1. Introduction
1. La démocratie représentative est un principe fondamental
du système démocratique. Elle repose sur l’organisation d’élections
libres et équitables. Le droit de tous les citoyens à être représentés
ainsi que la représentativité des organes élus sont des enjeux essentiels
de l’ensemble du processus démocratique.
2. Les élections sont au cœur de la démocratie représentative
et constituent le symbole et l’acte par excellence des sociétés
démocratiques modernes.
3. Le choix du système électoral est l’une des décisions institutionnelles
les plus importantes de toute démocratie. Les modalités du système
électoral affectent évidemment la représentativité et ont en fait
des conséquences profondes pour l’ensemble de la vie politique d’un
pays. Différents systèmes électoraux peuvent donner des résultats
très différents. Le système électoral détermine en grande partie
un certain nombre de processus administratifs, y compris la création
d’un gouvernement.
4. Le présent rapport examine différentes caractéristiques des
systèmes électoraux concernant les organes législatifs qui sont
utilisés dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Il tente
d’évaluer leur impact sur la représentativité des parlements et,
plus généralement, sur le fonctionnement des institutions démocratiques.
5. Le but de ce rapport est de développer une approche comparative
sur le sujet afin de rendre possibles de nouvelles évaluations qui,
dans l’idéal, pourraient conduire à l’élaboration de normes communes
en ce domaine, dans le cadre du Conseil de l’Europe.
6. La première version du présent rapport représentait la contribution
de l’Assemblée parlementaire à la dernière session du Forum pour
l’avenir de la démocratie, intitulée «Systèmes électoraux», qui
a eu lieu à Kiev du 21 au 23 octobre 2009. Ayant été l’un des trois
rapporteurs généraux au forum, j’ai tiré parti des débats et conclusions
de cette session pour enrichir et étoffer le rapport, et pour élaborer
un projet de résolution et un projet de recommandation qui seront
examinés par l’Assemblée.
7. J’ai concentré mon travail sur le système électoral en tant
que tel plutôt que sur le contexte dans lequel il fonctionne. Il
va sans dire que l’existence d’un environnement démocratique sain
respectant les libertés fondamentales telles que la liberté d’association,
la liberté d’expression et la liberté de la presse, par exemple, est
une des conditions préalables à la tenue d’élections libres et équitables.
Ce rapport présuppose que de telles conditions sont remplies. Les
personnes souhaitant connaître les critères utilisés pour déterminer
si des élections sont libres et équitables sont invitées à se reporter
aux travaux pertinents de l’Assemblée parlementaire et à ses nombreux
rapports sur l’observation d’élections dans des Etats membres et
non membres du Conseil de l’Europe
.
8. Je ne me suis pas appesanti non plus sur le grave problème
de l’absence d’égalité des chances qui empêche certaines catégories
sociales vulnérables (jeunes, personnes âgées, handicapés, immigrés)
d’être représentées équitablement au sein des organes élus, ni la
question de la représentation des femmes dans les organes élus.
J’attire à ce sujet l’attention sur le travail des commissions pertinentes
et, en particulier, le rapport récemment adopté par la commission
sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, intitulé «Augmenter
la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux»
,
qui fera l’objet d’un débat en regard du présent rapport.
9. Le présent rapport doit en outre être envisagé dans le contexte
plus large de la réflexion que mène actuellement l’Assemblée parlementaire
sur la démocratie et le fonctionnement des institutions démocratiques dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe. Je pense en particulier
aux débats organisés tous les deux ans sur l’état de la démocratie
en Europe ainsi qu’à la participation active de l’Assemblée à toutes
les sessions du Forum pour l’avenir de la démocratie. La commission
des questions politiques, par ailleurs, a consacré une grande partie
de ses travaux à différents aspects du système démocratique, notamment
la définition de critères d’évaluation de la qualité de la démocratie,
la démocratie au sein des partis politiques, parmi d’autres.
10. Il importe de souligner ici la coopération fructueuse qui
existe entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). L’Assemblée
fait systématiquement appel à l’expertise de la commission pour
les questions juridiques se rapportant à l’Etat de droit et au fonctionnement
des institutions démocratiques.
11. Le présent rapport s’appuie, entre autres, sur les informations
contenues dans le rapport comparatif sur les seuils et autres caractéristiques
des systèmes électoraux empêchant certains partis d’accéder au parlement,
préparé par le Conseil des élections démocratiques de la Commission
de Venise, ainsi que sur d’autres documents élaborés par le Conseil.
Je me suis servi également d’une excellente étude comparative réalisée
par l’Institut international pour la démocratie et l’assistance
électorale (IDEA).
12. Selon moi, ce texte doit être considéré comme une invitation
à engager un large débat et une réflexion étendue sur différents
éléments susceptibles d’affecter la représentativité de nos organes
élus, et non comme une série de conclusions définitives. Il offre
même, me semble-t-il, une excellente occasion de procéder à un échange
de vues fructueux sur les expériences, les exemples et les pratiques
de nos pays respectifs.
2. Caractéristiques
des systèmes électoraux
2.1. Type de système
électoral et méthode de dépouillement des suffrages au niveau de
la circonscription
13. Un système électoral spécifie la forme du scrutin,
l’ensemble des suffrages valides et la méthode de dépouillement
du scrutin, ainsi que les modalités de répartition du pouvoir électoral
entre les électeurs et la définition des circonscriptions d’électeurs
dont les suffrages sont comptabilisés séparément. Différents systèmes
électoraux peuvent aboutir à des résultats très différents, en particulier
lorsqu’une préférence majoritaire ne s’exprime pas clairement.
14. Le système majoritaire et le système à la majorité relative,
qui, d’un point de vue historique, sont les systèmes électoraux
les plus anciens, reposent sur le principe selon lequel le candidat
qui l’emporte est celui qui recueille le plus grand nombre de suffrages
dans une circonscription électorale. Dans le système majoritaire,
le représentant doit obtenir pour être élu 50 % + 1 voix, tandis
que, dans le système à la majorité relative, un candidat peut être
élu avec un nombre de voix inférieur à la majorité. Le pourcentage
lui permettant d’être élu peut même être assez bas, en fonction
du nombre de candidats en lice.
