Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12555 | 28 mars 2011

Combattre la pauvreté

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Luca VOLONTÈ, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12145, Renvoi 3651 du 12 mars 2010. 2011 - Deuxième partie de session

Résumé

L’aggravation récente de la pauvreté, associée à une augmentation concomitante de l’exclusion sociale, met en danger la pleine jouissance des droits fondamentaux d’une partie de plus en plus importante de la population et la cohésion sociale de nos sociétés.

Il est donc devenu urgent de revoir véritablement les politiques publiques afin de combattre la pauvreté. Les Etats membres sont invités à s’engager à mettre fin d’ici à 2025 à la pauvreté de l’enfance et à la grande pauvreté en Europe. Les stratégies de réduction de la pauvreté devraient être fondées sur les principes des droits humains et assurer en particulier aux personnes démunies l’accès aux droits sociaux et la pleine jouissance de ceux-ci.

Les mécanismes internationaux de protection des droits humains, y compris les instruments de protection des droits sociaux du Conseil de l’Europe, comme la Charte sociale européenne (révisée), et les Principes et Directives du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits humains, devraient servir de base aux Etats membres pour intervenir.

L’efficacité des mesures prises pour combattre la pauvreté et l’exclusion sociale devrait être suivie régulièrement pour faire en sorte que les stratégies et les mesures des Etats membres satisfassent aux besoins de ceux qui connaissent la pauvreté, qu’elles en empêchent d’autres de tomber dans la misère et qu’elles aident les personnes démunies à reprendre pied.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 22 mars
2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire insiste sur la nécessité de protéger les droits humains et les libertés fondamentales de toutes les personnes, quelle que soit leur situation économique.
2. L’Assemblée regrette l’inquiétante montée de la pauvreté en Europe ces dernières années, qui s’explique notamment par la crise économique engendrée par la crise financière.
3. La pauvreté est un obstacle à la jouissance des droits humains, qu’ils soient droits politiques, civils, sociaux, économiques ou culturels. L’Assemblée appuie par conséquent pleinement le principe selon lequel chacun a le droit d’être protégé contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
4. La pauvreté, qui engendre et aboutit à l’absence d’accès aux droits humains, ne peut être éliminée que si les stratégies de réduction de la pauvreté sont fondées sur ces droits. Fort de ses mécanismes de protection des droits humains, les plus efficaces en Europe, le Conseil de l’Europe est un acteur de premier plan de la lutte contre la pauvreté.
5. L’Assemblée appelle les Etats membres:
5.1. à s’engager à mettre fin à la pauvreté: après s’être engagés à mettre fin à la pauvreté d’ici à 2015 dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement, le moment est venu de s’engager à éliminer la pauvreté des enfants et la grande pauvreté d’ici à 2025;
5.2. à faire entendre la voix des personnes vivant dans la pauvreté: envisager de mettre en place de nouvelles formes de gouvernance et de participation pour associer les personnes touchées par la pauvreté, renforcer leurs capacités et favoriser l’inclusion sociale de tous;
5.3. à veiller à ce que les stratégies de réduction de la pauvreté soient fondées sur les principes des droits humains, en assurant notamment l’accès des personnes touchées par la pauvreté aux droits sociaux et à leur pleine jouissance par les intéressés;
5.4. à adopter un plan d’action fixant notamment des objectifs ciblés et quantifiés;
5.5. à renforcer l’aide et la coopération internationales en matière de réduction de la pauvreté en s’appuyant notamment sur les mécanismes normatifs du Conseil de l’Europe dans le domaine de la sécurité sociale;
5.6. à accroître les investissements dans le capital humain, le capital économique, les infrastructures, le capital naturel, le capital institutionnel public et le capital des connaissances, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de sécurité ni de développement sans investissements;
5.7. à accroître les investissements dans l’enseignement et la scolarisation en vue d’augmenter le niveau de qualification des jeunes sortant du système éducatif;
5.8. à prendre des mesures pour permettre, notamment, l’accès sans entrave aux possibilités d’emploi, à une aide médicale et à un logement satisfaisants, sans discrimination;
5.9. à garantir le droit à une rémunération équitable en fixant un salaire minimum satisfaisant, reconnaissant le droit des travailleurs à une rémunération qui leur assure, ainsi qu’à leurs familles, des conditions de vie décentes;
5.10. à offrir la garantie d’un revenu minimum permettant d’assurer l’inclusion sociale de ceux qui n’ont pas la possibilité de travailler ou qui en sont incapables;
5.11. à veiller à ce que les stratégies et mesures répondent aux besoins des personnes touchées par la pauvreté, empêchent les personnes de tomber dans la pauvreté en leur accordant une aide lorsqu’elles sont dans une situation critique, et aident les personnes touchées par la pauvreté à s’en sortir;
5.12. à adopter une approche multipartite pour s’attaquer aux problèmes liés à la pauvreté, en tenant dûment compte des responsabilités des parties prenantes: syndicats, entreprises, institutions financières, organes directeurs de l’administration, société civile, etc.;
5.13. à favoriser les progrès de la science pour trouver de nouvelles solutions et répondre aux besoins non satisfaits des personnes vivant dans la pauvreté;
5.14. à favoriser le renforcement de la cohésion sociale au moyen du bénévolat, utilisé comme moyen supplémentaire de lutter contre la pauvreté;
5.15. à prévenir la transmission intergénérationnelle de la pauvreté en renforçant en particulier la solidarité entre les générations et la cohésion familiale;
5.16. à adopter une démarche volontaire ayant pour objectif de favoriser la prospérité et d’améliorer le bien-être de chacun.
6. La Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) est l’instrument de protection des droits humains le plus avancé, qui prévoit notamment la protection contre la pauvreté parmi ces dispositions. L’article 30, sur le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, devrait donc devenir l’une des dispositions clés de la Charte sociale européenne (révisée), au titre de son article A, paragraphe 1.b, et tous les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient accepter d’être liés par cette disposition. Les pays devraient se fixer pour objectif de ratifier et d’appliquer la Charte sociale européenne (révisée) dans son intégralité.
7. L’Assemblée appuie fermement les Principes et Directives du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits humains, et invite les Etats membres à tenir dûment compte des directives dans l’élaboration de leurs politiques publiques et décisions budgétaires pertinentes.
8. L’Assemblée invite les parlements nationaux à continuer d’œuvrer en faveur de la signature, de la ratification et de l’application des instruments de protection sociale du Conseil de l’Europe, à savoir la Charte sociale européenne (révisée) et les protocoles y relatifs; la Convention européenne sur la sécurité sociale (STE no 78), l’Accord complémentaire pour son application (STE no 78A) et le Protocole y relatif (STE no 154), ainsi que le Code européen de sécurité sociale (révisé) (STE no 139).
9. L’Assemblée invite ses membres à sensibiliser la population aux avantages de l’inclusion sociale et à la nécessité de lutter contre la pauvreté, en favorisant une plus grande ouverture d’esprit à l’égard des personnes touchées par la pauvreté et en évitant qu’elles soient stigmatisées.
10. L’Assemblée souligne la nécessité d’évaluer régulièrement l’efficacité des mesures prises au moyen, notamment, de débats thématiques à l’Assemblée parlementaire et de l’utilisation effective des mécanismes de suivi établis par les instruments conventionnels du Conseil de l’Europe, de façon à lutter contre la pauvreté et à favoriser la prospérité et la cohésion sociale.
11. Dans le cadre de son débat bisannuel sur les droits de l’homme et les droits sociaux, l’Assemblée décide de reprendre la question de la lutte contre la pauvreté en 2013, en évaluant les progrès accomplis en la matière.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 22 mars
2011.

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2011), l’Assemblée parlementaire est convaincue que les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent honorer leurs engagements de façon à garantir les droits et libertés fondamentaux pour tous.
2. L’Assemblée considère que les gouvernements devraient avancer dans la voie de la ratification des traités européens pertinents, en particulier ceux qui peuvent avoir une incidence directe sur la situation des personnes touchées par la pauvreté.
3. L’Assemblée voudrait par conséquent réaffirmer qu’il importe d’appliquer les dispositions de l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) de façon à garantir «l’exercice effectif du droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale». Les Etats membres sont priés «de prendre des mesures dans le cadre d’une approche globale et coordonnée pour promouvoir l’accès effectif notamment à l’emploi, au logement, à la formation, à l’enseignement, à la culture, à l’assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d’exclusion sociale ou de pauvreté, et de leur famille».
4. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres:
4.1. de prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager la ratification et l’application de la Charte sociale européenne (révisée) et des protocoles y relatifs, et d’assurer le suivi de l’application de la Charte (révisée) en application de son article C, y compris par le biais de la procédure de réclamations collectives;
4.2. de faire notamment en sorte que l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) devienne partie intégrante des dispositions clés au titre de l’article A, paragraphe 1.b, de façon à permettre l’élaboration de politiques de lutte contre la pauvreté et l’examen des progrès accomplis en la matière. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient accepter d’être liés par les dispositions de l’article 30;
4.3. de demander aux Etats membres de tenir dûment compte des Principes et Directives du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme lorsqu’ils élaborent leurs politiques publiques et décisions budgétaires pertinentes;
4.4. de favoriser la signature, la ratification et l’application, en plus de la Charte sociale européenne (révisée), des instruments de protection des droits sociaux du Conseil de l’Europe, à savoir:
4.4.1. la Convention européenne sur la sécurité sociale (STE no 78), l’Accord complémentaire pour son application (STE no 78A), et son Protocole (STE no 154);
4.4.2. le Code européen de sécurité sociale (révisé) (STE no 139);
4.5. de revoir la structure actuelle de son programme d’activités pour améliorer la coordination des mesures existantes et adopter, le cas échéant, des mesures transversales pour lutter contre la pauvreté et améliorer l’accès des personnes touchées par la pauvreté à l’ensemble des droits humains – civils, politiques, économiques, sociaux et culturels;
4.6. de prendre des mesures pour renforcer la capacité du Conseil de l’Europe à concevoir des politiques et programmes fondés sur l’analyse des faits, notamment des mesures visant à ce que soient entreprises des analyses comparées des indicateurs de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans les Etats membres, en complément du Système d’information mutuelle sur la protection sociale du Conseil de l’Europe (MISSCEO);
4.7. de prendre des mesures pour que soient recueillies, et régulièrement comparées, des données pertinentes telles que le salaire minimum et les prestations liées au travail (emploi) dans les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne, pour obtenir des éléments d’appréciation pour élaborer les politiques futures;
4.8. de prendre d’urgence des mesures pour appliquer des dispositions transversales spécifiques axées sur la protection des enfants, des femmes, des personnes handicapées, des personnes âgées ainsi que des personnes issues de minorités et de communautés de migrants en situation de pauvreté;
4.9. de concevoir et mettre en place des institutions non bureaucratiques, accessibles et efficaces, tel un médiateur de la pauvreté auquel les personnes vivant dans la pauvreté pourraient adresser leurs préoccupations, avis et demandes;
4.10. de tenir dûment compte du prochain débat bisannuel de l’Assemblée parlementaire sur la situation des droits de l’homme et des droits sociaux en Europe et faire le point sur les mesures prises pour protéger les droits humains des personnes touchées par la pauvreté avant la tenue de tels débats, par exemple sur le suivi des progrès accomplis en matière de lutte contre la pauvreté en 2013.

