Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12198 | 08 avril 2010

Biodiversité et changement climatique

(Ancienne) Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteure : Mme Francine JOHN-CALAME, Suisse, SOC

Résumé

La biodiversité, qui représente la variation de tout le vivant, est menacée aujourd’hui par la destruction d’habitats entiers, la surexploitation des sols et des milieux marins, la pollution de l’air et de l’eau, ou encore par la propagation d’espèces invasives. Le changement climatique contribue aussi à l’appauvrissement de la biodiversité.

C’est ainsi que l’homme, par ses activités, contribue en grande partie à l’appauvrissement de la biodiversité et perturbe le climat, ce qui entraîne à terme des répercussions négatives dans les domaines social et économique ainsi que sur la santé publique.

L’Assemblée parlementaire recommande par conséquent aux Etats membres de prévoir, entre autres, des mesures visant à préserver les écosystèmes et de mettre en place des méthodes de gestion, d’éducation et de formation, afin d’atténuer les effets négatifs de l’évolution du climat.

A. Projet de recommandation

(open)
1. Le rythme d’appauvrissement de la diversité biologique est devenu largement supérieur à celui de l’extinction naturelle.
2. Les activités humaines sont les principales responsables de cet appauvrissement, que ce soit directement (pollution des sols, des mers et océans et l’introduction d’espèces invasives, etc.) ou indirectement (accélération exponentielle du changement climatique par les diverses activités).
3. Le bon fonctionnement des écosystèmes est vital pour le bien-être de l’humanité, car ils procurent gratuitement des services, tels que les ressources en eau, la fertilité des sols, le bois de chauffage et de construction, l’alimentation, des médicaments, les énergies fossile, solaire, éolienne ou géothermique, la régulation du climat.
4. Le réchauffement climatique, qui se traduit, à l’échelle mondiale, par une hausse des températures moyennes de l’atmosphère et des océans, une fonte massive de la neige et de la glace et une élévation du niveau moyen des mers, représente un défi sans précédent pour la biodiversité.
5. Selon certains experts, la température moyenne à la surface de la Terre pourrait augmenter de 1,4 à 5,8° C d’ici à la fin du XXIe siècle, avec un réchauffement plus important pour les zones terrestres et les latitudes élevées que pour les océans et les régions tropicales. L’élévation du niveau des mers serait de l’ordre de 0,09 à 0,88 m et même, selon certains experts, beaucoup plus importante. On prévoit également une augmentation des précipitations dans les latitudes élevées et les régions équatoriales et une diminution dans les régions subtropicales, avec une augmentation des fortes précipitations. C’est ainsi que d’ici à 2080, il est prévu qu’environ 20 % des zones humides côtières pourraient disparaître à la suite de l’élévation du niveau des mers.
6. Il est difficile de réaliser une modélisation des changements de la biodiversité. Cependant, il est évident que le changement climatique a des répercussions importantes sur les populations animales, sur la répartition des espèces et sur les écosystèmes, ce qui entraîne des conséquences sur la durée des saisons, sur les périodes de reproduction, sur la croissance des animaux et des plantes, les migrations animales, la répartition géographique des espèces et la densité des populations, la fréquence des infestations parasitaires et des maladies, etc.
7. Les changements de la diversité biologique à l’échelle des écosystèmes et des paysages, qui proviennent du changement climatique ou d’autres phénomènes (tels que les déboisements et les feux de forêts) influent aussi sur le climat en modifiant notamment l’absorption et l’émission des gaz à effet de serre. En outre, les changements de la structure des communautés biologiques des couches océaniques supérieures pourraient modifier leur absorption de CO2 ou influer sur les conditions météorologiques et sur le changement climatique. Il s’agit donc d’un processus en spirale dont le résultat risque d’être catastrophique à l’échelle planétaire.
8. L’Assemblée parlementaire constate qu’il existe de nombreuses preuves de l’impact du changement climatique sur les espèces et les habitats, ce qui accentue leur vulnérabilité. Elle souligne que les incertitudes autour des effets précis du changement climatique sur la biodiversité ne doivent pas constituer une raison pour reporter les actions concrètes destinées à préserver les écosystèmes et que le principe de précaution doit être appliqué.
9. L’Assemblée souligne la nécessité de la mise en œuvre intégrale et immédiate des objectifs de la Convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro.
10. Elle rappelle qu’en avril 2002, lors de la sixième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui est administrée sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), les gouvernements se sont engagés à assurer, pour 2010, «une forte réduction du rythme de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national, à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète» (l’Objectif 2010 pour la biodiversité).
11. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1823 (2008) sur le réchauffement climatique et les catastrophes écologiques, sa Résolution 1406 (2004) sur le réchauffement climatique: au-delà de Kyoto, ainsi que sa Recommandation 1883 (2009) et sa Résolution 1682 (2009) sur les défis posés par le changement climatique, sa Recommandation 1885 (2009) sur l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement sain et sa Recommandation 1862 (2009) sur les migrations et déplacements induits par les facteurs environnementaux: un défi pour le XXIe siècle.
12. L’Assemblée rappelle aussi la Recommandation n° 135 (2008) du Comité permanent de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Convention de Berne, STE no 104), sur la lutte contre les impacts du changement climatique sur la biodiversité, par laquelle les Parties contractantes à la convention et les Etats observateurs sont appelés, entre autres, à traiter et signaler de toute urgence les impacts du changement climatique sur la diversité biologique et sa sauvegarde, ainsi que sa Recommandation n° 143 (2009) énonçant à l’intention des parties de nouvelles orientations sur la diversité biologique et le changement climatique, qui appelle, entre autres, à l’intensification des efforts visant à améliorer la compréhension des liens entre la diversité biologique et le changement climatique.
13. Elle rappelle que les ministres de l’environnement du G8 et des pays émergents réunis à Syracuse en avril 2009 ont adopté la Charte de Syracuse sur la biodiversité, faisant de la biodiversité une grande cause mondiale au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui souligne la relation étroite entre les deux.
14. L’Assemblée recommande en conséquence au Comité des Ministres d’appeler les gouvernements des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe à tenir compte des opportunités offertes par la célébration de l’Année internationale de la biodiversité en 2010:
14.1. pour améliorer l’interface entre science et politique, notamment en ce qui concerne la biodiversité, dont l’importance semble être encore sous-estimée par certains décideurs politiques ainsi que par une large partie du public;
14.2. pour élaborer des politiques appropriées et prendre des mesures concrètes, visant à promouvoir la conservation de la diversité biologique et à diminuer les incidences du changement climatique sur la biodiversité;
14.3. pour développer des systèmes d’évaluation pour améliorer les connaissances sur l’interaction entre la diversité biologique, la structure et la fonction des écosystèmes et approfondir la compréhension de la réponse de la biodiversité aux changements des facteurs climatiques et autres pressions exogènes;
14.4. pour encourager des synergies et des interactions entre les projets et les politiques environnementales nationales, régionales ou locales concernant le changement climatique et les objectifs des traités internationaux tels que la Convention sur la diversité biologique;
14.5. pour promouvoir un transfert plus efficace des meilleures pratiques concernant la lutte contre le recul de la biodiversité, ce transfert étant essentiel pour qu’une réponse coordonnée puisse être élaborée et mise en place au niveau européen;
14.6. pour développer des programmes d’éducation, d’information et de participation des citoyens et des décideurs sur la valeur de la biodiversité et sur l’importance des comportements des particuliers, des entreprises et des pouvoirs publics pour sa préservation et pour atténuer l’impact du changement climatique;
14.7. pour intensifier le combat contre le commerce illégal de la faune et de la flore;
14.8. pour respecter scrupuleusement le statut des zones protégées, étendre autant que possible leur surface et créer des corridors écologiques les reliant, tout en mettant un accent particulier sur les zones transfrontalières, fragilisées par leur statut lié à la souveraineté territoriale;
14.9. pour veiller à ce que les réseaux d’aires protégées et les corridors écologiques entre eux améliorent les possibilités pour la faune et la flore de s’adapter au changement climatique grâce aux migrations;
14.10. pour interdire la mise en œuvre de grands projets d’infrastructure qui entraîneraient la fragmentation des corridors écologiques précités et, par voie de conséquence, leur destruction;
14.11. pour protéger toutes les forêts anciennes, les zones humides et les herbages/pâturages permanents qui constituent à la fois des réserves, des puits de carbone et des habitats de grande valeur;
14.12. pour adapter les techniques de sylviculture dans les forêts exploitées à des fins économiques de manière à réduire les incidences sur le climat et la biodiversité;
14.13. pour faciliter la transition vers une agriculture durable permettant de produire des denrées de qualité, de conserver les habitats et les paysages qui présentent un grand intérêt écologique et ayant peu de conséquences négatives sur le climat;
14.14. pour favoriser le développement des énergies renouvelables qui ont une incidence réelle sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne mettent pas en péril la biodiversité et n’accorder, en revanche, aucun soutien aux projets de «blanchiment écologique»;
14.15. pour coordonner les mesures prises par différents secteurs pour faire face au changement climatique et à la perte de biodiversité de manière à créer des synergies et à éviter de mener des activités à contresens ou qui font double emploi;
14.16. pour mettre en œuvre la Recommandation n° 135 (2008) du Comité permanent de la Convention de Berne sur la lutte contre les impacts du changement climatique sur la biodiversité qui contient des lignes directrices détaillées pour des actions concrètes à tous les niveaux;
14.17. pour définir, sur la base de l’expérience acquise dans le cadre des activités déployées en vue de réaliser «l’Objectif 2010 pour la biodiversité», une stratégie commune visant à instaurer un cadre d’action commun pour l’après-2010.