15. Le système majoritaire comprend souvent d’autres spécifications
visant à éviter la situation dans laquelle il n’y aurait pas de
gagnant, ce qui pourrait arriver dès lors que plus de deux candidats
se présentent aux élections. C’est ainsi qu’un système à deux tours
peut être utilisé. Si le premier tour ne donne pas un vainqueur
recueillant la majorité absolue des suffrages, un second tour permet
de départager les concurrents. Le second tour des élections a lieu
à une autre date, le plus souvent environ une semaine plus tard.
16. Dans le système majoritaire à scrutin de ballottage, si aucun
candidat n’obtient la majorité au premier tour, un second tour est
organisé et seuls les deux candidats ayant recueilli le plus grand
nombre de voix au premier tour sont autorisés à se présenter de
nouveau au second tour. Le gagnant est celui qui recueille le plus grand
nombre de suffrages au second tour.
17. Dans le système à la majorité relative, le nombre de candidats
n’est pas réduit au second tour. Le candidat qui emporte le second
scrutin est celui qui recueille le plus grand nombre de suffrages,
qu’il ait obtenu la majorité ou non. Toutefois, dans certaines versions
de ce système, un seuil est imposé aux candidats pour pouvoir participer
au second tour.
18. Dans le système de vote alternatif, les électeurs indiquent
un ordre de préférence pour les différents candidats. Pour être
élu, un candidat doit recueillir la majorité des suffrages. Si aucun
candidat n’obtient la majorité en première préférence, le candidat
qui a le moins de premières préférences est éliminé et les deuxièmes
préférences indiquées sur les bulletins de vote des électeurs qui
avaient choisi ce candidat sont alors comptabilisées et reportées
sur les autres candidats. Le processus d’élimination et de report
des voix est répété jusqu’à ce qu’un candidat atteigne la majorité.
19. Dans le scrutin majoritaire uninominal à un tour, les électeurs
doivent simplement cocher le nom de leur candidat favori. Le résultat
est déterminé par le nombre de voix: le vainqueur est le candidat
ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages (règle du first past the post).
20. Dans le système à circonscription uninominale, chaque circonscription
élit un représentant, ce qui crée un lien solide entre eux: le représentant
a des obligations à l’égard d’une circonscription spécifique définie
en termes géographiques. Dans le système à circonscription plurinominale,
deux solutions sont possibles: le vote groupé et le votelimité. Le système de vote groupé
donne à chaque électeur autant de voix qu’il y a de sièges à pourvoir
et les gagnants sont les candidats qui recueillent le plus grand
nombre de suffrages; le problème est parfois que ce système permet
au parti recueillant la majorité des voix d’emporter tous les sièges
d’une circonscription, ce qui peut conduire à un écart excessif
entre le nombre de sièges et le nombre de voix effectivement obtenues.
Dans le système de votelimité,
chaque électeur dispose d’un nombre de voix inférieur au nombre
de sièges à pourvoir, de façon à ce que la majorité ne puisse emporter
la totalité des sièges d’une circonscription électorale.
21. Le système majoritaire et le système à la majorité relative
sont les systèmes électoraux les plus fréquemment utilisés, habituellement
en combinaison avec des circonscriptions uninominales. Ce système tend
généralement à attribuer un nombre disproportionnellement élevé
de sièges au parti majoritaire et il en résulte par conséquent un
gouvernement fort reposant sur un seul parti qui contribue à la
stabilité du système politique et qui n’a aucun besoin de recourir
à la formation de gouvernements de coalition.
22. Le système majoritaire et le système à la majorité relative
ont tous deux l’avantage de la simplicité, de la stabilité et d’une
représentation fondée sur des circonscriptions. Ils sont faciles
à comprendre pour l’électeur. Ils produisent en général des gouvernements
stables.
23. Comme chaque circonscription territoriale est représentée
par son unique député, le système majoritaire et le système à la
majorité relative adhèrent à l’idée que chaque représentant doit
avoir le soutien d’une majorité d’électeurs de sa circonscription.
Il existe également de solides relations entre un représentant et l’ensemble
de sa circonscription.
24. Le fait que les groupes de plus petite taille ne sont pas
représentés de manière effective dans le système majoritaire et
le système à la majorité relative peut aussi être considéré comme
un avantage dans la mesure où cela incite les groupes minoritaires
à s’intégrer à un groupe plus important, ce qui paraît souhaitable
à la fois pour chaque groupe minoritaire, qui peut ainsi obtenir
un soutien politique conforme à tout ou partie de ses intérêts,
et pour le groupe de plus grande taille, qui obtient ainsi le soutien
électoral de la minorité.
25. D’autre part, ces systèmes peuvent également inciter les citoyens
à procéder à un «vote tactique», c’est-à-dire à soutenir un parti
qui ne correspond pas toujours exactement à leurs attentes, mais
est davantage en mesure d’obtenir un siège au sein des organes élus
que le parti qui a leur faveur.
26. D’aucuns affirment parfois que ces systèmes réduisent le choix
politique: les petits partis ne constituent pas une véritable option,
puisqu’il leur est en tout état de cause impossible de siéger au
parlement.
27. Certains détracteurs soutiennent que l’existence d’un exécutif
fort n’est pas nécessairement un atout, dans la mesure où il confère
au gouvernement une majorité si confortable qu’il ne se sent pas
contraint de rechercher un compromis ou d’engager un débat sur des
questions importantes.
28. Ces systèmes peuvent également avoir des effets indésirables.
Au Royaume-Uni, à deux reprises depuis la seconde guerre mondiale,
précisément en 1951 et en février 1974, le parti ayant obtenu le
moins de voix a en réalité obtenu le plus grand nombre de sièges.
Cette situation s’explique notamment par le fait que, lorsque plusieurs
partis se présentent aux élections, ce qui est le cas au Royaume-Uni,
il leur est possible de remporter une circonscription en recueillant
moins de 50 % des voix par suite du fractionnement des suffrages obtenus
par les candidats adverses. Le fait que les différentes circonscriptions
comportent un nombre inégal d’électeurs explique également ce résultat.
29. Le découpage des circonscriptions électorales joue donc ici
un rôle important dans la mesure où leur composition politique,
raciale, ethnique, religieuse ou linguistique peut influer sur les
résultats d’une élection. Le tracé des circonscriptions doit être
régulièrement redéfini afin que celles-ci demeurent relativement
égales au plan démographique.
