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Rapport | Doc. 12779 | 25 octobre 2011

Les défis auxquels sont confrontées les petites économies nationales

Commission des questions économiques et du développement

Rapporteure : Mme Marie-Louise COLEIRO PRECA, Malte, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11975, Renvoi 3599 du 2 octobre 2009. 2011 - Commission permanente de novembre

Résumé

Près de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent être considérés comme des petites économies. Ils sont confrontés à des problèmes de développement et à des vulnérabilités socio-économiques qui leur sont propres de par la petite taille de leurs marchés intérieurs, la diversification limitée de la production locale et des exportations, leur forte dépendance à l’égard des marchés étrangers, l’insuffisance des ressources locales, des faiblesses en matière de capacité des secteurs public et privé, des difficultés à gérer les flux de capitaux transfrontaliers et à attirer des investissements, ainsi que leur fragilité face aux mouvements de populations et aux catastrophes naturelles.

La crise économique et financière mondiale a touché particulièrement durement les petites économies. Elle a mis en évidence l’importance de la bonne gouvernance pour étayer le développement et la nécessité de préserver des fondamentaux macro-économiques sains, de garantir une diversification économique, de consolider les capacités institutionnelles et la compétitivité, d'utiliser au mieux les ressources locales, de se doter d'interconnexions adéquates en matière de transport et d'énergie, et de favoriser le progrès humain.

Le rapport plaide pour une sensibilisation accrue et pour une stimulation du débat public sur les défis auxquels les petites économies sont confrontées en termes de développement, tant dans ces pays que parmi leurs partenaires internationaux – Etats et organisations. Les organisations internationales peuvent très utilement contribuer à garantir l'équité des règles du jeu et davantage de solidarité entre petits et grands acteurs sur la scène économique mondiale, ainsi qu’à aider les petits Etats à renforcer leurs capacités.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 6 octobre
2011.

(open)
1. Les Etats membres du Conseil de l’Europe diffèrent sensiblement en termes de taille et de niveau de développement et ne sont pas confrontés aux mêmes défis de politique générale. L'examen des questions de politique économique et sociale tend à accorder une grande attention aux économies importantes, en négligeant du même coup les caractéristiques, problèmes de développement et fragilités spécifiques des petites économies nationales. Comme 21 des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe ont une population inférieure à 4,5 millions d'habitants et peuvent être considérés comme de petites économies nationales, l’Assemblée parlementaire juge nécessaire de sensibiliser à cette question ces pays et leurs partenaires internationaux, qu'il s'agisse d'Etats ou d'organisations, et d'y favoriser un débat public sur le sujet.
2. En outre, étant donné que le Conseil de l’Europe a pour but «de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social», il est nécessaire de s'assurer d'exploiter au mieux les possibilités et la capacité de développement des plus petits Etats par des choix de politique générale judicieux aux niveaux tant national qu’européen.
3. Malgré la grande diversité de leur profil socio-économique, tous les petits Etats membres du Conseil de l'Europe ont été durement touchés par la crise financière et économique mondiale et certains d'entre eux ont dû recourir à une aide d'urgence pour faire face aux très graves difficultés auxquelles ils étaient confrontés (l'Islande, la Lettonie et la Moldova, par exemple). La crise a souligné la vulnérabilité économique et sociale de ces pays, qui s'explique par la combinaison de plusieurs facteurs, comme la dimension réduite de leurs marchés nationaux, la diversification limitée de la production locale et des exportations, leur forte dépendance vis-à-vis des marchés étrangers, l'insuffisance des ressources locales, les faibles capacités des secteurs public et privé, leurs difficultés à gérer les flux transfrontières de capitaux et à attirer les investisseurs, ainsi que leur fragilité face aux mouvements de population et aux catastrophes naturelles.
4. C'est pourquoi l'Assemblée insiste sur l'importance d'une bonne gouvernance, pilier du développement, assise sur les institutions, les ressources humaines et l'ordre juridique. Elle considère que des mesures doivent être prises pour consolider les fondamentaux de la macroéconomie, pour diversifier l'économie nationale, pour renforcer la capacité des institutions, pour accroître la compétitivité, pour optimiser l'utilisation des ressources locales, pour assurer des interconnexions adéquates dans les secteurs de l'énergie et des transports et pour favoriser le progrès humain, qui représentent le moteur essentiel d’une stratégie de développement durable à long terme des petits Etats.
5. L’Assemblée est convaincue que les petites économies nationales n'ont pas d'autre choix que de s'ouvrir aux investissements, aux échanges, aux nouvelles idées et au changement, en adaptant et en transformant sans relâche leur économie, afin d'accroître leur niveau de vie, d'améliorer la qualité de vie de leur population et de tirer profit de la mondialisation qui entraîne la libéralisation croissante des échanges mondiaux. Elle estime que les organisations internationales peuvent jouer un rôle extrêmement utile, en veillant à la mise en place de conditions équitables et d'une plus grande solidarité entre les petits et grands acteurs de la scène économique mondiale. Elles peuvent également aider les petits Etats à renforcer leurs capacités.
6. Compte tenu de l'importance du secteur financier pour le développement des petites économies, l’Assemblée souligne qu'il est nécessaire de trouver un meilleur équilibre entre les services financiers et les autres activités économiques. Elle s'inquiète tout particulièrement de la prévalence des situations de monopole dans le secteur privé ou le secteur public, qui risquent de fausser le marché et d'amener les groupes d'intérêts à exercer une influence excessive au sein des petites économies nationales. Elle insiste également sur la nécessité de maîtriser les déficits budgétaires et de revenir à l'équilibre budgétaire. Le recours à l'emprunt national plutôt qu'à l’emprunt extérieur permettrait aux économies nationales de mieux résister aux bouleversements externes.
7. L'Assemblée observe que les citoyens sont de plus en plus soucieux de la qualité de vie et de la durabilité du développement. Elle souligne à cet égard l'énorme potentiel économique qu’offre le secteur de l'environnement, notamment si l’on privilégie le tourisme vert et le tourisme culturel, comme elle le préconise dans sa Recommandation 1835 (2008) «Développement durable et tourisme: vers une croissance qualitative». L'Assemblée estime par ailleurs que les petits Etats pourraient ouvrir la voie dans ce domaine en Europe, en mettant à l'essai des solutions de développement écologique.
8. L'Assemblée considère que pour pouvoir exploiter pleinement leur potentiel de développement, les petits Etats doivent renforcer leur capital humain grâce à l'application de politiques sociales. En outre, il importe qu'ils saisissent les opportunités offertes par l'économie de la vitesse plutôt que par l'économie d'échelle, en utilisant la gouvernance électronique et les hautes technologies qui permettent d'améliorer l'efficience, de créer de nouveaux emplois, de rendre l'information plus accessible et de permettre aux concurrents de devenir des partenaires, quelle que soit leur taille et où qu'ils soient.
9. L'Assemblée invite par conséquent les petits Etats membres du Conseil de l'Europe:
9.1. à obtenir un consensus national sur les mesures à prendre pour améliorer constamment le fonctionnement des systèmes judiciaires et la prééminence du droit, la stabilité macro-économique, l'administration fiscale et la gestion des ressources publiques, les services sociaux, l'activité de l’entreprenariat, la sécurité des personnes, la participation de la société civile, la transparence et l'obligation de rendre des comptes;
9.2. à surveiller étroitement le rôle joué par les monopoles, les oligopoles et les monopsones dans leur économie et, si besoin est, à réévaluer leur politique de privatisation et de régulation, afin que le bien-être économique soit réparti plus uniformément au sein de la population et que le secteur privé participe pleinement à la mise en œuvre des stratégies nationales de développement;
9.3. à rechercher l'établissement de liens régionaux aussi étroits que possible, d’alliances avec d'autres petits Etats et de partenariats avec les institutions multilatérales de développement et les organisations internationales, comme l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI), la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB), la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce (OMC);
9.4. à recourir à la collaboration entre les secteurs public et privé et à l'aide des banques multilatérales de développement pour exploiter pleinement les nouvelles technologies, en vue de dynamiser les systèmes de sécurité sociale nationaux, les infrastructures et les cadres réglementaires;
9.5. à réfléchir au moyen non seulement d'améliorer la régulation et la transparence des services financiers qu'ils offrent, mais également de les utiliser pour développer d'autres types d'activités économiques nationales, et faire ainsi en sorte que, progressivement, le bien-être national repose de moins en moins sur le secteur financier;
9.6. à recourir aux mesures d'incitation fiscale pour encourager les programmes de microcrédit, de manière à garantir l'accès équitable de tous les acteurs économiques, à commencer par les petites entreprises, aux ressources financières et à promouvoir une politique socialement responsable en matière d'investissement, afin qu'une part suffisante des bénéfices réalisés par les entreprises soit réinvestie sur place;
9.7. à accorder une priorité absolue à la fourniture de services abordables, accessibles et efficaces dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la santé;
9.8. à accélérer le passage à l'économie verte grâce à l'adoption d'une stratégie nationale spécifique et à des investissements dans ce domaine;
9.9. à mettre en place une politique et des mesures d'incitation visant à retenir la population hautement qualifiée et à attirer celle qui avait émigré pour revenir dans le pays;
9.10. à favoriser l'investissement dans le recyclage des déchets et leur transformation en énergie et en ressources nouvelles;
9.11. à développer leurs interconnexions dans les secteurs de l'énergie et des transports en tirant pleinement parti, selon le cas, de leur qualité de membres de l’Union européenne ou des mécanismes du Partenariat oriental, des plans d'action pour le développement des réseaux transeuropéens et des programmes de financement correspondants, grâce aux prêts de la BEI et aux fonds de l'Union européenne, notamment les fonds structurels et le Fonds de cohésion.
10. L'Assemblée invite également les organisations internationales pertinentes à aider les petites économies nationales à renforcer leurs capacités, en tenant compte de leurs besoins spécifiques dans les conseils qu'elles leur dispenseront à propos des mesures de gouvernance et des stratégies de développement à adopter.

B. Exposé des motifs, par Mme Coleiro Preca, rapporteure

(open)

1. Introduction: buts et champ de ce rapport

1. Le Conseil de l’Europe compte 47 Etats membres qui diffèrent sensiblement en termes de taille, de niveau de développement et de défis de politique générale auxquels ils sont confrontés. Dans le contexte de l’examen des questions de politique économique et sociale, on a tendance à accorder une grande attention aux économies de taille importante, tandis que les caractéristiques, problèmes de développement et fragilités spécifiques des petites économies nationales sont souvent négligés. Cependant, étant donné que le Conseil de l’Europe a pour but «de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social» 
			(2) 
			Extrait du Statut du
Conseil de l’Europe (chapitre I – But du Conseil de l’Europe, article 1er)., il est nécessaire d’examiner dans quelle mesure les possibilités – et la capacité – de développement des plus petits Etats pourraient être mieux exploitées à travers des choix d’orientation générale judicieux aux niveaux national comme européen.
2. Il est difficile aujourd’hui d’établir une ligne de démarcation entre les économies nationales de petite dimension et celles de dimension moyenne, étant donné que la «petitesse» est une notion relative. La plupart des analystes retiennent le critère de la population à cette fin 
			(3) 
			Certains
analystes fixent la limite supérieure à 10 millions d’habitants,
tandis que d’autres établissent ce plafond à 1,5 million d’habitants., même si on peut prendre en considération d’autres indicateurs également – tels que la superficie du territoire et le produit intérieur brut (PIB). En outre, la situation géographique et en particulier l'insularité de certaines petites économies sont des facteurs supplémentaires importants à prendre en considération.
3. Les petites économies ont connu, depuis le déclenchement de la crise économique, des difficultés d’une importance diamétralement opposée à celle de leur taille, et certaines petites économies (Islande, Lettonie et Moldova) ont dû recourir à l’assistance d’urgence du Fonds monétaire international (FMI). Ces difficultés n’ont pas été causées par un facteur unique car chaque Etat est singulier et possède ses propres spécificités économiques. Cependant, il est possible de dégager un certain nombre de problèmes communs à tous ces pays. Par conséquent, nous nous emploierons à mettre en évidence les possibilités d’action susceptibles de contribuer à un développement harmonieux des petites économies. Ce faisant, nous examinerons également le rôle que peuvent jouer les organisations internationales pour assurer des règles du jeu équitables et une solidarité accrue entre les petits et les grands acteurs de la scène économique mondiale.
4. Le rapporteur tient à remercier plusieurs experts de l’université de Malte 
			(4) 
			Faculté
de sciences économiques, de gestion et de comptabilité., notamment le Dr Rose Marie Azzopardi, le professeur Lino Briguglio (directeur, Islands and Small States Institute) et le Dr Gordon Cordina, qui ont contribué au débat sur les petites économies nationales à l’occasion de la réunion de la commission des questions économiques et du développement à Malte le 28 mai 2010.

2. Définition et caractéristiques générales des petites économies

2.1. Dans quelle mesure une économie est-elle petite?

5. Aux fins du présent rapport, nous subdiviserons les petits Etats membres du Conseil de l’Europe (21 sur 47) en deux catégories: les petits Etats, autrement dit ceux dont la population n’excède pas 4,5 millions d’habitants (Albanie, Arménie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Géorgie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Moldova, Slovénie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»), et les micro-Etats, autrement dit ceux dont la population ne dépasse pas 1,5 million d’habitants (Andorre, Chypre, Estonie, Islande, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro et Saint-Marin). La Croatie et la Géorgie sont les plus grands des petits Etats ainsi définis, avec une population respective de quelque 4,5 millions d’habitants, tandis que Monaco est le plus petit, avec une population légèrement supérieure à 33 000 habitants.
6. Petite taille signifie aussi petit marché intérieur. S’agissant des indicateurs économiques, le PIB par habitant des petites économies se situe entre 1 630 dollars des Etats-Unis en Moldova (le moins élevé en Europe) et 108 831 dollars au Luxembourg 
			(5) 
			Fonds monétaire international, Perspectives économiques mondiales,
avril 2011. (en tête du classement en Europe), et la part de leur PIB dans le PIB mondial se situe entre environ 0,014 % (Malte et Moldova) et 0,54 % (Luxembourg) 
			(6) 
			Contre environ 4 %
pour l’Allemagne, 3 % pour la France, la Fédération de Russie et
le Royaume-Uni, et 2,5 % pour l’Italie..
7. Etant économiquement ouvertes, la plupart des petites économies ont pâti lors de la crise financière et économique mondiale, ce qui se traduit par:
  • une forte contraction de l’activité économique (u18 % du PIB en 2009 en Lettonie, 14,2 % en Arménie et 7,5 % en Irlande);
  • une aggravation du déficit budgétaire (qui atteignait 14,6 % et 17,7%, respectivement en 2009 et 2010, en Irlande, et entre 7,9 % en Lettonie et 2,5% en Moldova et dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» en 2010);
  • un accroissement de la dette publique, du chômage (pas moins de 43 % en Bosnie-Herzégovine, 32 % dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», 17 % en Lituanie et 14 % en Irlande, d’après les statistiques les plus récentes disponibles) et du volume des prêts non productifs (environ 19 % en Lettonie et en Lituanie, 17 % dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Moldova, et 12,5 % en Géorgie).
8. Toutefois, la reprise économique a été tout aussi remarquable, notamment dans les petites économies d’Europe centrale et orientale qui ont renoué avec la croissance en 2010 (exception faite de la Croatie). Leur taux de croissance devrait atteindre 3 % en moyenne en 2011 (notamment 5 % en Géorgie et 4,5 % en Arménie et en Moldova), d’après les estimations de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD).

2.2. Caractéristiques générales des petites économies

9. Même s’il n’y a pas de consensus général sur le fait que la taille d’un pays a une influence sur le développement, de nombreux experts soulignent que les petites économies sont fondamentalement différentes. La raison principale en est qu'elles disposent de ressources très limitées, sont fort dépendantes du commerce et des ressources extérieures, et sont donc davantage exposées aux chocs exogènes. De plus, les petits pays pâtissent d’une échelle et d’une diversification insuffisantes, et dépendent fortement d’investissements étrangers, alors qu’ils ont un pouvoir de négociation faible. Des contraintes supplémentaires incluent un accès plus limité aux financements des marchés internationaux et une vulnérabilité plus grande à la fuite des capitaux, à la volatilité des envois de fonds par les expatriés (particulièrement importants pour l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Moldova), à l’exode des cerveaux et aux mutations de l’environnement (notamment dans les Etats insulaires tels que Chypre, l’Irlande, l’Islande et Malte) ainsi qu’aux défis liés aux migrations.
10. Les petites économies nationales possèdent souvent un secteur tertiaire bien développé et dynamique, axé notamment sur le tourisme (Chypre, Croatie et Malte) ou les services financiers (Estonie, Irlande et Luxembourg). Ainsi, la crise économique a eu pour effet un ralentissement de ce secteur économique, en raison d’une baisse du nombre de touristes ou de la contagion des marchés financiers et bancaires. Cependant, grâce à son secteur bancaire très performant, le Luxembourg est l’un des pays les plus prospères du monde en termes de PIB par habitant. Par ailleurs, les échanges commerciaux avec les autres pays sont d’une importance capitale pour les petites économies et représentent une part significative de leur activité économique globale.
11. Des relations étroites avec l’Union européenne sont essentielles – soit dans le cadre d'accords avec l’Espace économique européen (Islande et Liechtenstein), de l’Accord de libre-échange centre-européen (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Moldova, Monténégro et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»), d’accords d’association (Bosnie-Herzégovine) ou de négociations d’adhésion (Croatie, Islande, Monténégro et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»; l’Albanie a déposé sa candidature à l’adhésion), soit dans le cadre de l’appartenance à l’Union européenne (Chypre, Estonie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte et Slovénie), notamment à la zone euro (Chypre, Estonie, Irlande, Luxembourg, Malte et Slovénie). Andorre, Monaco et Saint-Marin ont conclu un accord spécial avec l’Union européenne leur permettant d’utiliser l’euro comme monnaie.
12. Les petits et micro-Etats, qui sont de modestes acteurs de la scène mondiale mais également de la scène européenne, n'ont pas les moyens de consacrer un budget considérable pour assurer leur sécurité et protéger leurs intérêts face aux menaces externes. La coopération régionale aide à surmonter la plupart de ces insuffisances.

2.2.1. Crise économique et diversification de l’économie

13. Confrontés à la crise économique actuelle, plusieurs pays européens ont dû recourir à l’assistance financière du Fonds monétaire international et de l’Union européenne au cours de la période 2009-2011, ce qui paraissait encore impensable il y a cinq ans. Plusieurs économies de la zone euro (Grèce, Irlande et Portugal) ont été particulièrement touchées et d’autres pays à économie de petite dimension tels que l’Islande, la Lettonie, la Moldova et plus récemment la Bosnie-Herzégovine ont dû demander des prêts d’urgence à l’Union européenne ou au FMI pour surmonter cette crise, tandis que l'Arménie et la Géorgie bénéficient de programmes actifs financés par le FMI. Par conséquent, il est nécessaire d'examiner de plus près les difficultés en question.
14. Les petites économies ayant réussi à diversifier davantage leur économie nationale ont mieux résisté à la crise économique que celles qui dépendaient d'un nombre limité de secteurs économiques. Plusieurs pays ont investi dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme les industries pharmaceutiques ou électroniques, les nouvelles technologies ou les moyens de communication. Certains de ces domaines ont été moins touchés par la crise et ont résisté à des degrés variables aux difficultés économiques.
15. A l’inverse, les pays dont l’économie est moins diversifiée comme la Lettonie ou l’Arménie ont fortement souffert de la crise économique, voyant leur PIB se contracter (en l'occurrence de 18 % et 14,2 %, respectivement) et leur déficit budgétaire monter en flèche (pour atteindre 9 % et 7,5 % du PIB, respectivement). Ainsi en Arménie, l’économie est dépendante d’un nombre très restreint de secteurs touchés par la crise (construction, industries minières et envois de fonds par expatriés). Dans ces pays comme dans d’autres plus importants, les faiblesses structurelles et institutionnelles, le cadre réglementaire lacunaire et les problèmes de gouvernance sont perçus comme des obstacles majeurs à la diversification de l’économie.
16. Le secteur industriel a répondu à la même logique. En constante régression par rapport au secteur tertiaire, l’industrie reste tout de même fort importante dans certains pays comme en Lituanie (30 %) ou en Arménie (36 %) pour ne citer que ces exemples. La difficile reconversion du secteur industriel, les fluctuations de la demande externe mais également l’effondrement de certains secteurs ont pour conséquence d’amplifier les effets de la crise. Ainsi, la Lituanie qui a réussi la reconversion de son industrie vers l’électronique, les biotechnologies et la chimie, mais qui a laissé libre cours à l'expansion du crédit, a été sévèrement touchée par la crise. Dans l’ensemble, les Etats baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) ont connu la surchauffe la plus marquée avant la crise et l’amélioration de la croissance la plus notable en 2010, ainsi qu'une reprise de l'activité industrielle au début de 2011 
			(7) 
			EU10
Regular Economic Report, avril 2011, Banque mondiale..
17. La diminution du nombre des petites et moyennes entreprises (PME) et la reconstitution d’oligopoles observées depuis 2009 n’apparaissent pas comme le signe encourageant d’une diversification des économies européennes, bien au contraire. Les fusions et acquisitions se sont multipliées dans les secteurs de la banque et du transport aérien. Or ces fusions risquent bel et bien d’affecter une concurrence qui profitait à certaines petites économies nationales qui possédaient un avantage économique dans des secteurs où cohabitaient de nombreux acteurs économiques.
18. La rapporteur est convaincu que le maintien et le renforcement de la diversification de l'économie est un facteur fondamental de réussite et de compétitivité économique à long terme pour les petites économies nationales. Cette diversification doit être encouragée par des initiatives économiques comme les mécanismes de prêt en faveur des entreprises innovantes et de petite et moyenne dimension, qui travaillent dans des secteurs à forte valeur ajoutée et qui font l’attrait économique de nombreux petits Etats. Il convient en parallèle d’œuvrer sans relâche pour mener à bien les réformes structurelles visant à corriger les déséquilibres économiques et les rigidités budgétaires.

2.2.2. Importance du secteur financier

19. Le secteur bancaire a été la première victime de la crise financière. Plusieurs établissements bancaires nationaux ont dû être secourus par les pouvoirs publics qui ont parfois procédé à des nationalisations. Les économies nationales dont le secteur financier était soit fort important soit extrêmement exposé aux actifs toxiques ont été les plus durement frappées par la crise financière. C’est le cas notamment de la Lettonie, du Luxembourg, de l’Irlande et surtout de l’Islande dont l’économie, touchée de plein fouet par la crise économique dès octobre 2008, s'est effondrée. La prise de risques excessifs a conduit certains établissements bancaires au bord de la faillite.
20. La friabilité du secteur bancaire a précipité l’éclatement de la bulle du marché de l’immobilier, du fait de la difficulté à obtenir un financement pour l’acquisition d’un logement. Il est à noter que les deux éléments que sont un haut degré de financiarisation de l’économie et la part importante du marché financier contaminé par des actifs financiers toxiques ont entraîné dans ces petites économies nationales un effondrement financier et ont provoqué des récessions. L’exemple le plus notoire est celui de l’Irlande, qualifiée autrefois de «tigre celtique», qui connaît aujourd’hui de graves difficultés.
21. Cependant, il est à souligner que ces petites économies nationales dont l’activité économique est fortement axée sur les services bancaires vont très certainement faire face à de nouveaux défis dus à la crise financière. La surconcentration du secteur financier aboutit naturellement à l’émergence de banques systémiques qui rendent les petites économies nationales plus vulnérables aux épisodes de raréfaction et de contraction du crédit.
22. De même, la disproportion du secteur bancaire national par rapport au reste de l'économie n’accorde pas seulement aux banques une place et une responsabilité énormes dans le financement des entreprises nationales; elle peut aussi devenir très préoccupante compte tenu des risques de certaines opérations extérieures. Ainsi, les actifs détenus par les banques chypriotes représentent plus de sept fois le PIB national et sont très exposés à la dette souveraine grecque; la santé économique du pays et sa notation financière sont par conséquent soumises à une énorme pression 
			(8) 
			La notation financière
de Chypre a été rétrogradée en juillet 2011 à cause de la faiblesse
de son secteur bancaire et du bouleversement politique national
occasionné par son programme d'austérité. Les banques chypriotes
détiennent environ 6 % de la dette souveraine grecque (contre 8 %
pour la France et 9 % pour l'Allemagne); leurs actifs, exprimés
en pourcentage du PIB (plus de 700 %), ne soutiennent guère la comparaison
avec ceux des grandes économies de la zone euro, comme la France
et l'Allemagne (où ils représentent moins de 400 %)..
23. Il faut non seulement assainir l'assise des établissements bancaires mais également protéger les consommateurs et les épargnants qui ont été touchés par la crise financière et les comportements parfois irresponsables de certains établissements bancaires. Les gouvernements doivent renforcer les pouvoirs de contrôle des autorités réglementaires pour garantir une stabilité financière et macro-économique durable, une protection appropriée des consommateurs, une meilleure gestion des risques et une croissance équilibrée du crédit. Mais cette surveillance économique doit s’accompagner d’un véritable contrôle politique via les parlements qui représentent la population.

3. Contraintes structurelles, défis et opportunités de développement

24. Comme nous l'avons déjà vu, il n'existe aucune tendance systématique à la sous-performance des petites ou micro-économies. En effet, certains petits Etats ont mieux réussi que d'autres, en exploitant des secteurs spécialisés et en transformant des contraintes en opportunités.
25. La faible étendue du marché intérieur, les frais fixes élevés et les économies d’échelle limitées restreignent la compétitivité des entreprises sur le marché mondial. La captation des investissements étrangers à long terme et la prévention de la fuite des capitaux est sans aucun doute un enjeu de taille. En outre, les marchés financiers mondiaux ont tendance à juger les petits Etats plus risqués que les Etats plus importants, ce qui se traduit par un coût plus élevé des emprunts et une plus grande difficulté d'accès à un financement extérieur. L'optimisation d'un environnement propice aux investissements des acteurs nationaux et étrangers revêt par conséquent la plus haute importance. Par ailleurs, les petits marchés nationaux se caractérisent bien souvent par la présence plus marquée des monopoles naturels, notamment dans les services d'intérêt général où les coûts indirects relativement importants ne permettent pas à plus d'une entité d'assurer la fourniture de ces services de manière viable. Comme cette situation risque sérieusement de fausser les tarifs pratiqués et d'entraîner un abus de position dominante, les autorités réglementaires, celles chargées de faire respecter la concurrence et les organismes publics de surveillance doivent se montrer particulièrement vigilants.
26. Leur plus forte dépendance à l'égard de l'importation de matières stratégiques et d'autres biens, tels que l'énergie et les produits alimentaires, peut certes être ressentie comme une contrainte, mais elle peut aussi être considérée comme une raison qui impose d'investir dans le développement de la capacité commerciale, des réseaux logistiques, des interconnexions des transports, des sources d'énergie renouvelable et d'une agriculture sélective. Les petits pays sont également les plus souples et les plus à même de s'adapter à la nouveauté, à l'augmentation ou à l'évolution de la demande des marchés internationaux, tout en étant capables de satisfaire durablement leurs besoins internes.
27. Plus une économie nationale est petite, plus ses petites et moyennes entreprises sont en mesure de fournir des services spécialisés et des biens individualisés, qui contrastent avec l'uniformisation des modèles et des produits qu'entraîne la mondialisation. L'existence d'une réglementation nationale adéquate et d'aides aux exportations permettent aux PME de tirer parti du marché intérieur de l'Union européenne. En outre, leur qualité de membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) 
			(9) 
			Sur
les 21 petits pays concernés par ce rapport, seuls la Bosnie-Herzégovine,
le Monténégro et la Serbie ne sont pas encore membres de l’OMC., les dispositions applicables dans ce cadre, ainsi que les technologies de l'information et le commerce électronique offrent aux petits pays davantage de possibilités d'échanges internationaux. Mais la diversification et la compétitivité de l'offre des petites économies nationales sur le marché mondial sont et resteront des enjeux essentiels pour leur développement.
28. Face aux défis et aux opportunités de la mondialisation, les petits Etats n'ont bien souvent pas la capacité institutionnelle de prendre pleinement part aux négociations financières et commerciales internationales dont l'issue peut avoir d'énormes conséquences sur leur économie. Pour pouvoir surmonter, au moins partiellement, ce handicap, les petits Etats doivent procéder à un suivi constant des politiques et des lignes de conduite qui se révèlent efficaces ou inefficaces pour eux et mettre en commun l'expérience ainsi acquise. Il existe un autre moyen important de renforcer leurs capacités limitées: intensifier autant que faire se peut la coopération régionale et solliciter davantage les institutions multilatérales de développement pour développer cette coopération, notamment entre les pays les plus petits. La coopération régionale permettrait également de mettre en commun les ressources et les capacités, y compris dans le secteur privé. Les institutions multilatérales peuvent également contribuer à améliorer la politique appliquée en matière de régulation et de concurrence des services d'intérêt général, en fonction des besoins de chaque pays et de la réalité de sa situation politique.
29. A l'échelon national, les effectifs et le coût de l'administration publique sont proportionnellement plus importants pour les petits Etats que pour les grands. La qualité de la gouvernance est par conséquent primordiale. Elle peut se mesurer à sa capacité à offrir de bonnes infrastructures publiques, des services publics efficaces et un cadre réglementaire adéquat. Les interconnexions des secteurs de l'énergie, des communications et des transports étant indispensables à la population et aux entreprises, les petits Etats devraient être encouragés à constamment investir dans ces domaines. En outre, comme l'Etat est un investisseur national essentiel, plusieurs petits pays sont très attachés à ce qu'il subventionne ou encourage, par le versement d'importantes aides publiques, le développement des infrastructures vitales et des secteurs économiques les plus prometteurs, notamment pour soutenir une croissance durable, des conditions de vie convenables et une approche rationnelle de l'environnement.
30. La précarité de la croissance économique, le jugement des investisseurs, les limites des capacités institutionnelles, les épisodes climatiques extrêmes et, parfois, le caractère insulaire des petites économies exposent celles-ci bien souvent à des perturbations exogènes qu'elles ne peuvent pas contrôler; les petits pays deviennent ainsi très vulnérables. Les stratégies de développement des secteurs public et privé devraient par conséquent accorder une place prépondérante à l'atténuation des risques – essentiellement grâce au renforcement des capacités, à la diversification, à l'innovation et à la coopération régionale (par exemple en prévoyant le partage des risques). Il est par ailleurs essentiel d'éviter toute source d'instabilité intérieure et toute erreur politique qui pourrait avoir des conséquences plus durables et plus intenses que dans un grand pays. Ces facteurs aident à renforcer la résistance aux chocs.
31. Mais il se pourrait bien que la question la plus aiguë qui se pose pour les petites économies soit celle de la «fuite des cerveaux». Pour pouvoir attirer et conserver une main-d’œuvre qualifiée, les pouvoirs publics doivent veiller à offrir une éducation, des emplois, une cohésion sociale et des services publics de haut niveau et, plus généralement, un niveau de vie élevé. Ces divers domaines de la politique publique devraient être considérés comme des priorités du développement et de la bonne gouvernance, qui contribueront à leur tour à créer des moyens de subsistance durables et un socle économique solide pour une société ouverte, malgré ses dimensions modestes.
32. Compte tenu de la diversité des facteurs et des conditions propres à chaque pays, les petits Etats doivent procéder à l'évaluation de leurs points forts et points faibles au regard de la mondialisation et, le cas échéant, à un repositionnement stratégique mondial de leur économie. A cette fin, ils doivent créer un environnement dynamisant et favoriser, par l'application d'une politique publique adéquate (notamment grâce à la formation, à l'éducation et au cadre réglementaire), de nouvelles activités dont bon nombre pourraient s'exercer dans le secteur des services. Certains Etats devraient peut-être également rechercher à l’extérieur l’aide et les conseils qui leur permettront de procéder à ce repositionnement ou à des adaptations structurelles.