B. Exposé des motifs, par Mme John-Calame, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La biodiversité, ou diversité biologique, représente la variation de tout le vivant. On distingue trois types de biodiversité: la diversité génétique au sein des espèces, la diversité entre les espèces et la diversité des écosystèmes. Les échanges et interactions entre ces différentes entités leur confèrent une capacité d’adaptation qui a permis à la vie de se maintenir depuis des milliards d’années. En tant qu’êtres vivants, nous faisons partie de cette biodiversité.
2. La bonne santé des écosystèmes dépend de la biodiversité et les bienfaits que nous en retirons sont nombreux. Parmi les fonctions fondamentales dont nous profitons, citons la production de nourriture, le recyclage de l’eau et de l’air, la fourniture de matières premières, de ressources énergétiques et de remèdes, le rôle de protection contre les catastrophes naturelles, la contribution à notre culture et à nos loisirs, et la valeur économique liée notamment aux biotechnologies.
3. Malgré ou peut-être à cause de ces nombreux avantages dont nous bénéficions, la biodiversité est aujourd’hui menacée par la destruction d’habitats entiers, la surexploitation des sols, des milieux marins ou de certaines espèces (chasse/pêche excessive), le morcellement des milieux, la pollution de l’air et de l’eau, ou encore la propagation d’espèces invasives.
4. Le changement climatique en cours (vagues de chaleur, cyclones tropicaux, inondations, sécheresse) représente également une menace pour la biodiversité. Le réchauffement global actuel est sans équivoque. Nous l’avons déjà constaté à l’échelle mondiale par une hausse des températures moyennes de l’atmosphère et des océans, une fonte massive de la neige et de la glace, et une élévation du niveau moyen des mers. Il constitue un défi sans précédent pour la biodiversité, car il se conjugue avec les autres dangers des actions anthropiques.
5. Les activités humaines sont ainsi les principales responsables de l’appauvrissement de la biodiversité et provoquent également l’accélération exponentielle du changement climatique.
6. Notre impact sur la Terre est considérable, aucun autre être vivant n’a autant transformé son habitat que nous. Ces modifications sont cependant beaucoup trop rapides pour permettre aux espèces de s’adapter, faute de quoi elles s’éteignent.
7. Les écosystèmes sont notre habitat. Si nous les comparons à notre maison, les espèces vivantes en constituent les briques des murs. Chacune a sa fonction même si, isolée, elle nous paraît de faible importance. Cette subtile construction est garante de notre qualité de vie. Or, chaque espèce qui disparaît, c’est un trou dans le mur. Au fil des extinctions, l’écosystème se fragilise, la maison se détériore et l’équilibre est menacé. A la fin, l’édifice entier s’effondrera et nous nous retrouverons alors sans protection ni ressources.
8. Dans l’histoire de la Terre, l’apparition et la disparition d’espèces étaient jusqu’à maintenant liées à des causes naturelles. Parfois, des événements particuliers ont conduit à des extinctions de masse, à l’image de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Ce fut la cinquième et dernière grande extinction. Actuellement, le phénomène observé est beaucoup plus rapide. Serons-nous la cause de la sixième extinction de masse sur notre planète?