30. Le système proportionnel est aujourd’hui le plus utilisé en
Europe. Ce système vise à favoriser la création d’un parlement reflétant
exactement la composition de l’électorat dans toute sa diversité.
La taille des circonscriptions est à cet égard décisive puisque
plus le nombre de circonscription est élevé, plus il est difficile d’assurer
une proportionnalité complète.
31. Ici encore, différentes solutions spécifiques sont envisagées.
Le système à listes de parti est l’une de ces solutions: la représentation
proportionnelle assure à chaque parti politique la possibilité d’obtenir
une représentation correspondant à la part des suffrages qu’il a
recueillie. Pour être élu, un parti doit obtenir un certain quotient
des voix. Ce quotient est obtenu en divisant le nombre total des
suffrages exprimés par le nombre de candidats + 1 puis en ajoutant
1 au résultat. Seul le nombre prescrit de candidats à élire peut atteindre
le quotient. Lorsqu’un parti obtient des sièges, il désigne ses
représentants au parlement en partant du haut de la liste préétablie
de candidats. Ce système ne requiert pas la redéfinition du tracé
des circonscriptions électorales. Le scrutin porte généralement
sur des circonscriptions plurinominales relativement étendues dont
les limites correspondent fréquemment aux divisions administratives.
32. Le système préférentiel à listes de parti: dans ce système,
l’électeur peut influer sur la composition des listes de parti.
Le vote préférentiel permet à l’électeur de choisir parmi les candidats
figurant sur la liste d’un parti un ordre de priorité différent
de celui indiqué par le parti.
33. Le vote unique transférable: ce type de système électoral
repose sur des circonscriptions plurinominales de petite taille;
le tracé des circonscriptions électorales doit par conséquent être
régulièrement redéfini. L’électeur classe les candidats par ordre
de préférence. Les suffrages recueillis par le candidat ayant obtenu le
plus petit nombre de voix sont reportés sur les autres candidats
sur la base des deuxièmes préférences des électeurs qui ont voté
pour ce candidat, afin que leurs voix ne soient pas perdues.
34. Dans les systèmes électoraux mixtes, l’attribution des sièges
se fait sur la base de différentes formules. L’électeur vote deux
fois, une fois pour un candidat et une fois pour un parti. Les systèmes
électoraux mixtes prennent des formes variables, car les modalités
de vote ainsi que la proportion des sièges attribués sur la base
de circonscriptions uninominales ou de listes de parti influent
fortement sur le résultat des élections. En outre, la relation entre
sièges de circonscription et sièges de listes de parti, qui est
essentielle, varie selon le type de système électoral mixte.
35. Les systèmes mixtes avec compensation proportionnelle: dans
ces systèmes, le nombre final de sièges est calculé en soustrayant
le nombre de sièges de circonscription obtenus par chaque parti
du nombre total de sièges auxquels il peut prétendre sur la base
de sa liste de parti. Les sièges de liste de parti servent ainsi
à corriger d’éventuelles disproportionnalités. Les résultats sont
effectivement proportionnels, à condition que le parti obtienne
un pourcentage de voix supérieur au seuil électoral prévu.
36. Les systèmes parallèles: dans ces systèmes, les deux séries
de sièges sont au contraire ajoutées l’une à l’autre. Les deux listes
sont entièrement indépendantes et les sièges de listes de parti
ne peuvent donc servir à corriger d’éventuelles disproportionnalités
dues au nombre de sièges de circonscriptions uninominales.
37. On peut souligner, en conclusion, que le système majoritaire
à la majorité relative favorise le bipartisme et la mise à l’écart
des petits partis, tandis que la représentation proportionnelle
encourage, en général, le multipartisme et bénéficie aux petits
partis. Autrement dit, avec le scrutin proportionnel, le système
des partis est plus concurrentiel et morcelé.
38. Le scrutin proportionnel produit souvent des gouvernements
de coalition qui, même si grâce aux seuils légaux ils bénéficient
d’une certaine stabilité, risquent de ne pas être en mesure de tenir
leurs promesses électorales puisqu’il leur faut parvenir à un consensus
avec les autres partenaires de la coalition sur le choix de la politique
à mener.
39. Les coalitions peuvent en outre conférer aux petits partis
un pouvoir disproportionné. Il s’agit là d’une question préoccupante,
compte tenu notamment de la montée de l’extrémisme.
40. Le fait que les élus entretiennent en général moins de rapport
avec leur circonscription est également sujet à critique.
41. Il importe de souligner qu’il existe aussi parfois d’importantes
différences à l’intérieur d’une même famille de systèmes. Néanmoins,
le choix d’un type de système électoral (majoritaire/à la majorité
relative, mixte, proportionnel) a un effet de seuil important; en
effet, ce mécanisme a en tant que tel d’importantes conséquences
générales sur l’exclusion ou l’intégration des petits partis et,
par conséquent, sur le morcellement des partis.
2.2. Seuils légaux
42. Aucun système électoral, qu’il s’agisse d’un système
majoritaire, proportionnel ou mixte et quel que soit le mode de
calcul des voix, ne peut garantir que tous les candidats ayant recueilli
des suffrages soient élus. Autrement dit, aucun système n’est en
pratique parfaitement proportionnel. Un certain minimum de voix
est toujours nécessaire pour permettre à un candidat (un parti)
d’accéder à la représentation au parlement (attribution d’un siège).
Le pourcentage minimal de voix requis pour être élu est appelé «seuil
d’exclusion». Tout système électoral comporte un seuil naturel.
43. Cependant, certains Etats, en particulier ceux qui sont dotés
d’un système proportionnel ou mixte, ont institué artificiellement
des seuils par le biais de la législation. Les candidats (partis)
qui ne recueillent pas le nombre minimal de suffrages prescrit par
la loi n’obtiennent aucun siège au parlement.
44. Le pourcentage correspondant au seuil d’exclusion varie d’un
pays à l’autre. Il peut être fixé très bas (comme aux Pays-Bas:
0,67 %) ou très haut (10 % en Turquie, 8 % en Géorgie, 7 % en Russie,
6 % en Moldova). Dans la majorité des Etats membres du Conseil de
l’Europe dotés de systèmes mixtes, le seuil légal se situe entre
4 et 5 %, tandis que dans les pays utilisant le système proportionnel,
il s’établit généralement entre 3 et 5 %.