C. Exposé des motifs. par M. Volontè, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le phénomène de pauvreté a récemment explosé en Europe: on estime à 80 millions environ le nombre de personnes touchées dans l’Union européenne 
			(3) 
			L’on considère qu’un
foyer est touché par la pauvreté si son revenu est inférieur à 60 %
du revenu familial médian pour l’année concernée. Ce seuil de pauvreté
dépend du nombre de personnes dans le foyer et montre que les familles nombreuses
ont besoin de plus d’argent (même si cela n’est pas proportionnel)
que les familles moins nombreuses pour parvenir au même niveau de
vie. Au Royaume-Uni, en 2008-2009, 60 % du revenu médian hebdomadaire
s’élevait à 119 livres sterling pour un adulte célibataire, à 161
livres pour un parent isolé avec un enfant de moins de 14 ans, et
à 288 livres pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans
(voir Anushree Parekh, Tom MacInnes et Peter Kenway, Monitoring poverty and social exclusion 2010)., ce qui représente 16 % de la population 
			(4) 
			Statistiques de l’Union
européenne: 
			(4) 
			<a href='http://www.2010againstpoverty.eu/export/sites/default/extranet/Eurobarometre_091216_FR.pdf'>www.2010againstpoverty.eu/export/sites/default/extranet/Eurobarometre_091216_FR.pdf</a>.. La Banque mondiale estime à 60 millions le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars des Etats-Unis par jour en Europe de l’Est et dans l’ex-Union soviétique 
			(5) 
			Voir le rapport d’Assad
Alam, octobre 2005: 
			(5) 
			<a href='http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/ECAEXT/0,,contentMDK:20627214~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:258599,00.html'>http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/ECAEXT/0,,contentMDK:20627214~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:258599,00.html</a>.. Pour avoir un aperçu satisfaisant de la situation en Europe, il faudrait recueillir des données comparatives pour les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne.
2. On constate également, outre le développement de la pauvreté relative, celui de la grande pauvreté 
			(6) 
			Un revenu inférieur
à 1 dollar des Etats-Unis par jour correspond au «seuil de pauvreté
absolue». . Le fait de ne pas avoir de revenus suffisants a des répercussions sur la quasi-totalité des aspects de la vie – accès au logement et aux soins de santé, accès aux systèmes de sécurité et de protection sociale, et accès à l’éducation et à l’emploi. La pauvreté revêt de nombreuses facettes, parmi lesquelles la solitude et l’exclusion sociale.
3. La pauvreté n’est pas qu’une question de revenu, elle est aussi, plus fondamentalement encore, une question de possibilité d’accéder à une vie digne et de jouir des droits humains et des libertés élémentaires. Elle consiste en un ensemble de privations liées entre elles qui se renforcent mutuellement (par exemple l’alimentation, le logement, l’éducation, les soins de santé), privations qui ont une incidence sur la capacité de revendiquer et d’exercer ses droits civils, culturels, politiques et sociaux 
			(7) 
			Avant-propos par Louise
Arbour, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,
«Principes et Directives pour une approche des stratégies de réduction
de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme», HR/PUB/06/12..
4. La crise économique n’a fait que compliquer les choses. L’incidence sociale de la crise dépasse le chômage. La crise a entraîné une augmentation du nombre de sans-abri, le surendettement, l’inégalité, et a détruit la confiance dans l’avenir. Comme l’a souligné le Réseau européen antipauvreté (EAPN), le taux élevé de chômage, et ses conséquences préjudiciables au plan psychologique, ainsi que la montée des tensions, risquent avec le temps de fabriquer des «générations sacrifiées». Mais cette perspective ne doit pas freiner le mouvement en faveur de l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes.
5. Le présent rapport analyse la pauvreté sous l’angle des droits humains et propose des solutions susceptibles de changer la donne en Europe dans les années à venir.

2. Aperçu de la situation actuelle des personnes vivant dans la pauvreté en Europe

6. La Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (1996-2007), l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, lancée par l’Union européenne en 2010, suivie par la mise en place de la Plate-forme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale: un cadre européen pour la cohésion sociale et territoriale 
			(8) 
			Voir la Communication
de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique
et social européen, et au Comité des régions sur la Plate-forme
européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale: un cadre européen
pour la cohésion sociale et territoriale (COM/2010)758final, 
			(8) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0758:FIN:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0758:FIN:FR:PDF</a>) 
			(8) 
			et les Conclusions du Conseil de l’Union
européenne sur la Plate-forme (7 mars 2011) 
			(8) 
			(<a href='http://www.consilium.europa.eu//uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/lsa/119620.pdf'>www.consilium.europa.eu//uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/lsa/119620.pdf</a>). , les activités du Comité européen des Droits sociaux et les premières conclusions du projet conjoint Conseil de l’Europe-Union européenne intitulé «Les droits humains des personnes en situation de pauvreté» (2010-2012) apportent des éléments importants à la réflexion sur les mesures qui doivent être prises par les Etats membres pour réaliser l’objectif visant à faire sortir les populations de la pauvreté.
7. Le 15 novembre 2010, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille a organisé une audition de représentants de la société civile sur la question de la lutte contre la pauvreté 
			(9) 
			Voir le site <a href='http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=6078'>http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=6078</a>., à laquelle ont participé le Mouvement international ATD Quart-Monde, Child Poverty Action Group (Royaume-Uni), Caritas Europe et le Réseau européen antipauvreté (EAPN) 
			(10) 
			Le procès-verbal de
l’audition a été déclassifié et est disponible auprès du secrétariat
de la commission.. Il est tenu compte dans le présent rapport des vues exprimées lors de cette audition.
8. De nombreux participants, y compris des membres de l’Assemblée parlementaire, ont déclaré que «tous ces facteurs s’expliquent par la pauvreté»: la migration pour des raisons économiques par laquelle les personnes touchées par la pauvreté s’efforcent de trouver des solutions pour assurer la survie de leurs familles, le développement inquiétant du trafic d’organes dont la plupart des victimes sont originaires de régions pauvres, les enfants qui se livrent à la mendicité dans les rues et qui finissent dans des réseaux pédophiles 
			(11) 
			Idesbald Nicaise et
Françoise de Boe, «La lutte contre la pauvreté en tant que question
relative aux droits de l’homme en Belgique, Commentaires sur le
rapport de M. Arjun Senguupta (E/CN.4/2006/43) fondés sur l’expérience
du Centre de documentation belge sur la lutte contre la pauvreté»,
p. 1., les sans-abri victimes du froid mourant dans la rue, ou les hôpitaux refusant les patients qui n’ont pas d’assurance-santé. La pauvreté est dégradante et peut marginaliser.
9. L’Union européenne a adopté une stratégie de réduction de 20 % du nombre de personnes touchées par la pauvreté d’ici à 2020. L’enquête de 2009 de l’Eurobaromètre sur la pauvreté et l’exclusion sociale 
			(12) 
			Brochure
de l’Eurobaromètre: 
			(12) 
			<a href='http://www.2010againstpoverty.eu/export/sites/default/extranet/Eurobarometre_091216_FR.pdf'>www.2010againstpoverty.eu/export/sites/default/extranet/Eurobarometre_091216_FR.pdf</a> et rapport sur la pauvreté et l’exclusion sociale: <a href='http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_321_en.pdf'>http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_321_en.pdf</a>. montre que 89 % des répondants considèrent que des mesures urgentes doivent être prises par leurs gouvernements pour lutter contre la pauvreté. Selon l’EAPN, il n’y a eu aucun véritable progrès en Europe ces dernières années, ce qui montre que les politiques existantes ne sont pas venues à bout de la pauvreté et qu’il faut adopter une autre approche. Le Comité de la protection sociale, dans son rapport au Conseil de l’Union européenne publié le 18 février 2011, offre une évaluation de la dimension sociale de la Stratégie européenne 2020 
			(13) 
			Voir le site 
			(13) 
			<a href='http://www.lex.unict.it/eurolabor/documentazione/altridoc/ricerche_rapporti/SPC_Europe2020_social_dim_Feb11.pdf'>www.lex.unict.it/eurolabor/documentazione/altridoc/ricerche_rapporti/SPC_Europe2020_social_dim_Feb11.pdf</a>. . Le messaqe principal de ce rapport est que la réalisation de l’objectif consistant à sortir 20 millions de personnes de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans l’Union européenne au cours de la prochaine décennie nécessite des objectifs ambitieux et des mesures spécifiques, ainsi que la mobilisation de toutes les parties prenantes 
			(14) 
			Voir le site <a href='http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st06/st06624.en11.pdf'>http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/11/st06/st06624.en11.pdf</a>..
10. Le Mouvement international ATD Quart-Monde appelle l’attention sur le fait que pour atteindre l’objectif de réduction de 20 %, il se peut que les personnes touchées par l’extrême pauvreté ne soient tout simplement pas prises en compte dans les statistiques, ce qui aboutirait de fait à abandonner les personnes concernées. Il est plus facile pour les gouvernements de se concentrer sur celles que l’on peut sortir plus aisément de la pauvreté. Venir en aide à ceux qui sont complètement exclus est bien plus difficile. L’auteur exhorte par conséquent les décideurs à faire en sorte que ces personnes ne soient pas laissées pour compte.

2.1. Enfants en situation de pauvreté

11. Pour les enfants pauvres, la situation est particulièrement difficile. On estime que 19 millions d’enfants sont victimes de la pauvreté dans l’Union européenne. Comme l’a souligné Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, lutter contre la pauvreté des enfants est une question politique prioritaire. Les enfants qui grandissent dans la pauvreté sont plus vulnérables que les autres. Ils sont davantage susceptibles d’être en mauvaise santé, d’avoir de mauvais résultats scolaires, d’être confrontés à la police, de ne pas acquérir de compétences professionnelles et, par conséquent, d’être au chômage ou mal payés et de dépendre de l’aide sociale dans leur vie future. La pauvreté des enfants est la première étape vers des écarts et des inégalités plus grands dans la société, et tel un cercle vicieux elle a tendance à se transmettre d’une génération à l’autre 
			(15) 
			Voir le site 
			(15) 
			<a href='http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog.php?blogId=2&date_min=1291158000&date_max=1293836399'>http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog.php?blogId=2&date_min=1291158000&date_max=1293836399</a>h..
12. L’extrême pauvreté déchire souvent les familles. Comme l’a souligné le Mouvement international ATD Quart-Monde 
			(16) 
			Représenté par Mme
Marie-Cécile Renoux. lors de l’audition du 15 novembre 2010, les enfants sont souvent pris en charge lorsque les parents n’ont pas suffisamment d’argent pour les aider. Malheureusement, des ressources ne sont pas toujours mobilisées pour permettre aux enfants de réintégrer leurs familles.
13. L’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) signale que dans les 30 pays examinés 
			(17) 
			Voir le site <a href='http://www.oecd.org/dataoecd/52/43/41929552.pdf'>www.oecd.org/dataoecd/52/43/41929552.pdf</a>., près de 12 % des enfants risquaient de tomber dans la pauvreté au milieu des années 2000. Il y avait des écarts importants selon les pays. Le taux de pauvreté des enfants était inférieur à 5 % au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède, mais dépassait 20 % en Pologne, en Turquie, au Mexique et aux Etats-Unis. En général, les taux de pauvreté des enfants étaient supérieurs à ceux de la population en général, sauf en Autriche, en Australie, au Danemark, en Finlande, en Norvège, en Slovénie, en Suède, au Japon et en Corée (voir annexe 1).
14. Bien que plusieurs facteurs contribuent à la pauvreté des enfants, deux d’entre eux sont importants et posent les questions de savoir si l’enfant vit avec un seul parent et si ce dernier est ou non salarié. Les enfants qui vivent avec un seul parent risquent davantage de se retrouver dans la pauvreté que ceux qui vivent avec deux adultes. Toutefois, la probabilité d’être pauvre est fortement liée à la situation des parents au regard de l’emploi. Dans les pays de l’OCDE qui comptent davantage de mères salariées, les taux de pauvreté sont moins élevés chez les enfants 
			(18) 
			Ibid.
Voir également la base de données sur la famille de l’OCDE, le rapport
sur la pauvreté des enfants, Chart CO2.2.C. Taux de pauvreté par
foyer type, au milieu des années 2000: 
			(18) 
			<a href='http://www.oecd.org/document/4/0,3746,fr_2649_34819_40543545_1_1_1_1,00.html'>www.oecd.org/document/4/0,3746,fr_2649_34819_40543545_1_1_1_1,00.html</a>..
15. Ainsi qu’indiqué par le Child Poverty Action Group, les statistiques britanniques montrent que la pauvreté des enfants a doublé entre 1979 et 1997, passant de 2 millions en 1979 à 4,4 millions d’enfants en 1997. Les études montrent que la pauvreté prive les enfants de leurs chances de vie. A la suite d’une mobilisation massive de la société civile, le Gouvernement britannique a adopté la loi sur la pauvreté des enfants 
			(19) 
			Les
objectifs fixés par Tony Blair en 1999 visaient à mettre fin pour
toujours à la pauvreté des enfants en vingt ans et de réduire la
pauvreté de 50 % d’ici à 2011. D’importants progrès ont été accomplis
au cours de la période allant de 1999 à 2005, puis il y a eu un
ralentissement. L’objectif était de faire sortir 600 000 personnes
de la pauvreté. Le taux de pauvreté des enfants était de 30 %, soit
3,9 millions d’enfants (frais de logement déduits). , un texte contraignant qui met à la charge de tous les gouvernements britanniques successifs l’obligation de mettre fin à la pauvreté des enfants d’ici à 2020. Cette loi est axée sur six obligations: mettre fin à la pauvreté, établir et rendre publique une stratégie prévoyant des «jalons essentiels», établir une commission indépendante sur la pauvreté des enfants, élaborer un rapport annuel, travailler avec les parties prenantes au niveau local, et prévoit une clause sur les conditions économiques et fiscales.
16. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) souligne la nécessité d’agir pour améliorer le bien-être des enfants 
			(20) 
			Voir UNICEF «La pauvreté
des enfants en perspective: Vue d’ensemble du bien-être des enfants
dans les pays riches», Bilan Innocenti 7, 2007; et UNICEF, «Les
enfants laissés pour compte: tableau de classement des inégalités entre
les enfants des pays riches», Bilan Innocenti 9, Centre de recherches
Innocenti, Florence, 2010. au moyen, notamment, de mesures de réduction de la pauvreté. Des organisations internationales de la société civile comme Eurochild ont lancé, dans le cadre de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2010), un appel visant à ce que la pauvreté des enfants soit éliminée sans plus attendre. Parmi les mesures proposées par Eurochild figurent notamment: l’autonomisation des enfants, l’accès universel à des services de qualité, l’égalité des chances pour tous, la prévention et l’intervention précoces, le soutien aux enfants vulnérables, le renforcement des familles, la promotion de la responsabilité, l’allocation de ressources suffisantes et l’adoption de politiques multidimensionnelles de lutte contre la pauvreté.

2.2. Autres personnes vulnérables à la pauvreté

17. Par temps de crise économique, il convient également de répondre aux besoins d’autres personnes susceptibles de tomber dans la pauvreté et de leur offrir une protection spéciale: les femmes 
			(21) 
			L’Assemblée
a été priée d’examiner de manière approfondie les tendances récentes
de la féminisation de la pauvreté (voir Doc. 11276, rapport sur la féminisation de la pauvreté de
la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes,
rapporteuse: Mme Hermine Naghdalyan (Arménie, ADLE)). Ainsi qu’indiqué
par Mme Gaby Vermot-Mangold (Suisse, SOC) lors du débat parlementaire
du 26 juin 2007, «les jeunes mères isolées et les femmes âgées sont
les principales victimes de la pauvreté», ce qui équivaut à une
«violation des droits de l’homme». Dans sa Résolution 1558 (2007) et dans sa Recommandation
1800 (2007) sur la féminisation de la pauvreté, l’Assemblée a lancé un
appel aux Etats membres afin qu’ils protègent les femmes, qui sont
particulièrement vulnérables à la pauvreté., notamment les mères élevant seules leurs enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes issues de minorités et de communautés de migrants.
18. Les Etats membres devraient prendre des mesures transversales spécifiques pour protéger les personnes particulièrement vulnérables. Des mesures spécifiques visant, par exemple, à améliorer l’accès à l’emploi des personnes handicapées 
			(22) 
			Voir Ligne d’action
4 sur l’emploi du Plan d’action du Conseil de l’Europe en faveur
des personnes handicapées pour la période 2006-2015 (Recommandation
Rec(2006)5 du Comité des Ministres sur le Plan d’action du Conseil
de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation
des personnes handicapées à la société: améliorer la qualité de vie
des personnes handicapées en Europe 2006-2015). entraîneront des progrès dans les vies de milliers de personnes qui, à défaut, n’auraient pas eu de possibilités d’emploi satisfaisantes.

3. Combattre la pauvreté: solutions relevant d’une perspective des droits humains

3.1. Droits humains des personnes touchées par la pauvreté

19. On considère volontiers la pauvreté comme une question sociale. Des mesures d’aide sociale doivent être prises pour sortir les personnes de la pauvreté mais ces mesures ne suffisent pas à elles seules. Des stratégies fondées sur les droits humains, mettant l’individu au cœur de l’élaboration des politiques au lieu de se concentrer sur les seuls aspects économiques, sont aujourd’hui nécessaires.
20. Le respect des droits humains devrait être à la base de toute mesure visant à éliminer la pauvreté, ce qui suppose d’entreprendre un examen complet des systèmes existants d’élaboration des politiques.
21. Il y a lieu de veiller à ce que les droits sociaux de toute la population, y compris les pauvres, soient protégés. Une personne pauvre n’est pas différente, en tant qu’être humain, d’une personne qui ne l’est pas. Aborder la pauvreté sous l’angle des droits humains permet aux personnes pauvres d’être reconnues et de se considérer elles-mêmes comme des personnes, y compris lorsque leur dignité est gravement compromise 
			(23) 
			La
lutte contre la pauvreté en Belgique en tant que question relative
aux droits de l’homme, op. cit.,
p. 7..
22. Considérer que les droits sociaux sont partie intégrante des droits humains – et les protéger en conséquence – exige un engagement de la part des décideurs. Des changements significatifs sont nécessaires dans les modalités d’élaboration des politiques, lois et décisions budgétaires.
23. Il n’y a pas d’universalité des droits humains si ces droits ne sont pas garantis à tous, sans discrimination 
			(24) 
			Le simple fait qu’une
personne soit pauvre ne devrait pas l’empêcher d’exercer ses droits.
Mme Diane Roman, professeur de droit public (France), dans sa thèse
sur le droit public face à la pauvreté, considère que l’évolution
de la théorie contemporaine des droits fondamentaux permet de tirer
une conclusion juridique selon laquelle la pauvreté peut être définie
comme une situation matérielle résultant de la violation des droits
de l’homme. A cet égard, la pauvreté aboutit souvent à une violation
des droits fondamentaux, résultant d’un dysfonctionnement des systèmes
d’administration. Selon l’auteur, «la notion juridique de pauvreté
englobe les droits humains fondamentaux. La pauvreté est considérée
comme un trouble social inacceptable dans la jouissance de droits
fondamentaux visés par le Parlement français en 1998: emploi, logement,
santé, justice, éducation, formation et protection de la culture»,
une formulation, souligne l’auteur, qui est identique à celle du
préambule de la Constitution de la IVe République (27 octobre 1946).. Le principe d’universalité des droits humains, une norme reconnue du droit international, n’est toujours pas une réalité pour un grand nombre de personnes en Europe. La pauvreté est de fait un obstacle à l’exercice des droits humains.
24. Le principe de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits humains est également une norme reconnue du droit international. La perte d’un droit peut aboutir et aboutit à celle d’autres droits. La perte d’un emploi peut entraîner celle de l’accès aux soins de santé. C’est très souvent le cas pour les personnes touchées par la pauvreté. A l’inverse, l’accès à un droit humain donne accès aux autres.
25. La reconnaissance des principes de non-discrimination et d’égalité aide à comprendre que la pauvreté est principalement engendrée par des pratiques discriminatoires – à la fois latentes et patentes. Ce constat appelle la réorientation des stratégies de réduction de la pauvreté, souvent axées sur des questions économiques ciblées, et l’adoption de stratégies plus globales qui visent également les institutions socioculturelles et politico-juridiques qui sous-tendent les structures de la discrimination 
			(25) 
			HCDH, Principes et
Directives pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté
fondée sur les droits de l’homme, p. 5: <a href='http://www2.ohchr.org/english/issues/poverty/docs/poverty_strategies.doc'>www2.ohchr.org/english/issues/poverty/docs/poverty_strategies.doc</a>..
26. Selon l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), les Etats membres doivent assurer «l’exercice effectif du droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale». Les Etats membres sont priés de «prendre des mesures dans le cadre d’une approche globale et coordonnée pour promouvoir l’accès effectif notamment à l’emploi, au logement, à la formation, à l’enseignement, à la culture, à l’assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d’exclusion sociale ou de pauvreté, et de leur famille». Comme l’a souligné le Comité européen des Droits sociaux, être en situation de pauvreté et d’exclusion sociale est contraire à la dignité des êtres humains 
			(26) 
			Déclaration d’interprétation
sur l’article 30, voir notamment les Conclusions de 2003, France,
p. 214.. Des mécanismes de contrôle associant tous les acteurs pertinents, y compris des acteurs de la société civile et des personnes touchées par la pauvreté et l’exclusion, devraient être mis en place 
			(27) 
			Ibid..
27. Il y a lieu de se féliciter à cet égard de la décision de l’Assemblée tendant à ce que les progrès accomplis en matière de droits sociaux en Europe soient examinés dans le cadre d’un débat bisannuel sur la situation des droits de l’homme en Europe, ainsi qu’indiqué dans la Résolution 1792 (2011) sur le suivi des engagements concernant les droits sociaux.
28. En 2001, la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Mme Mary Robinson, a appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer la pauvreté en s’appuyant sur les droits humains 
			(28) 
			«Les
avocats ne devraient pas être les seuls à défendre les droits de
l’homme et, de la même manière, les économistes ne devraient pas
être la seule voix en matière de développement. Le défi consiste
à présent à démontrer en quoi les atouts des principes des droits
de l’homme, qui sont une forme de biens publics internationaux,
peuvent être utiles pour atteindre l’objectif général de développement,
l’élimination de la pauvreté» («Bridging the Gap between Human Rights
and Development», allocution du Président, Banque mondiale, décembre
2001, <a href='http://www.unhchr.ch/Huricane/Huricane.nsf/60a520ce334aaa77802566100031b4bf/2da59cd3ffc033dcc1256b1a0033f7c3?OpenDocument'>http://www.unhchr.ch/Huricane/Huricane.nsf/60a520ce334aaa77802566100031b4bf/2da59cd3ffc033dcc1256b1a0033f7c3?OpenDocument</a>). . Mme Louise Arbour, qui lui a succédé en 2006, a insisté sur la nécessité d’analyser les stratégies de réduction de la pauvreté sous l’angle des droits humains, lorsqu’elle a présenté les Principes et Directives pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits humains. Ces principes et directives préconisent l’intégration dans les stratégies de réduction de la pauvreté de mesures spécifiques visant à garantir le droit au travail, le droit à une alimentation adéquate, le droit à un logement satisfaisant, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à la sûreté personnelle et au respect de la vie privée, le droit à l’égalité d’accès à la justice et l’accès aux droits et libertés politiques 
			(29) 
			Voir
le site <a href='http://www2.ohchr.org/english/issues/poverty/docs/poverty_strategies.doc'>www2.ohchr.org/english/issues/poverty/docs/poverty_strategies.doc</a>..
29. Aujourd’hui, les Nations Unies s’engagent dans la voie d’une protection accrue des droits humains des personnes touchées par la pauvreté 
			(30) 
			Voir
les extraits du rapport de la Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l’homme sur sa 58e session – Genève,
7-25 août 2006, rapporteur: M. Mohammed Habib Cherif, suivi de la
Résolution 2006/9 sur l’application des normes et règles relatives
aux droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre l’extrême
pauvreté 
			(30) 
			 (<a href='http://www.atd-fourthworld.org/IMG/doc/A-HRC-2-2-RES-2006-9-en-with-res.doc'>www.atd-fourthworld.org/IMG/doc/A-HRC-2-2-RES-2006-9-en-with-res.doc</a>)., en dépit de la grave crise qui a sévi et qui empêchera les pays de réaliser le premier des objectifs du Millénaire pour le développement – l’élimination de l’extrême pauvreté et de la faim – d’ici à 2015 
			(31) 
			Voir les objectifs
du Millénaire pour le développement, Rapport 2010, Nations Unies: 
			(31) 
			<a href='http://www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2010.pdf'>www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2010.pdf</a>..

3.2. Mesures visant à renforcer l’accès effectif à tous les droits humains

30. L’efficacité des droits humains commence par un accès effectif à ces droits, sur la base des principes de non-discrimination et d’égalité des chances. L’approche de la réduction de la pauvreté fondée sur les droits humains exige que les lois et institutions susceptibles de favoriser la discrimination à l’égard d’individus et de groupes spécifiques soient abrogées ou supprimées, et que davantage de ressources soient affectées aux domaines d’activité qui peuvent le plus aider les pauvres 
			(32) 
			Principes et Directives
du HCDH pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté
fondée sur les droits de l’homme, p. 5..

3.2.1. Droits civils et politiques

31. Les Etats membres devraient prendre des mesures pour renforcer la participation et l’autonomisation 
			(33) 
			Vues également appuyées
par Caritas et le Réseau européen antipauvreté (EAPN) lors de l’audience
du 15 novembre 2010. Le terme «autonomisation» est utilisé pour
désigner le processus de renforcement des capacités des pauvres,
individuellement ou collectivement, de faire des choix et de les
transformer en mesures et résultats, et de participer, négocier,
influencer, contrôler les institutions qui ont des répercussions
sur leur vie et les amener à rendre des comptes, voir le document
intitulé «Empowerment and Poverty reduction: a Sourcebook» (Washington
D.C., Banque mondiale, 2002) et le site internet de la Banque mondiale
PovertyNet: 
			(33) 
			<a href='http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTPOVERTY/0,,menuPK:336998~pagePK:149018~piPK:149093~theSitePK:336992,00.html'>http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTPOVERTY/0,,menuPK:336998~pagePK:149018~piPK:149093~theSitePK:336992,00.html</a>. des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. On ne peut pas réduire véritablement la pauvreté sans une autonomisation des personnes touchées par elle. Les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur l’amélioration de la situation des travailleurs à faible revenu et l’autonomisation des personnes confrontées à la grande pauvreté, adoptées en mai 2010, insistent sur ce point.
32. Les personnes touchées par la pauvreté souffrent généralement de diverses formes d’insécurité, qui vont de l’insécurité économique à la violence physique.
33. Les politiques visant à éliminer, ou à tout le moins réduire de manière significative, la violence à l’égard des pauvres devraient faire clairement la distinction entre la violence de l’Etat et celle des acteurs non étatiques. La violence peut prendre la forme de menaces de mort, d’agressions violentes, d’intimidation ou de traitement discriminatoire grave 
			(34) 
			Principes
et Directives du HCDH pour une approche des stratégies de réduction
de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme, p. 41-42.. Par conséquent, les efforts visant à renforcer le droit des pauvres à la sécurité personnelle devraient être au cœur des stratégies de réduction de la pauvreté.
34. Des mesures spécifiques devraient être mises en place pour améliorer l’accès des pauvres à la justice: lancer des campagnes d’information sur le droit d’accès à la justice dans les endroits où vivent les pauvres, accroître le nombre de juges et les effectifs du personnel chargé de faire appliquer la loi dans les régions très pauvres, créer des «cliniques du droit» pour les pauvres, améliorer l’accès des pauvres aux tribunaux, en particulier dans les zones rurales isolées, et aider les pauvres victimes d’infractions à traduire les auteurs de celles-ci en justice 
			(35) 
			Ibid.,
p. 45..
35. La pauvreté se caractérise également par l’absence de droits et libertés politiques. Il est donc essentiel que les pauvres participent aux processus de décision. Le principe fondamental des droits humains concernant la prise de décision participative s’en trouve renforcé. La participation est par conséquent le meilleur moyen de prévenir la pauvreté et de lutter contre elle. Les problèmes de la pauvreté et de l’exclusion sociale en Europe devraient donc être traités au moyen de l’Education pour des citoyens démocrates et de l’Education aux droits humains, des programmes dont l’objet est de transmettre le savoir et les compétences requises pour une telle participation démocratique 
			(36) 
			S’attaquer à la pauvreté et à l’exclusion sociale
en Europe au moyen de l’éducation à la citoyenneté démocratique
et l’éducation aux droits de l’homme des adultes, Conférence,
Glasgow, 4-5 mars 2010, Manuel pour les enseignants ECC/EDH, DARE
(Education à la démocratie et aux droits de l’homme en Europe)..
36. Les personnes pauvres devraient être encouragées à exprimer librement et publiquement leurs opinions, idées, revendications politiques et critiques des politiques gouvernementales, et être en mesure de le faire à la fois dans le cadre du processus stratégique de réduction de la pauvreté et en dehors, sans aucune restriction ni limites arbitraires 
			(37) 
			Ibid., p. 49.. La recommandation du HCDH tendant à ce que les gouvernements conçoivent et mettent en place des institutions spéciales non bureaucratiques, accessibles et efficaces, telles qu’un médiateur de la pauvreté à qui les personnes pauvres peuvent adresser leurs préoccupations, opinions et demandes, est effectivement très utile.

3.2.2. Droits sociaux, économiques et culturels

37. De nombreux pays mettent en place des politiques d’aide au revenu pour prévenir les difficultés économiques. Mais les pauvres ne bénéficient pas toujours de cette aide, cela pour plusieurs raisons: ils ne sont pas suffisamment informés et ne sont pas au courant de cette possibilité, ils ont honte de demander des prestations, leur vie est trop chaotique (par exemple, ils souffrent d’addictions) ou ils ont peur d’une surveillance excessive de leurs affaires privées. Par conséquent, il importe au plus haut point de veiller à ce que l’information soit diffusée et que les obstacles à l’accès à ces services soient levés 
			(38) 
			Renforcer
la cohésion sociale: Améliorer la situation des travailleurs à faible
revenu, Autonomisation des personnes confrontées à la grande pauvreté,
Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2010, p. 69.. Des campagnes d’information appropriées à l’intention des personnes touchées par la pauvreté sur les mesures prises pour les aider sont nécessaires.
38. L’exercice du droit à la sécurité sociale peut encore gagner en efficacité si les Etats membres du Conseil de l’Europe ratifient et appliquent la Convention européenne sur la sécurité sociale (STE no 78) 
			(39) 
			Voir le
site <a href='http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CM=8&CL=FRE'>http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CM=8&CL=FRE</a>., l’Accord complémentaire pour son application (STE no 78A) 
			(40) 
			Ibid. et son protocole (STE no 154) 
			(41) 
			Ibid..
39. Il est regrettable qu’un des instruments conventionnels du Conseil de l’Europe les plus importants, qui détermine l’accès à des prestations, à savoir la Convention européenne sur la sécurité sociale, n’ait pas encore été ratifié par un grand nombre de pays. Cette convention s’applique à toute législation sur les branches de la sécurité sociale énumérées ci-après: prestations de maladie et de maternité, prestations d’invalidité, pensions, prestations en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, capital décès, prestations de chômage et allocations familiales. Si tous les Etats membres respectaient ces obligations, il y aurait moins de pauvres aujourd’hui.
40. La thèse selon laquelle l’accès à diverses prestations, et le droit à celles-ci, sont des questions qui dépendent de la situation économique d’un pays a déjà été soutenue pour refuser cet accès. Nous sommes toutefois absolument convaincus que les décisions budgétaires ne devraient pas soumettre l’accès aux droits humains à des conditions. Cela devrait être le contraire – il ne faut pas transiger sur le fait que les droits, une fois acquis et déterminés par des engagements souscrits à l’échelon international, ne doivent pas devenir réversibles ou être soumis à condition. On ne peut pas lutter sérieusement contre la pauvreté si l’on sous-estime l’importance de la ratification et de l’application des instruments de protection sociale du Conseil de l’Europe.
41. Outre le respect des obligations découlant de l’article 30 de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), celui des obligations prévues par d’autres articles, notamment l’article 4 sur le droit à une rémunération équitable 
			(42) 
			Selon l’article 4,
paragraphe 1, les Parties s’engagent «à reconnaître le droit des
travailleurs à une rémunération suffisante pour leur assurer, ainsi
qu’à leurs familles, un niveau de vie décent». , l’article 12 sur le droit à la sécurité sociale, l’article 13 sur le droit à l’aide sociale et médicale, l’article 24 sur le droit à la protection en cas de perte d’emploi et l’article 25 sur le droit des travailleurs à la protection de leurs créances en cas d’insolvabilité de leur employeur, sont essentiels pour assurer l’avenir de la population et lutter contre la pauvreté. La ratification et l’application de l’intégralité de la Charte sociale européenne (révisée) seraient un progrès important dans la voie de la garantie des droits de la population, de la prospérité et du renforcement de la cohésion sociale.
42. Ainsi que précédemment indiqué dans le présent rapport, l’accès des personnes pauvres à un logement décent est essentiel. L’article 31 de la Charte sociale européenne (révisée) affirme clairement que les Etats parties doivent «prendre des mesures destinées: 1. à favoriser l’accès au logement d’un niveau suffisant; 2. à prévenir et à réduire l’état de sans-abri en vue de son élimination progressive et à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes»;
43. Interprétant l’article 31 sur le droit au logement, le Comité européen des Droits sociaux a affirmé que «l’application de la Charte exigeait non seulement des Etats parties qu’ils prennent des mesures juridiques mais qu’ils mobilisent également des ressources et adoptent les procédures opérationnelles nécessaires pour donner pleinement effet aux droits mentionnés» 
			(43) 
			Mouvement international ATD Quart Monde c.
France, Requête no 33/2006, décision sur le fond du 5
décembre 2007, paragraphes 58-71..
44. Les personnes en situation de pauvreté devraient également avoir accès à une aide médicale adéquate, comme le prévoit l’article 13 de la Charte sociale européenne (révisée) qui appelle à une assistance sociale et médicale telle que «toute personne qui ne dispose pas des ressources suffisantes et qui n’est pas en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les recevoir d’une autre source, notamment par des prestations résultant d’un régime de sécurité sociale, puisse obtenir une assistance appropriée et, en cas de maladie, les soins nécessités par son état».
45. L’accès à l’éducation, à l’orientation et à la formation professionnelles est important dans la mesure où il donne une base solide pour acquérir les aptitudes et compétences qui permettent d’accéder à un emploi rémunéré. Toutes les stratégies de réduction de la pauvreté devraient mettre l’accent sur la réalisation du droit à l’éducation et veiller à ce que les personnes qui vivent dans la pauvreté soient les premières à bénéficier d’un meilleur accès à l’éducation. Enfin, l’accès à l’emploi et aux autres types d’intégration professionnelle (y compris le travail indépendant sur la base de l’entreprenariat) devrait donc être favorisé plus avant.
46. La sécurité sociale a un rôle de premier plan à jouer en matière de réduction de la pauvreté. Les données les plus récentes montrent qu’en 2009 les transferts sociaux, y compris les pensions, ont fait baisser le risque global de pauvreté de 26 points dans l’Union européenne, qui passent de 42,3 à 16,3 % (Eurostat, 2010).
47. Le Code européen de sécurité sociale est l’instrument normatif fondamental du Conseil de l’Europe dans le domaine de la sécurité sociale (STE no 48). Il prévoit des normes minimales pour neuf branches principales de la sécurité sociale, fondées sur le droit à la sécurité sociale consacré par l’article 12 de la Charte sociale européenne (révisée), et crée un mécanisme de contrôle qui s’appuie sur des rapports nationaux. Le code garantit le respect des normes de sécurité sociale au moyen d’une procédure annuelle de contrôle, fondée sur les rapports nationaux et les résolutions du Comité des Ministres concernant chaque Partie contractante. Il n’y a pas d’instrument normatif équivalent au niveau de l’Union européenne. Le code a été ratifié par 21 Etats membres.
48. Je suis donc profondément convaincu que les Etats membres doivent prendre des mesures pour appliquer les règles de droit non contraignantes et les instruments conventionnels du Conseil de l’Europe, de façon à favoriser l’accès effectif aux droits humains des personnes touchées par la pauvreté. Concernant les résolutions et recommandations, il convient d’appeler l’attention sur ce qui suit:
  • Résolution 1558 (2007) de l’Assemblée et Recommandation 1800 (2007) sur la féminisation de la pauvreté;
  • Résolution 1717 (2010) de l’Assemblée sur les répercussions sociales de la crise économique;
  • Lignes directrices sur l’amélioration de la situation des travailleurs à faible revenu et sur l’autonomisation des personnes confrontées à la grande pauvreté, adoptées par le Comité des Ministres le 5 mai 2010 à la 1084e réunion des Délégués des Ministres;
  • Recommandation CONF/PLE (2009) Rec8 sur la lutte contre la pauvreté, adoptée par la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) du Conseil de l’Europe le 1er octobre 2009.
49. Il y a également lieu de rappeler les décisions prises par cette Assemblée dans sa Résolution 1717 (2010) sur les répercussions sociales de la crise économique. Grâce à des systèmes durables de protection sociale et de couverture santé destinés à aider les personnes vulnérables, l’on peut empêcher la pauvreté de progresser et remédier aux difficultés sociales, tout en aidant également à stabiliser l’économie, à maintenir l’emploi et à le promouvoir. L’Assemblée a appelé, entre autres mesures, à l’adoption de programmes d’allocations monétaires destinés à répondre aux besoins immédiats des pauvres et à faire reculer la pauvreté (paragraphe 11.1), à instaurer une protection sociale adéquate pour tous (…) (paragraphe 11.2.), à étendre la durée et la couverture des allocations chômage (…) (paragraphe 11.3), à faire en sorte que les chômeurs de longue durée gardent le contact avec le monde du travail en développant leurs compétences pour favoriser leur accès à l’emploi (paragraphe 11.4).
50. Je suggérerais également de renforcer la capacité du Conseil de l’Europe à effectuer des analyses comparées des indicateurs de la pauvreté, offrant des renseignements essentiels pour élaborer les politiques de lutte contre la pauvreté. C’est le cas des données comparées fournies par le Système mutuel d’information sur la protection sociale du Conseil de l’Europe (MISSCEO).
51. Le MISSCEO favorise le partage régulier de renseignements sur la protection sociale dans les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne, ainsi que dans trois Etats non européens 
			(44) 
			Le MISSCEO est opérationnel
depuis 1999 et couvre aujourd’hui les pays suivants: Albanie, Arménie,
Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Géorgie, Moldova, Fédération
de Russie, Serbie, «L’ex-République yougoslave de Macédoine», Turquie
et Ukraine, ainsi que l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
Il couvre les branches spécifiques de la législation sur la protection
sociale suivantes: soins de santé, prestations en espèce en cas
de maladie, maternité, invalidité, vieillesse, survivants, accidents
du travail et maladies professionnelles, prestations familiales, chômage,
et assurance de ressources suffisantes pour préserver du risque
de pauvreté 
			(44) 
			(<a href='http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialsecurity/missceo/missceo_FR.asp'>www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialsecurity/missceo/missceo_FR.asp</a>). . Il établit régulièrement des tableaux comparatifs des systèmes de protection sociale dans les pays qu’il couvre, synthétisant la législation relative à la protection sociale et complétant les tableaux comparatifs du MISSOC, le Système d’information mutuelle sur la sécurité sociale dans les Etats membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse.
52. Le MISSCEO fournit un examen détaillé de la législation dans une série de domaines particuliers de la protection sociale. Les cumuls de différentes mesures de protection sociale sont régulièrement passés en revue. Les données comparatives sur les cumuls de pensions de vieillesse et de revenus tirés du travail témoignent d’une grande variété d’approches parmi les Etats membres, lesquelles vont de la suspension des pensions de vieillesse lorsque des revenus du travail sont perçus (Albanie, Croatie, «L’ex-République yougoslave de Macédoine») à l’acceptation du plein cumul (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldova, Fédération de Russie, Ukraine). En Serbie, il n’y a pas de plafond, sauf si le bénéficiaire de la pension vit à l’étranger: la pension de vieillesse est suspendue pendant cette période. En Turquie, un changement apporté à la législation en 2008 a abouti à un système en vertu duquel plusieurs régimes de pension s’appliquent. Pour les travailleurs assurés pour la première fois après le 1er octobre 2008, la pension est suspendue si ces retraités reprennent un emploi, ce qui n’est pas toujours le cas pour ceux qui étaient assurés avant 2008, certains pouvant obtenir jusqu’à 30 % de la pension sur présentation d’une demande écrite aux services sociaux.
53. Il est essentiel de déterminer les meilleures approches en matière de lutte contre la pauvreté. A cet égard, les conclusions devraient être fondées sur l’analyse des faits. En même temps, il faudrait réaffirmer que la protection des droits humains doit être à la base de toute décision relative à la mise en place de systèmes de protection sociale.

4. Redistribution de la richesse – Un défi du XXIe siècle

54. L’OCDE appelle l’attention sur le fait que les fruits de la croissance économique n’ont pas été équitablement redistribués et que la crise économique actuelle n’a fait que creuser le fossé entre les riches et les pauvres.
55. Les Etats membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’augmentation du revenu individuel et lutter contre le dénuement. La question de la redistribution de la richesse doit donc être posée. Certains pays envisagent d’établir des salaires minimum et maximum 
			(45) 
			Cela
a été fait en Slovénie avec l’institution d’un salaire minimum et
maximum. .
56. Les récents débats tenus dans le cadre du G20 ont également mis en relief la nécessité de traiter la question. Les évaluations globales de l’inégalité réalisées par le G20 montrent qu’on a pu réaliser des gains importants quand on a réduit les écarts de revenus entre particuliers au sein du groupe des pays du G20, dans chaque pays, dans les années 1980 et 1990 
			(46) 
			La réduction des inégalités
de revenu entre les pays membres du G20 est apparue au cours d’une
période pendant laquelle plusieurs pays en développement importants
et très peuplés du G20 ont appliqué des mesures de libéralisation économique
et financière, accueilli des investissements commerciaux et étrangers,
et se sont intégrés plus avant dans l’économie mondiale. Cela étant,
le nombre de pauvres demeure important. Voir Xavier Sala-i-Martin
et Sanket Mohapatra «Poverty, inequality and the distribution of
income in the Group of 20», 2002..
57. Toutefois, il faut faire davantage pour sortir les personnes de la pauvreté. Les récents engagements en matière de réduction de la pauvreté ont abouti à une série de propositions précises, notamment en France. Deux idées ont été mentionnées: l’introduction d’une taxe internationale sur les échanges commerciaux de façon que le montant recueilli soit distribué dans les pays les moins développés, et la taxation des transactions financières avec le même objectif de redistribution des revenus. Je suis absolument convaincu que cette question nécessite un examen plus approfondi. Ces solutions ne devraient pas rester simplement théoriques mais être mises en pratique par les pays et les organisations internationales.
58. Réduire le fossé entre les pauvres et les riches est encore plus important aujourd’hui. Il est impensable que certaines personnes gagnent un million de fois plus d’argent que d’autres. Des écarts de revenus aussi importants sont dangereux en ce qu’ils attisent les tensions et menacent la cohésion sociale.

4.1. Salaire minimum et revenu minimum: tendances actuelles

59. Le Conseil de l’Europe lance un appel aux Etats membres afin qu’ils garantissent des salaires équitables. L’article 4 de la Charte sociale européenne (révisée) sur le droit à une rémunération équitable dispose que «les Parties contractantes s’engagent (…) à reconnaître le droit des travailleurs à une rémunération suffisante pour leur assurer, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie décent».
60. En janvier 2011, 20 sur les 27 Etats membres que compte l’Union européenne 
			(47) 
			Belgique,
Bulgarie, Espagne, Estonie, Irlande, Grèce, France, Lettonie, Lituanie,
Luxembourg, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie,
Royaume-Uni, Slovénie, République slovaque et République tchèque
(Eurostat, février 2011)., ainsi que deux pays candidats 
			(48) 
			Croatie et Turquie
(Eurostat, février 2011)., disposaient d’une réglementation nationale fixant un salaire minimum, soit en vertu de la loi, soit en vertu d’un accord national intersectoriel. Le salaire minimum mensuel varie beaucoup, allant de 123 euros en Bulgarie à 1 758 euros au Luxembourg. Lorsque le salaire minimum est ajusté en tenant compte des différences de pouvoir d’achat, l’écart entre les Etats membres diminue et passe d’un rapport de 1 à 14 (en euros) à un rapport de 1 à 6 en standard de pouvoir d’achat (SPA). Aux bouts de l’échelle, l’on trouve à nouveau le Luxembourg (1 452 SPA par mois) et la Bulgarie (233 SPA) (voir annexe 2).
61. Le Conseil de l’Europe ne dispose pas de mécanisme de suivi régulier des salaires dans l’ensemble des Etats membres analogue à celui de l’Union européenne, et utilise principalement les données de l’OCDE. Le rapporteur considère que la disponibilité et la comparaison régulière de données pertinentes comme le salaire minimum ou le revenu tiré du travail pour l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe permettraient d’obtenir des éléments concrets, utiles à l’élaboration des futures politiques de lutte contre la pauvreté.
62. Selon l’OCDE 
			(49) 
			Voir
chapitre 3, Perspectives de l’emploi
de l’OCDE 2009 et le Policy Brief «In-Work Poverty: What
can Governments do?»., puisque le revenu tiré du travail est ce qui détermine le plus immédiatement le bénéfice des prestations liées à l’exercice d’un emploi, le salaire minimum est souvent considéré comme un instrument important de lutte contre la pauvreté. Ce qui est crucial, c’est de fixer un niveau approprié de salaire minimum. En effet, le salaire minimum peut être un outil efficace pour traiter les problèmes des travailleurs pauvres dans les foyers où tous les adultes en âge de travailler ont un emploi à plein-temps mal payé.
63. Mais le salaire minimum n’est pas fait pour régler les problèmes soulevés par des situations familiales ou des conditions d’emploi particulières, comme le travail à temps partiel.
64. L’OCDE insiste sur le fait que pour lutter contre la pauvreté, le salaire minimum, bien qu’il soit nécessaire, ne suffit pas dans la mesure où il n’offre qu’une aide limitée à l’écrasante majorité des travailleurs pauvres qui n’arrivent pas à trouver un travail à temps plein. Le salaire minimum ne suffit pas non plus pour protéger les personnes vulnérables à la pauvreté, comme les parents isolés.
65. Selon l’OCDE, fixer un salaire de base très élevé n’aiderait pas dans la mesure où cela pourrait avoir pour effet de limiter les possibilités d’emploi pour les travailleurs les plus vulnérables. Un salaire minimum élevé a tendance à réduire l’emploi au sein des groupes à faible productivité. Un certain nombre de pays ont donc porté les cotisations de sécurité sociale des employeurs au niveau de celles afférant au salaire minimum, de façon à atténuer ces possibles effets néfastes.
66. Toutefois, si le salaire minimum est fixé à un niveau raisonnable, il peut y avoir des synergies importantes entre les prestations liées à l’exercice d’un emploi et le salaire minimum.
67. Plus de la moitié des pays de l’OCDE offrent désormais des prestations liées à l’exercice d’un emploi 
			(50) 
			Il existe deux grandes
catégories de prestations liées à l’exercice d’un emploi: celles
qui visent les travailleurs individuels à faible revenu, offrant
des incitations au travail plus fortes, et celles qui visent les
familles à faible revenu, davantage axées sur la redistribution.
Policy Brief «In-Work Poverty: What can Governments do?». , à savoir les paiements de transfert, qui complètent les gains des travailleurs à faible revenu. Ces systèmes présentent un avantage de taille par rapport aux paiements de transfert plus classiques: ils permettent non seulement de redistribuer les ressources aux familles à faible revenu, mais rendent également le travail plus attractif pour les travailleurs à faible potentiel rémunérateur, étant donné que le bénéfice des prestations est lié à l’emploi. Ils renforcent les incitations financières à travailler.
68. Fixer un salaire de base empêche les employeurs «d’empocher» le montant des prestations liées à l’exercice d’un emploi en diminuant les salaires. Par conséquent, combiné au régime des prestations liées à l’exercice d’un emploi, le salaire minimum aide à redistribuer les ressources aux travailleurs à faible revenu, ce qui renforce l’efficacité de ces systèmes. La concordance des objectifs stratégiques signifie que le salaire minimum peut, dans une certaine mesure, être échangé contre des prestations liées à l’exercice d’un emploi réduites. Il en résulte que les dépenses totales concernant ces prestations peuvent être inférieures, tout comme les taxes nécessaires pour les financer.
69. Lorsqu’un salaire minimum est fixé, la charge que représentent les travailleurs à faible revenu repose davantage sur les employeurs (dans la mesure où ce sont eux qui fixent les salaires), ainsi que sur leurs clients et employés, et dans une moindre mesure sur les contribuables qui financent les transferts publics. C’est effectivement à l’employeur qu’il revient de verser une rémunération adéquate; cela ne devrait pas relever de la responsabilité du contribuable.
70. Il ne faut pas confondre revenu minimum et salaire minimum. Le revenu minimum est généralement utilisé pour évoquer le paiement de l’Etat garantissant un «filet de sécurité» aux personnes qui ne peuvent travailler ou accéder à un emploi décent. La grande majorité des Etats membres de l’Union européenne disposent de systèmes de revenu minimum 
			(51) 
			Voir
«Systèmes de revenu minimum dans les Etats membres de l’Union européenne»,
rapport de synthèse établi par Hugh Frazer et Eric Marlier (Politiques et pratiques en matière d’inclusion
sociale, Centre d’études de population, de pauvreté et
de politiques socio-économiques, octobre 2009). Vue d’ensemble fondée
sur les rapports nationaux établis par le Réseau européen d’experts
nationaux indépendants sur l’inclusion sociale (<a href='http://www.ceps.lu/pdf/11/art1464.pdf'>www.ceps.lu/pdf/11/art1464.pdf</a>)., non contributifs, qui sont des plans d’aide sociale soumis à conditions de ressources. L’article 34, alinéa 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, entrée en vigueur le 1er décembre 2009, énonce que «afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes».
71. Les systèmes de revenu minimum sont l’une des pierres angulaires de l’Etat providence. Ils permettent d’assurer l’inclusion sociale de ceux qui n’ont pas la possibilité de travailler ou qui en sont incapables en raison d’un grave handicap, d’une longue maladie ou de problèmes de santé mentale, de leur âge ou de leurs responsabilités familiales, etc. Le mouvement antipauvreté lance un appel en faveur d’un revenu minimum satisfaisant, assurant un niveau de vie décent pour tous 
			(52) 
			Adéquation
du revenu minimum au sein de l’Union européenne, EAPN, 2010, p.
9..
72. Dans les conclusions de la réunion du Conseil de l’Union européenne tenue au Luxembourg le 7 juin 2010 
			(53) 
			Voir le site <a href='http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/lsa/114960.pdf'>www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/lsa/114960.pdf</a>., le Conseil a appelé de ses vœux des systèmes de sécurité sociale durables, des pensions satisfaisantes et des objectifs d’inclusion sociale. Il a tenu compte du rôle que les pensions minimum ou des dispositions prévoyant un revenu minimum ont pour les personnes âgées en tant qu’outils des politiques d’inclusion sociale et des stratégies de lutte contre la pauvreté. Abordant la question de la durabilité des régimes de retraite, le Conseil a souligné la nécessité de se concentrer sur:
  • la mesure et le contrôle de l’adéquation;
  • la mise en place d’un revenu minimum vieillesse, tout en évitant de porter atteinte aux incitations au travail avant la retraite;
  • les conditions à remplir pour pouvoir prétendre à une pension adéquate (critères en matière de cotisations versées, interruptions de carrière, âge de départ à la retraite, etc.);
  • l’indexation et l’adaptation des pensions minimales ou du minimum vieillesse;
  • l’évolution positive de la participation des séniors au marché du travail.
73. Des propositions visent également à ce qu’un revenu universel non soumis à conditions, parfois appelé «revenu de base», soit fixé 
			(54) 
			«Allocation universelle,
justice sociale et pauvreté», par Yannick Vanderborght, professeur
de sciences politiques aux Facultés universitaires Saint-Louis à
Bruxelles et professeur à l’université catholique de Louvain. et couvre certains besoins essentiels, comme les dépenses alimentaires, et qui serait versé à tous. Il a été proposé d’établir un revenu minimum universel tel qu’un Euro-dividende, garantissant un minimum vital pour l’ensemble des ressortissants de l’Union européenne dans le cadre d’un processus de distribution des revenus.
74. Je crois qu’il faut davantage de coopération pour déterminer ce qui va et ce qui ne va pas, de façon à empêcher des personnes de tomber dans la pauvreté et à aider celles qui sont touchées par ce phénomène à s’en sortir.

4.2. Etude de cas: une nouvelle carte sociale pour lutter contre la pauvreté absolue en Italie

75. Je souhaiterais attirer votre attention sur la proposition de l’Association italienne des travailleurs chrétiens en faveur d’une nouvelle carte sociale pour lutter contre la misère.
76. Le rapport d’évaluation du Work Family Fund, établi par le diocèse de Milan à la suite de la proposition du cardinal Dionigi Tettamanzi, met en relief la nécessité de promouvoir des politiques publiques plus solides en matière de pauvreté, en complément des efforts déployés par les diocèses, des organisations caritatives, des entreprises privées et des particuliers. Ces politiques devraient viser les familles qui vivent dans la misère. A ce jour, de telles mesures n’ont malheureusement pas été prises en Italie qui, avec la Grèce, est le seul pays européen dans cette situation.
77. Les familles vivant dans la misère ne peuvent atteindre un niveau nutritionnel satisfaisant, ne vivent pas dans des maisons équipées en eau chaude et en énergie, et ne peuvent pas se permettre d’acheter des vêtements corrects. Selon Istat (Institut central de la statistique, Italie), 4,7 % des familles italiennes vivaient dans le dénuement le plus total en 2009.
78. En décembre 2008, le Gouvernement Berlusconi a introduit une «carte d’achats», connue sous le nom de «carte sociale», au bénéfice des familles touchées par la pauvreté composées d’adultes de plus de 65 ans et d’enfants de moins de 3 ans.
79. Bien qu’elle soit limitée, c’est la première mesure nationale de lutte contre la pauvreté prise par l’Italie. L’Association italienne de travailleurs chrétiens (ACLI) propose maintenant un plan de lutte contre la pauvreté visant à s’attaquer aux points faibles de la carte sociale et à souligner ses points forts. L’objectif de ce projet est d’adopter une mesure nationale concernant toutes les familles vivant dans la misère pour les trois prochaines années: la nouvelle carte sociale.
80. Quels sont les principaux aspects de la carte sociale? Tout d’abord, elle concerne l’ensemble des familles frappées par la misère en Italie, y compris celles dont les membres sont titulaires de visas de l’Union européenne. Le montant des fonds disponibles sera porté de 40 à 129 euros par mois. Cela permettra une hausse de 18 % du revenu moyen des familles pauvres. La nouvelle carte sociale fournit également des services, comme des services sociaux, éducatifs, de formation ou d’emploi. L’objectif de ce plan est d’améliorer le bien-être au niveau local en confiant aux administrations municipales le soin d’organiser des services locaux. Ce nouveau projet est également axé sur le rôle clé du secteur tertiaire en tant que prestataire de services, de planificateur de programmes au niveau local et de relais capable de déterminer les besoins dans tel ou tel domaine.
81. La proposition de l’ACLI n’est peut-être pas très innovante mais elle a le mérite de s’appuyer sur une série d’analyses et de suggestions faites par des experts ces dernières années. Ces trois prochaines années, les nouvelles mesures proposées coûteront 787 millions d’euros de plus que les précédentes, et s’élèveront à 2 360 millions d’euros de dépense publique. C’est une question de priorité politique. Les fonds actuellement affectés à la carte sociale présentent un reliquat de 487 millions d’euros, ainsi qu’annoncé récemment par le ministre des Relations avec le parlement, M. Elio Vito. Si le projet était mis sur pied maintenant, le coût du plan pour la première année serait de 300 millions d’euros. Bien entendu, cela ne sera le cas que si le gouvernement souhaite dès maintenant procéder à une intervention structurelle pour lutter contre la pauvreté.

5. Rôle des principaux acteurs et problèmes à régler

5.1. Responsabilités de l’Etat

82. Les Etats sont tenus de garantir la pleine jouissance des droits humains. Les acquis en matière de droits humains devraient être irréversibles et ils ne devraient pas être fonction de la situation économique à un moment donné, les gouvernements pouvant très bien être tentés d’utiliser l’argument économique pour restreindre l’exercice des droits humains. L’utilisation d’arguments économiques comme prétexte pour maintenir les obstacles à l’exercice des droits humains ne devrait pas être tolérée.
83. C’est le sens de l’Europe: nous ne pouvons pas laisser nos valeurs, les droits humains, subir les conséquences d’erreurs économiques du passé, comme on l’a vu récemment avec la spéculation financière, ou de la gestion catastrophique des budgets.
84. Les droits sociaux sont partie intégrante des droits humains et constituent l’un des principaux progrès accomplis par les sociétés européennes au XXe siècle; on ne peut et on ne doit pas laisser l’œuvre accomplie être remise en cause ou soumise à condition pour des raisons économiques.
85. L’OCDE souligne l’efficacité des politiques sociales et de l’emploi pour s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités excessives. Promouvoir l’emploi est une mesure clé des politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Toutefois, l’actualité récente montre que l’emploi ne préserve pas toujours de la pauvreté.
86. Les Etats membres devraient améliorer la situation des travailleurs à faible revenu 
			(55) 
			Voir
«Lignes directrices sur l’amélioration de la situation des travailleurs
à faible revenu et sur l’autonomisation des personnes confrontées
à la grande pauvreté», adoptées par le Comité des Ministres le 5
mai 2010 à la 1084e réunion des Délégués des Ministres. Les «travailleurs
à faible revenu» sont définis comme ceux qui vivent dans des foyers
dont le revenu tiré du travail, cumulé avec les autres sources de
revenu, n’est pas suffisant pour que le revenu total soit supérieur à
60 % du revenu médian national équivalent, à savoir le seuil de
pauvreté. (Le revenu équivalent est déterminé sur la base d’un coefficient
d’équivalence qui est fonction de l’échelle d’équivalence choisie
et en divisant le revenu par le coefficient. Le coefficient d’équivalence
est calculé en utilisant l’échelle d’équivalence modifiée de l’OCDE
et établi en attribuant des points à chaque personne dans un foyer.
Le premier adulte du foyer bénéficie d’un coefficient de 1 point; chaque
personne supplémentaire âgée de 15 ans ou plus se voit accorder
0,5 point, et chaque enfant de moins de 15 ans se voit accorder
0,3 point. Le revenu familial ajusté par équivalence est calculé
en divisant le revenu familial total par un facteur égal à la somme
des points d’équivalence attribués aux membres du foyer. Le revenu
familial ajusté par équivalence est un indicateur des ressources
économiques dont dispose chaque membre d’un foyer. Il peut donc
être utilisé pour comparer la situation des individus et pour comparer
la situation des foyers.). Pour 8 % des ressortissants de l’Union européenne, avoir un emploi ne suffit pas pour sortir de la pauvreté. Les Etats membres devraient réformer leurs systèmes de protection sociale de façon que les pièges de la pauvreté soient écartés et que les travailleurs à faible revenu ne soient pas privés de prestations sociales 
			(56) 
			«Lignes
directrices sur l’amélioration de la situation des travailleurs
à faible revenu et sur l’autonomisation des personnes confrontées
à la grande pauvreté», point II.2.. Un revenu minimum empêchant de tomber dans la pauvreté devrait être garanti. Un revenu décent est essentiel pour faire face au coût toujours plus élevé de la vie.
87. Cela étant, développer les capacités individuelles requiert davantage que la mobilisation de moyens matériels et financiers adéquats. Pour renforcer les capacités des personnes vivant dans la misère, il faut agir à quatre niveaux différents cumulatifs 
			(57) 
			Renforcer
la cohésion sociale: améliorer la situation des travailleurs à faible
revenu, Autonomisation des personnes confrontées à la grande pauvreté,
Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2010, p. 66.: fourniture d’une aide matérielle de base, octroi d’allocations, accès aux services et, enfin, accès à l’emploi ou à un travail indépendant.
88. Les Etats membres doivent faire en sorte que les stratégies et mesures qu’ils adoptent répondent aux besoins des pauvres, empêchent les personnes de tomber dans la pauvreté en les aidant dans les situations critiques (par exemple en cas d’accidents du travail ou autres accidents, ou en les aidant à trouver un refuge lorsqu’ils vivent dans un environnement violent), et donnent aux pauvres les moyens de s’en sortir.
89. Le principe élémentaire de responsabilité 
			(58) 
			Voir également la Directive
6 sur la surveillance et la responsabilité des Principes et Directives
du HCHD pour une approche des stratégies de réduction de la pauvreté
fondée sur les droits de l’homme. dans une société démocratique suppose l’examen et l’adaptation réguliers des politiques publiques, de façon à répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Ce principe devrait également s’appliquer à la protection des droits humains des personnes touchées par la pauvreté. Un examen régulier des progrès accomplis en matière d’élimination de la pauvreté et d’insertion sociale est donc essentiel.
90. Les Etats membres de l’Union européenne ont déjà mis en place de telles procédures de contrôle pendant la Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (1996-2007) et dans le cadre du suivi de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale lancée par l’Union européenne en 2010. Le Royaume-Uni fait ainsi état 
			(59) 
			Anushree
Parekh, Tom MacInnes et Peter Kenway, Monitoring
poverty and social exclusion 2010. Il s’agit du 13e rapport
annuel dans la série «Surveillance de la pauvreté et de l’exclusion
sociale». d’une hausse du chômage des jeunes de 16 à 24 ans de 20 % mi-2010, soit la plus forte hausse enregistrée ces dix-huit dernières années. Les répercussions sur la vie des jeunes sont dramatiques, des milliers d’entre eux se voient entraînés en dessous du seuil de pauvreté.
91. La manière dont la pauvreté est mesurée aujourd’hui ne permet pas de rendre compte de tous les aspects de la vie des personnes touchées par la pauvreté. L’Union européenne utilise un index fondé sur le revenu pour estimer le nombre de pauvres. Les organisations de la société civile proposent d’aller plus loin en évaluant la pauvreté dans toute sa complexité, en commençant par ses déterminants.
92. Caritas Europe a analysé le caractère multidimensionnel de la pauvreté. L’absence de ressources financières n’est qu’un des aspects de la pauvreté. De nombreux autres éléments déterminent l’état de pauvreté d’un individu donné, notamment le marché du travail, la situation familiale, la protection sociale ainsi que quelques aspects immatériels, comme la solidarité. Un instrument de travail prenant en compte ces trois dimensions a été établi par Caritas Suisse 
			(60) 
			L’outil
en ligne est disponible en allemand à l’adresse suivante: <a href='http://www.caritas-zuerich.ch/f53000342.html'>www.caritas-zuerich.ch/f53000342.html</a>.. L’organisation a recensé huit terrains d’actions permettant de déterminer la pauvreté et l’exclusion sociale. Outre les ressources financières, il s’agit: du bien-être lié à la santé, du logement, du niveau d’éducation, de l’insertion professionnelle, de l’intégration sociale, de l’intégration au regard des lois relatives à la résidence et de la famille d’origine (par exemple, une famille composée de migrants ou de personnes déplacées privés d’accès à l’emploi peut avoir des difficultés à atteindre un niveau de vie décent) 
			(61) 
			Poverty
Among Us, Part A: An analytical approach, p. 18.. Si le niveau 1 est atteint dans toutes les dimensions, la personne concernée est davantage susceptible d’être marginalisée. Cette méthode permet également de déterminer précisément quelles mesures et types d’aide sont nécessaires.
93. La Banque mondiale a également engagé un processus d’examen de la pauvreté et récemment organisé un atelier sur l’évaluation des aspects multidimensionnels de la pauvreté et du bien-être 
			(62) 
			<a href='http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTPOVERTY/0,,contentMDK:22789247~menuPK:336998~pagePK:64020865~piPK:51164185~theSitePK:336992,00.html'>http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTPOVERTY/0,contentMDK:22789247~menuPK:336998~pagePK:64020865~piPK:51164185~theSitePK:336992,00.html</a>.. A cet égard, les conclusions du projet conjoint Conseil de l’Europe-Union européenne «Les droits humains des personnes en situation de pauvreté» (2010-2012), qui permettra aux décideurs de mieux apprécier l’efficacité des stratégies de réduction de la pauvreté, sont attendues avec impatience. Par conséquent, il y a lieu de recommander vivement au Etats membres du Conseil de l’Europe d’améliorer leur surveillance de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Le suivi de l’accès aux droits sociaux sur la base de la Charte sociale européenne (révisée), un processus d’ores et déjà engagé, devrait être poursuivi.

5.2. Responsabilités des autres acteurs

94. Avec l’approche fondée sur les droits humains, la réduction de la pauvreté devient une responsabilité partagée. L’Etat est le premier responsable de la réalisation des droits humains des personnes vivant sur son territoire mais d’autres acteurs, y compris non étatiques, sont également tenus de contribuer au respect des droits humains ou à tout le moins de ne pas les violer 
			(63) 
			Directive 7 des Principes
et Directives du HCDH pour une approche des stratégies de réduction
de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme, p. 6.. En 1914, J.H. Hollander alertait déjà sur le devoir de l’entreprise d’assurer une existence décente, à l’abri de la pauvreté 
			(64) 
			«L’organisation économique
moderne produit un revenu national potentiellement suffisant pour
que les individus ne soient pas dans le besoin. Il n’y a rien d’inhérent
à la compétitivité des entreprises qui fait que ce revenu doit être
réparti de façon à créer de vastes domaines de pauvreté. C’est la
mauvaise direction prise par l’industrialisme du XXe siècle, et non
son fonctionnement normal, qui a laissé des pans entiers de la population
avec des revenus insuffisants pour conserver une vie décente et
autonome sur le long terme, pour eux-mêmes et ceux qui sont nécessairement
à leur charge. Ces classes sociales qui ne reçoivent pas assez –
les principales sources qui alimentent la pauvreté – sont les personnes
sous-payées, les chômeurs et les personnes qui ne peuvent pas travailler.»
(p. 38). «Aujourd’hui, à notre époque, l’élimination de la pauvreté
est devenue une possibilité économique à notre portée – pour peu
que la société le veuille suffisamment et consacre suffisamment
d’argent pour y parvenir» (p. 41), Jacob Harry Hollander, The Abolition of Poverty, General
Books, Etats-Unis..
95. Le secteur financier a un rôle de premier plan à jouer en matière de prévention du surendettement des foyers. Les responsabilités sociales doivent par conséquent être partagées, associant le secteur financier en tant que partie prenante responsable des progrès en matière de respect des droits humains, y compris de droits sociaux, pour tous.
96. Les personnes touchées par la pauvreté ont besoin d’accéder à des moyens financiers leur permettant de se relever. L’accès à une aide financière, y compris au moyen de l’entreprenariat financé par le microcrédit, est absolument crucial. La création d’entreprises sociales 
			(65) 
			La Grameen
Bank (Banque des villages) et la BRAC sont deux projets mondiaux
qui ont montré qu’il était important de soutenir l’entreprise sociale.
L’expérience de la BRAC est présentée par Ian Smillie dans son ouvrage
intitulé Freedom from want: the remarkable
success story of BRAC, the global grassroots organisation that’s
winning the fight against poverty, Kumarian Press, 2009. est un autre moyen de réaliser les objectifs d’élimination de la pauvreté et de développer l’inclusion sociale. Un suivi approprié, l’aide et la formation à l’entreprenariat doivent figurer parmi les mesures appuyant ce processus.
97. La communauté internationale a également un rôle important à jouer. La Banque mondiale a souligné 
			(66) 
			La pauvreté à l’ère
de la mondialisation, Banque mondiale, octobre 2000, p. 11. que des mesures collectives mondiales étaient nécessaires pour lever les obstacles au commerce et accorder un accès préférentiel aux pays les plus pauvres. Supprimer les barrières mises par les pays industrialisés et les marchés émergents dans certains domaines clés (agriculture, fabriques et services à forte intensité de main-d’œuvre) peut engendrer d’importants bénéfices pour les pays en développement.
98. La communauté internationale devrait également faire davantage pour prévenir les conflits et aider les pays qui sortent d’un conflit. Les guerres et les conflits civils restent des déterminants majeurs de la pauvreté, freinant plusieurs pays parmi les plus pauvres et menaçant beaucoup d’autres. Une meilleure prévention des conflits et de meilleurs mécanismes de règlement de ceux-ci peuvent considérablement aider à réduire les souffrances humaines et le dénuement qui frappent le plus les pauvres. Il sera toujours très onéreux pour la communauté internationale de financer une intervention militaire pour mettre fin à un conflit ou le contenir. D’importantes ressources financières – et de nombreuses vies humaines – pourraient être épargnées si une action collective globale aidait à prévenir les conflits par des mesures appropriées prises en temps utile 
			(67) 
			Ibid.,
p. 12..
99. Les personnes touchées par la pauvreté doivent exploiter les liens qui les aident à en sortir: famille, communauté, services sociaux de base, école, etc., ce qui n’est pas toujours facile. La médiation communautaire peut être d’un grand secours à cet égard. La solidarité et la cohésion sociale devraient être renforcées plus avant. Les réseaux sociaux communautaires visant à aider les personnes confrontées à des situations difficiles ou victimes d’une crise personnelle existent depuis de nombreuses années. Les organisations caritatives jouent un rôle actif en accordant une aide aux pauvres; il convient de ne pas l’oublier.
100. Enfin, il faudrait insister sur le rôle de la société civile en matière de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. La société civile favorise ce changement des comportements qui est nécessaire pour mettre fin aux préjugés et promouvoir la pleine inclusion des pauvres; ces efforts devraient être soutenus. En outre, les OING contribuent de manière significative à l’élaboration des politiques européennes grâce, notamment, à Conférence des OING du Conseil de l’Europe ou à la participation de celles-ci aux activités des organes de l’Union européenne.

6. Prévention de la transmission intergénérationnelle de la pauvreté: rôle de la famille

101. Si rien n’est fait, la pauvreté peut durer une vie entière. Les enfants qui grandissent dans la pauvreté et l’exclusion sociale sont moins susceptibles que les autres de réussir à l’école, de l’apprécier et de rester à l’écart des difficultés. Une fois que les enfants pauvres sont devenus adultes, ils peuvent difficilement trouver du travail et doivent lutter âprement pour trouver leur place dans la société. Si les revenus sont faibles tout au long de la vie, les cotisations vieillesse le sont également, ce qui explique que près de 17 % des hommes et 22 % des femmes les plus âgés sont vulnérables à la pauvreté en Europe. Des problèmes se posent également à rebours, étant donné que les plus jeunes aident leurs parents qui ont perdu leur emploi ou luttent pour joindre les deux bouts avec leurs maigres pensions.
102. La Coalition sur la solidarité intergénérationnelle souligne l’importance d’avoir accès, à un prix abordable, à des services de qualité pour les enfants, les adultes et les personnes âgées, de façon à prévenir la pauvreté et l’exclusion sociale. La coalition est convaincue que l’éducation précoce et les services de santé peuvent aider à mettre fin à la transmission de la pauvreté tout en offrant un environnement sain pour le développement des jeunes enfants, ainsi qu’un moyen de promouvoir les compétences parentales.
103. Les recommandations de la réunion du Groupe d’experts de l’Organisation des Nations Unies intitulé «La solidarité intergénérationnelle: renforcement des liens économiques et sociaux», tenue du 23 au 25 octobre 2007, appellent à un renouveau du contrat intergénérationnel. Les experts ont notamment souligné la nécessité de politiques permettant aux familles de gérer les responsabilités familiales en matière de soins et de travail. Quand il n’est pas possible d’accéder à des services, les soins aux jeunes enfants, les soins aux adultes plus âgés et autres personnes dépendantes sont dispensés par les membres de la famille. Mais cela demande du temps. Les programmes visant à promouvoir la souplesse dans l’emploi du temps professionnel et autres programmes devraient par conséquent être encouragés pour permettre aux familles de parvenir à un meilleur équilibre entre soins et travail, et d’être moins dépendantes des services d’aide sociale.
104. Dans sa Résolution 1720 (2010) intitulée «Investir dans la cohésion sociale en tant que facteur de développement en temps de crise» 
			(68) 
			Accompagnée par la Recommandation 1912 (2010)., l’Assemblée appelle l’attention des Etats membres sur la nécessité de prendre des mesures pour «concilier la vie professionnelle et familiale en favorisant des lieux de travail favorables aux familles pour les femmes et pour les hommes: une prise en charge de qualité, des aménagements flexibles du temps de travail, des congés parentaux appropriés et d’autres formes de garde requises non seulement pour les jeunes enfants, mais aussi pour d’autres membres de la famille, pour des raisons de handicap, d’âge ou de maladie, et d’autres moyens de soutien financier sous forme d’allocations ou de dégrèvements fiscaux demeurent décisifs. Ces mesures doivent concerner aussi bien les hommes que les femmes, car à l’heure actuelle les emplois flexibles sont occupés davantage par les femmes, ce qui ne fait en réalité que perpétuer le clivage hommes/femmes entre travail rémunéré et travail non rémunéré, et influe sur la décision des femmes d’avoir ou non des enfants» (paragraphe 6.9).
105. La fourniture de soins et autres services sociaux, qui nécessitent suffisamment de temps, n’est pas rémunérée dans la plupart des cas. La récente étude de l’OCDE intitulée «Cuisine, garde des enfants, bénévolat: le travail non rémunéré dans le monde» 
			(69) 
			Veerle Miranda, documents
de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et la
migration, no 116, OCDE. attire l’attention sur le fait que dans les 29 pays étudiés, entre un tiers et la moitié de l’ensemble des activités économiquement utiles ne sont pas prises en compte par les évaluations traditionnelles du bien-être, comme le PIB par habitant. De manière générale, sur une journée de 24 heures, 3,4 heures sont consacrées par les particuliers à des activités non rémunérées, soit 14 % de leur temps. Dans tous les pays examinés, les femmes s’acquittent davantage que les hommes de telles activités non rémunérées 
			(70) 
			Par
exemple cuisiner pour des amis en visite, faire du bénévolat pour
la soupe populaire pour des sans-abri, ou tondre le gazon dans le
jardin d’une personne âgée, etc.. La disparité entre les sexes est en moyenne de 2 heures et 28 minutes par journée de 24 heures (ce qui comprend, dans une famille traditionnelle, le temps passé en cuisine et à s’occuper des enfants, tandis que les hommes sont au travail). Le travail domestique habituel est la principale composante du travail non rémunéré.
106. Cette étude a suscité de nombreux débats et donné lieu à une série de propositions, l’une d’entre elles tendant à ce que le travail non rémunéré soit pris en compte dans le calcul de la richesse générée 
			(71) 
			Arnaud Bihel, «Travail
non marchand et inégalité de genre: les calculs de l’OCDE».. Cela nécessiterait de revoir l’utilisation actuelle des indicateurs, tels que le PIB, susceptible d’influer les politiques publiques relatives à la production de la richesse et à sa distribution.
107. Les familles sont exposées aux risques de la pauvreté. Les femmes élevant seules leurs enfants sont vulnérables à ce phénomène. En outre, le fait d’avoir plus de deux enfants peut également faire basculer dans la pauvreté. Pour déterminer le revenu familial, les systèmes économiques actuels utilisent un modèle selon lequel un foyer est une famille de quatre personnes, à savoir un couple marié avec deux enfants. L’on part du principe que l’homme, soutien et chef de famille, assure un revenu satisfaisant à tous les membres de celle-ci. Mais la réalité est toute autre; en effet, dans la pratique, des membres du foyer n’ont pas accès au revenu «familial». C’est pourquoi, lors de l’élaboration des politiques publiques d’aide à la famille, il ne faut pas oublier ce qu’on appelle la «boîte noire» de la distribution des revenus dans la famille, qui cache la réalité de l’accès des femmes et des enfants au revenu.
108. La crise économique a détérioré la situation d’un grand nombre de familles en Europe. Comme le souligne l’Assemblée dans sa Résolution 1720 (2010), les Etats membres devraient prendre des mesures spécifiques pour rendre leurs politiques davantage «favorable aux familles». L’Assemblée souligne que les Etats membres devraient envisager «d’offrir aux familles un soutien adéquat, en tant que de besoin, au motif que sur le plan social la famille est un atout entraînant des avantages importants pour la société».
109. Dans cette résolution, l’Assemblée invite les Etats membres à «veiller particulièrement à l’accès des jeunes à des emplois stables, à des logements abordables et à d’autres mesures sociales, afin qu’ils puissent fonder une famille et élever leurs enfants dans un environnement sûr et propice au bien-être; développer des programmes de logements sociaux visant particulièrement les jeunes couples et les familles nombreuses» (paragraphe 6.4).
110. L’Assemblée encourage les Etats membres à «lutter contre l’exclusion sociale, les ruptures et la pauvreté, notamment des familles monoparentales, de celles en situation précaire, des familles nombreuses ou des familles de migrants. Le débat sur les différents types de familles devrait porter sur les conséquences des divorces pour les enfants, en particulier le risque de pauvreté, l’échec scolaire, le chômage et d’autres formes d’exclusion sociale» (paragraphe 6.6).
111. Ainsi que précédemment indiqué dans le rapport «Investir dans la cohésion sociale en tant que facteur de développement en temps de crise» 
			(72) 
			Voir
le Doc. 12103, rapport «Investir dans la cohésion sociale en tant
que facteur de développement en temps de crise», M. Luca Volontè,
Italie, PPE/DC., je crois que de bonnes relations familiales limitent la nécessité de services publics et d’intervention sociale. En ce sens, des liens familiaux solides renforcent la cohésion sociale.
112. La solidarité 
			(73) 
			Cela
étant, la solidarité n’est pas aussi forte aujourd’hui que lors
de l’immédiat après seconde guerre mondiale. Les connexions sociétales
sont rompues: il y a davantage d’individualisme et moins de liens
communautaires. Il est absolument essentiel de renforcer la cohésion
sociale en associant tous les acteurs. et la famille permettent un bien-être supérieur. La solidarité est le fondement de l’Etat providence. Faute d’équité et de solidarité dans un système public, il y a un risque de basculement des individus dans la pauvreté matérielle. La solidarité entre les générations peut aider les réseaux qui luttent contre la marginalisation et l’exclusion sociale. Elle encourage les jeunes et les personnes âgées à s’entraider et permet de faire en sorte que tous les membres de la société soient valorisés. Mais la solidarité entre les générations ne peut pas remplacer des politiques publiques bien conçues.
113. Il convient également de souligner l’importance de la promotion du volontariat qui contribue grandement à la cohésion sociale. Le volontariat renforce la solidarité et peut donc être un moyen de plus pour lutter contre la pauvreté. L’Assemblée a adopté l’année dernière la Résolution 1778 (2010) et la Recommandation 1948 (2010) intitulée «Promouvoir le volontariat et le bénévolat en Europe». L’Assemblée invite les Etats membres à prendre une série de mesures pour promouvoir le volontariat, à savoir favoriser les politiques en faveur du service bénévole, à signer et ratifier la Convention européenne sur la promotion d’un service volontaire transnational à long terme pour les jeunes (STE no 175), à envisager de prévoir la déduction fiscale des dons consentis aux associations de service bénévoles, à créer un instrument destiné à évaluer l’intérêt du service volontaire de façon à promouvoir sa reconnaissance par le pouvoir politique, à créer un système de reconnaissance officielle de l’apprentissage informel et des aptitudes acquises dans le cadre du service volontaire, etc.
114. Pour assurer l’accès de tous à l’alimentation, la Résolution 1778 (2010) invite les Etats membres à développer des «banques alimentaires», à assurer la collecte bénévole d’aliments auprès des personnes privées ou d’entreprises, et à les distribuer gratuitement aux familles et particuliers dans le besoin.
115. L’Union européenne a lancé en 2011 l’Année européenne du volontariat 
			(74) 
			Voir le site <a href='http://europa.eu/volunteering/en/home2'>http://europa.eu/volunteering/en/home2</a>., qui vise à augmenter le nombre de personnes impliquées dans le volontariat. L’Assemblée a souligné 
			(75) 
			Voir paragraphe 5.1
de la Résolution 1778
(2010) «Promouvoir le volontariat et le bénévolat en Europe». que les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient appuyer cette initiative. Il faudrait mettre l’accent sur les avantages du bénévolat, en particulier dans les pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne.

7. Réaliser les investissements nécessaires pour mettre fin à la pauvreté

116. Les Etats membres devraient investir car il n’y a pas de sécurité ni de développement sans investissement. Celui-ci devrait porter sur:
  • le capital humain: santé, alimentation et compétence nécessaires à chaque personne pour être économiquement productive;
  • capital professionnel: matériel, moyens de transport utilisés dans l’agriculture, entreprises et services;
  • infrastructures: routes, énergie, eau et assainissement, aéroports et ports maritimes, systèmes de télécommunications, autant d’éléments déterminants de la productivité;
  • ressources naturelles: terres arables, sols sains, biodiversité, et écosystèmes fonctionnant efficacement de façon à fournir les services environnementaux dont la société a besoin;
  • moyens institutionnels publics: droit commercial, systèmes judiciaires, services gouvernementaux et activités de police qui sous-tendent la division pacifique et prospère du travail;
  • capital de connaissances: savoir-faire scientifique et technologique qui augmente la productivité et développe les ressources physiques et naturelles 
			(76) 
			Jeffrey
D. Sachs, The End of Poverty, How we
can make it happen in our lifetime, Penguin Books, 2005,
p. 244-259. .
117. La hausse récente du surendettement des Etats représente un réel danger pour la démocratie et les droits humains. En 2010, la dette publique a considérablement augmenté, atteignant 125 % du produit intérieur brut (PIB) en Grèce, 118,2 % en Italie, 86 % au Portugal, 83,6 % en France, 79,1 % au Royaume-Uni et 78,8 % en Allemagne. Les Etats pauvres ne peuvent pas s’acquitter de leurs obligations vis-à-vis de leurs ressortissants. Si rien n’est fait pour prévenir le surendettement, ils risquent d’être incapables de protéger les droits humains et les libertés fondamentales. Cette tendance compromet l’avenir de l’Europe; c’est pourquoi il faut espérer que le prochain rapport de la commission des questions économiques et du développement sur le surendettement des Etats donnera une base solide au débat à l’Assemblée et que des solutions appropriées seront trouvées.
118. Le surendettement empêche les pays d’investir dans leur relèvement économique et technologique et celui de leurs peuples. Si rien n’est fait, la pauvreté se perpétuera.

8. Conclusions et recommandations

119. Il est politiquement peu avisé de laisser les personnes dans la pauvreté. Cela engendre des pertes et détruit le tissu social, ce qui empêche la croissance du pays et sa prospérité pour les générations futures, et tire les valeurs sur lesquelles l’Europe s’est construite – démocratie, droits humains et primauté du droit – vers le bas.
120. L’Assemblée devrait clairement lancer un appel en faveur d’une mutation dans la conception des politiques publiques, telle que les droits humains, y compris les droits sociaux, soient à la base de toutes les décisions politiques européennes dans tous les domaines de la vie – depuis la sphère économique, à la santé et aux politiques familiales, à la sécurité interne et à l’élimination de la pauvreté – et s’appliquent à chacun, y compris les personnes touchées par la pauvreté, sans discrimination.
121. Le présent rapport devrait donc favoriser une action immédiate visant à protéger les droits humains des personnes touchées par la pauvreté. Les parlementaires peuvent aider à améliorer la vie des gens en demandant à leurs gouvernements de prendre toutes leurs responsabilités vis-à-vis des personnes gravement touchées par la pauvreté.

Annexe 1 – Taux de pauvreté des enfants et de la population dans son ensemble au milieu des années 2000 
			(77) 
			Source: OCDE (2008) et pour les pays de l’Union
européenne qui ne sont pas membres de l’OCDE EU-SILC (2005). 
			(77) 
			1.
Note de bas de page de la Turquie: L’information contenue dans ce
document concernant «Chypre» a trait à la partie sud de l’île. Il
n’existe pas d’autorité unique représentant à la fois les peuples
turc et chypriote grec de l’île. La Turquie reconnaît la République
turque de Chypre du Nord (RTCN). La Turquie maintiendra sa position
sur la «question chypriote» jusqu’à ce qu’une solution durable et
équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies. 
			(77) 
			2.
Note de bas de page de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne:
la République chypriote est reconnue par l’ensemble des Etats membres
des Nations Unies à l’exception de la Turquie. L’information contenue
dans ce document a trait au domaine relevant du contrôle effectif
du Gouvernement de la République chypriote.

(open)
Graphic

Références dans l’encadré

(traduction de l’anglais):

En rose: Enfants de moins de 18 ans (Children <18)

En bleu: Population totale (Total population)

Les références sur l’axe horizontal:

Danemark, Suède, Finlande, Norvège, Chypre 1,2, Slovénie, Autriche, France, Islande, Hongrie, Bulgarie Roumanie, Suisse, Belgique, Royaume-Uni, République tchèque, Corée, Slovaquie, Malte, moyenne des 26 Etats membres de l’Union européenne, Pays-Bas, Australie, Luxembourg, moyenne des 30 Etats membres de l’OCDE, Estonie, Grèce, Japon, Nouvelle-Zélande, Canada, Italie, Allemagne, Irlande, Portugal, Lituanie, Espagne, Lettonie, Etats-Unis, Pologne, Mexique, Turquie

Annexe 2 – Salaire minimum dans les Etats membres de l’Union européenne 
			(78) 
			Source: Eurostat, 10
février 2011.

(open)
Graphic

Références dans l’encadré

(traduction de l’anglais):

Salaire minimum – 2011

Au sein de l’Union européenne,

de l’Association européenne

de libre-échange (AELE)

et des pays candidats

en gris: Pas de salaire minimum légal (No statutory minimum wage)