Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12102 | 06 janvier 2010

Respect de la liberté des médias

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. Andrew McINTOSH, Royaume-Uni

Résumé

La commission de la culture, de la science et de l’éducation est choquée par l’augmentation du nombre d’agressions contre les journalistes et les médias – 20 journalistes au moins ont été tués en Europe depuis 2007, dont 13 en Russie. Le rapport dresse un état des lieux dans les Etats membres, en se fondant sur trois catégories de violations: les atteintes les plus graves à la liberté des médias comme les agressions physiques, les meurtres, l’intimidation ou l’impunité des crimes visant les journalistes, les violations qui découlent d’une utilisation abusive des prérogatives de l’Etat pour orienter les médias, ainsi que les menaces liées à la propriété des médias ou à l’absence de déontologie professionnelle.

Le Conseil de l’Europe doit recueillir régulièrement des informations sur les atteintes à la liberté des médias, analyser systématiquement ces informations pays par pays, et les diffuser auprès des gouvernements des Etats membres. Il doit aider les Etats membres à former leurs juges, autorités judiciaires et forces de police au respect de la liberté des médias. Les gouvernements des Etats membres doivent examiner les législations et pratiques nationales.

A. Projet de recommandation

(open)
1. Rappelant sa Résolution 1535 (2007) relative aux menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes, l’Assemblée parlementaire note avec une vive préoccupation que le nombre d’agressions contre les médias et les journalistes ainsi que d’autres violations sérieuses de la liberté des médias ont augmenté, et que 20 journalistes au moins ont été tués en Europe depuis 2007. Ces faits alarmants nécessitent de réaffirmer avec vigueur que la liberté des médias est une condition essentielle de la démocratie et, ainsi, pour faire partie du Conseil de l’Europe. Les Etats membres et le Conseil de l’Europe doivent faire davantage pour garantir le respect de la liberté des médias et la sécurité des journalistes.
2. Dans sa Résolution 1535 (2007), l’Assemblée a pris la décision de mettre en place un mécanisme particulier de suivi pour identifier et analyser les attaques contre la vie et la liberté d’expression des journalistes en Europe ainsi que les avancées des enquêtes des autorités judiciaires et des parlements nationaux sur ces attaques. En appui à cette résolution, l’Assemblée accueille favorablement et soutient la désignation d’un rapporteur de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation sur la liberté des médias.
3. L’Assemblée accorde une grande valeur au travail du représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et souhaite que leur collaboration se poursuive et se renforce. Elle apprécie aussi la contribution active dans l’identification des atteintes à la liberté des médias, d’organisations telles que la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, Article 19, International Press Institute et Reporters sans frontières.
4. L’Assemblée déplore que depuis l’adoption de la Résolution 1535 (2007), la Fédération de Russie ne soit pas arrivée à mener une enquête appropriée et à rendre un jugement définitif sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa perpétré à Moscou le 7 octobre 2006, et à faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement et dans la sécurité. Treize autres journalistes ont perdu la vie en Russie depuis 2007: Ivan Safronov, Viatcheslav Ifanov, Ilias Chourpaïev, Gadji Abachilov, Sergueï Protazanov, Magomed Evloïev, Telman Alichaïev, Shafig Amrakhov, Anastasia Babourova, Viatcheslav Iarochenko, Natalia Estemirova, Abdoulmalik Akhmedilov et Olga Kotovskaïa.
5. L’Assemblée déplore aussi que dans plusieurs Etats membres, la sécurité des journalistes soit menacée par la criminalité organisée et que les autorités de police demeurent incapables de mettre un terme à cette situation. L’Assemblée est attristée par les meurtres de Georgi Stoev en Bulgarie le 7 avril 2008 ainsi que d’Ivo Pukanic et de Niko Franjic en Croatie le 23 octobre 2008. Les médias critiques jouent un rôle majeur en décelant et en dénonçant la corruption et le crime organisé. Le public a le droit d’en être informé par les médias. Les Etats doivent les soutenir.
6. Rappelant sa Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, l’Assemblée déplore que la guerre entre la Russie et la Géorgie de 2008 ait également coûté la vie à Alexander Klimchuk, Grigol Chikhladze, Stan Storimans et Giorgi Ramishvili.
7. L’Assemblée se félicite des amendements à l’article 301 du Code pénal turc mais déplore que la Turquie n’ait ni aboli l’article 301, ni achevé l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink commis à Istanbul le 19 janvier 2007, en particulier parce que les forces de police et de sécurité auraient failli à leur devoir. Des charges pénales avaient été retenues contre un grand nombre de journalistes en vertu de l’article 301 qui, à peine modifié, reste contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
8. Se référant à sa résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée réaffirme que la législation contre la diffamation ne doit pas être utilisée pour réduire au silence les discours critiques et la satire dans les médias. La réputation d’une nation, de personnalités militaires ou historiques ou d’une religion ne peut pas et ne doit pas être protégée par des législations sur la diffamation ou sur l’insulte. Les gouvernements et les parlements doivent clairement et ouvertement rejeter les notions erronées d’intérêt national invoqué pour empêcher les journalistes de faire leur travail. Le nationalisme ne doit plus jamais être invoqué comme prétexte pour assassiner des journalistes ou les priver de leurs droits ou liberté.
9. L’Assemblée note avec préoccupation que des sanctions punitives excessives ont été imposées à des organes de presse. Les membres du gouvernement et les députés ne devraient pas utiliser leur influence politique pour réduire au silence les médias critiques, mais devraient plutôt engager un débat constructif à travers l’ensemble des médias.
10. L’Assemblée réaffirme que l’introduction de la radiodiffusion numérique ne doit pas être utilisée comme moyen de discrimination contre tel ou tel radiodiffuseur dans l’intérêt des partis politiques.
11. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
11.1. d’examiner les législations et pratiques nationales pour s’assurer que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent pleinement la liberté des médias conformément à la Recommandation 1706 (2005) sur les médias et le terrorisme;
11.2. d’aider les Etats membres à former leurs juges, autorités judiciaires et forces de police au respect de la liberté des médias, en particulier en ce qui concerne la protection des journalistes et des médias contre les menaces violentes;
11.3. d’apporter son plein soutien au mécanisme proposé par le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication pour promouvoir l’application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et autres normes du Conseil de l’Europe sur la liberté des médias;
11.4. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres et en particulier de l’Azerbaïdjan, de la Fédération de Russie et de la Turquie, à réviser leurs législations sur la diffamation et l’insulte et leur application pratique conformément à la Résolution 1577 (2007) de l’Assemblée;
11.5. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres, et en particulier de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de l’Italie, de la Moldova, de la Fédération de Russie et de l’Ukraine ainsi que du Bélarus, à garantir un accès juste et équitable de tous les partis politiques et candidats aux médias avant les élections et d’accorder une attention particulière à cette question lors de l’évaluation des élections futures;
11.6. d’exhorter le Gouvernement de la Fédération de Russie à veiller à ce que les enquêtes sur le grand nombre de meurtres de journalistes critiques soient menées et que ces affaires soient jugées;
11.7. d’exhorter le Gouvernement d’Arménie à réviser sa législation sur l’attribution des licences de radiodiffusion qui a été adoptée pour passer outre au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Meltex Ltd et Mesrop Movsesyanc. Arménie du 17 juin 2008.
12. Se référant à sa Résolution 1636 (2008) et aux principes fondamentaux pour l’évaluation de la liberté des médias, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’allouer les ressources nécessaires:
12.1. pour recueillir régulièrement des informations auprès des organisations pour la liberté des médias, y compris la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, International Press Institute, Article 19, et Reporters sans frontières, qui identifient les violations de la liberté des médias;
12.2. pour analyser systématiquement ces informations, pays par pays, en utilisant les indicateurs pour la liberté des médias énoncés dans la Résolution 1636 (2008);
12.3. pour publier ces informations sous forme électronique sur le site web du Conseil de l’Europe ainsi que sous forme de documents d’accompagnement;
12.4. pour publier des rapports sous forme électronique et de documents sur ces informations et analyses, à l’intention des gouvernements et des parlements des Etats membres et des médias, sur une base trimestrielle au moins, en mettant l’accent sur les événements majeurs les plus récents survenus dans chaque pays et nécessitant, le cas échéant, des mesures correctrices.
13. Se référant à sa Résolution 1387 (2004) sur la monopolisation des médias électroniques et les éventuels abus de pouvoir en Italie, l’Assemblée demande à la Commission de Venise de préparer un avis sur la question de savoir si et dans quelle mesure la législation en Italie a été adaptée pour prendre en compte son avis sur la compatibilité des lois «Gasparri» et «Frattini» de l’Italie avec les standards du Conseil de l’Europe dans le domaine de la liberté d’expression et du pluralisme des médias, adoptés par la Commission de Venise à sa 63e session plénière (Venise, 10-11 juin 2005).
14. L’Assemblée invite les Parties à l’accord partiel du «Groupe d’Etats contre la corruption» (GRECO) à mettre l’accent dans leurs travaux sur l’importance de la liberté des médias et le rôle du journalisme d’investigation dans la lutte contre la corruption, et à demander à l’Union européenne d’adhérer au GRECO.
15. L’Assemblée invite l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux ainsi que les institutions nationales des droits de l’homme dans les Etats membres à collaborer avec le Conseil de l’Europe pour aider les gouvernements, les tribunaux et les associations de médias dans leur recherche de solutions contre les violations graves de la liberté des médias.
16. Aux fins de la publication proposée au paragraphe 12 ci-dessus, l’Assemblée invite la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, Article 19, International Press Institute, Reporters sans frontières et autres organisations pour la liberté des médias à continuer de fournir régulièrement à l’Assemblée et au rapporteur sur la liberté des médias de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation, des informations sur les violations graves de la liberté des médias en Europe qui peuvent nécessiter l’attention et le suivi interparlementaires.

B. Exposé des motifs, par Andrew McIntosh, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Ce rapport fait suite à mon rapport précédent qui a conduit à la Résolution 1535 de l’Assemblée et à la Recommandation 1783 (2007) relatives aux menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes. Le rapport est structuré conformément aux principes fondamentaux définis dans la Résolution 1636 (2008) de l’Assemblée sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie, et se fonde sur trois catégories fondamentales de violations:
  • la catégorie A couvre les atteintes les plus graves et les plus dommageables à la liberté des médias, comme les agressions physiques et les meurtres, l’intimidation, l’impunité des crimes visant des journalistes et l’application de lois pénales excessivement répressives pour protéger les hauts représentants de l’Etat contre des critiques d’un niveau légitime en démocratie (Résolution 1636 (2008), paragraphes 8.1, 8.2 et 8.14);
  • la catégorie B s’applique aux relations entre le gouvernement et les médias sur les plans juridique et administratif. Ces indicateurs concernent les violations de la liberté des médias qui découlent d’une utilisation abusive des prérogatives de puissance publique ou autres en vue d’orienter les médias, en particulier dans un cadre électoral (Résolution 1636 (2008), paragraphe 8.5), les ingérences dans la liberté des médias du fait de la propriété, des contrôles et de la régulation (paragraphes 8.7, 8.15 à 8.19, et 8.22 à 8.24), les conséquences négatives de la législation antiterroriste et des lois sur l’extrémisme et la sécurité de l’Etat sur la liberté d’expression, l’accès à l’information et la confidentialité des sources (paragraphes 8.3 à 8.10 et 8.24) et l’indépendance des radiodiffuseurs du secteur public (paragraphes 8.20 et 8.21);
  • la catégorie C recouvre la nécessité d’assurer une diversité dans la propriété des médias (Résolution 1636 (2008), paragraphe 8.18), de veiller au respect par les propriétaires de médias, les dirigeants, les rédacteurs et les personnels de presse de la déontologie professionnelle (paragraphes 8.12, 8.13, 8.21 et 8.26), de garantir des conditions de travail décentes (paragraphe 8.11), de faire en sorte qu’il existe des procédures de règlement des conflits et de réclamation (paragraphe 8.25) et de procéder à un examen efficace de la situation de la liberté des médias au niveau national.
2. Je voudrais exprimer ma profonde gratitude à William Horsley, directeur international du Centre pour la liberté des médias de l’université de Sheffield et représentant pour la liberté des médias de l’Association des journalistes européens, qui a été mandaté pour élaborer un rapport d’information fondamental sur les violations graves de la liberté des médias en Europe sur la période 2007-2009. Cet exposé des motifs s’inspire de ce rapport d’information.
3. Pour élaborer ce rapport, la sous-commission des médias a tenu une audition sur la liberté des médias au Luxembourg le 26 octobre 2009. J’apprécie les importantes contributions faites pendant cette audition par Marc Gruber de la Fédération internationale des journalistes, Danièle Fonck, Alvin Sold et Michal Musil de European Newspaper Publishers Association, Boyko Boev d'Article 19, Boris Bergant d'International Press Institute/Organisation des médias de l’Europe du Sud-Est, et Olivier Basille de Reporters sans frontières. L’audition a été accueillie par la Chambre des députés du Luxembourg.
4. A cette occasion, le journaliste allemand Hans-Martin Tillack a remis au Conseil de l’Europe un exemplaire original de la «Charte européenne sur la liberté de la presse» élaborée et signée par de nombreux journalistes européens éminents. La charte a été reçue au cours de cette réunion de la sous-commission des médias à Luxembourg par le Président du Comité des Ministres, M. Samuel Zbogar, ministre des Affaires étrangères de Slovénie, ainsi que par moi-même pour le compte de l’Assemblée.
5. Ce rappel symbolique de la nécessité de respecter la liberté des médias dans toute démocratie est un appel des médias et de leurs organisations au Conseil de l’Europe pour qu’il intensifie ses efforts dans ce domaine. C’est un rappel de la nécessité permanente d’être vigilant pour ne pas mettre en danger la démocratie en occultant les violations graves de la liberté des médias. La démocratie et la liberté des médias sont des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

2. Catégorie A: meurtres et agressions de journalistes et violations graves

2.1. Arménie

6. A l’approche de l’élection présidentielle de février 2008, le harcèlement des journalistes et les contrôles directs des médias se sont intensifiés. Plusieurs journalistes, dont le photographe Gaguik Chamchian, ont été blessés lors de charges de la police contre des manifestants après l’élection. Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a indiqué qu’une reporter, Loussine Barseghian, a été agressée alors qu’elle tentait de réunir des éléments sur des irrégularités dans un bureau de vote d’Erevan. L’état d’urgence ayant été imposé pendant trois semaines, toute information indépendante a été interdite pendant cette période. En mars 2007, des contrôles similaires des médias avaient été imposés pendant l’état d’urgence déclaré temporairement par le gouvernement précédent.
7. Plusieurs autres journalistes ont été victimes d’agressions en 2008, notamment Haratch Melkoumian, chef du bureau de Erevan de Radio Free Europe/Radio Liberty, et Edik Baghdassarian, rédacteur du magazine en ligne Hetq et président de l’Association arménienne des journalistes d’investigation.
8. Le 30 avril 2009, Arguichti Kivirian, rédacteur du site web d’information en ligne Armenia Today, a été agressé devant son domicile, à Erevan, par trois inconnus qui l’ont laissé dans un état grave. Il aurait été frappé à la tête et sur le corps avec des matraques ou des bâtons et l’un de ses agresseurs aurait également tiré des coups de feu qui ne l’ont pas touché. Ses collègues pensent que cette agression est liée à son travail.

2.2. Azerbaïdjan

9. Les autorités azerbaïdjanaises sont accusées d’avoir arbitrairement emprisonné des journalistes et de les avoir maltraités en prison. Le 17 août 2009, Novruzali Mamedov, rédacteur du journal minoritaire Talyshi Sado, qui a cessé d’exister, est mort dans une prison de Bakou, où il purgeait une peine de dix ans depuis février 2007. Le CPJ avait protesté contre son arrestation au motif que Mamedov était incarcéré sur la base de chefs d’inculpation forgés de toutes pièces, y compris la trahison. D’après la Fédération internationale des droits de l’homme basée à Paris, il aurait été torturé en prison. D’après plusieurs groupes internationaux, il se serait vu refuser les traitements médicaux que nécessitait son mauvais état de santé pendant son incarcération. Un porte-parole de la prison a déclaré que son décès était dû à une attaque. Le journal Talyshi Sado a cessé de paraître peu après l’emprisonnement de Mamedov.
10. La brutalité policière est évoquée dans le cas d’Emin Huseynov, directeur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters en Azerbaïdjan, blessé à la tête après avoir été, selon certaines sources, frappé à coups de crosse dans un poste de police de Bakou, le 14 juin 2008. M. Huseynov a été raflé lors d’une descente de police dans un café de Bakou où il couvrait un événement. De source officielle, ses blessures seraient dues à une automutilation.
11. Le meurtre d’Elmar Huseynov, rédacteur en chef du journal Monitor et fervent partisan de la démocratisation, survenu en 2005, n’a toujours pas été élucidé. Il a été tué devant chez lui à quelques jours des élections de 2005. Pour certains groupes internationaux de surveillance des médias, des responsables gouvernementaux seraient impliqués dans la mort de M. Huseynov.
12. Eynoulla Fatoullaïev, rédacteur de Gundelike Azerbaijan et du journal russophone Realny Azerbaijan, est emprisonné depuis sa condamnation, en avril 2007, pour avoir laissé entendre, dans des articles de presse, que le meurtre d’Elmar Huseynov avait été commandité par de hauts responsables de l’Etat. Le CPJ et Pen International ont dénoncé le caractère «politique» de la condamnation de M. Fatoullaïev pour terrorisme et incitation à la haine ethnique. Il a été condamné en tout à huit ans de prison. Il avait déjà été condamné avec sursis pour diffamation envers le ministre de l’Intérieur. Le CPJ indique qu’il a reçu des menaces de mort. De plus, les bureaux de son journal ont été fermés.
13. Le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias a signalé qu’un autre reporter de Realny Azerbaijan, Uzeyir Jafarov, avait été presque battu à mort en mai 2007.
14. Trois journalistes condamnés à des peines de prison pour diffamation et d’autres chefs d’inculpation ont été libérés le 21 avril 2009. Le 24 septembre 2009, l’Association mondiale des journaux et éditeurs de nouvelles (AMF-IFRA) a demandé la libération de cinq autres rédacteurs, journalistes et blogueurs emprisonnés. Selon l’AMJ, ils ont tous été punis en raison de leur attitude critique envers le gouvernement. L’association déplore «le climat généralisé d’intimidation et de peur» qui règne dans les médias en Azerbaïdjan.

2.3. Bosnie-Herzégovine

15. En septembre 2008, plusieurs journalistes de la radio et de la presse écrite qui ont couvert une manifestation sur les droits des gays organisée à Sarajevo ont reçu des menaces de mort.

2.4. Bulgarie

16. Le 7 avril 2008, Georgi Stoev, éditorialiste de presse et auteur de plusieurs livres à succès sur le crime organisé en Bulgarie, a été abattu dans une rue de Sofia. D’après le CPJ, il avait prédit qu’il serait assassiné à cause de ce qu’il écrivait. Aucun suspect n’a été identifié.
17. Ognyan Stefanov, rédacteur du site web d’investigation Frognews, est resté trois jours dans le coma, dont il est ressorti dans un état critique, après avoir été frappé à coups de marteau par des hommes masqués, devant un restaurant de Sofia, le 22 septembre 2008. Reporters sans frontières (RSF) a indiqué que M. Stefanov avait aussi les deux jambes et un bras cassés.
18. RSF signale que deux hommes ont menacé, le 9 février 2007, d’asperger Maria Nikolaeva d’acide pour avoir cosigné un article critique sur un projet de construction d’un immeuble résidentiel dans la réserve naturelle de Strandja, sur les bords de la mer Noire, qui est le plus grand site protégé de Bulgarie.
19. RSF conclut que le journalisme d’investigation et le pluralisme des médias en Bulgarie sont gravement menacés par le crime organisé et diverses formes de pression des milieux politiques et d’affaires, et indique que l’autocensure est de plus en plus courante en raison des risques évidents que courent les journalistes depuis le meurtre de Stoev et l’agression de Stefanov.

2.5. Croatie

20. Le 23 octobre 2008, Ivo Pukanic, propriétaire et directeur de rédaction de l’hebdomadaire politique croate Nacional, et Niko Franjic, directeur de commercialisation du journal, ont été tués par une bombe qui a explosé sous la voiture du directeur devant les bureaux du journal à Zagreb. Ces meurtres étaient les premiers perpétrés sur des employés des médias depuis les guerres des Balkans dans les années 1990. Nacional est bien connu pour ses informations sur la criminalité, la corruption et les atteintes aux droits de l’homme. Cet attentat est imputé à des bandes criminelles; cinq hommes ont été inculpés dans cette affaire. Pukanic avait reçu des menaces de mort. L’Association mondiale des journaux (AMJ) avait auparavant critiqué le peu d’empressement de la police et de la justice croates à poursuivre les auteurs d’agressions contre des journalistes.
21. L’Organisation des médias du sud-est de l’Europe (SEEMO) s’est inquiétée des menaces de mort reçues en 2008 par Drago Hedl, journaliste de l’hebdomadaire Feral Tribune, qui avait enquêté sur les crimes de guerre commis contre les populations civiles en 1991, et Vedran Strukar, d’Europe Press Holdings, dont la famille a également fait l’objet de menaces.

2.6. Géorgie

22. Quatre journalistes ont été tués et une dizaine d’autres ont été blessés en mission, lors du conflit en Géorgie d’août 2008.
23. Le 10 août 2008, Alexandre Klimtchouk, directeur de l’agence photo Caucasus Images, basée à Tbilissi, et Grigol Tchikhladze, qui travaillait en indépendant pour cette même agence, ont été tués alors qu’ils tentaient d’entrer dans Tskhinvali, en Ossétie du Sud, lors d’une mission pour l’agence de presse russe Itar-Tass.
24. Le 12 août 2008, Stan Storimans, cameraman hollandais de RTL télévision, a été tué lors d’une attaque militaire sur la ville géorgienne de Gori, tandis que son collègue reporter, Jeroen Akkermans était blessé. Une enquête diligentée par le Gouvernement néerlandais a conclu que le décès et les blessures ont été causés par des armes à sous-munitions russes, mais cette affirmation a été contestée. M. Akkermans a porté plainte contre la Russie pour cette attaque devant la Cour européenne des droits de l’homme.
25. Giorgi Ramichvili, de la chaîne de télévision Rustavi2, a été tué le 6 septembre; il aurait été abattu alors qu’il était en tournage dans les environs du village géorgien de Chavnabada, près de Tbilissi.
26. Le 7 novembre 2007, lors de manifestations populaires contre la corruption et les abus de pouvoir reprochés au Gouvernement géorgien, un important détachement de forces armées a pris d’assaut la chaîne de télévision privée Imedi, qui constituait une cible privilégiée car elle relayait les opinions de l’opposition politique. Les militaires ont retenu et menacé des centaines d’employés et détruit une grande partie du matériel de la chaîne, ce qui l’a contrainte à cesser d’émettre. Plusieurs employés ont été chargés par la police antiémeute après avoir été expulsés du bâtiment. Human Rights Watch et d’autres organisations internationales ont mis en doute la légalité de cette opération, dictée, selon le gouvernement, par la menace qui pesait sur la sécurité nationale. Lorsque la chaîne a été autorisée à reprendre ses émissions, cinq mois plus tard, elle avait changé de propriétaire et mitigé son attitude critique à l’égard du gouvernement.
27. Article 19 a accusé le Gouvernement géorgien de ne pas avoir satisfait son engagement de respecter la liberté d’expression en suspendant les médias lors des élections législatives et présidentielles de 2008, ainsi que pendant le conflit de 2008 avec la Russie.
28. Les autorités géorgiennes ont été vivement critiquées par les organisations internationales de surveillance pour avoir censuré les médias et, notamment, empêché la diffusion d’émissions en russe, lors du conflit.

2.7. Grèce

29. Des groupes de journalistes ont fait part de leur grande inquiétude après l’intrusion de quatre hommes armés dans les locaux de la chaîne de télévision privée Alter, à Athènes, le 17 février 2009. Ces individus ont tiré plusieurs coups de feu et lancé un engin explosif contre le bâtiment en proférant des menaces contre les journalistes qui s’y trouvaient. Ils se seraient réclamés de la «secte révolutionnaire». Aucune explication n’a été fournie quant aux motifs de cet attentat.

2.8. Hongrie

30. Le 22 juin 2007, Iren Karman, une journaliste qui enquêtait sur des allégations de corruption impliquant des bandes de criminels dans le cadre de contrats pétroliers conclus dans les années 1990, a été victime d’une brutale agression. Enlevée à Budapest, elle a été violemment frappée et abandonnée sur une rive du Danube, atteinte de blessures à la tête et souffrant d’hémorragies internes.

2.9. Italie

31. Selon les procureurs généraux italiens, les menaces de mort et les agressions physiques sont couramment utilisées par des éléments criminels, y compris la mafia, pour forcer des journalistes italiens au silence sur le crime organisé. L’écrivain et journaliste Roberto Saviano, auteur du livre Gomorra, est contraint de vivre sous protection policière depuis octobre 2006 en raison des menaces que lui ont valu ses investigations sur la camorra napolitaine. RSF estime qu’une dizaine d’autres journalistes ont aussi dû demander la protection de la police après avoir reçu des menaces.
32. Le 2 septembre 2007, deux hommes ont été surpris alors qu’ils plaçaient une bombe artisanale sous la voiture de Lirio Abbate, correspondant de l’agence de presse nationale Ansa à Palerme. Son livre I Complici (Les Complices) traitait des connivences entre les milieux politiques et la mafia.

2.10. Moldova

33. Lors des manifestations qui ont suivi les élections, le 8 avril 2009 et les jours suivants, la police a été accusée d’un recours excessif à la force et d’avoir attaqué et arrêté plusieurs journalistes. Le gouvernement a empêché des journalistes roumains et autres journalistes étrangers d’entrer dans le pays au cours de cette période et en a arrêté d’autres qui s’y trouvaient déjà.
34. Le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias s’est plaint auprès du gouvernement du comportement de la police et des interdictions faites aux journalistes de faire des reportages. Il a aussi appelé les journalistes qui rendaient compte des manifestations de rue et des affrontements à le faire objectivement, sans jeter de l’huile sur le feu.

2.11. Russie

35. La liste interminable des journalistes morts de mort violente en Russie est un affront aux principes du Conseil de l’Europe, en particulier au droit à la vie et à la liberté d’expression. Ces cas établis semblent témoigner d’un mépris persistant de l’obligation de protéger les journalistes de toute agression physique et de l’absence généralisée de réaction appropriée de la justice face aux agressions et aux menaces.
36. Le 2 mars 2007, Ivan Safronov, correspondant pour les questions militaires pour le journal Kommersant est mort après être tombé du quatrième étage de l’immeuble de sa résidence à Moscou. Les enquêteurs ont attribué sa mort à un suicide, mais sa famille et ses amis ont indiqué qu’ils étaient certains qu'Ivan Safronov avait été tué à cause de son travail. Il se préparait à publier des articles contenant des preuves sur des ventes d’armes controversées au Moyen-Orient. Le CPJ et d’autres organisations ont demandé une enquête approfondie. Cependant, aucun suspect n’est actuellement recherché.
37. Le 5 avril 2007, Viatcheslav Ifanov, cameraman de la chaîne de télévision indépendante Novoïe Televideniye Aleiska de la ville d’Aleisk, en Sibérie, est mort dans son garage. Officiellement, il aurait succombé à une intoxication au monoxyde de carbone qu’il aurait lui-même provoquée. Cependant, selon le CPJ, les membres de la famille ont indiqué que son corps portait des blessures et qu’il avait reçu des menaces de mort. Ifanov a été tué le lendemain de la diffusion, sur sa chaîne de télévision, d’une émission sur une agression précédente en janvier, dont il s’était tiré avec une commotion cérébrale après avoir été battu par un groupe d’hommes non identifiés en uniforme de camouflage qui l’auraient averti qu’il s’exposait à des risques plus graves s’il n’arrêtait pas ses reportages d’investigation. Aucun suspect n’a été identifié.
38. Le 21 mars 2008, Ilias Chourpaïev, reporter pour la chaîne de télévision russe Channel One, qui a largement rendu compte de la situation dans la République russe du Daghestan, a été poignardé et apparemment étranglé dans son appartement, à Moscou. Trois suspects ont été arrêtés et accusés de meurtre et de vol. Ils ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement. Le CPJ indique que Chourpaïev avait déclaré qu’il était catalogué comme dissident. Il a été tué peu de temps après avoir écrit un article dans un journal du Daghestan, qui a refusé son papier, jugé trop polémique. Trois hommes ont été jugés coupables mais une enquête plus approfondie est demandée.
39. Toujours le 21 mars 2008, Gadji Abachilov, directeur de la radio et télévision publique du Daghestan et ancien vice-ministre de l’Information de cette république, a été abattu dans sa voiture, dans la capitale Makhatchkala. Son chauffeur a été gravement blessé. Aucun suspect n’a été identifié.
40. Le 31 août 2008, Magomed Evloïev, propriétaire du site web d’information indépendant à succès Ingushetia.ru, a été abattu lors de sa détention par des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur après avoir été arrêté à l’aéroport de la capitale de l’Ingouchie, Nazran. Des déclarations officielles contradictoires ont été faites à propos de la manière dont il a trouvé la mort, mais il a été annoncé par la suite que l’un des fonctionnaires serait inculpé pour homicide par négligence. La famille d’Evloïev demande que l’enquête soit prolongée pour rechercher les personnes qui ont commandité sa mort. Elle a déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Des audiences préliminaires ont été ouvertes à la Cour en 2008. Evloïev et son site web étaient connus pour leurs travaux dénonçant la corruption officielle, la fraude électorale et les violations des droits de l’homme en Ingouchie.
41. En 2007, la rédactrice en chef de ce site web, Roza Malsagova, avait quitté l’Ingouchie en expliquant qu’elle avait été attaquée par les autorités locales et reçu des menaces physiques. Elle risquait aussi des poursuites pénales pour diffusion de documents prétendument extrémistes et incitation à la haine ethnique. Le centre Sova, basé à Moscou, qui suit les questions relatives à la xénophobie et aux libertés civiles en Russie, a indiqué dans un rapport du 29 juillet 2009 que si toute une série d’accusations utilisées pour poursuivre Ingushetia.ru était dénuée de fondement, certains textes publiés sur ce site contenaient effectivement des propos xénophobes à l’encontre des Ossètes. Il signale aussi que la réouverture de ce site web a été autorisée depuis, sous le nom d’Ingushetia.org.
42. Le 2 septembre 2008, Telman Alichaïev, présentateur de TV-Chirkel, à Makhatchkala, au Daghestan, a été abattu au volant de sa voiture par deux individus. Il est décédé le jour suivant. Il était connu pour ses propos critiques sur la secte islamique ultraconservatrice wahhabite et avait reçu des menaces de mort. L’enquête se poursuit.
43. Le 5 janvier 2009, Shafiq Amarkhov, rédacteur de l’agence de presse en ligne RIA 51, décédait six jours après avoir reçu plusieurs balles en caoutchouc dans la tête, à son domicile de Mourmansk. Le CPJ indique qu’il avait publiquement critiqué le gouverneur de Mourmansk peu de temps auparavant et qu’il s’était vu refuser son accréditation pour participer à la dernière conférence de presse donnée par le Président Vladimir Poutine dans l’exercice de cette fonction, en février 2008. M. Amrakhov avait déjà été grièvement blessé lors d’une précédente agression, en 1997. Aucun suspect n’a été identifié.
44. Le 19 janvier 2009, Anastassia Babourova, reporter au journal indépendant Novaïa Gazeta, a été mortellement blessée par balle dans une rue de Moscou, par un homme qui portait un masque de ski. Elle venait de participer à une conférence de presse en compagnie de Stanislav Markelov, éminent avocat spécialisé dans les droits de l’homme, que le tireur a abattu en premier et qui était peut-être sa cible principale. Le procureur a dit qu’un suspect dont l’identité est connue des autorités est recherché. L’enquête continue.
45. Le 30 mars 2009, Sergey Protazanov, un maquettiste qui travaillait pour Grajdanskoye Soglasye (Concorde civile), journal local critique de Khimki dans la banlieue de Moscou, est mort deux jours après avoir été attaqué près de chez lui, d’après les propos recueillis avant son décès par le rédacteur du journal Anatoly Yurov. La FIJ a indiqué que les enquêteurs ont fait des déclarations contradictoires sur la manière dont il a trouvé la mort et qu’ils ont ensuite établi qu’il était mort d’une attaque après une chute dans les escaliers. La Fondation pour la défense de la Glasnost et la FIJ ont indiqué que Protazanov était en train de préparer une couverture du journal sur la fraude alléguée dans les récentes élections municipales locales. Anatoly Yurov, aussi, avait été poignardé au cours d’une agression en février 2008. Six mois après le décès de Protazanov, aucune enquête criminelle n’a encore été ouverte.
46. Le 30 juin 2009, Viatcheslav Iarotchenko, le rédacteur en chef de Korruptsiya i Prestupnost (Corruption et Crime), a succombé aux blessures à la tête que lui ont, à ses dires, infligées des agresseurs inconnus, dans l’entrée de son immeuble, à Rostov-sur-le-Don. La police a déclaré que Iarotchenko était mort des suites d’une chute dans les escaliers, mais pour ses collègues et les organisations internationales, il aurait été assassiné et les enquêteurs auraient fait preuve de négligence. Il avait publié des rapports sur des allégations de corruption concernant les forces de l’ordre de la ville. Aucune enquête pénale n’a été ouverte.
47. Le 15 juillet 2009, Natalia Estemirova, qui travaillait en Tchétchénie pour l’organisation des droits de l’homme Memorial, a été enlevée dans une rue de Groznyï. Son corps a été découvert portant des blessures par balles à la tête et au cœur, dans l’Ingouchie voisine, plus tard le même jour. Une enquête a été ordonnée, mais plusieurs organisations internationales ont émis des doutes sur son impartialité. Estemirova avait publié des articles mettant en cause des forces loyales au Président tchétchène, Ramzan Kadyrov dans des cas de torture et autres atteintes graves aux droits de l’homme. Après sa mort, des responsables russes pour les droits de l’homme ont demandé qu’une enquête soit menée sur les forces de l’ordre locales en relation avec le meurtre. Aucun suspect n’a encore été identifié.
48. Après la mort d’Estemirova, Memorial a déclaré qu’il serait contraint de se retirer de la Tchétchénie à cause du risque inacceptable pesant sur les vies de son personnel. Natalia Estemirova a écrit des articles pour Novaya Gazeta et est le cinquième journaliste écrivant pour ce journal à avoir été tué depuis 2000.
49. Le 11 août 2009, Abdoulmalik Akhmedilov, le rédacteur adjoint de Khakikat (La Vérité), journal publié en langue avar du Daghestan, a été abattu par des inconnus alors qu’il quittait son domicile, à Makhatchkala. La Fondation pour la défense de la Glasnost et la FIJ rapportent que des témoins oculaires ont déclaré que ses agresseurs avaient une voiture aux vitres teintées et sans plaque d’immatriculation. Les enquêteurs auraient déclaré que leurs recherches porteraient sur différents motifs éventuels du meurtre. Le rédacteur en chef de Khakikat, Ali Kamalov, a allégué que le motif était politique. Akhmedilov avait critiqué les forces de l’ordre fédérales et locales pour avoir supprimé la dissidence politique et religieuse sous le couvert d’une campagne de lutte contre l’extrémisme. Les enquêtes sont en cours.
50. De toutes ces affaires, une seule – le décès d’Ilias Chourpaïev – a donné lieu à une condamnation. A la suite du meurtre d’Abdoulmalik Akhmedilov au Daghestan, le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, Miklos Haraszti, a écrit au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, pour demander que le Gouvernement russe reconnaisse publiquement que la campagne menée contre les journalistes et les militants des droits de l’homme en Fédération de Russie est intolérable et que les plus hautes autorités policières et judiciaires soient rappelées à leur devoir, après avoir montré leur incapacité à élucider les affaires précédentes. M. Haraszti a demandé qu’un plan d’action soit établi pour mettre un terme à ce qu’il a appelé une «crise des droits de l’homme».
51. En septembre 2009, Oleg Panfilov, représentant du Centre for Journalism in Extreme Situations (CJES), a décrit la situation actuelle en Russie pour les journalistes curieux et d’esprit indépendant «d’état permanent de peur». Le CJES estime que plusieurs centaines de journalistes russes ont décidé de quitter le pays en raison des risques pour leur sécurité personnelle et des limites contraignantes imposées à leur liberté professionnelle en Russie, tandis que d’autres ont abandonné le journalisme.
52. Les journalistes russes indépendants sont unanimes à reconnaître que l’autocensure est aujourd’hui très répandue parmi les professionnels russes des médias, mus par la crainte des violences au vu de la multitude d’agressions dont sont victimes les journalistes trop curieux. En 2008, la FIJ et la Fondation pour la défense de la Glasnost ont recensé 69 autres cas d’agressions physiques et 35 cas de menaces contre la sécurité des journalistes en Russie, confirmant ainsi la réputation de pays d’Europe le plus dangereux pour les journalistes que s’est acquise la Russie.
53. Parmi les cas les plus graves figure la tentative manifeste de meurtre dont a été victime Mikhaïl Beketov, rédacteur en chef du journal indépendant Khimkinskaïa Pravda, dans la région de Khimki, près de Moscou, le 12 novembre 2008. Des inconnus l’ont attaqué à coups de barres de fer devant son domicile et l’ont laissé pour mort. Atteint de lésions à la tête engageant le pronostic vital, il a en outre dû être amputé d’une jambe. Certains de ses collègues ont signalé qu’il avait été prévenu d’un plan visant à le supprimer s’il n’arrêtait pas de parler de la corruption officielle. Sa voiture avait déjà été incendiée. Beketov avait enquêté sur une affaire potentielle de corruption officielle dans le cadre d’un projet de construction d’une autoroute qui devait traverser une zone forestière protégée, projet auquel la population locale était opposée.
54. Le 3 février 2009, Iouri Gratchev, 72 ans, rédacteur au journal moscovite Solnetchnogorski Forum, a été frappé et laissé inconscient devant son domicile, près de Moscou. Il avait publié des articles très critiques sur le comportement de responsables locaux lors de récentes élections.
55. Le 10 mars 2009, Vadim Rogojine, journaliste d’investigation et directeur de la holding de médias Vzglyad (Vue), dans la ville de Saratov, dans le sud de la Russie, a été grièvement blessé à la tête à coups de hache par deux individus qui l’ont agressé devant chez lui. Il avait écrit des articles sur la corruption dans le gouvernement régional et les services de sécurité.
56. Le 12 mars 2009, Maxime Zolotarev, rédacteur du journal indépendant Molva Youjnoïe Podmoskovie (Molva Sud), à Serpoukhov, près de Moscou, a été agressé devant chez lui et frappé à coups de matraque. Il a déclaré par la suite avoir abandonné le journalisme à cause des intimidations. Le CPJ indique que Zolotarev pense qu’il a été agressé en représailles à la publication de son article sur la corruption.
57. Il est capital que les élus condamnent publiquement les crimes violents contre les professionnels des médias afin de créer un climat politique suffisamment dissuasif pour empêcher la répétition de ces actes scandaleux. La première réaction enregistrée par Vladimir Poutine, alors Président de la Russie, à la suite du décès d’Anna Politkovskaïa, avait semé la consternation dans la communauté internationale: le dirigeant russe décrivait dédaigneusement la journaliste assassinée comme une personne dont l’influence était très limitée en Russie.
58. Toutefois, en janvier 2007, lors d’une conférence de presse, le Président Poutine s’est déclaré touché par sa mort et a décrit la persécution des journalistes en Russie comme l’un des problèmes les plus urgents auxquels son gouvernement devait réagir. La liste des journalistes assassinés et agressés en Russie appelle une condamnation sans ambiguïté et une réaction déterminée de la tête de l’exécutif. Le Président Dimitri Medvedev, qui a accédé à ces fonctions en 2008, a vivement condamné la violence à l’encontre de journalistes, mais il reste encore à faire les réformes politiques et législatives qui s’imposent.

2.12. Agressions contre les défenseurs des droits de l’homme

59. Les meurtres et agressions d’éminents défenseurs des droits de l’homme en Russie, notamment d’avocats, réduisent encore la possibilité de voir une presse libre se maintenir, à la fois parce que ces agressions répandent la peur et parce que les journalistes dépendent d’un petit nombre de personnes déterminées et dignes de foi pour obtenir des informations fiables sur des régions dangereuses, comme la Tchétchénie.
60. L’assassinat, en pleine rue, du célèbre avocat des droits de l’homme Stanislav Markelov et d’Anastassia Babourova, en janvier 2009, et la mort de Zarema Sadoulaïeva, membre d’une ONG qui s’occupe des enfants en Tchétchénie, tuée là-bas le 12 août 2009 avec son mari, ont provoqué l’indignation de la communauté internationale, qui a condamné ces actes.
61. Les risques encourus par ceux qui prennent publiquement position pour la liberté d’expression et de conscience et se dressent contre les menaces et la coercition ont de nouveau été démontrés par les menaces de mort adressées fin septembre 2009 à Alexandre Podrabinek, ancien dissident anticommuniste et journaliste indépendant, par le mouvement de jeunesse de droite et pro-Kremlin Nachi. Podrabinek a écrit un article sur un site web dans lequel il critiquait le passé soviétique de la Russie, et notamment les crimes du stalinisme, et accusait l’actuel Gouvernement russe de chercher à réhabiliter l’image de l’Union soviétique. Il a décidé de se cacher avec sa famille, après que des membres de Nachi ont menacé de le poursuivre en justice, manifesté de façon menaçante sous ses fenêtres et publié des informations personnelles le concernant, notamment son adresse, sur d’autres sites internet.

2.13. Serbie et Kosovo 
			(1) 
			Toute référence au
Kosovo dans le présent texte, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des
Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.

62. Des agressions physiques et de graves menaces contre des journalistes ont continué d’être signalées en Serbie et au Kosovo. Elles étaient, dans la plupart des cas, liées à des tensions nationalistes et politiques résiduelles. En Serbie, l’Organisation des médias du sud-est de l’Europe a indiqué que Stefan Cvetovic, rédacteur en chef de RTV TNT à Bela Crkva, avait été agressé le 18 juillet 2008, apparemment à cause de ses reportages diffusés à l’antenne. En septembre 2008, un groupe de manifestants nationalistes s’est introduit dans les locaux de l’agence de presse Beta, à Belgrade, pour exiger que les médias rendent compte de leurs manifestations contre l’arrestation du criminel de guerre présumé Radovan Karadzic. En mars 2008, l’Organisation des médias du sud-est de l’Europe a signalé que deux responsables de la rédaction de l’hebdomadaire Nedeljni Telegraf avaient reçu des menaces de mort.
63. Au Kosovo, la présentatrice Jeta Xharra a été menacée de mort en juin 2009 à la suite de ses reportages d’investigation diffusés sur la chaîne publique RTK, consacrés aux restrictions de la liberté de la presse au Kosovo et aux atrocités présumées commises par l’Armée de libération du Kosovo pendant le conflit qui a frappé la région à la fin des années 1990.

2.14. Espagne

64. L’organisation armée séparatiste basque ETA a continué d’attaquer et de menacer des journalistes critiquant son recours à la violence terroriste et à l’extorsion.
65. Parmi les actes de violence les plus récents ayant visé les médias au Pays basque, on peut citer un attentat contre le siège de la radiotélévision publique EiTB à Bilbao le 31 décembre 2008 et un autre contre une antenne relais à Hernani le 16 janvier 2009. Ces attaques ont provoqué d’importants dégâts mais n’ont pas fait de victimes.
66. Du fait de ces violences, selon RSF, les journalistes sont depuis des années victimes de manœuvres d’intimidation qui les poussent à faire des compromis sur la façon dont ils rendent compte de l’actualité liée à l’ETA. RSF a également indiqué qu’en mai 2008 une quarantaine d’entre eux étaient contraints de vivre sous protection policière au Pays basque.

2.15. Turquie

67. Hrant Dink, rédacteur en chef du magazine bilingue Agos, publié en arménien et en turc, a été abattu devant son bureau d’Istanbul le 19 janvier 2007. Le procès de 18 accusés est toujours en cours.
68. Le comportement de la police turque pendant l’enquête et la conduite du procès des meurtriers présumés de Hrant Dink ont donné lieu à des plaintes pour négligence, obstruction et collusion des membres des forces de sécurité. Un certain nombre d’autres hauts fonctionnaires ont été destitués pour manquement à leur devoir. Début 2007, la télévision turque a diffusé une vidéo dans laquelle plusieurs policiers et gendarmes posaient pour une photographie aux côtés d’Oguen Samast, qui venait d’être arrêté pour avoir tué Hrant Dink.
69. Le 30 avril 2008, le Gouvernement turc a modifié l’article 301 du Code pénal sous la pression internationale, mais de nombreuses voix ont jugé ces changements insuffisants. Dans son ancien libellé, cet article érigeait en infraction pénale tout «dénigrement de l’identité turque, de la République, des institutions et organes de l’Etat». Dans le nouveau libellé, «identité turque» est remplacé par «nation turque». La peine maximale a été ramenée de trois à deux ans d’emprisonnement et la loi prévoit désormais que les poursuites doivent d’abord être approuvées par le ministre de la Justice. Auparavant, des avocats nationalistes avaient la possibilité d’engager eux-mêmes des poursuites.
70. Ces changements n’ont pas réduit sensiblement le nombre d’affaires dans lesquelles des écrivains ou des journalistes sont poursuivis pour avoir publié leurs opinions. Selon l’Association turque de contrôle Bianet, 125 personnes dont 57 journalistes ont été jugées pour leurs opinions entre avril et juin 2009.
71. PEN International a indiqué que, en septembre 2009, plus de 70 journalistes et écrivains faisaient l’objet d’une enquête pénale ou d’un procès pour leurs opinions en Turquie. Sur ces 70 personnes, 27 pourraient être poursuivies en vertu de l’article 301. Toujours selon PEN International, au moins sept demandes d’enquête pénale au titre du nouvel article 301 sont en cours d’examen par le ministère de la Justice. Jusqu’à présent, l’organisation n’a eu connaissance d’aucun cas confirmé de poursuites judiciaires en vertu de l’article modifié.
72. D’après l’association Article 19, les autres dispositions du Code pénal qui sont souvent utilisées pour poursuivre les journalistes et les écrivains sont l’article 216, qui interdit «de distiller la haine et l’hostilité dans la population», et la loi 5816, qui érige en infraction pénale «l’insulte à la mémoire d’Atatürk». Dans la plupart des cas, les charges retenues contre des journalistes pour «abus de la liberté de parole» sont liées aux questions kurdes.
73. Plus récemment, RSF a fait état de deux autres agressions contre des journalistes. Haci Bogatekin, propriétaire de la publication bimensuelle Gerger Kirat, a été blessé et son appareil photo endommagé lorsqu’il a été attaqué le 28 juillet 2009 tandis qu’il enquêtait sur l’incendie d’une déchetterie controversée de la province d’Adiyaman (sud-est du pays). RSF avait alors affirmé qu’il n’était pas rare que les fonctionnaires locaux ordonnent des passages à tabac ou se livrent à de tels actes pour réduire les journalistes au silence. Dans une autre affaire, Durmus Tuna, propriétaire du journal local Soke Gercek dans le sud-ouest de la Turquie, a eu le bras cassé lorsqu’il a été agressé par un groupe d’hommes le 6 juillet 2009. Il avait publié des articles sur des pratiques de corruption au sein de la municipalité.

2.16. Ukraine

74. En Ukraine, trois anciens policiers ont été condamnés en mars 2008 pour le meurtre de Gueorgui Gongadze et l’enquête s’est accélérée.
75. En septembre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt défavorable à l’Etat ukrainien, celui-ci n’ayant ni protégé la vie du journaliste ni mené une enquête efficace sur son meurtre pendant plusieurs années. Le pays se caractérise aujourd’hui par un climat politique plus ouvert et un secteur des médias dynamique et indépendant. Le Comité des Ministres, dans une seconde résolution intérimaire adoptée en septembre 2009 (CM/ResDH(2009)74), a salué les progrès récents de l’enquête, notamment la nouvelle arrestation de l’ex-général Oleksi Poukatch, supérieur hiérarchique des anciens policiers condamnés, qui était en fuite.

2.17. Royaume-Uni

76. En septembre 2007, un groupe paramilitaire loyaliste présumé a proféré des menaces de mort dans un message envoyé à un studio de télévision d’Irlande du Nord. Le message, accompagné d’une balle, indiquait le nom et l’adresse de Robin Livingstone, rédacteur en chef du journal Andersonstown News. Par ailleurs, RSF a critiqué le manquement de la police à traduire en justice les meurtriers du journaliste de Belfast Martin O’Hagan, tué en septembre 2001 par un groupe apparemment composé de paramilitaires loyalistes. RSF a appelé la police à se mobiliser davantage pour protéger les journalistes et faire juger les responsables des agressions commises à leur égard. L’organisation s’est félicitée des nouvelles enquêtes qui s’intéressent aux écrits de Martin O’Hagan faisant état de collusion entre les forces de sécurité et les groupes paramilitaires.

2.18. Bélarus

77. Le Bélarus, qui n’est pas un Etat membre du Conseil de l’Europe, arrive à la 188e place sur 195 dans le classement mondial 2009 de la liberté de la presse établi par Freedom House, ce qui en fait le plus mauvais des pays d’Europe. RSF déclarait le 12 février 2008 que la presse libre avait virtuellement disparu de ce pays en raison d’un harcèlement administratif répété et d’un cadre législatif répressif. Le gouvernement s’est récemment déclaré disposé à autoriser la publication et la vente de quelques journaux indépendants.
78. Article 19 fait état de plusieurs attaques récentes à l’encontre de journalistes, dont l’agression du photographe Uladzimir Hrydzin, le 16 avril 2009, et l’arrestation du journaliste Siarhei Panamarou et de son équipe, qui se sont vu confisquer leur matériel, le 17 avril 2009.
79. Article 19 et d’autres organisations sont revenus à maintes reprises à la charge auprès des autorités du Bélarus, qui n’ont toujours pas élucidé le meurtre de la journaliste Veronika Tcherkassova, en octobre 2004, et la disparition du cameraman Dimitri Zavadski en juillet 2000.

2.19. Agressions et menaces contre des journalistes par des cercles religieux à la suite de la polémique sur les caricatures danoises

80. La polémique sur les caricatures de Mahomet, en 2005 et 2006, a donné lieu à des manifestations massives et violentes dans le monde arabe et dans certaines villes européennes, où la minorité religieuse musulmane contestait le concept libéral européen de liberté de la presse. Cette catégorie de la société demandait que la liberté d’expression soit restreinte pour tenir compte de sensibilités religieuses particulières.
81. La liberté des médias a été mise à mal car certains protagonistes se trouvant au cœur de la polémique, notamment plusieurs caricaturistes danois, ont dû se cacher pour se protéger contre les menaces de violence émanant d’extrémistes islamiques, et la presse de certains pays comme le Royaume-Uni a semblé s’autocensurer par crainte de représailles.
82. Cependant, la reproduction des caricatures dans les journaux de la plupart des pays européens a montré que l’opinion publique était très attachée à la libre expression des idées, même lorsque celles-ci peuvent être offensantes. A cette occasion, a également été publiquement réaffirmé le principe qui veut que les lois sur la diffamation ne peuvent s’appliquer qu’à des individus et non à une religion, en l’occurrence l’islam. De nombreux Etats ont mis en place de nouvelles formes de dialogue entre groupes religieux et autres groupes de la société civile, ce qui a parfois contribué à améliorer la compréhension mutuelle entre les personnes ayant des croyances et convictions différentes. Si ce dialogue se poursuit, il servira noblement la cause de la liberté d’expression.
83. Les risques concernant la sécurité des personnes n’ont toutefois pas disparu. Au Danemark a été déjoué en février 2008 un complot visant à assassiner Kurt Westergaard, l’auteur du dessin très controversé montrant un turban. Kurt Westergaard s’est plaint de se retrouver une nouvelle fois dans la situation d’un fugitif dans son propre pays.
84. En Suède, certains groupes musulmans ont condamné en août 2007 une autre caricature de Lars Vilks sur le prophète Mahomet parue dans le journal Nerikes Aallehanda. Le dessin aurait été publié, comme les caricatures danoises, pour attirer l’attention sur la question de l’autocensure et la liberté d’expression. L’auteur a reçu des menaces et plusieurs galeries d’art ont refusé d’exposer son travail par peur de représailles.
85. En France, Robert Redeker, professeur de philosophie, a également été contraint de solliciter une protection policière après avoir été menacé de mort en raison de sa tribune «Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre?» parue dans Le Figaro en septembre 2006. Un jeune Marocain arrêté en Libye début 2007 a reconnu avoir lancé un appel au meurtre du professeur sur un site internet islamiste.
86. Au Royaume-Uni, Martin Rynja, propriétaire de la maison d’édition indépendante Gibson Square, a été la cible d’un incendie criminel le 27 septembre 2008. Les assaillants ont versé de l’essence à travers la boîte aux lettres de sa maison d’édition, qui est également son domicile, avant de mettre le feu. En 2009, trois hommes de religion musulmane ont été condamnés à quatre ans et demi de prison pour l’attentat. Celui-ci a été perpétré à la suite de la publication du Joyau de Médine, une interprétation romancée de la relation entre le prophète Mahomet et sa très jeune épouse Aïcha.

3. Catégorie B: les relations entre l’Etat et les médias, et les graves violations de la liberté d’information et d’expression des journalistes

87. Le présent rapport montre que les gouvernements eux-mêmes sont les premiers responsables des atteintes aux normes promues par le Conseil de l’Europe en matière de liberté des médias. Ils ont par conséquent aussi le pouvoir de supprimer nombre des obstacles à des médias libres, pluralistes et professionnels.
88. L’International Press Institute, qui représente des rédacteurs, des responsables de médias et d’éminents journalistes, a déclaré dans sa revue de 2008 que le recul graduel de la liberté de la presse en Europe s’est poursuivi cette année par des atteintes de plus en plus marquées au droit des journalistes de protéger la confidentialité de leurs sources, par des gouvernements qui ont durci et appliqué des lois pénales sur la diffamation et utilisé la lutte contre le terrorisme comme prétexte pour museler la liberté d’expression.
89. Vingt ans après la fin de la guerre froide, beaucoup de structures politiques traditionnelles en Europe sont balayées et remplacées par de nouvelles, et des luttes de pouvoir impitoyables s’accentuent entre forces politiques rivales pour contrôler, influencer, voire posséder de grands médias.
90. Cet antagonisme très marqué entre les formations politiques rivales épaulées par leurs alliés au sein des médias a été la source de maintes manifestations d’intolérance de la part d’élus politiques à l’égard des médias critiques ces dernières années. Les dirigeants politiques multiplient non seulement les tentatives pour dominer les programmes d’information en exerçant une influence sur les radiodiffuseurs du secteur public ou autres médias «bienveillants», mais se hâtent de poursuivre des journalistes pour diffamation ou autres délits.
91. Le Conseil de l’Europe et l’OSCE, par son représentant pour la liberté des médias, ont tous deux identifié les dangers pour la liberté d’expression découlant de l’exercice du pouvoir de l’Etat, en particulier dans les domaines suivants dont l’importance est soulignée dans la liste des indicateurs: pressions sur les médias en périodes électorales, utilisation de lois pénales et de moyens administratifs pour bloquer les enquêtes journalistiques, impact et utilisation d’internet et manipulation de la radiodiffusion de service public.

3.1. Restrictions, harcèlement et partialité des médias lors des élections

92. L’accès équitable aux médias pour tous les candidats, en particulier en période électorale, est au centre de la démocratie. Or, ce principe a été bafoué dans un certain nombre d’Etats membres postcommunistes, dans lesquels les observateurs électoraux internationaux ont constaté de graves distorsions et un grave manque d’impartialité dans la couverture des élections par les médias. Dans certains cas, ils n’ont pu faire leur travail en raison de l’absence de coopération des autorités nationales.
93. En Arménie, les manifestations massives ayant suivi la victoire contestée de Serge Sarkissian à l’élection présidentielle du 19 février 2008 ont entraîné la proclamation de l’état d’urgence et de dispositions prévoyant une censure stricte de toutes les publications pendant vingt jours. Plusieurs médias ont fermé au cours de cette période pour ne pas se soumettre à la censure. Selon un rapport de l’AJE du 5 décembre 2008, la majorité des principaux journaux et médias audiovisuels avaient ouvertement choisi leur camp entre forces politiques progouvernementales et antigouvernementales dans le cadre de la couverture de ces événements, ce qui prouvait que l’indépendance des médias par rapport aux autorités politiques en Arménie s’était perdue dans un climat d’extrême polarisation politique et d’antagonisme mutuel.
94. Lors de l’élection présidentielle du 15 octobre 2008 en Azerbaïdjan, la mission d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire a estimé que les candidats avaient eu la possibilité de faire passer leur message aux électeurs sans entrave. Elle a néanmoins indiqué qu’au cours des quatre semaines précédant le scrutin, la télévision publique avait consacré 51 % de l’information au Président en exercice Ilham Aliev et à ses partisans, ce qui était positif ou neutre, alors que 12 % seulement avaient été consacrés à l’ensemble des autres partis politiques réunis. Certains journalistes ayant critiqué les autorités ont été inculpés d’infractions pénales ou ont fait l’objet de poursuites civiles; certains ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes.
95. En ce qui concerne les élections législatives au Bélarus en septembre 2008, l’Assemblée parlementaire a considéré l’absence d’informations pluralistes pour les électeurs comme un grave manquement suscitant des doutes sur l’équité des résultats du scrutin.
96. En Russie, le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias a estimé que de nombreuses violations avaient été commises dans la période précédant les élections à la Douma en décembre 2007 et l’élection présidentielle du 3 mars 2008, notamment des actes de harcèlement contre les médias, des restrictions législatives et une partialité médiatique qui empêchaient un accès libre et équitable aux médias. Le parti au pouvoir, Russie unie, et son candidat Dimitri Medvedev ont bénéficié d’une vaste couverture favorable sur les chaînes de la télévision nationale, qui était sans commune mesure avec celle accordée aux autres candidats.
97. Les observateurs internationaux sont arrivés à la conclusion que les élections à la Douma n’avaient pas respecté de nombreuses normes internationales relatives aux élections démocratiques et que le scrutin présidentiel n’avait pas été libre et équitable, notamment en raison de l’accès inégal des candidats aux médias.
98. L’existence avérée de listes noires officielles ou officieuses de personnes qui ne peuvent apparaître dans les grands médias en Russie constitue un manque d’impartialité flagrant et une violation des normes du Conseil de l’Europe.

3.2. Les conséquences de la législation antiterroriste et des lois sur l’extrémisme et la sécurité nationale sur la liberté des médias, et la remise en cause de la confidentialité des sources

99. Le principe en vigueur dans une démocratie est que la législation protégeant les secrets d’Etat et la sécurité nationale ou luttant contre l’incitation à la haine doit respecter le droit à la liberté d’expression, et ne pourrait être écarté que dans des cas exceptionnels.
100. Ce principe a été réaffirmé par le Comité des Ministres dans sa Déclaration de 2005 sur la liberté d’expression et le terrorisme. Ce principe appelle les Etats à ne pas introduire de nouvelles restrictions à la liberté d’expression et d’information des médias, à moins qu’elles ne soient strictement nécessaires et proportionnées. Cette déclaration réaffirme également que les Etats doivent respecter le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources au-delà de ce qui est permis dans la Convention européenne des droits de l’homme, et qu’ils doivent s’abstenir d’exercer tout type de pression à leur égard.
101. Or, dans de nombreux cas, des Etats ont été accusés de poursuivre des journalistes sans tenir dûment compte du fait que leur travail sur telle ou telle question peut présenter un véritable intérêt public. La question de la confidentialité des sources des journalistes a également été contestée à maintes reprises devant les tribunaux.
102. Voici quelques exemples d’enquêtes judiciaires menées sur des journalistes accusés d’infractions à la législation sur la sécurité qui semblent contraires aux normes relatives à l’accès à l’information et à la liberté d’expression:
  • Allemagne: en juin 2007, l’Office fédéral de renseignements a ouvert des enquêtes pénales sur 17 journalistes de premier plan afin de rechercher des éléments permettant de les poursuivre en justice pour avoir révélé des secrets d’Etat, après que des responsables politiques eurent laissé filtrer des informations sur l’aide apportée par cette agence fédérale au programme secret américain de «restitutions extraordinaires» de suspects terroristes. Les poursuites ont finalement été abandonnées;
  • Irlande: le 4 août 2009, la Cour suprême a confirmé le droit de la rédactrice en chef de l’Irish Times, Geraldine Kennedy, et du reporter Colm Keena de ne pas dévoiler l’identité de leurs sources. Tous deux avaient refusé de révéler la source d’un article sur des fonds versés à l’ancien Premier ministre irlandais Bertie Ahern;
  • Pays-Bas: des agents des services de sécurité ont secrètement mis sur écoute le personnel du journal De Telegraaf pour tenter d’identifier la source d’une fuite d’informations et ont arrêté et détenu deux journalistes. Le tribunal a ordonné l’arrêt des poursuites judiciaires à leur encontre;
  • Russie: d’après le Centre de journalisme dans des situations extrêmes, une soixantaine de journalistes ont fait l’objet d’enquêtes ou de poursuites pénales l’an passé en vertu de la loi contre l’extrémisme, dont le champ d’application s’étend à toute critique à l’égard de fonctionnaires. Récemment, toutefois, plusieurs propositions d’amendement qui auraient eu pour effet de durcir encore les contraintes juridiques pesant sur le travail des médias ont été rejetées par la Douma ou la Cour suprême;
  • Suisse: trois journalistes du Sonntags Blick ont été poursuivis en justice en 2007 pour avoir publié des informations révélant l’existence des prisons secrètes américaines pour terroristes présumés sur le territoire de pays de l’Union européenne. Les journalistes ont été acquittés par un tribunal militaire;
  • Turquie: le 22 août 2009, le journal Guenluk a été fermé pour avoir publié un article considéré comme de la propagande en faveur d’une organisation terroriste. Cet article écrit par un professeur de l’université de Toronto, Amir Hassanpour, qualifiait de «linguicide» la politique turque restreignant l’emploi de la langue kurde et mentionnait le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit en Turquie et dans l’Union européenne en tant qu’organisation terroriste;
  • Royaume-Uni: la correspondante du Sunday Tribune en Irlande du Nord, Suzanne Breen, a été mise en examen en 2009 pour avoir refusé de divulguer la source et les coordonnées de ses contacts avec le groupe paramilitaire IRA Véritable, après avoir révélé que ce dernier revendiquait le meurtre de deux soldats britanniques commis dans le courant de l’année. Le juge a relaxé la journaliste, en invoquant l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et en expliquant que sa vie serait mise en danger si elle fournissait les informations demandées.
103. Les gouvernements d’autres Etats membres ont adopté, au nom de la sécurité nationale ou de la protection des citoyens, toute une série d’autres lois qui sont perçues comme des entraves à la liberté des journalistes et des médias de rendre compte de l’actualité et de promouvoir un débat ouvert.
104. Espagne: PEN International a indiqué en décembre 2007 qu’un certain nombre de journalistes et d’écrivains figuraient parmi une bonne soixantaine de personnes ayant été reconnues coupables de terrorisme parce qu’elles auraient soutenu le groupe séparatiste armé ETA. Certains de ces journalistes travaillaient pour le journal basque Egin.
105. Etats de l’Union européenne: les groupes de défense des droits civils et de la liberté des médias ont fait part de leur vive inquiétude au sujet de la législation de l’Union européenne sur la conservation de données personnelles relatives aux communications par téléphone, courrier électronique et internet. Ces informations pourraient en effet permettre aux gouvernements d’identifier facilement les contacts confidentiels des journalistes avec leurs sources. La directive de l’Union européenne sur la conservation de données est désormais en vigueur. Elle oblige les opérateurs de télécommunications en Europe à collecter et conserver pendant au moins six mois les informations sur les activités de tous les utilisateurs. Le niveau d’accès des autorités de l’Etat à ces données varie d’un pays à l’autre.
106. Tous ceux qui sont attachés à la liberté des médias ont salué l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, attendu de longue date, qui a été rendu le 27 novembre 2007. La Cour a accordé des réparations substantielles à Hans-Martin Tillack, ancien correspondant du magazine Stern à Bruxelles. Elle a estimé que la police belge avait violé le droit du journaliste à la liberté d’expression lorsque, en 2004, elle avait saisi ses documents et instruments de travail parce qu’elle le soupçonnait d’avoir corrompu des fonctionnaires européens afin d’obtenir des informations. Tillack avait publié des articles faisant état d’irrégularités au sein de l’Office européen de la lutte antifraude de l’Union européenne (OLAF).
107. L’Union européenne, en tant qu’organisation supranationale dotée de prérogatives effectives de puissance publique, est appelée à se montrer pleinement consciente de ses responsabilités concernant la liberté légitime des médias de rendre compte des questions d’intérêt public.

3.3. Internet et les nouveaux médias

108. La diffusion rapide d’internet et des médias numériques mobiles a eu un effet libérateur pour le paysage médiatique dans son ensemble. Les nouvelles technologies ont remis en cause la domination traditionnelle d’un petit nombre de journaux, de chaînes de télévision et de stations de radio sur le marché. L’expansion illimitée du nombre d’opérateurs audiovisuels et de sources d’information en ligne accessibles à tous offre une extraordinaire liberté de choix et permet un accès à l’information à la demande.
109. Cependant, d’après le rapport «La liberté sur internet» publié en mars 2009 par Freedom House (FH), qui s’est penché sur internet et les médias numériques dans des pays sélectionnés, les Etats européens ont recours à divers moyens pour contrôler l’internet et les technologies de la téléphonie mobile, notamment à la surveillance et à des lois contraignant les fournisseurs de services à conserver les données relatives au trafic des communications.
110. En Estonie, les sites de plusieurs médias mais aussi d’administrations et de services publics ont été la cible de cyberattaques de grande envergure en avril et mai 2007. Les soupçons se sont portés sur la Russie mais aucune explication concrète n’a été fournie. Les attaques se sont produites après qu’une partie de l’opinion en Russie eut fermement condamné la décision de l’Estonie de transférer une statue rendant hommage aux soldats soviétiques du centre de Tallinn vers un autre lieu.
111. En Russie, d’après FH, le gouvernement a engagé au moins sept procédures judiciaires contre des blogueurs et des journalistes citoyens. Dans l’une de ces affaires, le blogueur Savva Terentiev a été reconnu coupable d’atteinte à la dignité de la police et condamné à un an de prison avec sursis en juillet 2008. Depuis 2000, tous les fournisseurs de services internet sont tenus d’installer un logiciel qui permet à la police et aux services de sécurité intérieurs d’accéder aux données concernant le trafic internet. Les lois actuelles autorisent le gouvernement à intercepter des données sur internet sans ordonnance d’un juge.
112. En Turquie, internet subit souvent la censure des pouvoirs publics. Selon FH, plus de 1 300 sites étaient bloqués par les autorités des télécommunications turques à la date du 1er décembre 2008. Le site de partage de vidéos YouTube est interdit depuis mai 2008 pour avoir mis en ligne du matériel apparemment jugé insultant à l’égard d’Atatürk, le fondateur de la République turque. D’autres sites de réseaux sociaux comme MySpace ou Twitter ont également été touchés.
113. Les possibilités de surveiller les utilisateurs et les atteintes à la vie privée ont incité des groupes à tirer la sonnette d’alarme au sujet des dangers qui menacent la faculté des journalistes de préserver la confidentialité de leurs sources. FH a indiqué que plus de 500 000 demandes visant à obtenir des données relatives aux communications auprès des opérateurs de téléphonie, notamment de téléphonie mobile, et des fournisseurs de services internet avaient été déposées en 2007 au Royaume-Uni. Le contenu des courriers électroniques et d’autres types de données ne peuvent être obtenus qu’avec une autorisation du ministre de l’Intérieur.
114. FH a également estimé que la liberté d’expression au Royaume-Uni était menacée par le développement du «tourisme judiciaire», dans le cadre duquel des parties établies dans des pays tiers ont engagé avec succès des actions en Grande-Bretagne pour bâillonner et intimider des journalistes et d’autres producteurs de contenu. Les lois britanniques sur la diffamation sont considérées comme favorables aux plaignants et toute personne peut intenter des poursuites devant un tribunal britannique dès lors que l’objet du litige est accessible en Grande-Bretagne. Pour FH, cela semble avoir eu un puissant effet d’inhibition sur les journalistes d’investigation, entre autres, qui pourrait se traduire par une autocensure généralisée.

3.4. Pressions politiques, procédures de diffamation, favoritisme à l’égard de certains médias et exclusion d’autres médias

115. Dans une démocratie, pour que des relations raisonnables puissent s’instaurer entre les journalistes, les responsables politiques et les pouvoirs publics, une ouverture politique est nécessaire. Cependant, dans certains pays européens, les pouvoirs publics ont au contraire créé une relation d’hostilité et d’antagonisme affichés. Parfois, celle-ci a débouché sur l’adoption de lois répressives à l’égard de la presse, l’accès discriminatoire à l’information et aux conférences de presse et, dans certains cas, à un climat d’intimidation incompatible avec les standards européens.
116. Pour l’Assemblée parlementaire, un nombre élevé de poursuites pour diffamation à l’encontre de journalistes et d’infractions pour attaques verbales est le signe d’un dysfonctionnement du cadre juridique. En mars 2007, les services du représentant de l’OSCE pour la liberté des médias ont constaté qu’au moins 36 Etats membres du Conseil de l’Europe continuaient de considérer la diffamation comme une infraction pénale, en dépit des appels invitant à la reconnaître comme une infraction civile.
117. Des dispositions particulières sont également couramment prises pour appliquer des sanctions supplémentaires en cas d’insultes visant les responsables publics, ce qui est contraire aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
118. En Azerbaïdjan, les services du représentant de l’OSCE pour la liberté des médias ont condamné l’emprisonnement de deux bloggeurs, Emin Abdullayev et Adnan Hajizade, accusés de hooliganisme, de terrorisme et de fraude fiscale. Jugeant qu’il s’agissait là d’accusations inventées, lesdits services ont exhorté les autorités à cesser de harceler les deux hommes.
119. En Italie, le Président du Conseil Silvio Berlusconi, dont l’empire commercial s’étend à plusieurs des chaînes de télévision les plus populaires d’Italie et à de nombreux journaux, a tiré avantage de sa position pour renforcer son image politique, par des moyens vivement critiqués en Italie et à l’étranger. Selon ses détracteurs, son influence excessive sur les médias modifierait la manière dont les difficultés de son gouvernement et les scandales touchant à sa vie privée sont présentés aux Italiens par les médias. Par le passé, il a menacé des journalistes qui l’avaient critiqué de leur interdire l’accès à ses conférences de presse. En 2009, il a engagé des poursuites contre le quotidien espagnol El Pais, à la suite de la publication de photos embarrassantes prises lors de l’une de ses fêtes; contre l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, concernant un article alléguant de liens entre certains responsables politiques italiens et la mafia russe, et contre deux journaux italiens, notamment La Repubblica, pour avoir publié à plusieurs reprises une série de questions l’interrogeant sur sa vie privée et sur ses responsabilités publiques. Les services du représentant de l’OSCE pour la liberté des médias ont invité M. Berlusconi à abandonner les actions civiles en diffamation ainsi intentées, qu’ils considéraient comme une atteinte à la liberté des médias. Pour ces derniers, l’interpellation permanente du gouvernement constitue un élément essentiel de la «fonction corrective» des médias.
120. La Lituanie a adopté en 2009 une loi attentatoire à la liberté d’expression, qui érige en infraction le fait de tourner une personne en ridicule. La loi a été présentée comme une mesure pour protéger les enfants contre les effets préjudiciables des informations publiques. Cependant, elle soulève des préoccupations en ce sens qu’elle pourrait imposer des restrictions sur les propos satiriques et empêcher la presse d’exercer son droit à la critique et porter atteinte au droit du public d’accéder librement à ce type de contenu.
121. En Russie, Article 19 et d’autres organisations protestent régulièrement contre le recours par le gouvernement à des lois soumettant la diffamation, l’extrémisme et la sécurité nationale à des sanctions pénales, pour intimider et poursuivre les journalistes.
122. De nombreux médias et organisations internationales, qui encouragent les échanges de tous types avec la Russie, ont été scandalisés par la résiliation des contrats qui avaient été passés avec des radiodiffuseurs internationaux, tels que la BBC et Radio Liberty/Radio Free Europe, en vue de rediffuser des programmes de l’étranger sur des fréquences FM de bonne qualité, privant ainsi les Russes d’une source d’information établie et de contacts par-delà les frontières de la fédération.
123. En Slovaquie, le Premier ministre Robert Fico a catalogué une partie des médias comme opposants politiques et a été accusé de refuser de parler aux journalistes les plus critiques. Une loi sur la presse accordant un droit de réponse systématique à toute personne mentionnée dans un article de presse a été critiquée comme étant de nature à paralyser la liberté de la presse.
124. En Slovénie, plus de 500 journalistes ont signé une pétition fin 2007 pour protester contre le manque d’indépendance des médias, et notamment contre la nomination de leurs dirigeants par le gouvernement du Premier ministre Janez Jansa. Pendant plusieurs mois, le gouvernement a refusé toute discussion à ce sujet avec les représentants des journalistes. Par ailleurs, Magnus Berglund, journaliste à la télévision finlandaise, qui en septembre 2008 a divulgué des informations concernant la corruption alléguée de hauts responsables slovènes dans le cadre d’une opération de vente d’armes avec la Finlande, a appris en juillet de cette année qu’il était accusé de diffamation par le ministère public slovène.
125. En Espagne, le 13 novembre 2007, le caricaturiste Guillermo Torres et l’écrivain Manuel Fontdevila se sont vu infliger une amende de 3 000 euros pour avoir diffamé le prince héritier Felipe dans un dessin humoristique publié par l’hebdomadaire satirique El Jueves. Au motif qu’il insultait la famille royale, tous les exemplaires de l’édition de la semaine ont été retirés de la vente.
126. En Turquie, le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan et les membres de son gouvernement ont mené une campagne de harcèlement contre le plus grand groupe médiatique du pays, le groupe Dogan, qui a adopté une attitude d’opposition à l’égard du gouvernement actuel. Le Premier ministre a appelé publiquement les lecteurs à boycotter ses publications. En 2008, plusieurs journalistes travaillant pour le Groupe Dogan, notamment le journal Milliyet, se sont plaints de ne pas avoir reçu d’accréditation pour assister aux conférences de presses données par le Premier ministre Erdoğan, qui aurait ordonné leur inscription sur une liste noire.
127. En septembre 2009, le ministre des Finances turc a infligé au groupe une amende écrasante de 1,74 milliard d’euros pour irrégularité fiscale. Peu après, l’amende a été majorée de quelque 30 %, pour pénalités de retard. Le Comité national de l’IPI en Turquie a fait observer que l’ensemble des amendes exigées par le gouvernement excédait la valeur totale du groupe lui-même et équivalait par conséquent à une saisie et à une liquidation directe d’un organe de presse. La Commission européenne a condamné cette amende, la jugeant excessive et dangereuse pour le pluralisme des médias et la liberté d’expression.
128. En janvier 2009, l’IPI a critiqué les poursuites contre des dessinateurs humoristiques turcs, qui avaient tourné en dérision d’éminentes personnalités au pouvoir. En janvier 2008, Musa Kurt et Zafer Temocin, deux caricaturistes du journal Cumhurryet, ont fait l’objet de poursuites pénales, au motif que leurs caricatures étaient insultantes pour le chef de l’Etat. Ces actes violent les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui stipulent que les fonctionnaires de l’Etat ne doivent pas bénéficier d’une plus grande protection contre les critiques ou les injures que les personnes ordinaires.

3.5. La radiodiffusion de service public

129. Le Conseil de l’Europe a réaffirmé, dans sa déclaration politique formulée lors de la conférence ministérielle de mai 2009, que les médias de service public constituaient un élément fondamental du paysage médiatique dans les sociétés démocratiques européennes. Ils étaient importants dans la mesure où leur indépendance éditoriale et leur autonomie institutionnelle étaient garanties, assurant ainsi une plus grande diversité des médias. Les ministres ont souligné que, de par leur indépendance statutaire et leur rôle public, la télévision et la radio de service public pouvaient contrebalancer les abus de pouvoir dans les situations de forte concentration des médias.
130. Il conviendrait de souligner la nécessité de protéger la radiodiffusion de service public (RSP) contre les ingérences politiques par des règles statutaires et une culture interne d’équité, d’équilibre et d’indépendance.
131. Cependant, la survie de l’ancien modèle européen de RSP, fondé sur une indépendance encouragée par le public et financé par un système de redevance, est menacée par la concurrence commerciale, la perte de parts d’audience et l’ingérence politique.
132. L’Open Society Institute (OSI), dans son étude de 2008 («La télévision en Europe: plus de chaînes, moins d’indépendance») a constaté que la politisation des instances de réglementation avait pris des proportions inquiétantes dans toute l’Europe.
133. Selon cette étude, la politisation de la radiodiffusion publique peut être clairement observée en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie. La nouvelle loi polonaise sur les médias prévoit par exemple de supprimer la redevance télévisuelle et la redevance radiophonique en 2010 et de les remplacer par des aides financières. Les services du représentant de l’OSCE pour la liberté des médias redoutaient, en juillet 2007, que de telles réformes nuisent à l’indépendance financière et éditoriale de la RSP et accélèrent sa transformation en entités commerciales.
134. L’OSI a critiqué le caractère politique des nominations des membres des Conseils de la radiodiffusion bulgare, tchèque et roumain, ainsi que leur manque de compétences. En Lituanie, selon l’OSI, l’hostilité de la population à la redevance et les coupes budgétaires planifiées laissent prévoir le déclin à long terme de la RSP. Il a été demandé à l’Ukraine de modifier sa loi sur la télévision et la radio, de façon à limiter les pouvoirs dont dispose actuellement le Président en matière de nomination des membres du Conseil de la radiodiffusion.
135. En Italie, le Premier ministre, Silvio Berlusconi, dont les intérêts économiques s’étendent aussi à une bonne partie des chaînes de radiodiffusion privées du pays, a bloqué l’adoption de dispositions tendant à strictement interdire le conflit d’intérêts. Un projet de loi visant à garantir l’indépendance du radiodiffuseur public RAI vis-à-vis de l’influence politique n’a pas été adopté.
136. En Allemagne et en Autriche, on peut reprocher au système actuel, dans lequel la nomination des cadres dirigeants et des rédacteurs en chef dans sa radiodiffusion publique doit refléter les forces politiques en présence, de nuire à l’indépendance journalistique en tenant compte ouvertement des affiliations politiques. En Autriche, des journalistes de la télévision et de la radio ont remis en question certaines consignes relatives à la couverture des actualités, qui les invitaient à choisir les informations présentées et leur ordre de passage en fonction de considérations politiques.
137. En France, selon Article 19, l’indépendance de la RSP est menacée par un nouveau système imposé en 2009 par le Président Sarkozy, qui peut désormais nommer lui-même les présidents des réseaux de radiodiffusion publics français. Les changements introduits ont entraîné une très longue grève du personnel de Radio France international en mars 2009, qui protestait contre la suppression programmée de 200 emplois.
138. En Russie, la structure de radiodiffusion contrôlée par l’Etat est très éloignée du concept de RSP, à savoir un système fondé sur des règles d’impartialité claires et jouissant d’une véritable indépendance statutaire.
139. Les Etats arménien, azerbaïdjanais et bélarussien continuent d’exercer un strict contrôle sur la gestion et les activités de leurs réseaux de télévision nationaux. Des pressions sont toutefois exercées sur ces Etats pour qu’ils desserrent peu à peu leur étau. A titre d’exemple, l’Arménie a été instamment invitée par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme à autoriser la délivrance d’une nouvelle licence de radiodiffusion à la chaîne de télévision indépendante et populaire A1+, à qui elle avait été retirée en 2002.

4. Catégorie C: journalistes, société civile et déontologie professionnelle

140. La liberté et l’intégrité des médias sont également menacées de l’intérieur par d’intenses pressions économiques, par des comportements contraires à la déontologie professionnelle et par la perte de confiance du public qui en résulte.

4.1. Les pressions de l’économie et des propriétaires

141. Les technologies numériques et mobiles ont radicalement transformé le paysage médiatique, avec le développement de nouveaux formats et de nouvelles plates-formes de diffusion sur l’internet et la généralisation du concept d’«actualités gratuites» pour l’ensemble des consommateurs. Il en résulte une faillite des anciens modèles économiques. Avec les nouveaux médias, la distinction entre radiodiffusion traditionnelle, presse écrite et communications personnelles tend à s’estomper et on assiste à une «convergence» des différents modes de communication. De même, la frontière séparant le journalisme professionnel du «journalisme citoyen» ou des réseaux sociaux est de plus en plus floue. Cette évolution représente un immense défi pour la liberté et l’indépendance des médias, ainsi que pour la qualité du journalisme.
142. La baisse spectaculaire des recettes issues de la publicité et des ventes des médias traditionnels a encore été aggravée par la crise financière survenue à la fin 2008.
143. La liberté des médias est directement remise en cause lorsque des propriétaires, moins préoccupés par la prospérité et la réputation d’une organisation et de ses salariés que par leurs intérêts politiques et les profits économiques, prennent le contrôle d’organes de presse.
144. En France, plusieurs journaux nationaux de premier plan sont récemment passés aux mains de grands groupes, dont les liens avec le gouvernement sont de notoriété publique. En juin 2007, les trois principaux syndicats de la presse ont fait par de leurs inquiétudes quant au risque d’une manipulation des médias par les milieux d’affaires et ont demandé de nouvelles garanties pour assurer l’indépendance éditoriale.
145. Partout ailleurs, notamment en Italie et en Russie, les observateurs des médias font état d’un phénomène de «concentration des pouvoirs politique et médiatique» entre les mains de forces politiques ou d’individus particuliers, qui tend à entraver le pluralisme et l’indépendance des médias.
146. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a attiré l’attention sur la précarité croissante du métier de journaliste et sur l’augmentation considérable du nombre de journalistes obligés de travailler à titre indépendant ou dans le cadre de contrats à durée déterminée: plus vulnérables aux pressions, ils sont davantage tentés d’adapter leur travail pour faire plaisir aux rédacteurs en chef ou à leurs sources d’information.
147. Dans de nombreux Etats, les syndicats continuent de déplorer les traitements injustes ou le manque de reconnaissance dont ils font l’objet lorsqu’ils exigent que les contrats de travail ou les garanties d’indépendance éditoriale soient respectés. En Turquie, en juin 2009, les membres du syndicat de journalistes Haber-Sen ont publié une déclaration protestant contre le contrôle exercé par le gouvernement sur le radiodiffuseur public TNT.

4.2. Non-respect de la déontologie professionnelle, confiance du public dans les médias et examens au niveau national des lois restreignant la liberté d’expression

148. La liberté des médias dans une démocratie dépend en partie du maintien de normes professionnelles satisfaisantes, qui à leur tour favorisent la confiance du public. Dans les Etats qui jouissent d’une presse libre, l’autorégulation est généralement mieux acceptée que les contrôles et l’intervention de l’Etat.
149. Cependant, seulement une moitié environ des Etats membres du Conseil de l’Europe possèdent des conseils de la presse ou d’autres instances d’autorégulation jouissant d’une réelle autorité et ayant mis en place des normes éthiques et juridiques claires pour encadrer la pratique du journalisme. Bien souvent, les règles de protection de la vie privée sont insuffisantes et inadaptées.
150. Dans toute l’Europe, de grands organes de presse, y compris des radiodiffuseurs publics ont été critiqués pour leurs manquements à la déontologie journalistique: informations mensongères, manipulation d’émissions de jeux télévisés dans le but de générer de l’audience ou des profits, place excessive donnée à la célébrité et aux affaires à sensation, non-respect des règles de bon goût et de décence.
151. Consciente de ces dérives, la FIJ a lancé en 2008 l’Initiative pour un journalisme éthique, visant à ramener le journalisme vers des valeurs de vérité, d’impartialité, d’indépendance et de responsabilité sociale. Selon la FIJ, de nombreux médias n’ont pas été à la hauteur des principaux enjeux. En effet, plutôt que de sensibiliser l’opinion publique et de lutter contre l’ignorance à l’égard des personnes d’origine ou de confession différentes, les médias ont alimenté le feu de l’intolérance et du racisme. De tels comportements contribuent à jeter le discrédit sur le journalisme, surtout lorsque – comme c’est malheureusement souvent le cas – ils relèvent de pratiques illégales.
152. Dans une étude de 2008, l’Association des journalistes européens imputait la baisse de confiance dans les médias en Europe à la croyance populaire selon laquelle les journalistes ne diraient pas la vérité et ne seraient pas indépendants. L’AJE a souligné que huit journalistes de la télévision nationale russe ont démissionné pour protester contre une nouvelle politique visant à exclure des ondes des personnalités de l’opposition figurant dans une «liste noire» officielle.
153. Dans la plupart des Etats, les médias sont au cœur de vifs débats: conflits opposant les grands médias aux responsables politiques, basculement vers le numérique, etc. De véritables études sur la situation de la liberté des médias et les causes de violations majeures pourraient avoir des effets positifs, à condition qu’elles soient menées en toute impartialité et avec la pleine participation de médias réellement indépendants, de responsables politiques et des pouvoirs publics. Pour qu’elles soient crédibles, ces études devront conduire à l’abrogation ou à la modification des lois et des pratiques dont il apparaît qu’elles violent les engagements des Etats en matière de liberté d’expression.
154. Il importe que les Etats respectent spontanément et sans tarder leur engagement de procéder à un examen transparent et approfondi de leurs législations nationales, afin de veiller à ce que tout impact des mesures de lutte contre le terrorisme sur le droit à la liberté d’expression et d’information soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe, comme convenu dans la résolution adoptée lors de la Conférence ministérielle de Reykjavík en mai 2009 (document MCM (2009) 011).
155. Pour renforcer la liberté des médias, il est, entre autres, essentiel de reconnaître que les radiodiffuseurs de service public ont un rôle important à jouer dans le paysage médiatique, tant sur les plates-formes existantes que sur les nouvelles, à condition qu’ils assument leurs responsabilités et qu’ils soient dotés de moyens suffisants. Ils doivent donc être développés dans certains Etats européens et protégés dans d’autres.

***

Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation

Renvois en commission:Doc. 11505, Renvoi 3419 du 14 avril 2008

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 8 décembre 2009

Membres de la commission: Mme Anne Brasseur (Présidente), M. Detlef Dzembritzki (1er Vice-Président), M. Mehmet Tekelioğlu (2e Vice-Président), Mme Miroslava Němcová (3e Vice-Présidente), M. Florin Serghei Anghel, M. Lokman Ayva, M. Walter Bartoš, Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir, Mme Guðfinna S. Bjarnadóttir, Mme Rossana Boldi, M. Petru Călian (remplaçante: Mme Mihaela Stoica), M. Joan Cartes Ivern, Lord Chidgey, M. Miklós Csapody, Mme Lena Dąbkowska-Cichocka, M. Joseph Debono Grech, M. Daniel Ducarme, Mme Anke Eymer, M. Gianni Farina, Mme Blanca Fernández-Capel Baños (remplaçant: M. Gabino PucheRodríguez-Acosta), Mme Emelina FernándezSoriano, M. Axel Fischer, M. Gvozden Srećko Flego, M. Dario Franceschini, M. José Freire Antunes (remplaçant: M. José Luís Arnaut), M. Martin Graf, Mme Sylvi Graham, M. Oliver Heald, M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, M. Mogens Jensen, M. Morgan Johansson, Mme Francine John-Calame, M. Jón Jónsson, Mme Flora Kadriu, Mme Liana Kanelli, M. Jan Kaźmierczak, Mme Cecilia Keaveney, Mme Svetlana Khorkina, M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy Korobeynikov, Mme Elvira Kovács, M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Ertuğrul Kumcuoğlu, Mme Dalia Kuodytė, M. Markku Laukkanen, M. René van der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria Manuela de Melo, Mme Assunta Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, M. Tomislav Nikolić, Mme Anna Ntalara, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Petar Petrov, Mme Zaruhi Postanjyan, Mme Adoración Quesada Bravo, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Tatiana Rosová, Mme Anta Rugāte, M. Leander Schädler, M. André Schneider, M. Predrag Sekulić, M. Yury Solonin, M. Christophe Steiner, Mme Doris Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Guiorgui Targamadzé, M. Latchezar Toshev, M. Hugo Vandenberghe, M. Klaas De Vries, M. Piotr Wach, M. Wolfgang Wodarg

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Ary, M. Dossow, M. Fuchs