45. Un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe dotés
d’un système électoral proportionnel, parmi lesquels la Bosnie-Herzégovine,
la Finlande, l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal, la
Suisse et «l’ex-République yougoslave de Macédoine», n’appliquent
aucun seuil légal.
46. Pour comparer les seuils entre pays, la plus grande prudence
s’impose. En effet, certains Etats appliquent un seuil au niveau
de la circonscription ou du district électoral (par exemple l’Espagne),
d’autres le font uniquement au niveau national (par exemple la Pologne),
tandis que d’autres encore appliquent un seuil aux deux niveaux
(par exemple la Suède). Il existe en outre des différences quant
au stade du processus électoral où intervient l’application du seuil
d’exclusion, à savoir au premier tour, au second tour ou à une étape ultérieure
de l’attribution des sièges. Un autre élément à prendre en compte
est le fait de savoir si le seuil s’applique aux partis ou aux coalitions
de parti. Enfin, autre fait important, les dimensions des circonscriptions et
d’autres caractéristiques du système électoral peuvent affecter
fortement le degré d’ouverture du système.
47. L’Assemblée parlementaire a exprimé à plusieurs reprises son
point de vue sur la question des seuils légaux. Dans sa
Résolution 1547 (2007) sur
l’état des droits de l’homme et de la démocratie en Europe, elle
a déclaré que, dans les démocraties bien établies, un seuil supérieur
à 3 % lors des élections législatives est injustifié. Dans une démocratie,
l’expression du plus grand nombre d’opinions doit être possible.
Priver de nombreuses catégories de personnes du droit à être représentées
ne peut que nuire à un système démocratique. C’est pourquoi, dans
cette résolution, l’Assemblée parlementaire a appelé les Etats membres à
examiner la possibilité d’abaisser les seuils supérieurs à 3 % qui
s’appliquent lors des élections parlementaires. Dans son rapport
d’activité pour 2008, la commission de suivi a formulé des recommandations spécifiques
invitant certains pays à abaisser ce seuil
.
2.3. Seuils naturels
48. Le seuil de représentation que l’on qualifie de naturel
(ou caché, effectif ou informel) existe dans tous les systèmes électoraux,
indépendamment de l’éventuelle existence d’un seuil légal. Il correspond
au pourcentage de voix nécessaire pour obtenir un siège dans une
circonscription.
49. Le seuil naturel dépend principalement du nombre moyen de
représentants élus par circonscription, mais d’autres facteurs peuvent
le modifier, comme la formule de répartition des sièges (d’Hondt,
Saint-Laguë, Hare), le nombre de partis politiques en lice ou le
nombre de sièges à l’assemblée. En général, une circonscription
dans laquelle il y a un nombre assez faible de sièges à pourvoir
requiert un pourcentage relativement élevé de voix par circonscription
pour élire un représentant. A l’inverse, plus le nombre de sièges à
pourvoir est élevé, plus le seuil naturel est bas.
50. Il n’existe certes pas de formule universelle permettant une
évaluation exacte du seuil naturel dans chaque système électoral,
mais il est possible de l’estimer à partir du nombre de sièges que
compte chaque circonscription.
51. D’après ces estimations, dans les systèmes majoritaires ou
à la majorité relative, les seuils naturels peuvent atteindre 50 %
(France) ou 35 % (Royaume-Uni). Ils sont moins élevés dans les systèmes
mixtes (11,3 % en Hongrie), et encore plus faibles dans les systèmes
proportionnels (Finlande, 5 %; Belgique, 9,2 %; Islande, 10,8 %;
Irlande, 15 %; Luxembourg, 4,8 %; Portugal, 6,7 %, Espagne, 9,7 %;
Suisse, 9 %).
52. Même si le seuil naturel peut globalement jouer un rôle important
au niveau des circonscriptions, il ne saurait être considéré comme
l’équivalent d’un seuil naturel national ou du seuil légal national.
53. Les seuils naturels empêchent toutefois les partis nouveaux
ou minoritaires d’obtenir une représentation équitable, voire les
privent de toute représentation, avec autant d’efficacité que les
seuils légaux.
54. Par ailleurs, l’existence d’un seuil légal de 5 %, par exemple,
peut se révéler vide de sens; un parti ne peut en effet obtenir
de sièges s’il recueille moins de 5 % des voix, indépendamment de
l’imposition ou non d’un seuil légal.
55. Le niveau du seuil naturel dépend fortement de la répartition
particulière du soutien dont bénéficient les partis, de la taille
et du nombre de circonscriptions, ainsi que du nombre de sièges
pourvus dans chaque circonscription.
56. Alors que les seuils naturels ont tendance à accentuer le
décalage entre le pourcentage de voix obtenues et le nombre de sièges
qui en résulte, ce dont profitent manifestement les plus grands
partis, les seuils légaux engendrent habituellement une répartition
proportionnelle des sièges entre les différents partis qui réussissent
à les dépasser.
2.4. Seuils au sens
plus large
57. Il existe d’autres mécanismes qui empêchent les petits
partis d’être à armes égales avec les grands. Ils résultent de dispositions
réglementaires ou constitutionnelles conçues pour freiner ou bloquer
les partis qui souhaitent s’inscrire, présenter des candidats ou
obtenir de toute autre manière officielle l’accès au scrutin, et pour
restreindre inéquitablement l’accès au financement des campagnes
et au temps d’antenne dans les médias. D’une part, les petits partis
qui tentent de percer ont généralement de bonnes chances de réussir
dans les systèmes politiques qui œuvrent en faveur de l’égalité
dans la concurrence entre les partis, c’est-à-dire ceux où tous
les partis sont égaux dans l’accès au scrutin, à une campagne gratuite
dans les médias, à des financements publics directs et à des subventions
indirectes de l’Etat. A l’inverse, la tâche est plus difficile pour les
petits partis confrontés à un environnement plus dur quand de tels
moyens publics font l’objet d’ententes qui favorisent les partis
institutionnels déjà représentés au parlement, et qui protègent
ainsi les politiciens au pouvoir.