4. Un regard plus approfondi sur les pays choisis

33. Chypre et Malte occupent de petits territoires et comptent une population peu importante: il s'agit donc, selon nos critères, de micro-Etats. Chypre a une superficie de 9 300 km² pour une population de 753 000 habitants, tandis que Malte, dont la superficie est de 316 km², compte 408 333 habitants. Malgré leur territoire modeste et leurs ressources naturelles limitées, Chypre et Malte ont enregistré une croissance économique remarquable (qui les a conduits à devenir membres de la zone euro) et d'excellents indicateurs sociaux, en assurant leur stabilité macro-économique, en privilégiant les exportations, en s'ouvrant aux investissements étrangers, en procédant à une libéralisation progressive, en exploitant les niches du marché international (surtout comme destinations touristiques populaires et centres financiers extrêmement dynamiques), en encourageant l'esprit d'entreprise et en mettant l'accent sur l'éducation et la fourniture d'un large éventail de services sociaux.
34. Mais, ces derniers temps, les activités de ces deux secteurs pivots que sont le tourisme et la finance ont été malmenées par la crise économique mondiale. Qui plus est, à Chypre, les dissensions politiques internes suscitées par le programme d'austérité et l'explosion de la principale centrale électrique du pays à l'été 2011 risquent d'assombrir les perspectives économiques à moyen terme.
35. L'économie irlandaise, avec une population de 4,4 millions, qui se situe au sein des petits Etats à un niveau relativement supérieur, a connu au cours des années 1990 une croissance soutenue qui a valu au pays sa réputation de «tigre celtique». Le dynamisme économique et les choix politiques, notamment la faible imposition des sociétés et les mesures d'incitation à l'investissement dans les secteurs à haute valeur ajoutée, ont permis une diversification spectaculaire du secteur industriel et une amélioration de la qualité de vie, mais ont également généré une surchauffe de l'économie lors de la deuxième partie de la décennie précédente. Cette situation a engendré une bulle de l'immobilier, une crise bancaire et une crise de la dette souveraine, une récession et une forte hausse du chômage, qui ont entraîné l’abaissement répété de la note de crédit de l’Irlande et finalement le recours au programme d'aide d'urgence de l'Union européenne et du FMI. Le principal problème du pays tenait à la forte concentration des prestataires de services financiers internationaux (une situation analogue à celle du Luxembourg et, jusqu'à un certain point, à celle de Chypre et de Malte), à une mauvaise évaluation des risques et, finalement, à une garantie trop généreuse accordée par le Gouvernement irlandais aux banques nationales. Alors que le secteur aérien traversait partout dans le monde la crise la plus dure de son histoire, le transporteur aérien irlandais à bas prix Ryanair a battu des records en nombre de passagers et bénéfices en 2011.
36. A l'instar de l'Irlande, les trois Etats baltes – Estonie, Lettonie et Lituanie – étaient il y a peu de temps encore applaudis en raison de la restructuration réussie de leur économie nationale opérée au moment où ils s'acheminaient vers leur adhésion à l'Union européenne. Après avoir surmonté les retombées de la crise russe d'août 1998, ces petites économies nationales ont poursuivi la réorientation de leurs activités commerciales en direction de l'Europe occidentale et du marché mondial, et se sont accordées, sous l'impulsion des banques, une explosion de la consommation et du secteur du bâtiment. Les fondamentaux économiques des trois pays ont été fortement mis à l'épreuve par le resserrement mondial du crédit: en 2008 et 2009, leur économie enregistrait une baisse à deux chiffres. Afin de sortir de la récession, ces pays ont choisi de rétablir l'équilibre macro-économique et leur compétitivité grâce à une dévaluation intérieure douloureuse, qui s'est accompagnée d'une réduction draconienne des dépenses publiques, d'une hausse des prélèvements fiscaux et d'un recours supplémentaire à l’emprunt pour financer le budget.
37. Le bilan des trois Etats baltes est mitigé: en dépit des difficultés rencontrées, l'Estonie est parvenue à maintenir la dette souveraine à un niveau modeste, à exceller dans la gouvernance électronique, à accumuler des réserves budgétaires durant sa période faste et à rejoindre la zone euro, depuis janvier 2011, et l'OCDE en 2010; la Lettonie reste sous perfusion financière et sous la surveillance étroite du FMI et de l'Union européenne, mais sa croissance économique a repris; quant à la Lituanie, elle se débat avec des adaptations structurelles réalisées pour maintenir l'équilibre socio-économique et s'emploie à améliorer ses liaisons aériennes avec les autres capitales européennes, à la suite de la faillite d'une compagnie de pavillon national en 2009. Les trois pays connaissent une reprise économique stimulée par les exportations, mais sans création d'emplois, et une relative expansion industrielle; ils assistent à un nouveau rétrécissement de leur population en raison de l'émigration économique et de leur faible taux de natalité. Malgré leur forte crédibilité économique, les perspectives demeurent incertaines, faute d'une conception radicalement nouvelle de la politique sociale, d'un plus gros effort de diversification des approvisionnements en énergie et de l'assise industrielle et d'une plus grande attention portée au développement régional.
38. Le minuscule Etat de Saint-Marin, dont le territoire de 61 km² compte environ 30 000 habitants, est totalement enclavé en Italie. Sa prospérité économique, bien plus élevée que celle de la région italienne voisine, repose en grande partie sur le secteur bancaire, les assurances, le tourisme et les activités du secteur public, ainsi que sur près de 6 000 travailleurs frontaliers italiens. Inutile de préciser que les relations avec son voisin et principal partenaire commercial, l'Italie, sont vitales. Toutefois, au cours de ces dernières années, ces relations se sont dégradées et l'économie du pays est en crise à cause d'un litige dans lequel l'Italie reproche à Saint-Marin de se conduire en paradis fiscal, alors même qu'il a été rayé de la «liste grise» de l'OCDE sur laquelle figurent les Etats qui ne se conforment pas à la réglementation relative à la lutte contre la fraude fiscale 
			(10) 
			Voir
également la proposition de résolution sur «Bonnes relations économiques
entre l'Italie et Saint-Marin» (Doc. 12412).. En outre, l’Italie rechigne à ratifier une convention bilatérale visant à éviter la double imposition, qui avait été signée en 2002. La rapporteur espère qu'une solution mutuellement satisfaisante sera bientôt apportée à cette situation.
39. Les axes de développement et les antécédents des petits Etats balkaniques créés après l'éclatement de l'ex-Yougoslavie (la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro, la Slovénie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine») ont été très différents d'un pays à l'autre. Tous ces Etats tiraient parti du tourisme, mais ont obtenu des résultats très disparates en fonction de l'état de leurs infrastructures et services. La Slovénie est nettement en pointe dans la région et fait office de plate-forme d'échanges extrêmement dynamique. Sa ligne de conduite prudente, fondée sur la recherche du consensus, dans la gestion et la réforme économiques s'est révélée payante et a ouvert la voie à une rapide adhésion du pays à l'Union européenne, puis à la zone euro. Du fait de ses excellents résultats, la Croatie est bien en passe d’être le prochain pays à adhérer à l’Union européenne. Le renforcement de la convergence et de la coopération régionale, l'engagement d'une action résolue contre la criminalité organisée, l'amélioration constante du climat des affaires, des mécanismes fiscaux et des transports, ainsi que la prise d'initiatives en faveur de l'emploi et de l'acquisition de compétences (surtout chez les jeunes) contribueront sans aucun doute à attirer un plus grand nombre d'investisseurs étrangers vers l'ensemble de ces pays, qui en ont grand besoin.