2. Interactions entre biodiversité, changement climatique et activités humaines

9. Le climat n’a cessé de changer tout au long de l’histoire de la Terre et l’évolution biologique (apparition d’espèces nouvelles et extinction d’autres espèces) est également permanente depuis plus de 4 milliards d’années. Ces processus ont commencé bien avant que l’homme n’apparaisse sur terre par suite de cette même évolution et sont toujours à l’œuvre aujourd’hui.
10. Pendant la dernière partie du XXe siècle, des quantités considérables de carbone ont été libérées à la suite de l’activité industrielle et au déboisement opéré depuis plusieurs siècles aux latitudes moyennes et élevées, et ce dans les régions tropicales notamment. L’essentiel du réchauffement observé au cours des cinquante dernières années est probablement dû à l’accroissement de la concentration de gaz à effet de serre (GES).
11. A l’heure actuelle, cependant, les activités humaines influent sur le changement climatique et la perte de biodiversité à un point tel qu’elles menacent l’équilibre des milieux naturels et, par là même, la survie de l’humanité, car nous dépendons de la biodiversité et des conditions climatiques dans lesquelles nous évoluons.
12. Pour se rendre compte de la vitesse sans précédent du changement climatique, il faut savoir qu’au sortir de la dernière période glaciaire, dans des conditions exclusivement naturelles, les températures du globe ont augmenté de quelques degrés en plusieurs milliers d’années. Durant le dernier millénaire, seuls quelques dixièmes de degré de différence séparaient les périodes les plus chaudes (optimum climatique médiéval) et les plus froides (petit âge glaciaire). Or, bien plus que les valeurs absolues des températures, c’est ce rythme sans précédent de la hausse des températures qui déterminera la réaction des écosystèmes.
13. Les effets de l’activité humaine sur le climat et sur la biodiversité sont multiples et il convient probablement de distinguer les aspects suivants.
14. Certaines activités humaines ont un double effet direct sur le climat et la biodiversité. Par exemple, l’abattage de forêts anciennes entraîne l’émission de gaz carbonique, engendrée par la combustion ou la décomposition de biomasse ligneuse, et l’extinction d’espèces due à la perte de leur habitat. Une autre illustration de ce phénomène est l’assèchement des zones humides qui provoque l’émission de gaz carbonique résultant de la combustion ou de la décomposition de la tourbe ainsi que la perte de milieux rares riches en espèces spécialisées. L’exploitation de gisements de pétrole et de gaz dans des régions sauvages encore vierges aura aussi un impact sur le climat et la biodiversité.
15. L’intensification de l’élevage et de l’agriculture est une question connexe et passablement complexe. Le recours accru aux engrais minéraux entraîne des émissions d’oxyde d’azote, et la production de fumier provenant des grands élevages de bétail une augmentation des émissions de méthane. Or ces deux gaz contribuent à l’effet de serre. La perte de biodiversité se produit simultanément du fait de la conversion en terre arable de prairies semi-naturelles riches en espèces, de la disparition des lisières de champ et des haies, et du remplacement des races traditionnelles par une race unique (dans certains cas génétiquement modifiée).
16. Un exemple des conséquences catastrophiques que peut avoir la perte de biodiversité génétique dans les cultures est la propagation actuelle de la chrysomèle des racines du maïs. Les chenilles de ce coléoptère mangent les racines du maïs et saccagent les cultures, car les plantes ne tiennent plus debout. A l’origine, une plante attaquée de la sorte émettait une substance par les feuilles et les racines, afin d’attirer les prédateurs naturels des ravageurs (une petite guêpe parasitoïde). Or, actuellement, la variété de maïs la plus cultivée aux Etats-Unis et en Europe a perdu le gène nécessaire pour produire ce signal d’alarme, et par là même la capacité de se défendre. Le bilan des pertes est très lourd et la recherche tente aujourd’hui de retrouver et de réinsérer ce gène perdu dans les variétés de maïs cultivées.
17. D’un autre côté, le changement climatique (provoqué par l’homme) a également une influence sur la biodiversité. Un exemple de ce phénomène qui a eu récemment un grand retentissement est l’amincissement et le rétrécissement de la calotte glacière des pôles, qui menacent la survie des ours polaires. Les dangers qui pèsent sur tous les autres éléments de la biodiversité arctique sont moins débattus mais aussi bien connus. Le changement climatique a également des effets sur la biodiversité des zones montagneuses.
18. Le changement climatique va pousser les espèces à s’adapter, notamment en migrant vers des lieux plus favorables. Cependant, la fragmentation des habitats limite ces mouvements de population et diminue ainsi les capacités d’adaptation des espèces. De plus, la perte de biodiversité réduit la résilience des écosystèmes face au changement climatique. Ils résistent alors moins bien aux maladies ou aux plantes invasives.
19. Du fait de l’imbrication des problèmes, il faut envisager les solutions de manière coordonnée.
20. C’est ainsi que l’adoption de mesures favorisant une agriculture moins intensive et plus durable contribuerait à atténuer l’ampleur du changement climatique et à conserver la biodiversité. La préservation des zones boisées de longue date aurait aussi un impact sur ces deux phénomènes.

3. Influence de l’homme sur la biodiversité et le changement climatique

21. Les activités humaines influent fortement sur les écosystèmes et la biodiversité et perturbent le climat. Les domaines d’action ayant les conséquences les plus manifestes sont l’exploitation du sol, l’infrastructure urbaine et routière, la fourniture de matières premières, l’agriculture, l’exploitation des forêts et la gestion de l’eau. Chacun de ces sujets est repris plus en détail ci-dessous.
22. Une mauvaise utilisation du sol peut entraîner des problèmes de rétention de l’eau en surface. Les risques d’érosion et de glissement de terrain lors d’événements catastrophiques sont augmentés.
23. L’agrandissement des villes et villages et la construction de bâtiments font disparaître des champs, forêts, zones humides ou terrains vagues (terriers, habitats, nids…) et par là menacent la biodiversité. Dans les villes, l’architecture laisse peu de place à la nature sauvage; le béton et le verre empêchent les végétaux de pousser et d’instaurer des écosystèmes.
24. L’urbanisation comporte aussi d’autres problèmes: la pollution atmosphérique engendrée par le nombre croissant de voitures et par l’utilisation d’énergies non renouvelables, la production des déchets et leur élimination, la construction de routes et de parkings qui rendent le sol imperméable et détruisent toute vie végétale, la destruction de corridors qui permettaient une libre circulation des espèces (suppression des coulées vertes, etc.), la disparition de vergers, de terres agricoles nourricières, de zones humides et de ruisseaux (lieux privilégiés de dizaines d’espèces végétales et animales).
25. De plus, la nouvelle tendance à recourir à des plantes «exotiques» pour orner les jardins ne favorise pas la biodiversité locale. Au contraire, la plupart sont des espèces invasives et entrent en compétition avec la flore locale en menaçant la stabilité de l’écosystème.
26. Les infrastructures de transport recouvrent une diversité de modes, de contextes et de flux: transports en commun, réseau ferroviaire, circulations douces, transport fluvial. Les impacts sur l’environnement sont importants aussi bien pendant les phases d’aménagement (consommation d’espace, chantiers) que pendant les phases d’exploitation de ces infrastructures (pollution, bruit).
27. Elles ont aussi des impacts sociaux et économiques majeurs: désenclavement, stimulation des échanges, etc. Le choix des modes de transport (collectif, individuel, ferroviaire, fluvial, routier), ou des sources d’énergie (électricité, hydrocarbures, hydrogène, agrocarburants) a également une conséquence environnementale notable.
28. L’exploitation minière et pétrolière génère des impacts environnementaux qui peuvent être aussi importants. Pour les minimiser, il est judicieux d’anticiper au moment du choix des équipements (exemples: modes de carburation, gestion des flux, gestion des déchets).
29. L’agriculture et le déboisement mal gérés sont aussi de graves problèmes pour l’environnement. En effet, les surfaces dévolues aux cultures et aux pâturages représentent près de 39 % des terres émergées et les forêts en occupent 30 % (selon les données de la FAO).
30. L’agriculture engendre d’importantes émissions de GES. Les activités agricoles et la réaffectation des terres comptent pour environ un tiers des émissions totales de dioxyde de carbone et elles sont les plus importantes sources de méthane (produites par l’élevage et les rizières inondées) et d’oxyde nitreux (provenant principalement des applications d’engrais azoté minéral).
31. Environ 70 % de la consommation mondiale de l’eau est dévolue à l’agriculture. Cette proportion peut s’élever jusqu’à 95 % dans de nombreux pays en développement, ce qui influence fortement la disponibilité de l’eau pour les autres utilisations humaines.
32. La qualité de l’eau pourrait être améliorée par un changement des pratiques agricoles, par exemple en gérant plus efficacement les besoins, en réduisant la salinisation, en luttant contre l’érosion des sols, ou en évitant les infiltrations nocives dues aux pesticides et aux déchets d’élevage. Toutes ces mesures, en lien avec le recyclage des eaux usées, pourraient favoriser la reconstitution des nappes phréatiques et améliorer la qualité des ressources hydriques, conduisant ainsi à une augmentation de l’eau disponible.

4. Problématique du CO2 en lien avec le cycle du carbone

33. L’essentiel du réchauffement climatique observé au cours des cinquante dernières années est probablement dû à l’accroissement de la concentration de GES, dont les principaux sont la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote et l’ozone.
34. Le dioxyde de carbone est un GES naturel et n’est pas toxique en soi. L’augmentation de sa concentration atmosphérique liée aux activités humaines est néanmoins une des causes du réchauffement climatique. En effet, pendant la dernière partie du XXe siècle, des quantités considérables de dioxyde de carbone ont été libérées à la suite de l’activité industrielle et au déboisement, notamment dans les régions tropicales.
35. La régulation de la concentration en CO2 est couplée avec le cycle naturel du carbone. Cependant, le court-circuit de ce cycle causé par la combustion d’énergies fossiles est en grande partie responsable des problèmes actuels.
36. La dynamique des écosystèmes terrestres varie selon l’interaction de plusieurs cycles biogéochimiques, en particulier le cycle du carbone, les cycles des éléments nutritifs et le cycle de l’eau, que l’homme peut perturber.
37. Les écosystèmes terrestres, en retenant le carbone dans la biomasse vivante, dans les matières organiques en décomposition et dans les sols, jouent un rôle important dans le cycle global du carbone. La photosynthèse fixe le CO2 atmosphérique dans la biomasse des plantes alors que, au contraire, la respiration, la décomposition et la combustion transforment le carbone organique en CO2. Ces processus entretiennent la circulation naturelle du carbone entre les écosystèmes et l’atmosphère. Les activités humaines, notamment dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de l’exploitation forestière et industrielle, modifient les stocks et les échanges entre les réservoirs.
38. L’absorption nette de carbone par les écosystèmes terrestres résulte de plusieurs facteurs, comme les pratiques agriculturales, la régénération naturelle d’écosystèmes aux latitudes moyennes et élevées, les effets indirects des activités humaines (exemple: fertilisation par le CO2 atmosphérique et dépôt des nutriments) et de l’évolution du climat (naturelle et anthropique). Il est actuellement impossible de déterminer l’importance relative de ces différents processus qui varient d’une région à l’autre.
39. Une des stratégies permettant de réduire la concentration de CO2 atmosphérique est de favoriser le piégeage du carbone par les plantes et dans les sols. L’augmentation de la biomasse racinière et des matières organiques favorise la rétention d’eau et des substances nutritives dans les sols, donc la productivité des terres. Les modifications des pratiques de gestion agricole peuvent accélérer ou inverser le degré de fixation du carbone en une période relativement courte.
40. De même, si le volume de biomasse aérienne (arbres et arbustes) augmente, la fixation du carbone est également favorisée. Les taux de piégeage varient selon les essences, le type de sol, le climat régional, la topographie et les pratiques de gestion. Les plantations forestières et les systèmes sylvopastoraux comptent parmi les différents types de réaffectations des terres qui favorisent la séquestration aérienne du carbone.
41. Il faut savoir en outre que le carbone peut être piégé dans la biomasse, puis retenu dans les produits du bois pendant des décennies. Il ne faut pas oublier non plus que l’énergie tirée de la biomasse, c’est-à-dire des sous-produits résiduels du bois et des cultures ou des cultures arbustives, mises en place tout spécialement, pourrait conduire à une réduction importante des émissions nettes de GES par le remplacement des combustibles fossiles.
42. Toutefois, le recours à la biomasse issue du bois comme substitut des combustibles fossiles relève de questions complexes. Tant que la quantité d’énergie produite est supérieure à celle consommée pour la coupe et l’extraction, l’exploitation de la biomasse contribue à atténuer le changement climatique. Cependant, il faut des garde-fous beaucoup plus sophistiqués pour éviter les effets négatifs d’une augmentation de l’extraction du bois sur la biodiversité. La question des biocarburants issus de l’agriculture («agrocarburants») est encore plus complexe. Dans ce domaine, un scepticisme marqué a fait place à l’enthousiasme initial. Il est manifeste qu’il faut adopter une position équilibrée. Il est vrai, en effet, qu’une grande partie de la production intensive d’agrocarburants s’est faite aux dépens de la biodiversité et, dans certains cas, ce choix ne s’est pas avéré judicieux d’un point de vue climatique. Toutefois, il est possible de produire des agrocarburants d’une manière durable, c’est-à-dire à la fois propice à l’atténuation du changement climatique et compatible avec les objectifs de maintien de la biodiversité.
43. Le réchauffement de la planète tend à freiner le piégeage du CO2 atmosphérique par les écosystèmes terrestres et les océans, ce qui entraîne une augmentation des émissions anthropiques qui se trouvent dans l’atmosphère. C’est comme une spirale sans fin.
44. Il importe d’agir vite. Il faut arrêter d’alimenter le réchauffement climatique désormais inéluctable en réduisant, par exemple, d’une manière massive les émissions de GES et en prenant rapidement des mesures de protection.
45. Le réchauffement nuit à la fixation du CO2 atmosphérique dans les terres émergées et les océans, augmentant ainsi la partie des émissions anthropiques qui reste dans l’atmosphère. Cette rétroaction positive du cycle du carbone renforce l’accroissement de CO2 atmosphérique et entraîne un changement climatique plus important pour un scénario d’émissions donné.
46. Les émissions futures de GES seront principalement conditionnées par l’évolution démographique, le développement économique et social, et le rythme et la direction des progrès technologiques.
47. Les émissions de GES doivent décroître pour que les concentrations atmosphériques de ces gaz se stabilisent.
48. Les mesures d’atténuation qui seront prises au cours des deux à trois prochaines décennies détermineront dans une large mesure les possibilités de stabiliser les concentrations. Mais nous ne contrôlerons les émissions de gaz carbonique que si nous consommons moins d’énergie fossile.

5. Ressources énergétiques

49. La nécessité de diminuer les émissions des GES nous force à une course insensée pour trouver de nouvelles énergies qui substituent les combustibles fossiles, et on utilise des énergies alternatives sans évaluer vraiment les conséquences qu’elles peuvent avoir à moyen et à long terme.
50. Le besoin croissant d’énergies renouvelables accentue la concurrence par rapport aux ressources naturelles.
51. Il y a, à l’heure actuelle, tout un débat sur la question des biocarburants d’origine agricole. Il s’agit finalement d’alibis qui partent sûrement d’une bonne intention mais qui se détournent du véritable problème. Au lieu d’être réduite, la consommation devient «verte». Pourtant, la démarche est peu écologique.
52. Le boisement et les plantations à vocation bioénergétique peuvent permettre de réhabiliter des terres dégradées, de ralentir les eaux de ruissellement, de retenir le carbone des sols, ce qui sera bénéfique pour l’économie rurale. Mais ils peuvent aussi concurrencer la production alimentaire, produire une augmentation de la sécheresse et menacer la biodiversité en cas de mise en œuvre inadéquate.
53. Non seulement la réduction des GES est relative, mais le fait que les produits de la biomasse tels que le maïs ou la canne à sucre ne soient pas consommés, entraîne également une utilisation sans scrupule de fertilisants et de pesticides, de même qu’une exploitation unilatérale du sol.
54. Exception faite, bien sûr, de la bioénergie issue des déchets qui semble la meilleure manière de les éliminer. D’un autre côté, les biocombustibles de deuxième génération semblent eux aussi prometteurs.
55. Mais il existe également d’autres énergies totalement propres qui peuvent aider à diminuer les émissions de GES sans effet néfaste sur l’environnement, comme l’énergie solaire. Il suffirait par exemple d’installer des collecteurs solaires sur les toitures pour obtenir de l’eau chaude, même lorsque le temps est couvert.
56. Il faut un véritable travail de prise de conscience de la part des fabricants et de la population pour réduire les émissions de GES, en réduisant la consommation d’énergie et en utilisant des énergies plus propres.
57. Nous pourrions ainsi satisfaire aux normes du Protocole de Kyoto sans que des pertes de qualité de vie, des modifications du mode de vie ou de nouvelles technologies soient nécessaires. Malheureusement, la population manifeste peu de volonté pour acheter des appareils plus économiques ou installer des capteurs solaires sur le toit des maisons. Même dans les pays en développement, les gens ont du mal à économiser l’énergie.
58. L’efficacité énergétique et l’utilisation d’énergies renouvelables permettent également des synergies avec le développement durable. Dans les pays les moins avancés, la substitution énergétique peut faire reculer la mortalité et la morbidité en réduisant la pollution de l’air et l’utilisation incontrôlée de bois de chauffage et le déboisement qui s’ensuit.

6. Survie des écosystèmes et adaptation des espèces

59. Pour se rendre compte de la vitesse sans précédent de changement climatique, il faut savoir qu’au sortir de la dernière période glaciaire, dans des conditions exclusivement naturelles, les températures du globe ont augmenté de quelques degrés en plusieurs milliers d’années. Durant le dernier millénaire, seuls quelques dixièmes de degré de différence séparaient les périodes les plus chaudes (optimum climatique médiéval) des périodes les plus froides (petit âge glaciaire). Or, bien plus que les valeurs absolues des températures, c’est ce rythme sans précédent de la hausse des températures qui déterminera la réaction des écosystèmes.
60. Il faut tenir compte aussi des catastrophes naturelles qui iront en se multipliant, notamment les tempêtes, les fortes précipitations, les inondations, les épisodes d’élévation extrême du niveau de la mer, les sécheresses prolongées et les incendies, qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur la santé des écosystèmes et compromettre la production alimentaire en provoquant la famine, ce qui pourrait entraîner, à terme, des conflits.
61. Les écosystèmes sont essentiels au maintien de la vie humaine. Ils assurent l’approvisionnement en nourriture et en eau potable, l’entretien d’un patrimoine naturel en évolution constante, la préservation des sols, la fixation de l’azote et du carbone, le recyclage des éléments nutritifs, la régulation des inondations et le filtrage des agents polluants.
62. Le changement climatique exerce sur les écosystèmes une influence qui varie d’une région à l’autre, en corrélation avec d’autres facteurs tels que l’utilisation du sol, la fragmentation de l’habitat, les apports de substances et les espèces invasives. Nous devons nous attendre à des modifications sensibles dans la composition des espèces des écosystèmes et à la disparition d’un nombre notable d’espèces en cas de changement persistant du climat. Faut-il craindre également une perte massive de la biodiversité ou bien le changement climatique offrira-t-il aux espèces menacées par l’activité humaine une chance d’accroître leur population?
63. La vitesse de diffusion des espèces joue un rôle primordial au niveau des répercussions d’un changement climatique rapide. Des études révèlent qu’une partie des espèces est incapable d’atteindre à temps des sites potentiellement colonisables et que, par voie de conséquence, elles disparaîtront.
64. La perte de diversité peut être locale ou planétaire, selon qu’elle touche ou non une espèce clé. Une disparition locale peut avoir des conséquences fatales pour un écosystème et une disparition à l’échelle mondiale aura des répercussions irréversibles. Un exemple bien connu est la diminution du nombre d’abeilles, ainsi que la raréfaction de différentes espèces d’abeilles sauvages. Ces insectes pollinisateurs sont indispensables à la reproduction des plantes, y compris celles que nous cultivons. En cas de disparition des abeilles, la production de ressources alimentaires risque d’être fortement compromise.
65. Selon de nombreuses données portant sur une large gamme d’espèces, les experts ont estimé que le réchauffement récent affecte fortement les systèmes biologiques terrestres, ce qui se traduit par la précocité de certains événements printaniers tels que le débourrement, la migration des oiseaux ou la ponte ainsi que par le déplacement de l’aire de distribution géographique d’un certain nombre d’espèces animales et végétales vers les pôles ou vers une altitude supérieure.
66. On estime donc que les communautés qui migreront de la sorte vers les pôles ou qui grimperont en altitude ne présenteront qu’une ressemblance partielle avec les communautés d’aujourd’hui. Il se pourrait que de nouveaux écosystèmes voient le jour, ce qui entraînerait de profondes modifications dans la composition des espèces et des conséquences qu’on ne peut pas encore évaluer.
67. Dans les systèmes biologiques marins et dulcicoles, les changements observés sont liés autant à la hausse des températures de l’eau qu’aux modifications connexes de la couverture glaciaire, de la salinité, des taux d’oxygène et de la circulation, de la pollution et de la surexploitation. Ces changements se manifestent dans les formes suivantes: déplacements des zones de distribution géographique et variations de l’abondance des algues, du plancton et des poissons dans les océans de latitudes élevées; augmentation des populations d’algues et de zooplancton dans les lacs situés à des latitudes élevées et dans les lacs d’altitude; modification de l’aire de distribution géographique et migration précoce des poissons dans les cours d’eau.
68. Les conséquences du changement climatique sur les récifs coralliens sont de plus en plus flagrantes. Mais il est difficile de dissocier les effets des contraintes d’origine climatique de ceux résultant d’autres contraintes (par exemple la surpêche ou la pollution).
69. L’élévation du niveau des mers et l’expansion humaine contribuent au rétrécissement des zones côtières humides et des mangroves et, par conséquent, à l’aggravation des dommages causés dans de nombreuses régions par les inondations côtières.
70. Malheureusement, des études ont révélé que les tropiques, où se trouvent de nombreuses zones vitales, seront fortement affectés. Bon nombre d’écosystèmes y sont surexploités ou convertis en zones cultivées ou en plantations. De leur côté, les forêts tropicales peuvent aussi être perturbées par l’insuffisance des précipitations. Cette situation est préoccupante d’un point de vue évolutif, car les tropiques sont à la fois le berceau et l’exemple le plus visible de la biodiversité.

7. Effets de la perte de biodiversité et du changement climatique sur l’homme

71. On constate l’apparition d’autres effets régionaux du changement climatique sur les milieux naturels et l’environnement humain, bien que nombre d’entre eux soient difficiles à déceler en raison de l’adaptation des facteurs non climatiques, tels que la surmortalité liée à la chaleur en Europe, l’évolution des vecteurs de maladies infectieuses dans certaines régions d’Europe ou la précocité et la recrudescence de la production saisonnière de pollens allergènes aux moyennes et hautes latitudes de l’hémisphère Nord.
72. Les événements dramatiques survenus durant l’été 2003 ou l’hiver dernier sont beaucoup plus importants et sans précédent. Si ces catastrophes naturelles (précipitations, crues, canicule et sécheresse) se multiplient, les conséquences seront graves pour les organismes, compromettant ainsi la qualité de vie de l’homme.
73. Il est à craindre également que le changement climatique affectera de manière négative le progrès social et économique dans les pays en développement.
74. Selon les experts, il est difficile de dissocier les défis écologiques des défis sociaux. Pour garantir un avenir digne de l’homme, il faut redéfinir au plus vite la société et l’économie dans le sens de la durabilité.
75. Parmi les industries, les établissements humains et les sociétés les plus vulnérables figurent ceux qui sont situés dans les plaines d’inondation côtières ou fluviales, ceux dont l’économie est étroitement liée aux ressources sensibles aux conditions climatiques et ceux qui sont situés dans des zones connaissant des phénomènes météorologiques extrêmes, en particulier en cas d’urbanisation rapide.
76. Les populations défavorisées peuvent être particulièrement vulnérables lorsqu’elles sont concentrées dans des zones menacées.
77. Le changement climatique aura une incidence sur l’état sanitaire de millions de personnes, du fait notamment de l’intensification de la malnutrition, de l’augmentation du nombre des décès, des maladies et des accidents dus à des phénomènes météorologiques extrêmes, de l’aggravation des conséquences des maladies diarrhéiques, de la multiplication des affections cardiorespiratoires liées aux fortes concentrations d’ozone troposphérique dans les zones urbaines en raison du changement climatique et des modifications de la distribution géographique de certaines maladies infectieuses et allergiques.
78. Le changement climatique aura quelques incidences favorables dans les zones tempérées, notamment une diminution des décès liés à l’exposition au froid, ainsi que quelques effets mitigés, notamment une modification de la diffusion et du potentiel de transmission du paludisme en Afrique. Dans l’ensemble, on s’attend à ce que les effets sanitaires favorables du réchauffement soient contrebalancés par des effets négatifs, en particulier dans les pays en développement.
79. Les facteurs influant directement sur la santé des populations, comme l’éducation, les soins, la prévention publique, le développement des infrastructures et la croissance économique, seront décisifs.
80. Le changement climatique stimule de surcroît la spirale de destruction entre les systèmes sociaux et écologiques. Là encore, ce sont les pays économiquement faibles et les groupes de populations pauvres qui sont les plus affectés. Le changement climatique continuera d’accroître la pression d’exploitation sur les écosystèmes. Ces pays subiront encore plus les répercussions provenant du processus de dégradation écologique et sociale. Paysans sans terre, tributaires de l’exploitation des ressources naturelles, petits paysans africains, habitants de bidonvilles installés dans les cours d’eau asséchés, communautés de pêcheurs, nomades ou chasseurs des zones périphériques des déserts de sable et de glace. Toutes ces personnes n’auront pas grand-chose à opposer aux nouveaux acteurs et aux nouveaux impératifs. Des processus évolutifs insidieux sapent leur mode de vie et les rendront extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles.
81. Il faut donc prévoir des institutions susceptibles de prendre en charge la gestion des ressources naturelles et définir des niveaux d’action locaux, régionaux, nationaux et mondiaux: stratégies de survie individuelle, stratégies budgétaires, stratégies familiales et communautaires, ainsi que des stratégies propres aux niveaux d’action supérieurs (social, politique, économique et institutionnel).

8. Conclusions

82. Le développement durable est un outil qui peut permettre de ralentir la perte de biodiversité, de réduire la vulnérabilité des écosystèmes et de faire reculer les émissions de GES, afin de minimiser notre impact sur le changement climatique.
83. Le rythme et l’ampleur du changement climatique anthropique à venir, et leurs incidences sur la biodiversité et l’être humain, seront déterminés par le choix des nations en définissant leur modèle d’évolution socio-économique.
84. Il s’agit de prendre des mesures spécifiques pour sauvegarder la biodiversité. Il en est de même pour le climat, car ces deux causes offrent un grand potentiel de synergies. Par exemple, des mesures de conservation et de promotion de la diversité biologique peuvent servir aussi à la protection du climat.
85. Des corridors dits climatiques pourraient aider les espèces menacées à quitter les zones protégées présentant des conditions de vie insatisfaisantes et à migrer vers des zones plus hospitalières. Les écosystèmes devront s’adapter, mais il convient de se demander dans quelle mesure cette adaptation – sans perte de biodiversité – sera possible face à l’exploitation intensive du sol et au caractère statique des zones protégées.
86. Une action coordonnée à tous les niveaux doit permettre la conservation et la création d’écosystèmes, afin que ces derniers puissent encore fournir leurs prestations écologiques à l’avenir. Une lutte efficace contre la pauvreté repose en fin de compte sur la gestion et la sauvegarde de ressources et d’écosystèmes intacts.
87. Des écosystèmes riches en espèces peuvent constituer une assurance contre les épisodes naturels extrêmes. Le changement climatique peut donc être l’occasion de sensibiliser le grand public aux problèmes liés à la biodiversité, grâce au vif intérêt qu’ils suscitent.
88. Des mesures visant à restreindre le déboisement et la perte d’habitat naturel peuvent aider à la sauvegarde de la biodiversité et à la préservation des sols et des ressources en eau, et peuvent aussi être mises en œuvre d’une manière socialement et économiquement viable.
89. La modification des modes de vie et des comportements peut concourir à atténuer les effets de l’évolution du climat dans l’ensemble des secteurs. Les méthodes de gestion, la modification des habitudes de consommation, les méthodes d’éducation et de formation, le comportement des habitants, la gestion de la demande en matière de transports et les outils de gestion dans le secteur industriel, entre autres, peuvent aussi exercer une influence positive à cet égard.
90. En fait, l’adoption d’un développement socio-économique durable qui limite les émissions de GES peut atténuer la vulnérabilité au changement climatique et assurer aussi l’existence de l’être humain.
91. Il est possible de contribuer à l’atténuation des effets du changement climatique. Les politiques favorisant l’efficacité énergétique et promouvant les énergies renouvelables présentent souvent des avantages économiques, améliorent la sécurité énergétique et permettent de réduire localement les émissions polluantes.

***

Commission chargée du rapport: commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Renvois en commission: Doc. 11484, Renvoi 3409 du 25 janvier 2008 et Doc. 12093, Renvoi 3648 du 29 janvier 2010

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 7 avril 2010

Membres de la commission: M. Aleksei Lotman (Président), M. John Prescott (1er Vice-Président), Mme Elsa Papadimitriou (2e Vice-Présidente), M. Nigel Evans (3e Vice-Président), M. Remigijus Ačas, M. Ruhi Açikgöz, M. Artsruni Aghajanyan, M. Gerolf Annemans, M. Miguel Arias Cañete, M. Alexander Babakov, Mme Juliette Boulet, M. Tor Bremer, M. Vladimiro Crisafulli, M. Karl Donabauer, M. Miljenko Dorić, M. Gianpaolo Dozzo, M. Tomasz Dudziński (remplaçant: M. Stanislaw Huskowski), M. József Ekes, M. Savo Erić, M. Bill Etherington, M. Joseph Falzon, M. Relu Fenechiu, M. Rafael Huseynov, M. Jean Huss, M. Fazail İbrahimli, M. Stanislav Ivanov, M. Igor Ivanovski, M. Birkir Jón Jónsson, M. Stanisław Kalemba, M. Guiorgui Kandelaki, M. Oskars Kastēns, M. Haluk Koç, M. Juha Korkeaoja, M. Bojan Kostreš, M. Pavol Kubovič, M. Paul Lempens, M. François Loncle, Mme Kerstin Lundgren, M. Theo Maissen, Mme Christine Marin, M. Yevhen Marmazov, M. Bernard Marquet, M. Alan Meale, M. Peter Mitterer, M. Pier Marino Mularoni, M. Adrian Năstase (remplaçant: M. Attila Bela Ladislau Kelemen), M. Aleksandar Nenkov, M. Pasquale Nessa, M. Thomas Nord, Mme Carina Ohlsson, M. Joe O’Reilly, M. Holger Ortel (replaçant: M. Axel Schäfer), M. Dimitrios Papadimoulis, M. Germinal Peiro, M. Ivan Popescu, M. Cezar Florin Preda, M. Gabino Puche Rodríguez-Acosta, M. Lluís Maria de Puig i Olive, Mme Jadwiga Rotnicka (remplaçant: M. Dariusz Lipiński), M. René Rouquet, M. Giacinto Russo, M. Džavid Šabović, M. Fidias Sarikas, M. Leander Schädler, M. Mykola Shershun, M. Hans Kristian Skibby, M. Ladislav Skopal, Mme Karin Strenz, M. Valeriy Sudarenkov, M. László Szakács, M. Vyacheslav Timchenko, M. Dragan Todorović, M. Nikolay Tulaev, M. Tomas Úlehla, M. Mustafa Ünal, M. Serafim Urechean, M. Peter Verlič, M. Harm Evert Waalkens, M. Hansjörg Walter

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Agnès Nollinger, M. Bogdan Torcătoriu et M. Jérémie Zaloszyc