58. Les petits concurrents se heurtent à des obstacles encore
plus difficiles dans les régimes qui manipulent les élections et
favorisent manifestement le parti au pouvoir par l’affectation des
fonds publics.
59. De nombreux systèmes électoraux prévoient diverses formes
de restriction de la participation au scrutin. Il s’agit parfois
d’une caution électorale: elle se pratique surtout dans certains
pays d’Afrique (Sénégal et Mali), mais aussi en Europe, comme en
Slovaquie (au moins lors des élections au Parlement européen de
2009).
60. L’inscription peut également être une source d’entrave: une
somme disproportionnée est parfois exigée lors du dépôt de candidature
et peut interdire l’accès des petits partis ou des candidats indépendants
aux organes élus.
61. Signatures: divers pays exigent d’obtenir un certain nombre
de signatures pour qu’une personne puisse se présenter. Il peut
s’agit de signatures d’électeurs «normaux» (en Finlande, un candidat
doit réunir 100 signatures d’électeurs s’il veut se présenter à
une élection), de celles d’élus (comme en France, avec le système
des «grands électeurs»), ou d’une combinaison des deux systèmes
(comme en Autriche, où la signature de trois membres du parlement
remplace des centaines de voix d’électeurs «ordinaires»).
62. Par ailleurs, le financement est un autre paramètre qui a
un impact considérable sur l’issue d’un scrutin. C’est notamment
le cas des fonds publics, y compris les financements directs et
indirects de l’Etat.
63. Enfin, l’accès équitable et sans discrimination aux médias
est également une condition indispensable au caractère libre et
équitable des élections.
2.5. Jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme: arrêt du 8 juillet 2008,
Yumak et Sadak c. Turquie
64. Dans le cas mentionné ci-dessus, les requérants se
plaignaient du seuil de 10 % fixé par la loi électorale de Turquie,
qui les ont empêchés d’être élus à l’Assemblée nationale en 2002.
En raison de ce seuil, environ 45 % des électeurs ont voté pour
des candidats qui n’ont pas réussi à franchir cette limite.
65. La Cour a estimé que le seuil électoral de 10 % imposé sur
le plan national pour une représentation des partis politiques au
parlement portait atteinte aux droits électoraux des requérants.
Le seuil légal avait toutefois pour but légitime d’éviter une fragmentation
parlementaire excessive et non fonctionnelle, et donc de renforcer la
stabilité gouvernementale.
66. La Cour a noté que la barre des 10 % constituait le seuil
de représentation national le plus élevé des Etats membres du Conseil
de l’Europe. Seuls trois autres Etats membres avaient opté pour
des seuils élevés (7 % ou 8 %). Un tiers des Etats imposaient un
seuil de 5 %, et 13 Etats avaient placé la barre à un niveau inférieur.
67. La Cour a toutefois estimé qu’en l’espèce, et considérant
le contexte politique spécifique de ces élections et les correctifs
et autres garanties susceptibles de contrebalancer les effets en
pratique du seuil électoral de 10 % contesté, ce dernier n’avait
pas porté atteinte à la substance même du droit des requérants protégé
par l’article 3 du Protocole no 1. Par conséquent, ce seuil légal
de 10 % ne constituait pas une violation des droits électoraux.
2.6. Observations générales
68. Pour terminer ce chapitre II, intitulé «Caractéristiques
des systèmes électoraux», précisons qu’il vise à soumettre au lecteur
des informations susceptibles d’alimenter sa réflexion. Il n’est
en rien destiné à tirer quelque conclusion que ce soit ou à affirmer
qu’un système est meilleur ou pire qu’un autre.
69. Aucun système ne saurait en effet être recommandé à l’ensemble
des pays comme étant le meilleur. Chacun d’eux présente des avantages
et des inconvénients et ils dépendent tous, dans une large mesure,
du contexte historique, du système politique et de la configuration
des partis.
70. Un système électoral résulte fondamentalement d’un processus
politique, et ce n’est pas un domaine dans lequel des experts techniques
indépendants peuvent préconiser une solution qui serait la seule
valable. En effet, le contexte politique est un des principaux paramètres
à prendre en compte dans l’évaluation d’un tel système.
71. Il importe avant tout de veiller à ce que les différentes
étapes du système électoral, quelle que soit la forme qu’il prenne,
reposent sur les principes démocratiques et se conforment aux normes
démocratiques. Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire
ont ici, selon moi, un rôle important à jouer. J’y reviendrai plus
longuement dans une partie ultérieure du présent exposé des motifs.
3. Procédures internes
des partis pour la sélection et la désignation de candidats
72. La désignation des candidats aux élections est capitale
pour la crédibilité et la légitimité du processus électoral et,
d’ailleurs, du système politique dans son ensemble. Son incidence
sur la représentativité d’un organe élu est évidente.
73. Les démocraties modernes reposent sur les partis politiques,
qui sont l’un des principaux moyens de canaliser différents points
de vue et de défendre une variété d’intérêts dans le processus décisionnel
politique. Les partis politiques sont capables de rassembler et
de mobiliser les citoyens, de regrouper et d’articuler les intérêts
et les exigences, de faciliter les compromis, de proposer un programme
apportant des réponses à ces demandes, de recruter des dirigeants
politiques et des candidats pour occuper des fonctions électives, d’élaborer
des politiques et de les mettre en œuvre ou de surveiller leur application,
et d’organiser le parlement et le gouvernement.
74. La législation nationale des pays démocratiques considère
les partis comme des associations privées chargées de définir librement
leurs propres règles, procédures et structures internes, à l’instar
des autres groupes d’intérêt de la société civile. Une intervention
ou une réglementation excessives par l’Etat pourraient être perçues
comme des menaces pour les principes fondamentaux des libertés civiles.
75. La démocratie et les procédures internes des partis qui aboutissent
à la présélection des candidats aux élections revêtent une importance
fondamentale pour la représentativité des organes élus et, par voie
de conséquence, pour la légitimité de l’ensemble du système politique.
Ces procédures internes varient considérablement d’un parti à l’autre,
même au sein d’un même pays.