5. Recommandations de politique générale et conclusions

40. Bien que la notion de petitesse soit relative, les décideurs politiques peuvent légitimement prendre une série de facteurs transversaux en compte. Il est clair que la présence cumulée d'un petit marché national, d'une diversification limitée de la production locale et des exportations, d'une forte dépendance vis-à-vis des marchés étrangers, de ressources locales insuffisantes, de faibles capacités du secteur public et du secteur privé, de difficultés à gérer les flux de capitaux transfrontières et à attirer les investisseurs, ainsi que d’une fragilité face aux catastrophes naturelles rend les petits Etats plus vulnérables sur le plan économique. Comme le montre le présent rapport, les profils des petits Etats membres du Conseil de l'Europe varient considérablement. La recherche de solutions standard ne serait par conséquent d'aucun avantage compte tenu des nombreuses difficultés individuelles rencontrées par les petits Etats et de leur caractère unique; elle ne reconnaîtrait pas davantage que certains problèmes auxquels se heurtent les petits Etats se posent également pour d'autres pays. Votre rapporteur préfère de ce fait proposer quelques recommandations de politique générale destinées à stimuler le débat public sur cette question, tant au sein des petits pays que chez leurs partenaires internationaux, qu'il s'agisse d'Etats ou d'organisations.
41. Les petites économies n’ont pas d’autre choix que de rester ouvertes au commerce international. Elles doivent être ouvertes aux investissements, aux échanges et aux nouvelles idées. Il leur faut constamment adapter et transformer leur économie pour optimiser le niveau de vie et la qualité de vie de leur population, utiliser au mieux leurs ressources limitées et tirer profit de la mondialisation et de la libéralisation croissante des échanges mondiaux. Il leur faut indiquer précisément l'orientation de leur politique réglementaire et leurs priorités nationales pour éclairer ou rassurer les entrepreneurs et attirer de nouveaux investissements.
42. Mais cette ouverture se fait au prix d'une plus grande vulnérabilité aux facteurs extérieurs et aux événements que les petites économies nationales ne maîtrisent pas. Bien qu'il n'existe aucune recette imparable, le fait d’assurer des fondamentaux sains de la macro-économie, de diversifier l'économie nationale, de renforcer la capacité des institutions, d’accroître la compétitivité et de valoriser le capital humain représente le principal moteur d'une stratégie de développement durable à long terme. L'entretien de liens régionaux étroits et l’établissement d’alliances avec d'autres petits Etats, et notamment de partenariats avec des institutions multilatérales de développement et des organisations internationales (comme l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI), la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB), la BERD, le FMI, la Banque mondiale et l'OMC), permettent de faire jouer la solidarité à tout moment, et en particulier en temps de crise.
43. Compte tenu de l'importance du secteur financier en général et, plus récemment, des retombées de la crise financière mondiale sur les petites économies nationales, il convient de réfléchir aux moyens d'utiliser des services financiers bien réglementés, transparents et au meilleur coût pour stimuler ou ouvrir la voie en direction d'autres types d'activités économiques, en abandonnant progressivement la dépendance excessive du bien-être national vis-à-vis du secteur financier. Comme la diversification naît d'ordinaire du développement, il pourrait être utile de prendre des mesures d'incitation fiscale pour garantir l'accès équitable de tous les acteurs économiques, à commencer par les petites entreprises, aux ressources financières et pour promouvoir une politique socialement responsable en matière d'investissement, de manière à ce qu'une part suffisante des bénéfices réalisés par les entreprises soit réinvestie sur place. Les programmes de microcrédit pourraient s'avérer particulièrement pertinents et devraient par conséquent être encouragés.
44. Selon le cas, les petits Etats ne devraient pas hésiter à réévaluer leur politique de privatisation et de réglementation, afin que le bien-être économique soit plus largement partagé et que le secteur privé participe de manière plus pertinente à la mise en œuvre de stratégies nationales de développement. Cette démarche est d'autant plus importante lorsqu'une amélioration constante de l'efficacité et de la compétitivité s'impose, surtout compte tenu de la prévalence des situations de monopole (privé ou public) qui risquent de fausser le marché.
45. Votre rapporteur souhaite par ailleurs insister sur l'importance de la bonne gouvernance, pilier du développement dans les petits Etats. Elle consiste notamment en une synergie entre des institutions efficaces, des professionnels d'une grande intégrité et la prééminence du droit, dont la combinaison permet l'existence de systèmes judiciaires nationaux, d'une stabilité macro-économique, d'une solide administration fiscale et d'une gestion des ressources publiques, de services sociaux et d'entreprises, tout en assurant la sûreté des personnes, la participation de la société civile, la transparence et l'obligation de rendre des comptes. Il convient également de souligner que la maîtrise des déficits budgétaires et le retour à l'équilibre budgétaire s'imposent. Il est donc de la plus haute importance de parvenir à un consensus national sur les mesures à prendre pour améliorer la gouvernance.
46. Comme les citoyens sont de plus en plus soucieux de la qualité de vie et de la durabilité du développement, le secteur de l'environnement offre un énorme potentiel économique, notamment si l’on privilégie le tourisme vert et le tourisme culturel. A cet égard, la rapporteur souhaite rappeler les recommandations extrêmement pertinentes du rapport consacré par l’Assemblée au «Développement durable et tourisme: vers une croissance qualitative» 
			(11) 
			Recommandation 1835 (2008) et Doc. 11539.. Les petits Etats pourraient ouvrir la voie dans ce domaine en Europe, en mettant à l'essai des solutions de développement écologique. Le passage à l'économie verte imposerait l'adoption d'une toute nouvelle stratégie et la réalisation d'investissements spécifiques visant à convertir la population et les entreprises locales à un mode de travail, de vie et de consommation différent.
47. Les études consacrées aux possibilités offertes par l'informatique aux petits pays conduisent à penser que le commerce électronique et la gouvernance électronique peuvent donner une forte impulsion à leur développement, notamment dans les pays où la main-d’œuvre présente un bon niveau d'instruction. Lorsque l'on privilégie l'économie de la vitesse à l’économie d’échelle, le recours à une technologie haut de gamme se révèle efficient, crée de nouveaux emplois, rend l'information plus accessible au grand public et aux entreprises, et, dans un système économique mondialisé, permet de transformer les concurrents en partenaires, quelle que soit la taille de l'entreprise et où qu'elle soit. La présence d'infrastructures et de cadres réglementaires et de surveillance adaptés est essentielle pour pouvoir exploiter pleinement les nouvelles technologies en vue de dynamiser l'économie nationale et le bien-être de la population. La collaboration entre les secteurs public et privé et l'aide de banques multilatérales de développement pourraient s'avérer extrêmement pertinentes à cet égard.
48. L’existence d'interconnexions satisfaisantes des secteurs de l'énergie et des transports est particulièrement importante pour les petits Etats. Les petits Etats membres de l'Union européenne pourraient ainsi tirer parti des plans d'action pour le développement des réseaux transeuropéens et des programmes de financement correspondants, grâce aux prêts de la BEI et aux fonds de l'Union européenne, notamment les fonds structurels et le Fonds de cohésion. Les autres pays voisins de l'Union européenne pourraient chercher à développer leurs interconnexions par l'intermédiaire des mécanismes du Partenariat oriental.
49. Pour pouvoir exploiter pleinement leur potentiel de développement, les petits Etats doivent reconnaître l'importance du capital humain. Une population mieux instruite et en meilleure santé fera davantage preuve d'initiative pour accroître ses revenus et améliorer son bien-être, et pour saisir de nouvelles opportunités en matière d'emploi, tout en utilisant efficacement les ressources dont elle dispose et en permettant au pays de jeter les bases du développement d'une économie de la connaissance. Aussi convient-il d'accorder une priorité absolue à la fourniture de services abordables, accessibles et efficaces dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la santé.