulièrement massif si la tourbière prend feu, ce qui n’est pas rare dans les terrains asséchés.
10. Il est donc évident que, pour être efficace, sachant que c’est l’excès de dioxyde de carbone atmosphérique qui provoque l’effet de serre, toute politique climatique doit prendre en compte le rôle de puits et de réservoirs de carbone joué par les forêts, afin de faire face aux défis environnementaux mondiaux tels que le réchauffement climatique.
11. Le rôle des forêts dans la protection de l’eau est également bien connu. Cette action n’est pas seulement reconnue sur le plan théorique, elle est aussi utilisée dans la pratique. De nombreux pays ont adopté une législation afin de préserver les forêts qui servent d’écran protecteur le long des rives et à proximité des sources des cours d’eau et des lacs. La législation russe contient des dispositions pertinentes et demande de prévoir la mise en place de rideaux forestiers le long de tous les cours d’eau, lacs et aquifères relativement importants, ces rideaux étant plus larges à proximité des cours d’eau abritant des sites de reproduction de poissons d’intérêt commercial. On sait aussi que la forêt a la capacité de prévenir l’érosion des berges, de renforcer les pentes et d’éviter le développement de ravines. Si les pentes d’une vallée fluviale et les rives des affluents du cours d’eau principal sont boisées, l’érosion est beaucoup moins importante – les racines des arbres et des autres plantes de la forêt stabilisent le sol, empêchant la formation de fossés d’écoulement profonds; une litière épaisse, des mousses et des lichens protègent également la couche superficielle du sol; les troncs et les branches morts et les irrégularités microscopiques du sol détournent et ralentissent le flux d’écoulement.
12. La forêt peut avoir un impact considérable sur le volume des pluies et des chutes de neige. Il a été démontré qu’elle favorise les turbulences de l’air et entraîne de ce fait davantage de précipitations. Les bassins fluviaux boisés peuvent recevoir des pluies et des chutes de neige beaucoup plus abondantes que les zones non boisées. De plus, comparée à la végétation herbacée, la forêt peut évaporer des quantités d’eau bien supérieures (à la différence des herbacés, les arbres peuvent capter l’eau beaucoup plus profondément dans le sol), ce qui signifie qu’une partie de cette eau, par l’intermédiaire des forêts, retourne dans le cycle atmosphérique, de sorte qu’en période de sécheresse l’air y est plus humide que dans les zones déboisées.
13. La déforestation à grande échelle figure parmi les principales causes des inondations catastrophiques de plus en plus fréquentes, particulièrement dans les régions montagneuses où la fonte des neiges dans des espaces découverts peut être particulièrement intensive.
14. Les forêts peuvent ralentir les vents, prévenir l’érosion des sols et accumuler de l’humidité: ces caractéristiques sont déjà mises à profit pour lutter contre un problème environnemental très grave de désertification. Par exemple, depuis les années 1970, la République populaire de Chine met en œuvre un programme gouvernemental − la «grande muraille verte» − visant à planter des arbres sur 350 000 km² afin de prévenir la progression du désert de Gobi. L’évaluation objective de ce programme de reboisement à grande échelle donnera des informations qui pourront être très utiles pour mener des projets similaires dans d’autres parties du monde.
15. Dernier aspect, mais non le moindre: le rôle des forêts dans la préservation de la biodiversité mondiale. Les forêts, qu’elles soient tropicales, tempérées ou boréales, offrent un ensemble d’habitats très diversifiés aux plantes, aux animaux et aux micro-organismes. Les forêts sont donc censées abriter la majorité des espèces terrestres vivant sur notre planète. La diversité biologique forestière englobe, outre les arbres, la multitude de plantes, d’animaux et de micro-organismes qui habitent ce milieu. Elle peut être envisagée à différents niveaux: écosystèmes, paysages, espèces et populations. Des interactions complexes sont à l’œuvre entre ces niveaux et au sein d’un même niveau. Dans les forêts biologiquement diversifiées, cette complexité permet aux organismes de s’adapter à des conditions environnementales en constante évolution et d’assurer les fonctions écosystémiques.

3. La situation actuelle des forêts au niveau mondial

3.1. Description générale

16. La superficie mondiale des forêts est estimée à quelque 38 millions de km2, dont un peu plus de la moitié dans les pays en développement. La perte de superficies forestières à l’échelle du globe serait d’environ 6,5 millions de km² (principalement dans les pays en développement) contre une progression de 0,9 million de km², soit un solde négatif de 5,5 millions de km². En général, le recul des territoires forestiers est surtout visible dans les pays en développement, bien que son ampleur soit finalement plus faible que celle qui avait été annoncée pour les années 1980-1990, tendance qui semble se poursuivre.
17. Les études montrent que les principaux facteurs affectant la forêt sont le développement agricole en Afrique et en Asie et les grands programmes de développement économique associés à la migration et au développement des infrastructures et de l’agriculture en Amérique latine et en Asie. En Asie, la culture du palmier à huile est devenue une cause majeure de perte de superficies forestières. Bien que la production de bois ne soit pas la principale cause de recul de la forêt, elle constitue également un facteur important, notamment parce que les opérations d’exploitation forestière se sont accompagnées dans de nombreuses régions de la construction de routes destinées à faciliter l’accès aux zones éloignées pour permettre la colonisation agricole.
18. La carte élaborée par l’Institut des ressources mondiales illustre les changements intervenus dans la couverture forestière: elle montre l’espace terrestre occupé par les forêts aujourd’hui et il y a huit mille ans.

Figure 1: La couverture forestière il y a huit mille ans et aujourd’hui. Les superficies couvertes par les forêts il y a huit mille ans apparaissent en gris foncé; les forêts qui subsistent aujourd’hui sont en gris clair.

Graphic

Tableau 1. Ampleur et causes du recul de la forêt par continent selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

Continent

Zones boisées en millions d’hectares

Taux de recul en hectares/an

Principales causes

Amérique latine

990

5 à 10 millions

Exploitation forestière

Afrique

730

2 à 4 millions

Exploitation forestière, pâturage

Asie

600

2 à 4 millions

Exploitation forestière, pâturage

Amérique du Nord

580

40 000

Pollution

Europe

150

12 000

Pollution

19. La situation des forêts dans le monde aujourd’hui ne peut être considérée comme bonne. Les forêts font l’objet d’une exploitation forestière intensive et sont rarement régénérées. La production annuelle de cette exploitation s’élève à plus de 4,5 milliards de m3 de bois. L’opinion publique mondiale est particulièrement préoccupée par la situation des forêts tropicales et subtropicales, où la production forestière représente plus de la moitié du volume d’exploitation prescrit annuellement au niveau mondial. 160 millions d’hectares de forêts humides ont déjà été détruits, et seulement 10 % des 11 millions d’hectares exploités chaque année sont régénérés par la plantation de forêts homogènes. Ces forêts humides, qui couvrent environ 7 % des régions périéquatoriales, sont les «poumons de la planète». Elles jouent un rôle exceptionnellement important dans la génération de l’oxygène atmosphérique et l’absorption du dioxyde de carbone. Les forêts humides abritent près de 4 millions d’espèces sauvages. Elles offrent un habitat à 80 % des insectes et à deux tiers des espèces végétales connues. Ces forêts produisent un quart des réserves d’oxygène. Le Brésil possède 33 % des superficies de forêt humide, tandis que le Zaïre et l’Indonésie en ont chacun 10 %. Selon la FAO, ces forêts sont détruites au rythme de 100 000 km2 par an.

3.2. Les forêts européennes

20. Il y a environ huit mille ans, 70 % du territoire européen était couvert de forêts. Elles s’étendaient presque partout, excepté dans les zones de haute montagne, les espaces ouverts et les terrains humides. Avec la croissance démographique et l’apparition de nouveaux matériels, l’exploitation forestière s’est développée rapidement. Des espaces ont été défrichés à des fins agricoles, et le bois a été utilisé comme matériau de construction et combustible.
21. A l’heure actuelle, l’espace forestier en Europe a diminué de 68 % par rapport à sa superficie d’origine (hors Russie), alors que seulement 1 % des anciens peuplements forestiers ont subsisté. On ne trouve de grands espaces forestiers que dans le nord de l’Europe, dans les régions subalpines et dans la partie européenne de la Russie. Toutefois, le fait qu’au cours des dernières années, les superficies forestières ont augmenté de 4 %, plus que dans toute autre partie du monde, constitue incontestablement une bonne nouvelle.
22. Les forêts russes jouent un rôle clé dans la préservation de la biodiversité et des fonctions biosphériques, car elles abritent le plus grand ensemble d’écosystèmes naturels et une partie considérable de la diversité des espèces mondiales.
23. La Russie occupe une position unique en termes de variations latitudinales et zonales de la biodiversité, du fait que son territoire comporte des écosystèmes naturels zonaux clairement définis. Il existe en Russie plus de 180 espèces indigènes d’arbres et d’arbustes, qui forment les forêts.
24. Dans l’Union européenne, les forêts se caractérisent par une grande diversité de conditions climatiques, géographiques et écologiques: climat tempéré ou boréal, zone méditerranéenne, alpine ou de plaine. Les conditions socio-économiques peuvent varier considérablement entre les pays ou les régions.
25. L’expansion de la superficie forestière européenne dépasse la perte de terres boisées due à l’infrastructure et aux usages urbains. Cette tendance, remontant aux années 1950 (plus tôt dans certains pays), repose sur des facteurs divers. Plusieurs pays ont agrandi leur couvert forestier par le biais de programmes de plantation sur des terres agricoles non cultivées. Cette évolution positive démarque l’Union européenne du grand nombre d’autres régions du monde où la déforestation continue de réduire les ressources forestières. Il convient cependant de noter que, si elle n’est pas planifiée correctement, la plantation de forêts risque d’être préjudiciable à des terres agricoles de grande valeur et de détruire des habitats constitués par des biotopes caractéristiques des paysages ouverts.
26. L’importance des forêts européennes pour la conservation de la nature a été reconnue dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de Berne. Plusieurs types d’habitats forestiers sont inscrits à l’annexe I de la Résolution no 4 du Comité permanent de la Convention de Berne et à l’annexe I de la «Directive Habitat» de l’Union européenne, et doivent être protégés respectivement au moyen du réseau Emeraude et du réseau Natura 2000.

4. Les problèmes concernant la situation des forêts dans le monde

4.1. La gestion des forêts

27. La gestion des forêts est un type de gestion des ressources naturelles qui n’est durable que s’il respecte quelques principes élémentaires:
  • utilisation des forêts dans les limites de leur régénération;
  • préservation et renforcement des fonctions écologiques, protectrices (protection de l’eau en particulier) et autres des forêts;
  • gestion et conservation de la biodiversité forestière;
  • mise en place d’une procédure d’utilisation des forêts selon leur importance, leurs fonctions, leur emplacement et les conditions environnementales et économiques;
  • création de conditions permettant la régénération de la forêt;
  • respect de règles d’utilisation reposant sur des données scientifiques.
28. Les ressources forestières servent à de nombreux usages, par exemple:
  • récolte de bois;
  • récolte de caoutchouc;
  • récolte de la sève;
  • récolte de fourrage;
  • plantes médicinales et matières premières pour l’industrie;
  • pâturage;
  • ruches et ruchers;
  • cueillette de fruits sauvages, de baies, de fruits à coque, de champignons et d’autres ressources alimentaires;
  • ramassage de mousses, de débris forestiers, de feuilles tombées et de joncs.
29. En outre, certains espaces forestiers peuvent être utilisés à diverses fins: chasse, recherche, culture, santé, tourisme et sport.
30. De nombreuses organisations gouvernementales et internationales s’occupent désormais des questions forestières et ont ainsi une influence sur l’industrie forestière et la fixation des prix. L’une de ces organisations est le Groupe d’experts intergouvernemental sur les forêts (GIF), créé en avril 1995 par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) de 1992 à Rio de Janeiro. Le GIF travaille avec des organisations internationales, des gouvernements, des organisations non gouvernementales et le secteur privé. Ses activités ont un impact important sur la situation des forêts et l’industrie forestière.
31. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fournit régulièrement des informations et publie tous les deux ans “Situation des forêts du monde (SOFO)”. L’évaluation des ressources forestières mondiales (FRA) effectuée également par la FAO sert de base aux décisions de nombreuses autres organisations. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) mène des actions liées au rôle environnemental des forêts et à leur protection.

4.2. L’industrie forestière

32. Les produits de la forêt, le volume de production, les conditions du marché, les prix et d’autres paramètres pertinents sont directement liés à l’état des forêts dans le monde à une période donnée, à la situation environnementale et aux politiques mondiales et nationales en matière de gestion forestière. Les tendances économiques, politiques, démographiques et sociales déterminent les modes de gestion forestière et ont une incidence sur la formulation des politiques nationales et l’établissement des institutions compétentes.
33. La localisation et la superficie des forêts sont principalement affectées par les changements démographiques (croissance) et l’urbanisation, les besoins en produits de l’industrie forestière et la capacité des forêts à assurer d’importantes fonctions environnementales.
34. Les tendances politiques ayant une incidence sur le secteur forestier comprennent la décentralisation, la privatisation, la libéralisation du commerce et la mondialisation de l’économie.
35. Si la superficie totale des forêts ne cesse de diminuer, la demande en produits forestiers augmente au contraire régulièrement. L’une des principales tendances est le développement de technologies de transformation plus efficientes permettant de meilleurs rendements avec une consommation moindre de matières premières. L’adoption de technologies plus respectueuses de l’environnement est également importante.
36. La liste des produits ligneux résultant de l’industrie forestière est très longue. Ce secteur comprend l’exploitation forestière, la production de bois d’œuvre et d’industrie, la production de pulpe et de copeaux, la production de caisses, la construction de bâtiments en bois et d’autres produits du bois.
37. Pour être utilisable, le bois doit être transformé en fonction de sa destination finale. Les industries forestières utilisent une vingtaine de procédés technologiques, parmi lesquels le sciage, le broyage, la compression, la conformation, l’abrasion, le perçage, le traitement chimique, etc.
38. La principale conséquence négative de la gestion forestière est la surexploitation (on coupe plus de bois qu’il en pousse chaque année). La surexploitation entraîne l’épuisement des ressources forestières. Celles-ci sont actuellement surexploitées à l’échelle de la planète. Certes, les ressources forestières sont renouvelables, mais leur régénération prend en moyenne de quatre-vingts à cent ans, voire plus longtemps, selon le type de forêts. La surexploitation de grandes superficies risque de provoquer l’extinction de certaines espèces, en raison de la disparition de leur habitat.
39. La sous-exploitation, quant à elle, entraîne un vieillissement de la forêt, une baisse de la productivité et le développement de maladies sur les vieux arbres. En conséquence, pour maximiser la faisabilité économique de l’industrie forestière, les spécialistes ont tendance à plaider pour une gestion reposant sur un équilibre entre l’exploitation et la régénération des forêts. Il convient toutefois de noter que si, d’un point de vue économique, il ne semble pas très rationnel de couper moins de bois qu’il en pousse chaque année, cette sous-exploitation peut être bénéfique à la biodiversité, car une forêt plus ancienne fournit généralement des habitats à un plus grand nombre d’espèces; cela est particulièrement intéressant lorsque les espèces en question sont rares ou menacées.
40. Les problèmes environnementaux sont liés non seulement au volume de la production, mais aussi aux modes d’exploitation. En pesant le pour et le contre, on constate que l’exploitation sélective revient plus cher, mais qu’elle est plus respectueuse de l’environnement.
41. L’industrie forestière fournit des matières premières qui servent à des usages très divers, de la construction de bâtiments à la production de papier, en passant par la fabrication de meubles. A condition d’avoir une durée de vie suffisamment longue, ces produits peuvent être considérés eux aussi comme des réservoirs de carbone. Pour évaluer dans sa totalité l’influence de l’industrie forestière sur le climat, il faut cependant calculer précisément «l’empreinte carbone» de l’ensemble du cycle de vie des produits.
42. La gestion durable des forêts peut aussi passer par une utilisation du bois comme source d’énergie renouvelable, à condition que la surexploitation soit interdite et que soit prise en compte la nécessité de préserver la biodiversité. Cela dit, remplacer des forêts anciennes par des plantations d’arbres à croissance rapide destinés à la production de biocarburants est un exemple typique de «mascarade écologique» (green wash), puisque la quantité de carbone libérée par la destruction de vieux bois peut être supérieure à la quantité économisée du fait du remplacement de carburants fossiles par des carburants renouvelables.

4.3. Les incendies de forêt

43. Les incendies de forêt sont l’un des principaux facteurs abiotiques agissant sur les écosystèmes. Ils constituent une phase naturelle du cycle de vie de certains écosystèmes forestiers, comme les forêts de résineux du sud-est des Etats-Unis. Dans les forêts où les incendies sont un phénomène typique, les vieux arbres présentent une écorce caractéristique qui résiste au feu, sauf s’il est particulièrement violent. Certains types de pommes de pin, par exemple les cônes de pinus banksians, lorsqu’ils sont portés à une certaine température, libèrent facilement leurs graines. Dans certains cas, les incendies entraînent un enrichissement du sol en éléments nutritifs tels que le phosphore, le potassium, le calcium et le magnésium, permettant la production de fourrages de bonne qualité. Les mesures de prévention des incendies peuvent modifier les écosystèmes qui dépendent d’un brûlage périodique de la végétation. Dans ces forêts, l’accumulation de quantités trop importantes de débris non consumés, due à ces mesures, risque de provoquer des feux d’une extrême violence. Dans les écosystèmes forestiers ayant une tendance naturelle à brûler, la biodiversité dépend en partie de feux de faible intensité.
44. Toutefois, la majorité des incendies de forêt sont aujourd’hui provoqués par l’homme. Selon les statistiques, il en est ainsi de 97 % des incendies de forêt et 3 % seulement sont naturels. Aussi bien la flore que la faune souffrent des incendies, dans la mesure où la vaste majorité d’entre eux sont le fait de personnes qui utilisent le feu à mauvais escient et ne respectent pas les règles de sécurité lors des activités agricoles. Les forêts jonchées de débris sont exposées à un risque accru d’incendie.
45. Chaque année, les incendies de forêt brûlent 2 millions de tonnes de substances organiques. Ils ont également des répercussions sur l’industrie forestière: moindre croissance, diminution de la diversité forestière, augmentation des chablis, détérioration du sol. Par ailleurs, les incendies de forêt facilitent la dispersion d’insectes nuisibles et de champignons du bois. Des incendies fréquents empêchent la régénération du couvert forestier.
46. Dans les régions peuplées où l’on pratique une gestion forestière intensive, les entreprises situées en forêt, grâce aux équipements dont elles disposent (systèmes d’alarme, extincteurs, postes d’incendie, etc.), sont à même de lutter contre les incendies et ainsi de protéger les forêts en cas de besoin. Afin de renforcer la capacité à faire face aux incendies de forêt, il convient de prendre diverses mesures: acquisition de moyens d’extinction, mise en place de pare-feu, développement des infrastructures de transport et des réseaux d’alimentation en eau, élimination des débris.
47. Les incendies de forêt sont actuellement détectés/localisés grâce à des installations/postes d’observation, des patrouilles sur le terrain et une surveillance par satellites. Idéalement un système spatial opérationnel de surveillance des incendies devrait permettre une couverture complète et en temps réel des incendies de forêt et de leurs conséquences. Pour parer à la concentration de fumée, des détecteurs aéroportés à infrarouge devraient localiser/détecter les zones d’incendies.
48. Si l’amélioration des techniques de lutte aura des répercussions sur l’ampleur des incendies, il faut néanmoins davantage de campagnes d’éducation et de sensibilisation à la radio, à la télévision et dans d’autres médias pour en réduire les effets.

4.4. Les maladies de la forêt

49. Les insectes nuisibles et les maladies, qui constituent la deuxième cause importante de dépérissement et de disparition des forêts, sont l’une des plus grandes menaces pour la santé de la forêt, les ressources forestières et la biodiversité. Si l’infestation des forêts par des insectes et des maladies fait partie des processus écologiques naturels, ces phénomènes tendent cependant à devenir plus fréquents sous l’effet d’une gestion inappropriée. Au cours des dix dernières années, en Russie, la surface moyenne des territoires affectés en permanence par des infestations d’insectes et des maladies s’est élevée à 5,37 millions d’hectares. Les pullulations d’insectes phytophages et les épidémies de maladies ont causé la perte de pas moins de 190 000 ha de forêts. Alors que la superficie des espaces forestiers attaqués par des insectes phyllophages avait augmenté au cours des années 2005-2007, en 2008 640 000 ha de moins ont été touchés par rapport à 2007, principalement en raison du recul des surfaces plantées.
50. Ces phénomènes s’expliquent par plusieurs raisons, mais d’abord par la périodicité des invasions d’insectes nuisibles. Dans des conditions climatiques favorables, les insectes se multiplient à un rythme accéléré. Une telle croissance entraîne dans la plupart des cas une vague d’infestation. Selon les données disponibles pour 2007, les forêts sibériennes, principalement dans les régions de Tomsk et d’Irkoutsk, ont été les plus gravement atteintes par les insectes nuisibles et les maladies.
51. Parmi les maladies, le chancre du sapin est la plus répandue (445 000 ha). En Sibérie, cette maladie est principalement localisée dans la région de Kemerovo. L’aggravation générale de l’état de santé des forêts en Russie s’explique – outre les caractéristiques biologiques particulières de certains insectes et maladies – par un ensemble de plus en plus complexe de facteurs défavorables et de défaillances institutionnelles dans le fonctionnement des services de protection de la forêt, notamment le manque de spécialistes dans ce domaine, la faiblesse des budgets consacrés aux études sur les pathologies de la forêt et à leur surveillance et l’insuffisance de la lutte contre les insectes nuisibles. Le premier de ces problèmes peut être corrigé assez facilement par une meilleure normalisation et une harmonisation des définitions.
52. Afin de stabiliser l’état de santé des forêts, les services de protection et d’inspection des forêts mènent des actions concrètes de préservation. Tout un arsenal de méthodes et de moyens techniques sont utilisés pour lutter contre les insectes et les maladies, mais il n’y en a aucun qui soit de nature universelle, à même de garantir une approche intégrée et probante contre tous les types d’insectes.
53. Chaque année, des mesures spécifiques sont mises en place pour lutter contre les insectes et les maladies sur un territoire de plus de 500 000 ha. La proportion de méthodes biologiques, notamment le recours à des engrais bactériens et à des préparations virales, s’élève à environ 55 %.
54. La lutte contre les insectes et les maladies ne peut être efficace et rentable que si elle est systématique, si elle utilise tous les moyens appropriés, si elle tient compte des types d’insectes et de maladies et des dommages qu’ils causent et si elle est adaptée aux conditions écologiques, climatiques et météorologiques des forêts. Il convient aussi de noter que des mesures trop agressives, visant à éradiquer l’ensemble des organismes nuisibles et des maladies, risquent de porter gravement atteinte à la biodiversité.

4.5. L’exploitation illégale

55. Au seuil du nouveau millénaire, on observe une intensification de l’exploitation illégale, en violation des législations sur la forêt et l’environnement et des conventions internationales. L’exploitation illégale se traduit chaque année par des pertes considérables, particulièrement pour les économies des pays producteurs de bois. Dans bien des cas, la proportion de bois produit illégalement dépasse de loin celle de la production légale. Cette activité fait baisser les prix et amoindrit la rentabilité des entreprises légales. Dans certains pays, le volume de l’exploitation illégale équivaut à celui de l’exploitation légale. Par exemple, en Indonésie, la production légale s’élevait entre 25 et 28 millions de m3 à la fin des années 1990, tandis que la production illégale était comprise entre 17 et 30 millions de m3 (Programme de gestion des ressources naturelles, Djakarta).
56. Dans certains pays, même de hauts fonctionnaires s’adonnent à l’exploitation illégale et à d’autres activités connexes. Selon une étude récente menée au Cameroun dans le cadre du projet «Global Forest Watch», de hauts fonctionnaires ont fait main basse sur les ressources naturelles d’immenses concessions forestières illégales. Selon les dires de plusieurs scientifiques, 80 % de l’exploitation serait illégale au Brésil, particulièrement en Amazonie. L’exploitation illégale touche non seulement les forêts tropicales, mais aussi les forêts boréales. Ainsi, en raison d’un défaut de surveillance par les services forestiers canadiens, la surexploitation est devenue courante en Colombie britannique. En Pologne ou au Bélarus, du bois est prélevé dans certains espaces naturels protégés. En Russie, malheureusement, l’exploitation illégale est devenue courante. Celle-ci et les activités d’exploitation non conformes à la législation représentant au moins 20 % de la production.
57. L’exploitation illégale peut être subdivisée comme suit:
a. Exploitation non autorisée
57.1.1. exploitation par la population locale à des fins non commerciales (approximativement 8 000 à 10 000 m3 par an);
57.1.2. exploitation par des ressortissants ou des groupes organisés à des fins commerciales (de 16 000 à 500 000 m3 par an selon les régions);
57.1.3. exploitation par des entreprises dans des zones non autorisées à proximité d’une zone classée ou dans des zones difficiles d’accès ou malaisées à contrôler (difficile à estimer, probablement des centaines de milliers de m3);
57.1.4. surexploitation dans des zones autorisées et non autorisées;
57.1.5. exploitation pour la construction non autorisée sur des sites non forestiers.
b. Exploitation «autorisée» illégale – L’exploitation peut être autorisée mais illégale si l’exploitation dans les zones visées est contraire à la loi (l’exploitation par elle-même n’est pas conforme aux termes contractuels):
57.2.1. octroi d’une autorisation d’exploitation dans des zones protégées par la loi;
57.2.2. octroi d’une autorisation d’exploitation en contravention des réglementations forestières en vigueur;
57.2.3. octroi d’une autorisation d’exploitation dans des zones spéciales après une modification illicite des textes pertinents;
57.2.4. gestion illicite de la forêt;
57.2.5. exploitation assortie d’infractions à la législation.
58. La production illégale de bois de valeur dépasse les 600 000 m3 en Russie et s’élève à 2 à 3 millions de m3 pour les bois moins précieux.

4.6. Le reboisement

59. Le reboisement consiste à régénérer les forêts exploitées légalement et à replanter des zones touchées par l’exploitation illégale, les incendies et d’autres phénomènes préjudiciables, ou encore à planter de nouvelles forêts et à diversifier les essences.
60. Il existe deux types d’activités de reboisement: le reboisement artificiel (création de peuplements artificiels par plantation ou semis) et la stimulation de la régénération naturelle (mesures favorisant le reboisement des zones exploitées avec des essences de valeur, principalement picea et pinus dans la taïga).
61. Selon les statistiques officielles, 40 % des superficies exploitées de manière inconsidérée ont fait l’objet d’un reboisement au cours des vingt dernières années. Dans la plupart des cas, on a utilisé des jeunes plants de 2 à 4 ans, qui garantissent en principe un taux de survie élevé et offrent des sujets de remplacement. L’essentiel des plantations concerne de petites zones adjacentes aux zones de taïga exploitées de manière inconsidérée à proximité des voies de communication utilisées pour l’exploitation (c’est-à-dire faciles à contrôler), tandis que le reste des zones exploitées (90 à 95 %) demeure non planté, bien que l’on puisse voir des espaces de peuplement dense à proximité des agglomérations.
62. Pour faciliter la régénération naturelle, il convient de sélectionner et de laisser en place des arbres et des peuplements semenciers, à condition que ces sujets ne soient pas sous-représentés et que la distance entre les peuplements permette la pollinisation anémophile. Cette pratique n’est pas toujours appliquée: les mesures de régénération consistent le plus souvent à laisser en place des arbres semenciers en mauvais état et sans valeur commerciale qui meurent rapidement et ne produisent donc plus de graines. Il existe sans aucun doute des exemples de reboisement réussis dans des forêts d’intérêt commercial dont la situation effective est relativement contrôlée et où sont pratiquées au moins certaines activités sylvicoles (notamment exploitation et traitement des jeunes arbres dans des zones plus ou moins importantes). De plus, le reboisement des forêts de conifères peut réussir dans des conditions qui ne sont pas favorables à une croissance rapide des arbres à petites feuilles (par exemple sur les sols sableux ou rocailleux très pauvres en éléments nutritifs). Néanmoins, les cas de reboisement réussi de forêts de conifères de valeur dans la zone de la taïga sont assez rares (en réalité, ils ne représentent pas plus de 5 % de la superficie exploitée totale) et ne jouent pas un rôle important dans l’ensemble du développement forestier des zones exploitées.
63. Le reboisement est pratiqué dans de nombreuses régions du monde, particulièrement dans les pays de l’Asie orientale, où il est utilisé pour accroître les superficies forestières. La surface de forêts a augmenté dans 22 des 50 pays les plus boisés. Globalement, l’Asie a gagné un million d’hectares de forêts entre 2000 et 2005. Au Salvador, les forêts humides ont progressé de plus de 20 % entre 1992 et 2001.
64. En République populaire de Chine, où les forêts ont été en grande partie détruites, le gouvernement a adopté une loi qui oblige chaque citoyen âgé de 11 à 60 ans et apte à travailler à planter de 3 à 5 arbres par an, ou à accomplir un travail équivalent dans les services forestiers, ou à payer un impôt d’un montant équivalent. Selon le Gouvernement chinois, environ 1 milliard d’arbres ont été plantés en Chine depuis 1982. Chaque année, le 12 mars, la Chine célèbre la Journée de l’arbre. De plus, le pays a adopté le projet «Grande muraille verte», qui vise à prévenir la progression du désert de Gobi grâce à la plantation d’arbres. Il a cependant été reconnu que ce projet n’était pas une réussite, en raison du faible taux de survie des arbres plantés (jusqu’à 75 % de pertes). Globalement, depuis les années 1970, l’espace forestier en Chine a augmenté de 47 millions d’hectares. Il y a vingt ans, seulement 12 % du territoire chinois était boisé. Ce chiffre est désormais passé à 16,55 %, soit un taux de croissance de 4,55 % en vingt ans, ce qui n’est pas très élevé compte tenu de l’ampleur des activités de reboisement annoncées.
65. Aujourd’hui, la croissance des superficies forestières en Europe résulte dans une large mesure d’une approche scientifique sérieuse du reboisement, mais il convient aussi de signaler qu’une grande partie des forêts plantées en Europe relève de la monoculture et présente une faible biodiversité. Ce qui est plus grave encore, c’est qu’une proportion non négligeable de ces plantations sont constituées d’espèces exotiques. Les mêmes problèmes s’observent dans d’autres parties du monde.

4.7. La propriété forestière

66. Partout dans le monde, la forêt soulève des questions de propriété, les titres étant souvent inexistants.
67. Dans l’Union européenne des 15, environ un tiers des forêts et autres terres boisées étaient la propriété de l’Etat, contre deux tiers en propriété privée. Aujourd’hui, le pourcentage de la propriété de l’Etat a augmenté. Outre l’évolution de la structure de la propriété forestière, d’autres changements se sont produits également dans les activités professionnelles et dans les modes de vie des propriétaires forestiers privés. Dans certaines régions, ceux-ci ne tirent plus leur principal revenu de la sylviculture, compte tenu de leur mode de vie de plus en plus urbanisé.
68. Cependant, bien que le pourcentage de la propriété privée ait baissé, le nombre d’exploitations privées a augmenté. Les processus de restitution des forêts qui se sont déroulés dans les nouveaux Etats membres y ont introduit la notion de propriété forestière privée. Il y a cependant une grande variation du degré de maîtrise et de compréhension de la gestion forestière par les propriétaires forestiers, de la taille des exploitations forestières et des attentes et de l’intérêt suscités par la gestion forestière.
69. La taille moyenne des exploitations forestières publiques de l’Union européenne est de plus de 1 000 ha, contre seulement 13 ha pour les exploitations privées. La situation varie considérablement d’un pays à l’autre et la plupart des propriétaires privés possèdent des exploitations de moins de 3 ha. A cet égard, la structure de propriété forestière de l’Union européenne diffère de celle des autres pays dotés de larges ressources forestières, dans lesquels la propriété publique est le modèle le plus répandu, voire l’unique modèle.
70. Le Brésil est le pays qui possède la plus vaste étendue de forêt tropicale du monde et environ 64 % (environ 544 millions d’hectares) de son territoire est recouvert d’une formation boisée quelconque.
71. La superficie de forêt naturelle utilisable pour la production de bois est évaluée à 412 millions d’hectares, dont environ 124 millions d’hectares dans le domaine public, incluant des forêts nationales, des réserves indigènes, des parcs nationaux et d’autres zones de conservation. Les 288 millions d’hectares restants sont pour la plus grande partie des propriétés privées. On estime que 15 % de la superficie de forêt utilisable pour la production de bois font l’objet de mesures de conservation permanentes, par exemple en tant que rives de fleuves ou sources d’eau, conformément aux dispositions du Code forestier. La superficie effective de forêt disponible pour l’approvisionnement en bois est donc de l’ordre de 350 millions d’hectares.
72. Au Brésil, l’Institut national de recherche spatiale produit tous les ans des chiffres sur la déforestation basée sur 100 à 220 images prises durant la saison sèche par le satellite Landsat. Selon l’Institut, le biome de la forêt amazonienne, originellement de 4 100 000 km2 au Brésil a été réduit à 3 403 000 km2 en 2005, représentant une perte de 17,1 %. Depuis 1970, c’est une forêt tropicale équivalant à la taille du Texas (plus grand que la France) qui a été perdue. Durant la pire année de la déforestation en 1995, sous les assauts répétés des tronçonneuses et des allumettes, une surface de la taille de la Belgique a été perdue.
73. L’ancien Vice-Président américain Al Gore s’était attiré les foudres du Brésil, il y a quelques années, en affirmant que l’Amazonie appartenait au monde entier. Plus récemment, le Président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a fustigé des politiciens britanniques qui encourageaient leurs concitoyens à acheter des parcelles de terres en Amazonie pour les soustraire à l’exploitation. «L’Amazonie appartient aux Brésiliens!» avait proclamé le Président da Silva.
74. En Afrique, dans neuf des pays les plus fournis en forêts, presque toutes demeurent dans le domaine public. Les données officielles indiquent la possession étatique sur 98 % de la superficie forestière.
75. Dans plusieurs cas, la réforme effective de tenure forestière en Afrique est empêchée par un manque de volonté politique et d’enthousiasme pour reconnaître les droits locaux et autochtones. L’élaboration et l’exécution inadéquates des réformes sont aussi un défi, même là où les droits légaux des populations autochtones et des communautés forestières sont reconnus.
76. La préférence des gouvernements pour les concessions industrielles et de conservation au détriment des droits des communautés et de leurs subsistances a freiné aussi des réformes effectives. Le manque de clarté dans les régimes de tenure a permis à des gouvernements de promouvoir de grandes concessions d’abattage, d’extraction de pétrole, de minerais, de biocarburants et d’autres produits agricoles au détriment des populations forestières.
77. Le ministre du Développement durable du Congo estimait à plusieurs milliards les besoins financiers pour simplement établir une bonne connaissance de la ressource et établir des inventaires.

4.8. Les initiatives internationales en faveur de la conservation des forêts et de leur utilisation durable

78. Les deux grandes conventions mondiales consacrées à l’environnement qui ont été signées à Rio de Janeiro en 1992 – la Convention-cadre sur le changement climatique et la convention sur la diversité biologique – traitent de la conservation et de l’utilisation durable des forêts à l’échelle mondiale.
79. Des questions se soulèvent aujourd’hui sur la question de savoir comment répartir les sommes et quel organisme sera en charge de leur gestion, sur la nécessité de prévoir un fonds pour la seule forêt ou au contraire d’intégrer cette dernière dans ce qui, à terme, doit devenir un grand «fonds vert», sachant que les pays développés s’étaient engagés sur un financement annuel international de US$100 milliards de dollars à partir de 2020.
80. Le 11 mars 2010 s’est déroulée à Paris la Conférence internationale sur les grands bassins forestiers, dans le but de consolider et, si possible, renforcer les annonces de financement précoces faites à Copenhague pour la forêt et le climat, ainsi que les annonces faites par les pays en développement portant sur d’actions nationales sur le mécanisme REDD+.
81. Dans un communiqué conjoint publié durant la Conférence de Copenhague, six Etats (l’Australie, les Etats-Unis, la France, le Japon, la Norvège et le Royaume-Uni) avaient annoncé l’intention d’allouer collectivement près de US$ 3,5 milliards de financement initial pour REDD+ sur la période 2010-2012 pour permettre une mise en œuvre immédiate d’actions de lutte contre la déforestation.
82. Un des obstacles majeurs à la lutte contre la déforestation est qu’un arbre vivant a souvent moins de valeur marchande qu’un arbre abattu. Le mécanisme de réduction des émissions liée à la déforestation et à la dégradation forestière dans les pays en développement (REDD) vise précisément à lever cet obstacle en attribuant aux émissions forestières évitées une valeur financière. Il prend le nom de «REDD +» lorsqu’en plus des émissions évitées sont pris aussi en compte la capacité de stockage de carbone des forêts et la bonne gouvernance et l’aménagement des forêts.
83. Plusieurs programmes ont été créés pour financer ce mécanisme. On peut notamment mentionner:
  • le programme des Nations Unies pour la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation de la forêt;
  • l’initiative climat et forêt (CFI) de la Norvège;
  • le Fonds de partenariat pour le carbone forestier de la Banque mondiale.
84. L’Australie, les Etats-Unis, la France, le Japon la Norvège et le Royaume-Uni ont confirmé leur engagement collectif à hauteur de 3,5 milliards de dollars des Etats-Unis sur la période 2010-2012 et l’Allemagne, l’Espagne, la Slovénie et la Commission européenne ont rejoint ce premier groupe de donateurs.

5. Conclusions et recommandations

85. Le mauvais état et les problèmes des forêts du globe sont dus à une utilisation inconsidérée des ressources forestières et à une gestion peu rationnelle (que ce soit dans les pays développés ou dans les pays en développement), ainsi qu’à un retard dans la mise au point et l’application des techniques de gestion forestière durable – en particulier des méthodes de gestion forestière et d’utilisation des ressources qui permettent de conserver non seulement la productivité des forêts mais aussi leurs fonctions biologiques, leur valeur esthétique et récréative et leur diversité biologique et paysagère.
86. Aujourd’hui, les incendies, l’exploitation illégale, les maladies et les infestations d’insectes nuisibles touchent de vastes superficies et représentent un grave problème pour les forêts. Tous ces aspects négatifs sont directement liés à l’activité humaine. 3 % seulement des incendies de forêt recensés chaque année sont d’origine naturelle, 97 % étant provoqués par l’homme.
87. Les foyers de maladie et la prolifération des insectes nuisibles sont liés aux espaces forestiers qui sont soumis aux activités humaines et ne font pas l’objet de mesures de restauration.
88. Les effets préjudiciables de l’exploitation illégale ne se limitent pas à la destruction de la forêt, mais ont aussi d’importantes conséquences environnementales et économiques. Ces opérations sont toujours barbares: aucun arbre semencier n’est laissé sur les sites d’exploitation, les espaces souffrent de la pollution et de la croissance non maîtrisée de communautés monospécifiques (perte de biodiversité) dont sont exclues les espèces qui ne sont pas intéressantes commercialement. Après quoi, ces espaces deviennent des foyers d’incendies (terrains jonchés de débris), de maladies et de pullulation d’insectes nuisibles (communautés monospécifiques). Comme on pouvait s’y attendre, les mêmes conséquences sont souvent perceptibles dans des espaces forestiers faisant l’objet d’une utilisation légale, où les exploitants font seulement semblant de mettre en œuvre des mesures de reboisement.
89. Tous les problèmes liés au dépérissement des forêts ont une cause commune – l’absence de contrôle effectif sur la situation des forêts et les activités de ceux qui les utilisent, à quoi s’ajoutent le manque d’harmonisation et les lacunes des législations forestières des différents pays.
90. A cet égard, les mesures ci-après pourraient être proposées pour venir à bout de ces problèmes:
  • créer une commission dans le cadre d’une organisation existante (par exemple l’Organisation des Nations Unies), chargée d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre une législation visant à préserver et protéger les forêts; mettre au point et appliquer des techniques de gestion durable des forêts;
  • élaborer une législation internationale (accords) sur la protection des forêts, ayant un caractère contraignant pour tous les pays dotés d’importantes ressources forestières qui l’auront ratifiée;
  • élaborer des propositions en vue du paiement d’une taxe par unité de gaz à effet de serre, qui serait collectée par la commission créée et dont le montant serait affecté à des mesures de restauration des forêts et réparti entre les pays dotés de ressources forestières en proportion des volumes de gaz à effet de serre qui sont absorbés par leurs forêts;
  • faire assurer le contrôle du respect de la nouvelle législation établie dans le cadre de la commission créée et le suivi de la situation des forêts par les organisations internationales environnementales qui existent dans les pays dotés d’importantes ressources forestières et qui seront enregistrées (accréditées) auprès de la commission en question.