76. L’Assemblée parlementaire s’est intéressée à cette question
importante. Dans son rapport sur le Code de bonne conduite des partis
politiques, M. Van der Brande a insisté sur le fait que les bonnes
pratiques de sélection et de nomination des candidats doivent promouvoir
les principes et pratiques démocratiques à tous les niveaux, y compris
national, régional et local. Le processus devrait être initié de
la base vers le sommet, avec un grand respect pour le niveau du
parti local. Un problème spécifique relatif à une liste nationale
pour les élections parlementaires et un risque d’abus de pouvoir
par les dirigeants d’un parti doivent être abordés. Cela implique
la transparence et l’égalité les plus grandes.
77. Dans les pays d’Europe, il existe tout un éventail de procédures
internes des partis pour la sélection des candidats. Cela s’explique
par les interactions complexes entre le droit national, les processus
décisionnels internes aux partis et le contexte historique. L’on
constate cependant que plus les partis sont affaiblis par la perte
de membres et/ou de voix, plus ils sont disposés à ouvrir le processus
de désignation des candidats. Le débat récent au sein du parti socialiste
français sur l’instauration de primaires dans les élections présidentielles illustre
bien le débat.
78. Les primaires ont traditionnellement joué un rôle plus important
dans les pays anglophones que dans ceux du reste de l’Europe occidentale.
Mais, depuis les années 1990, le phénomène est de plus en plus visible dans
la politique de ces derniers (comme au Danemark, en Finlande et
en Belgique). De plus, nombre de partis ont volontairement entrepris
de vastes réformes afin de promouvoir la démocratie interne (comme
en Allemagne, en Norvège et au Royaume-Uni).
79. A l’évidence, le système électoral exerce une influence sur
le rôle des partis dans la sélection et la désignation des candidats.
Dans un système électoral majoritaire uninominal à un tour fondé
sur les candidats, par exemple, le rôle des partis se limite presque
exclusivement à assurer le soutien politique de leur candidat et
à recueillir les contributions au financement de la campagne électorale.
Dans un système proportionnel à liste bloquée, par contre, les partis
conservent des prérogatives très importantes, notamment pour définir
la place de chaque candidat sur la liste.
80. La succession des candidats élus est également une question
importante. Il arrive assez fréquemment que la personne prenant
la succession d’un siège vacant n’ait pas de légitimité électorale.
La législation nationale règle rarement cette question de manière
satisfaisante, alors qu’elle est de la plus haute importance pour
la légitimité et la représentativité des organes élus. Il serait
intéressant que les Etats membres du Conseil de l’Europe mettent
en commun les informations et les données tirées de l’expérience
dont ils disposent sur ce sujet.
81. Le point final que je souhaite aborder dans cette section
concerne l’impact de la démocratisation interne sur le fonctionnement
général des partis politiques. La sélection des candidats a été
démocratisée de diverses manières. Dans ses formes les plus modérées,
cette démocratisation a eu des retombées positives sur l’organisation
des partis (avec par exemple une augmentation de la participation
des membres), mais son effet n’est pas certain. Quand elle est radicale,
par contre, il est probable qu’elle nuise à la cohésion des partis
ainsi qu’à la qualité de la démocratie représentative. Cela peut
également saper la loyauté des candidats d’un parti, ces derniers
devenant de plus en plus indépendants.
82. Toutes ces questions sont extrêmement importantes pour la
représentativité des parlements et pour la légitimité démocratique
du système politique dans son ensemble. J’ai la conviction qu’elles
appellent un examen attentif et une analyse détaillée, sur la base
d’exemples et de bonnes pratiques de nos pays membres. J’espère
qu’il en résultera un débat intéressant, et que les membres de cette
commission me feront part de leur expérience et de leurs idées au
cours de la discussion du présent document pour que des recommandations
et des propositions puissent être formulées.
4. Les systèmes électoraux
et leur impact sur la création de l’exécutif
83. Les chances de mettre en place un gouvernement stable
et efficace ne reposent pas uniquement sur le système électoral,
mais le choix d’un tel système a un impact considérable sur la création
de l’exécutif.
84. Comme je l’ai déjà indiqué, les systèmes majoritaires ont,
dans l’ensemble, plus de chances d’engendrer un organe législatif
au sein duquel un parti peut créer l’exécutif et réunir assez de
voix pour mettre en minorité l’ensemble de l’opposition, tandis
qu’avec les systèmes à la proportionnelle la probabilité d’un gouvernement de
coalition est plus grande. A l’inverse, il est également possible
que les systèmes proportionnels permettent à un parti d’obtenir
la majorité absolue, et que des élections au scrutin majoritaire
ne confèrent à aucun parti une majorité confortable. Cela dépend
beaucoup d’autres paramètres tels que la structure du système des partis,
le contexte historique et la nature de la société concernée.
85. L’expérience montre toutefois que les systèmes proportionnels
entraînent un morcellement des parlements. Les gouvernements sont
souvent le fruit d’une coalition et sont parfois minoritaires. Cette conséquence
est fréquemment considérée comme un inconvénient. Cependant, dans
les pays habitués à une telle situation, il arrive que le système
proportionnel incite les partis à parvenir à un compromis dès la campagne
électorale, ce qui est plutôt ressenti comme un avantage.
5. Les systèmes électoraux
et la représentativité des organes élus
86. Comme nous l’avons démontré plus haut, les systèmes
électoraux varient d’un Etat membre du Conseil de l’Europe à l’autre
et chacun d’eux présente des avantages et des inconvénients. Le
fait est qu’il serait difficile, voire impossible, d’en choisir
un et de l’ériger en modèle parfait pour le recommander aux autres
Etats. Ils sont habituellement le produit de l’histoire et de la
vie politique et dépendent pour beaucoup du système politique, de
la configuration des partis et de la culture du pays.
87. La représentativité des organes élus et, conséquence logique,
leur légitimité figurent au cœur du débat sur les systèmes électoraux.
En d’autres termes, le parti qui se présente aux élections devrait
obtenir, au sein de cet organe élu, un nombre de sièges qui corresponde
à peu près à la proportion des suffrages exprimés en sa faveur.
88. Il importe qu’une assemblée élue soit avant tout la transposition
de la composition politique de l’électorat. Mais il convient également
de garantir qu’elle tienne compte des autres aspects importants
que sont, notamment, la géographie, le sexe, l’appartenance ethnique
ou les autres éléments identitaires d’un groupe (âge, vulnérabilité
particulière, etc.).
89. La représentativité des organes élus est une condition indispensable
à leur légitimité et, partant, à la confiance des citoyens à l’égard
du processus politique. De fait, le seul moyen de surmonter l’indifférence croissante
affichée par les électeurs à l’égard de la politique que l’on peut
observer dans certains pays depuis quelques années et qui se traduit,
notamment, par un faible taux de participation aux élections, consiste
à convaincre les citoyens qu’ils ont un rôle à jouer dans le processus
politique de prise de décision.
90. Les seuils, qu’ils soient légaux ou naturels, ainsi que les
seuils au sens large, ont d’importantes répercussions sur la représentativité
d’un organe élu. Cette question de la plus haute importance a déjà
été examinée par l’Assemblée à diverses reprises et sa position
à ce sujet est claire: les seuils supérieurs à 3 % sont difficilement
légitimes dans une démocratie stable. Rien ne justifie que l’accès
au parlement soit interdit à certains groupes de citoyens (petits
partis). De nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe prévoient différents
types de seuils largement supérieurs à 3 %; il convient de les inviter
à revoir leur réglementation, afin qu’elle soit davantage conforme
aux normes démocratiques.
91. L’obligation de dépôt d’une caution offre un exemple flagrant
d’une autre forme d’entrave à l’accès aux organes élus à laquelle
se heurtent les candidats. Bien que nul ne mette en doute son utilité,
le montant de cette caution est parfois disproportionné sans que
rien ne le justifie et il convient de le revoir.
92. Comme je l’ai indiqué dans l’introduction, j’ai laissé à ma
collègue de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes
et les hommes le soin d’examiner plus attentivement l’incidence
du système électoral sur l’accès des femmes aux organes élus. Je
dois cependant souligner que les femmes demeurent sous-représentées
à toutes les étapes du processus électoral et qu’il importe de prendre,
aux divers échelons et notamment sous forme de disposition légale
ou de règlement intérieur des partis, des mesures destinées à remédier
à cette situation. Il convient de réfléchir à des mesures transitoires,
comme la mise en place de quotas.
93. Cela vaut également pour les personnes qui appartiennent à
un groupe sous-représenté, comme les jeunes, les membres des minorités,
les migrants ou les personnes handicapées. Le processus électoral
devrait être source d’intégration et, s’il n’est pas toujours possible
d’imposer certaines règles sous forme de dispositions légales (par
exemple pour le choix et la désignation des candidats), il importe
de promouvoir la lutte contre les exclusions et d’inciter les partis
à adopter volontairement ces règles.
94. Le moment est également venu de rappeler les recommandations
antérieures de l’Assemblée au sujet de la participation des étrangers
au processus décisionnel politique. L’Assemblée a toujours été favorable
au fait d’accorder le droit de vote aux résidents étrangers en situation
régulière, au moins à l’échelon local ou régional.
95. Cela nous conduit à examiner une autre question capitale,
dont les répercussions sur la composition finale et, partant, la
représentativité des organes élus sont considérables: les procédures
internes aux partis. Nous avons examiné un aspect de la question,
la sélection et la désignation des candidats, mais il reste d’autres
points essentiels à aborder: la transparence à chaque étape du processus
électoral, l’existence de dispositions claires et équitables en
matière de financement des campagnes électorales et l’occupation
des sièges vacants par les suppléants.
96. La démocratie à l’intérieur des partis n’est que, dans une
certaine mesure, une affaire interne aux partis; l’Etat peut et
devrait veiller à ce que la législation nationale impose certaines
dispositions internes aux partis. Cette nécessité se fait particulièrement
sentir en matière de financement des campagnes électorales. Il importe que
les dispositions normatives et réglementaires qui régissent la transparence,
l’obligation de rendre compte, le financement et la communication
des éléments financiers soient particulièrement claires et précises.
97. Là encore, je me réfère au Code de bonne conduite en matière
de partis politiques adopté par l’Assemblée. Les membres de l’Assemblée
parlementaire devraient contribuer à promouvoir les principes énoncés
par ce code en engageant, dans leurs partis respectifs, un débat
sur les divers aspects de leur fonctionnement.
98. L’équité de la campagne électorale est déterminante pour gagner
la confiance des citoyens à l’égard du processus électoral. L’accès
équitable de toutes les forces politiques concurrentes aux médias,
la couverture médiatique impartiale des campagnes électorales, l’absence
d’ingérence des pouvoirs publics dans les activités des journalistes,
leur accès à l’information, leur indépendance et leur impartialité
forment autant de principes qu’il convient de traduire dans un cadre
réglementaire adéquat.
99. Les procédures de vote ne sont jamais parfaites et il convient
de les réexaminer constamment, en vue de les améliorer et de les
adapter aux nouvelles possibilités offertes par la technologie.
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication,
les diverses formes de vote à distance, parmi lesquelles le vote
électronique, représentent une partie des enjeux auxquels les systèmes
électoraux sont aujourd’hui confrontés. Le Conseil de l’Europe offre
une excellente plate-forme de mise en commun des données d’expérience
et d’échange d’informations. Ses travaux dans le domaine de la démocratie
électronique, et notamment les conclusions du Forum du Conseil de
l’Europe pour l’avenir de la démocratie qui s’est tenu en 2008 à
Madrid sur cette question, illustrent parfaitement le rôle que notre
Organisation est en mesure de jouer.
100. L’existence de voies de recours efficaces est incontournable
pour obtenir la confiance des citoyens à l’égard du système électoral.
101. La conformité du processus électoral avec les normes démocratiques
devrait être garantie par les commissions électorales. Il convient
qu’elles soient impartiales, indépendantes et compétentes pour pouvoir exercer
convenablement leur mission. Il est par conséquent capital pour
l’équité du processus électoral que des dispositions cohérentes
et claires régissent le mode de désignation de leurs membres et
que leur composition soit équilibrée.
102. Les observateurs aussi bien nationaux qu’internationaux jouent
un rôle déterminant en contrôlant l’équité du déroulement des élections.
Il est regrettable que, dans certains pays, la réglementation qui
régit le statut des observateurs et garantit leurs droits laisse
à désirer. Il convient de remédier à cette situation.
103. Le 27 octobre 2005, à New York, plus de 20 organisations et
institutions internationales, dont le Conseil de l’Europe, ont approuvé
la Déclaration de principe pour l’observation internationale d’élections
et le Code de conduite à l’usage des observateurs électoraux internationaux.
Il convient de promouvoir pleinement et de mettre intégralement
en œuvre ces deux documents.
6. Conclusions
104. Comme nous l’avons déjà indiqué, le système électoral
parfait qui pourrait être recommandé à chaque Etat n’existe pas.
Mais il est indispensable de parvenir à une entente commune sur
les principes dont le respect permet de qualifier des élections
de «libres et équitables», conformément aux normes démocratiques.
105. Le respect scrupuleux de ces principes dans toute élection
organisée sur le territoire du Conseil de l’Europe et dans les Etats
qui aspirent à adhérer à l’Organisation ou à entretenir avec elle
des rapports privilégiés fera du Conseil de l’Europe le plus vaste
espace d’élections «libres et équitables». Cet objectif doit être
atteint dans un proche avenir.
106. De nombreuses activités essentielles du Conseil de l’Europe,
comme le contrôle du respect des engagements pris par les Etats
membres au moment de leur adhésion ou l’observation parlementaire
des élections, ont à l’évidence contribué et contribueront encore
à relever cet ambitieux défi.
107. La dernière session du Forum pour l’avenir de la démocratie,
tenue à Kiev du 21 au 23 octobre 2009 et consacrée aux systèmes
électoraux, offre un excellent exemple de la part prise par le Conseil
de l’Europe à la réflexion sur cette importante question. Les débats
d’un grand intérêt et les conclusions générales auxquels il a donné
lieu montrent la voie à suivre.
108. Il est désormais primordial que toutes les parties prenantes
au forum, c’est-à-dire l’Assemblée parlementaire, le Comité des
Ministres, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil
de l’Europe et la société civile, donnent suite aux recommandations
formulées dans les conclusions et les traduisent en mesures concrètes.
109. J’ai, pour ma part, déjà pris l’engagement d’insérer ces conclusions
dans les travaux de mon parlement et j’invite tous les membres de
l’Assemblée à suivre mon exemple, si le règlement intérieur de leurs assemblées
respectives prévoit cette possibilité.
110. L’Assemblée parlementaire offre également une tribune idéale
pour approfondir la réflexion politique sur les différents aspects
du processus électoral et les sources de préoccupation qu’il comporte;
ces éléments ont été abordés dans le présent rapport et dans les
conclusions: il s’agit notamment du financement des campagnes politiques
ou de la sélection et de la désignation des candidats, ainsi que
de leur succession. Ces questions devraient être traitées, conformément
à notre Règlement intérieur, par le dépôt de propositions de recommandation.
111. Le Comité des Ministres devrait tirer parti de son rôle sans
équivalent d’instance de coopération paneuropéenne pour parvenir
à une entente commune sur les principes dont le respect permet de
qualifier des élections de «libres et équitables». Il convient,
notamment, de l’inviter à engager une réflexion et des travaux approfondis
sur le cadre réglementaire et les dispositions spécifiques qui régissent
le processus électoral dans les Etats membres du Conseil de l’Europe,
en particulier pour les aspects suscitant des préoccupations.
112. Cette réflexion débouchera peut-être sur l’élaboration de
lignes directrices relatives aux principes applicables au processus
électoral, qui seraient recommandées à l’ensemble des Etats membres
du Conseil de l’Europe.
113. La Commission de Venise, qui a jusqu’ici œuvré de manière
remarquable dans ce domaine, devrait être encouragée à poursuivre
son action.
114. Pour conclure, il est évident que les travaux et la réflexion
consacrés aux incidences des systèmes électoraux sur la représentativité
des parlements sont loin d’être achevés et qu’il reste encore beaucoup
à faire. J’espère que ce rapport permettra de prendre conscience
de la situation.
***
Commission chargée du rapport: commission
des questions politiques
Renvoi en commission: Doc. 11481, Renvoi
3432 du 14 avril 2008
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité le 15 décembre 2009
Membres de la commission: M.
Göran Lindblad (Président),
M. David Wilshire (1er Vice-Président),
M. Björn von Sydow (2e Vice-Président) (remplaçante: Mme Kerstin Lundgren), Mme Fátima Aburto Baselga, M. Francis
Agius (remplaçant: M. Joseph Debono
Grech), M. Alexander Babakov (remplaçant: M. Sergey Markov), M. Viorel Badea, M. Denis Badré, M. Andris Bērzinš, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, M. Titus Corlăţean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, Mme Maria Damanaki (remplaçant: M. Konstantinos Vrettos), M. Dumitru Diacov, M.
Pol van den Driessche, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Piero Fassino, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto,
M. Marco Gatti, M. Andreas Gross, M.
Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Norbert Haupert, M. Joachim Hörster, Mme
Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović (remplaçant:
M. Mladen Ivanić), M. Michael
Aastrup Jensen, M. Miloš
Jevtić, Mme Birgen Keleş,
M. Victor Kolesnikov (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk),
M. Konstantin Kosachev, M. Jean-Pierre Kucheida,
Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński,
M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty,
M. Frano Matušić, M. Silver Meikar,
M. Evangelos Meimarakis,
M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova,
M. Aydin Mirzazada, M. Juan Moscoso del Prado Hernández, Mme Lilja
Mósesdóttir, M. João Bosco Mota Amaral,
Mme Olga Nachtmannová, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Zsolt Németh, M. Fritz
Neugebauer (remplaçant: M. Franz Eduard Kühnel),
M. Aleksandar Nikoloski, M. Hryhoriy Omelchenko,
M. Maciej Orzechowski, M. Ivan Popescu,
M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Amadeu Rossell Tarradellas,
M. Ilir Rusmali, M. Ingo Schmitt (remplaçant: M. Eduard Lintner), M. Predrag Sekulić, M.
Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky,
M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó (remplaçant: M. Mátyás Eörsi), M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke,
M. Zhivko Todorov, Lord Tomlinson (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Latchezar Toshev, M. Petré Tsiskarishvili, M. Mihai Tudose,
M. Ilyas Umakhanov, M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang
Wodarg, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm,
M. Emanuelis Zingeris
Ex officio: M. Tiny
Kox
N.B.Les noms des membres
ayant participé à la réunion sont indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme
Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner