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| Doc. 12701
| 05 septembre 2011
Observation des élections législatives en Turquie (12 juin 2011)
1. Introduction
1. A sa réunion du 10 mars 2011, le Bureau de l’Assemblée
parlementaire a décidé – sous réserve de la réception d’une invitation
des autorités turques compétentes – d’observer les élections législatives
prévues en Turquie le 12 juin 2011.
2. A cet effet, le Bureau a constitué une commission ad hoc composée
de 30 membres et a autorisé une mission préélectorale composée de
cinq membres (un de chaque groupe politique), à effectuer environ
un mois avant les élections. Le Bureau m’a désignée comme Présidente
de la commission ad hoc.
3. Le 8 avril 2011, le Président de la délégation turque auprès
de l’Assemblée, M. Erol Aslan Cebeci, a adressé une invitation officielle
à observer les élections.
4. Sur la base des propositions faites par les groupes politiques
de l’Assemblée, la commission ad hoc était composée comme suit:
- Groupe du Parti populaire européen
(PPE/DC):
- Pedro AGRAMUNT, Espagne
- Jean-Charles GARDETTO, Monaco
- Pavol KUBOVIČ, République slovaque
- Janusz RACHOŃ, Pologne
- Giacomo SANTINI, Italie
- Giuseppe SARO, Italie
- Leander SCHÄDLER, Liechtenstein
- Elkhan SULEYMANOV, Azerbaïdjan
- Latchezar TOSHEV*, Bulgarie
- Groupe socialiste (SOC):
- Arcadio DÍAZ TEJERA, Espagne
- Andreas GROSS, Suisse
- Josette DURRIEU, France
- Pietro MARCENARO, Italie
- Patrick MORIAU, Belgique
- Lord John TOMLINSON, Royaume-Uni
- Marek WIKIÍNSKI, Pologne
- Gisela WURM, Autriche
- Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe
(ADLE):
- Michael HANCOCK, Royaume-Uni
- Rafael HUSEYNOV, Azerbaïdjan
- Kerstin LUNDGREN, Suède
- Andrea RIGONI, Italie
- Chiora TAKTAKISHVILI, Géorgie
- Groupe démocrate européen (GDE):
- Zmago JELENČIČ PLEMENITI, Slovénie
- Sergey MARKOV, Fédération de Russie
- Ganira PASHAYEVA, Azerbaïdjan
- Ivan SAVVIDI, Fédération de Russie
- Groupe pour la Gauche unitaire européenne (GUE):
*
a uniquement participé à la mission préélectorale
5. Le soutien du Secrétariat a été apporté par M. Vladimir
Dronov, Chef du Secrétariat, Unité de coopération interparlementaire
et d'observation des élections, M. Bogdan Torcatoriu, administrateur, Mme Danièle
Gastl et Mme Nicola Stemp, assistantes.
M. Dronov et Mme Gastl ont également
pris part à la mission préélectorale.
6. La mission préélectorale s’est déroulée les 17 et 18 mai 2011,
avec la participation de M. Toshev, M. Díaz Tejera, M. Hunko et
moi-même. Malheureusement, le Groupe démocrate européen n’était
pas représenté en raison d’une défection de dernière minute.
7. La délégation préélectorale a tenu des réunions avec le Président
du Conseil supérieur des élections (CSE), des représentants des
partis politiques en lice pour les élections et l'ambassadeur de
l’Union européenne en Turquie, ainsi qu'avec un échantillon représentatif
de personnalités de la société civile et des médias. Le programme
de travail de la délégation préélectorale figure en Annexe 1.
8. Les observations et conclusions de la délégation préélectorale
sont reflétées dans le communiqué de presse rendu public lors d’une
conférence de presse donnée à l’issue de la visite (Annexe 2).
9. La commission ad hoc s’est rendue à Ankara du 9 au 13 juin
2011 et avait un programme de briefing similaire (Annexe 3).
10. Dans le cadre de ce programme de briefing, une délégation
d’observateurs de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE s’est jointe
à la commission ad hoc.
11. Le jour du scrutin, les membres de la commission ad hoc se
sont répartis en 16 équipes qui ont observé les élections à Ankara
et dans ses environs, à Antalya, Diyarbakir, Gaziantep, Istanbul,
Izmir, Trabzon et Van. Dans l’ensemble, ils ont observé le bon déroulement
des élections et le décompte des voix dans plus de 180 bureaux de
vote.
12. La commission ad hoc a conclu que les élections législatives
organisées le 12 juin 2011 en Turquie avaient été démocratiques,
bien menées et empreintes de pluralisme. Elle a toutefois estimé
qu’il reste nécessaire de renforcer les libertés fondamentales.
Le communiqué de presse publié le lendemain des élections figure
en Annexe 4.
13. La commission ad hoc tient à remercier les autorités turques,
et notamment la délégation turque auprès de l’Assemblée, pour sa
coopération et le soutien apporté à la commission ad hoc dans l’accomplissement
de sa mission.
2. Contexte
politique et juridique
14. Le 3 mars, 2011, le Parlement unicaméral turc (la
Grande Assemblée nationale) a fixé au 12 juin 2011 la date des élections
législatives aux fins d’élire ses 550 membres pour un mandat de
quatre ans.
15. En 2007, trois partis politiques avaient dépassé le seuil
de 10% qui détermine la représentation au parlement. Remportant
le plus grand nombre de sièges – 341 – le Parti pour la justice
et le développement (AKP) a été en mesure de former un gouvernement
majoritaire et d’élire son candidat à la Présidence en août 2007.
Obtenant 99 sièges, le Parti Républicain du Peuple (CHP) est devenu
le principal parti d’opposition suivi par le Parti de l’action nationaliste
(MHP) avec 70 sièges. Vingt-six candidats indépendants ont également été
élus, dont 20 du Parti de la société démocratique, pro-kurde (DTP),
qui constituent ainsi leur propre groupe politique. Toutefois en
décembre 2009, la Cour constitutionnelle a décidé de dissoudre le
parti DTP; la plupart des députés concernés ont alors rejoint le
Parti pour la paix et la démocratie (BDP) créé pour lui succéder
et ont formé un nouveau groupe parlementaire. Les sièges restants
ont été partagés entre les plus petits partis et d’autres candidats
indépendants.
16. Le cadre juridique régissant la conduite des élections comprend
la Constitution et un éventail de lois spécifiques. La Constitution
a été amendée dans les années qui ont suivi les élections de 2007.
En outre, les dispositions relatives à la divulgation et au contrôle
des sources de financement des partis politiques ont été précisées,
des règles plus claires relatives aux obligations des médias et
à l’utilisation du matériel imprimé aux fins de campagne ont été
introduites, les partis ont obtenu le droit de recevoir copie des
procès-verbaux dans tous les bureaux de vote, et la restriction
posée à l’usage des langues autres que le turc a été assouplie.
17. Cependant, certains éléments restrictifs jugés problématiques
lors du scrutin de 2007 n’ont pas fait l’objet de modifications
subséquentes et continuent d’entraver en particulier les activités
des médias et des partis politiques. Le cadre juridique turc interdit
toujours, d’une manière jugée démesurée par beaucoup, les activités
susceptibles d’être considérées comme une insulte à l’identité turque,
aux organes et institutions de l’Etat, aux valeurs nationales et
morales de la communauté ainsi qu’aux réformes et principes d’Atatürk, incitant
à l’hostilité et à la haine au sein de la population et promouvant
des organisations terroristes. Ces dispositions continuent par conséquent
de nuire aux activités des médias et des partis politiques en particulier, comme
en témoignent plusieurs affaires engagées contre la Turquie devant
la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après «la Cour») et
portant sur la liberté d’expression, d’association et de réunion.
18. En janvier 2011, l’Assemblée parlementaire a exprimé ses inquiétudes
devant les retards extrêmement préoccupants dont souffre l’exécution
des arrêts de la Cour et les «déficiences systémiques majeures»
qui sont à l’origine de beaucoup de constats répétitifs de violations
de la Convention européenne des droits de l'homme (
Résolution 1787 (2011)).
19. mars 2011, le Parlement européen a également appelé les autorités
turques à réviser la législation afin de la mettre en conformité
avec les décisions de la Cour (Résolution du Parlement européen
du 9 mars 2011 sur le rapport 2010 sur les progrès accomplis par
la Turquie (P7_TA-Prov (2011) 0090)).
20. En septembre 2010, l’AKP a initié un référendum qui a conduit
à l’adoption de plusieurs changements constitutionnels importants.
Si l’avis de la Commission de Venise n’a pas été officiellement
sollicité, le texte proposé tenait compte de ses rapports et points
de vue. Le ministère de la Justice a par ailleurs demandé l’aide de
la Commission de Venise dans la rédaction de la législation d'exécution.
Selon les autorités, ces modifications mettent la Constitution en
conformité avec les normes européennes, améliorent le respect des droits
de l’homme, renforcent l’accès des citoyens à la justice, limitent
les pouvoirs des tribunaux militaires et ouvrent la voie à la réforme
du système judiciaire. Pour leur part, les opposants au référendum
ont qualifié l’adoption de ces amendements de tentative déguisée
du parti au pouvoir de renforcer son autorité, notamment sur le
judiciaire.
21. A l’issue du référendum, le parti AKP a fait part de son intention
d’engager un processus d’élaboration de la nouvelle constitution
après les élections législatives de 2011. L’objectif annoncé est
de réviser la Constitution de 1980 actuellement en vigueur et d’éliminer
les incohérences découlant des fréquents amendements adoptés ces
dernières années. Les autorités ont fait savoir qu’elles envisageaient
d’initier un processus large et inclusif de consultation publique
sur les projets et de solliciter la contribution de tout l’éventail
politique. A cet égard, de nombreux interlocuteurs ont insisté sur
le fait que la question centrale de ces élections était de savoir
si oui ou non le parti vainqueur obtiendrait la majorité absolue
lui permettant d’adopter la nouvelle constitution sans concertation
avec les autres acteurs politiques.
22. L’actuelle constitution interdit toute modification du cadre
juridique dans l’année qui précède des élections, respectant ainsi
pleinement les recommandations du Conseil de l’Europe.
23. Le vote est obligatoire en Turquie. Tout manquement à l’exercice
de ce devoir civique est passible d’une amende de 20 livres turques
(environ 9 euros). Cette disposition n’est toutefois que rarement
appliquée.
3. Administration
électorale, inscription des électeurs et des candidats
24. En Turquie, les élections se déroulent sous l’administration
générale et le contrôle des organes judiciaires.
25. L’administration des élections du 12 juin 2011 reposait sur
un système à quatre niveaux comprenant le Conseil supérieur des
élections (CSE), les commissions électorales provinciales, les commissions
électorales de district (CED) et les commissions électorales de
bureau de vote (CEBV). L’administration électorale était principalement
composée de juges de haut rang, mais n’excluait pas la représentation
de partis politiques. Le CSE a bénéficié d'une large confiance de
la population qui a estimé, globalement, qu’il avait rempli ses fonctions
de manière professionnelle et efficace. Toutefois, sa décision de
ne pas introduire la possibilité de voter dans les représentations
diplomatiques et consulaires à l'étranger a suscité de nombreuses
critiques. Le CSE a estimé que les représentations turques à l’étranger
n’étaient pas prêtes à assurer des conditions de vote uniformes
compte tenu notamment du peu de temps laissé aux préparatifs. Il
a par contre maintenu les dispositions relatives à la mise en place
de bureaux de vote aux postes de contrôle douanier pour les électeurs dont
la résidence est enregistrée à l’étranger. Vingt-cinq bureaux de
vote de ce type ont été établis afin de permettre le vote anticipé,
dès le 10 mai, des électeurs inscrits sur les listes électorales
de citoyens résidant à l’étranger et voyageant depuis ou vers la
Turquie au cours de la période préélectorale. Afin de prévenir les votes
multiples, les personnes ayant exprimé leur voix ont été enregistrées
sur le registre électoral électronique auquel était connecté l’ensemble
des bureaux de vote installés aux postes frontières, et leur passeport
a été tamponné.
26. La décision afférente au vote de la diaspora a été grandement
critiquée, surtout par le Premier ministre qui a estimé qu’elle
compromettait l’universalité du suffrage.
27. S’agissant de l’inscription des candidats, le 18 avril 2011,
le CSE a rejeté 12 candidatures indépendantes au motif que les 12
personnes avaient été condamnées dans le passé pour des faits liés
à des activités terroristes. Cette décision a restreint les chances
du Parti pour la paix et la démocratie (BDP) d’être représenté au
parlement, dans la mesure où l’ensemble des candidats indépendants
étaient soit membres, soit partisans du BDP. Suite aux vives réactions
de l’opinion publique et des hommes politiques, notamment du Premier
ministre Erdoğan, le CSE est revenu sur sa décision et a annoncé,
le 21 avril, que 7 des 12 candidats étaient autorisés à se présenter
aux élections. Une de ces sept personnes a ultérieurement retiré
sa candidature. De l’avis général, en rejetant ces inscriptions,
le CSE a appliqué à la lettre la législation qui, de toute évidence,
nécessite à son tour d’être amendée.
28. Le CSE a préparé pour ces élections des listes d’électeurs
basées sur un système électronique d’état civil qui associe à l’échelle
nationale le lieu de résidence officielle des électeurs à un numéro
d’identification individuel unique. Le système d’inscription des
électeurs a suscité plusieurs questions et soulevé des préoccupations
quant au délai extrêmement court alloué au contrôle public.
29. Le jour du scrutin, les électeurs ont exercé leur droit de
vote sur présentation de leur numéro d’identification individuel.
Ce numéro figurait sur les papiers d’identité personnels, mais également
sur les extraits bancaires, les contrats commerciaux et les factures
des services publics, ces différentes pièces pouvant toutes faire
office de justificatif le jour du scrutin à condition d’inclure
ou d’être accompagnées d’un document contenant le nom et une photo
de l’électeur. En dépit du fait que les numéros d’identification individuels
aient été en usage depuis l’an 2000, le ministère de l’Intérieur
a estimé au printemps 2011 que près de 1% de la population en était
toujours dépourvu et risquait de ce fait d’être dans l’incapacité
de voter. Pour remédier au problème, le ministère de l’Intérieur
a mené une campagne d’information télévisée encourageant les citoyens
à suivre les procédures pour obtenir leur numéro d’identification
individuel à temps pour les élections.
30. S’agissant du scrutin de 2011, le CSE a introduit un certain
nombre de nouveautés. Pour la première fois, des urnes transparentes
ont été utilisées. On n’a plus eu recours au marquage à l’encre
des doigts des électeurs. Le CSE s’est également efforcé d’assurer
aux personnes handicapées l’accessibilité aux bureaux de vote. Ces
dernières avaient la possibilité de se faire connaître au préalable
auprès des administrateurs électoraux afin que leur nom soit porté
sur les listes des bureaux de vote situés au rez-de-chaussée des bâtiments
accueillant plusieurs bureaux de vote. Celles qui auraient omis
de le faire étaient toujours en mesure d’exprimer leur suffrage
dans les bureaux de vote accessibles, les enveloppes contenant leur
bulletin étant à l’issue du scrutin acheminées par les agents électoraux
jusqu’aux bureaux de vote concernés. Toutefois, notre mission d’observation
nous a permis de conclure à une méconnaissance manifeste de ces
nouvelles mesures tant de la part des agents électoraux que du grand
public.
31. La commission ad hoc a noté avec satisfaction la possibilité
donnée aux prisonniers de voter dans les centres de détention, comme
cela a été observé par l'un des observateurs de l'Assemblée à Van,
dans le sud-est de la Turquie.
32. Le public a témoigné d’une confiance élevée dans l’intégrité
du processus électoral, y compris des procédures le jour même du
scrutin, au niveau des bureaux de vote. Certains représentants de
partis politiques d’opposition et de la société civile ont néanmoins
exprimé leurs inquiétudes quant au transfert des résultats depuis
les CEBV jusqu’aux CED des zones rurales la nuit des élections,
et leur saisie par ces dernières dans le système électronique de
tabulation. Le CSE a indiqué que les récents amendements permettant
aux représentants des partis politiques d’obtenir une copie des
résultats des CEBV (cette mesure étant limitée aux représentants
de trois partis politiques tirés au sort par chaque CEBV respective)
permettraient d’apaiser ces craintes. Les candidats indépendants
étaient défavorisés dans la mesure où ils ne pouvaient prétendre
à aucun financement de l’Etat pour leurs activités électorales.
4. Période préélectorale
et environnement médiatique
33. Compte tenu du large éventail de partis politiques
et de candidats indépendants en lice pour les élections du 12 juin
2011, la campagne a été dynamique et a grandement suscité l’intérêt
public. Les élections ont été très disputées et ont été facteur
de division en raison principalement de la polarisation grandissante
de la société turque. La commission ad hoc salue la possibilité
qui a été donnée aux candidats, lors de ces élections, de mener
campagne dans une langue autre que le turc, ce qui constitue une
avancée positive.
34. Le cessez-le-feu unilatéral proclamé par le PKK en août 2010
a été dans l’ensemble bien respecté en dépit des menaces de son
éventuelle levée proférées en mars 2011 suite à ce que les militants
kurdes ont qualifié d’échec des autorités à engager le dialogue
avec les Kurdes. Cette situation a inévitablement donné lieu à un
regain de tensions.
35. Des informations faisant état de violences, de harcèlement,
d'emprisonnement et d'arrestation de militants kurdes de l'opposition,
notamment des élus, et de décès dans l'est et le sud-est du pays
ont encore aggravé la situation.
36. La période préélectorale a été entachée d'explosions de violence
faisant prétendument au moins 50 victimes; une puissante bombe commandée
à distance (36 kg d’explosifs) a été désamorcée la veille de la visite
du Premier ministre dans les régions du sud-est du pays, à la frontière
de l’Irak; les locaux de candidats indépendants soutenant le Bloc
«Travail, Démocratie et Liberté» à Istanbul, Toroslar, Mersin et
dans d’autres villes ont fait l’objet d’attaques. A Istanbul, un
candidat, M. Őnder, a été personnellement agressé. Selon les informations
rapportées, la police n’aurait engagé aucune action.
37. Le paysage médiatique en Turquie est très diversifié. Les
partis politiques en lice ont bénéficié d’un temps d’antenne gratuit
sur les ondes de la Société turque de radiotélévision (TRT) pour
présenter leurs plates-formes électorales. Pour la première fois,
les partis et les candidats ont été autorisés à acheter des encarts publicitaires
pour défendre leurs idées. Les partis politiques se sont vu accorder
du temps d'antenne gratuit pendant la dernière semaine de la campagne
sur la principale chaîne de télévision publique d’État; ils ont
en outre eu droit à un temps d'antenne supplémentaire, proportionnel
aux résultats obtenus aux élections précédentes. Les partis d'opposition
ont affirmé avoir bénéficié d'une couverture dans les médias turcs nettement
inférieure à celle accordée au parti au pouvoir. Les candidats indépendants
ne peuvent pas disposer de temps d'antenne gratuit et se trouvent
de ce fait dans une situation moins favorable. Le Conseil supérieur de
la radio et de la télévision (RTUK) a contrôlé le respect des réglementations
relatives aux médias. Les rapports du RTUK ont ensuite été examinés
par le CSE, habilité à imposer des sanctions en cas de violation. Cependant,
des inquiétudes ont été exprimées quant au sentiment de détérioration
de l’environnement médiatique, aux pressions exercées sur les médias
et les journalistes et à l’autocensure. Des campagnes de dénigrement
liées à une allégation de scandale sexuel ont également été rapportées.
Le 2 mai 2011, la Cour constitutionnelle turque a modifié la loi
sur la presse en vue d'étendre de deux mois à huit ans le délai
légal de prescription des accusations pénales portées contre des
journalistes. De nombreux observateurs ont indiqué que ces dispositions
faisaient peser sur les journalistes une menace permanente de poursuites
pénales.
5. Plaintes et recours
38. Les décisions du CSE ne sont pas susceptibles de
recours. A cet égard, la décision du CSE de réintégrer certains
candidats indépendants précédemment évincés a été saluée, mais a
néanmoins suscité certaines interrogations d’ordre juridique.
39. La commission ad hoc a reçu de la part de ses interlocuteurs
les plaintes suivantes.
40. Le principal problème évoqué par l’opposition avait trait
au seuil de 10% qui détermine la représentation d’un parti politique
au parlement. Ce seuil, qui est le plus élevé d’Europe, limite clairement
le caractère représentatif de l'organe législatif en Turquie. Il
affecte également la diversité du discours politique dans le pays.
41. Les partis d’opposition ont soulevé des questions devant l’augmentation
massive du nombre d’électeurs enregistrés (10 millions) ces dernières
années et se sont également interrogés sur la quantité extrêmement élevée
de bulletins de vote imprimés.
42. La législation turque interdisant à des observateurs nationaux
(autres que les représentants des partis) d’observer les élections,
les demandes d’accréditation déposées par certaines ONG ont été
rejetées.
43. Plus de 50 journalistes sont encore détenus en Turquie, et
certains font toujours l'objet d'enquêtes pour être prétendument
liés à une tentative de coup d'Etat. Les représentants des médias
ont informé la commission ad hoc de la nécessité persistante de
pratiquer l’autocensure. Des intérêts commerciaux jouent également
un rôle extrêmement important dans l’orientation générale des médias.
44. Des questions liées à la religion et à l’ethnicité auraient
servi (selon les partis d’opposition) comme outil subtil de propagande
électorale.
45. Les représentants du BDP ont insisté sur la discrimination
induite par le seuil de 10% posé au financement de la campagne électorale
des partis politiques à partir de fonds publics (seuls les partis
ayant franchi le seuil pouvant prétendre à un soutien financier
de l’Etat). Bien que disposant d’un groupe politique au sein du
parlement, ils n’ont pas bénéficié de ce soutien financier.
6. Jour du scrutin:
vote, décompte des voix et établissement des résultats
46. Le jour du scrutin, les opérations de vote se sont
déroulées dans une ambiance calme et détendue. En revanche dans
le Sud-Est, il a été fait état d’une forte présence policière. La
police aurait fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule
en liesse à Van, après la fermeture des bureaux de vote. La commission ad
hoc a déploré que les ONG locales non partisanes n’aient pas été
autorisées à observer le déroulement du vote.
47. Des urnes transparentes ont été utilisées pour la première
fois. Afin d’éviter tout risque de pression sur les électeurs, les
caméras ou téléphones cellulaires étaient interdits dans l’isoloir.
48. Dans l’ensemble, les observateurs ont eu accès à la grande
majorité des bureaux de vote visités, bien que dans de rares cas,
ils, ou leurs interprètes, en aient été empêchés. Ces faits ont
été dûment rapportés au CSE. Certains agents électoraux étaient
inquiets à l’idée que des observateurs internationaux s’acquittent
à leur place de leur mission, insistant en particulier sur le fait
que ce type d’observation appelait à la réciprocité.
49. Les procédures concernant l’ouverture des bureaux et les opérations
de vote ont été dûment respectées dans la plupart des bureaux de
vote où les observateurs de l'Assemblée parlementaire se sont rendus.
Le dépouillement a été entrepris de manière efficace, d’autant plus
que le nombre moyen d’électeurs par CEBV n’excédait pas 300.
50. Les résultats des élections figurent en Annexe 5.
7. Conclusions
et recommandations
51. Les élections en Turquie étaient démocratiques, bien
menées et empreintes de pluralisme, mais il reste nécessaire de
renforcer les libertés fondamentales.
52. Une semaine après le scrutin, le rapporteur a eu connaissance
qu’un candidat kurde de Diyarbakir, Hatip Dicle, actuellement en
détention, qui avait remporté un siège au Parlement, a vu son élection
invalidée par le CSE (décision confirmée par la Cour d’appel), qualifiant
les faits de «propagande en faveur d’une organisation terroriste».
53. Par ailleurs, il y a lieu de noter que d’autres membres élus
du CHP et du BDP, qui avaient été autorisés à se présenter aux élections,
se sont eux-aussi vu refuser des sièges par la suite. Ces décisions
ont amené les députés du CHP et du BDP à refuser de prêter serment
le 28 juin 2011 et à boycotter le parlement. Des membres du CHP
ont ensuite pu prendre leur siège.
54. La cas de M. Dicle et d’autres candidats soulève des questions
quant à la validation et le refus d’inscription par le CSE et sa
volte-face suite à des plaintes. La commission ad hoc, tout en soulignant
la nécessité de respecter la séparation des pouvoirs, encourage
les autorités à clarifier les dispositions électorales pour éviter
des situations similaires à l’avenir.
55. La commission ad hoc salue le professionnalisme et le dévouement
dont les membres de l’administration électorale ont généralement
fait preuve.
56. La commission ad hoc réitère la recommandation de l’Assemblée
d’abaisser le seuil actuellement fixé à 10% afin d’éviter à l’avenir
les distorsions du caractère représentatif de l'organe législatif.
57. La commission ad hoc encourage les autorités à assurer l'exercice
du droit de vote des citoyens turcs résidant à l'étranger par l'organisation
du vote dans les représentations diplomatiques et consulaires.
58. L’ensemble des acteurs politiques devrait s’abstenir de recourir
à des pratiques d’affrontement. L’usage démesuré de la force et
le placement en détention, y compris d’élus, devraient être évités.
La commission ad hoc souligne la nécessité d’une tolérance zéro
concernant les activités terroristes.
59. Les médias devraient jouir de la liberté d’expression. Il
convient par ailleurs de réviser le cadre juridique relativement
contraignant et d’introduire des règles claires et non équivoques
relatives à la liberté des médias et la liberté d’expression.
60. Le nouveau Parlement turc pourrait envisager l’adoption d’une
nouvelle législation autorisant des observateurs locaux non partisans
à participer dans le processus. Cette mesure permettrait de renforcer
la transparence et la confiance du public dans le processus électoral.
61. La question de la participation et la représentation encore
insuffisantes des femmes dans la vie politique devrait également
être abordée de manière à garantir l’égalité des chances. L’amélioration
intervenue au cours de ce scrutin, avec 78 sièges détenus par des
femmes contre 46 auparavant, est à considérer comme une première
étape.
62. Les conditions de vote pour les personnes handicapées devraient
être améliorées, éventuellement en prévoyant l’introduction d’urnes
mobiles pour les personnes handicapées.
63. La commission ad hoc appelle le nouveau Parlement turc à adopter,
sans plus tarder, une législation susceptible d’améliorer le système
électoral. La procédure devrait être menée en consultation avec
l’ensemble des acteurs politiques, et avec, au besoin, la contribution
de la Commission de Venise.
64. L’Assemblée parlementaire est prête à assister la Turquie
dans ses efforts visant à une plus grande démocratisation du pays.
Annexe 1 – Mission préélectorale
(17-18 mai 2011)
(open)
Programme
Mardi, 17 mai
2011
09.00 Ouverture de la réunion de la commission ad hoc
09.45 Briefing par l’Ambassadeur Marc Pierini, Chef de la
délégation de l’Union européenne en Turquie
11.00 Réunion avec M. Ali Em, Président du Conseil supérieur
des élections
12.00 Réunion avec les partis politiques:
- Parti pour la paix et la démocratie
(BDP)
13.00 Réunion avec la délégation turque auprès de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe
Réunion avec les partis politiques (suite)
14.30 Le Parti pour la justice et le développement (AKP)
15.40 Le Parti républicain du peuple (CHP)
17.00 Table ronde avec des représentants d’ONG:
- Mme Feray
Salman, Plate-forme conjointe des droits de l'homme (Human Rights Joint
Platform)
- M. Öztürk Türkdoğan, Président, Association des droits
de l’homme
- M. Ayşegül Bahçivan, Equal Rights Watch
- M. Musa Akkum, Helsinki Citizens Assembly – Turquie
- Mme Emma Sinclair-Webb, Human
Rights Watch
- M. Özcan Çine, Union des barreaux turcs
Mercredi, 18
mai 2011
10.00 Réunion de la commission ad hoc
11.00 Table ronde avec des représentants des médias:
- le quotidien Hürriyet
- Today’s Zaman
- CNN-Türk
- TRT
13.00 Conférence de presse
Annexe 2 – Elections législatives
en Turquie: déclaration de la délégation pré-électorale de l'APCE
(open)
Strasbourg, 18.05.2011 – Une délégation pluripartite
composée de quatre membres* de l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe (APCE) effectuant une visite pré-électorale en Turquie
avant les élections législatives du 12 juin a salué les solides
progrès économiques accomplis en Turquie depuis les élections législatives
de 2007.
«Il existe une société civile dynamique dans le pays et, puisque
les médias électroniques peuvent désormais être diffusés dans des
langues autres que le turc, il est maintenant autorisé de faire
campagne dans ces langues également – ce qui est une évolution positive.
Le Conseil supérieur des élections (CSE) agit de manière efficace
et transparente et, semble-t-il, dans le respect à la lettre de
la loi. Certains amendements législatifs introduits depuis 2007,
quoique ne couvrant pas tout, ont ouvert la voie à un meilleur processus électoral
plus transparent.
Parallèlement, les médias, qui sont généralement considérés
comme libres, appliqueraient l’autocensure par crainte d'être victimes
d'une large interprétation de la loi antiterroriste. Le processus
d’enregistrement des candidats, bien qu'il ait été effectué dans
le respect à la lettre de la législation en vigueur, a abouti à
une situation où un certain nombre de candidats ont dans un premier
temps été rejetés, une décision rapidement annulée par le CSE eu
égard à certains d’entre eux après de très vives polémiques publiques.
Ceci témoigne clairement de la nécessité d'améliorer davantage la
base juridique en vigueur. Par ailleurs, l'application de la législation
en vigueur doit se faire en toute bonne foi.
Des informations faisant état de tensions croissantes, de
violences, de harcèlement, d'emprisonnement et d'arrestation de
militants kurdes de l'opposition, notamment des élus, et de décès
dans l'est et le sud-est du pays ont suscité de vives préoccupations.
Nous appelons tous les acteurs politiques à s'abstenir de tout acte de
violence.
Dans l'ensemble, on estime largement que les élections vont
être libres mais que leur équité pourrait être améliorée, notamment
compte tenu des conditions d'inégalité existant entre les différents
candidats.
A cet égard, le seuil de 10%, de loin le plus élevé parmi
les Etats membres du Conseil de l'Europe, demeure la question centrale
qui limite la nature représentative de la législature.
Nous nous attendons à ce que la Turquie prenne des mesures
correctives et sommes prêts à continuer à lui porter assistance
en fonction des besoins. Nous espérons que les élections à venir
du 12 juin se dérouleront de manière démocratique, dans un climat
pacifique et dans le respect de l’ordre.»
La délégation s'est rendue à Ankara les 17 et 18 mai 2011
à l’invitation de la délégation turque auprès de l’APCE. Elle s'est
réunie avec le Président du CSE, des représentants des partis politiques
en lice pour les élections et l'ambassadeur de l’UE en Turquie,
ainsi qu'avec un échantillon représentatif de personnalités de la
société civile et des médias. Les observateurs de l’APCE retourneront
dans le pays avec une délégation de 30 membres pour observer les
élections du 12 juin.
* Kerstin Lundgren (Suède, ADLE), chef de délégation, Latchezar
Toshev (Bulgarie, PPE/DC), Arcadio Díaz Tejera (Espagne, SOC), et
Andrej Hunko (Allemagne, GUE).
Annexe 3 – Programme
(open)
Vendredi, 10
juin 2011
09.00 – 09.30 Ouverture de la réunion de la commission ad
hoc
09.30 – 10.15 Déclarations de Mme Kerstin
Lundgren, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, de Mme Pia Christmas-Moeller,
Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, et
de M. Alaattin Büyükkaya, Président de la délégation turque auprès
de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE
10.15 – 11.00 Briefing par M. Michele Villani, Chargé d’affaires
de la délégation de l’Union européenne en Turquie et Mme Cayetana
de Zulueta, Chef de la mission OSCE/BIDDH en Turquie
11.00 – 12.00 Réunion avec M. Mehmet Kürtül, membre du Conseil
supérieur des élections
12.00 – 12.45 Réunion avec M. Haluk Ipek, Vice-président,
Parti pour la justice et le développement (AKP)
14.00 – 14.45 Réunion avec Mme Gülsün
Bilgehan (Vice-présidente) et M. Izzet Çetin, Vice-Président du
Parti républicain du peuple (CHP)
14.45 – 15.30 Réunion avec M. Tuğrul Türkeş, membre de la
délégation turque auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe, Parti de l’action nationaliste (MHP)
15.30 – 16.15 Réunion avec M. Deniz Zarakolu, Parti pour la
paix et la démocratie (BDP)
16.30 – 17.30 Table ronde avec des représentants des médias:
- Hürriyet en ligne, Mme Zeynep
Gürcanli
- TARAF, M. Mithat Sahkar
- TRT, M. Ali Ahmet Böken
- Conseil supérieur de la radio et de la télévision, M.
Nurullah Öztürk
17.30 – 18.30 Table ronde avec des représentants d’ONG:
- M. Dilek Ertukel, Directeur
de pays, National Democratic Institute (NDI)
- Mme Feray Salman, Plate-forme
conjointe des droits de l'homme (Human Rights Joint Platform) (IHOP)
- M. Hüsnü Öndül, Conseiller juridique de IHOP
- Mme Levent Korkut, Centre de
développement de la société civile (Présidente du Conseil) et membre
du Comité directeur d’IHOP
- M. Öztürk Türkdoğan, Président, Association des droits
de l’homme
- Mme Seda Alp, Equal Rights
Watch
- M. Nejat Taştan, Equal Rights Watch
- M. S. Erdem Türközü, Fondation des droits de l’homme
- M. Musa Akkum, Helsinki Citizens Assembly
- Mme İlknur Üstün, Coalition
de femmes
- M. Ahmet Faruk Ünsal, Mazlumder
- M. Özcan Çine, Union des barreaux turcs
18.45 Rencontre avec les chauffeurs et les interprètes des
équipes à Ankara et aux alentours
Samedi, 11 juin
2011
Déploiement dans les régions
Dimanche, 12
juin 2011
Observation des élections législatives
Lundi, 13 juin
2011
09.00 Réunion de la commission ad hoc
11.00 Conférence de presse
Annexe 4 – Elections en
Turquie: démocratiques, bien menées et empreintes de pluralisme,
mais il reste nécessaire de renforcer les libertés fondamentales
(open)
Strasbourg, 13.06.2011 – Les élections de
la Grande Assemblée Nationale turque du 12 juin 2011 ont démontré
que les récents changements décidés par le Gouvernement turc ont
permis d’améliorer le système électoral. Mais certains événements,
en particulier concernant la liberté d'expression, notamment la
liberté des médias, suscitent cependant des inquiétudes. Le processus
électoral a globalement été marqué par le pluralisme et par une
société civile dynamique. Le scrutin et le dépouillement, qui ont
été observés le jour de l'élection, se sont pour l'essentiel déroulés
dans le calme et le processus a été mené avec professionnalisme.
Certains éléments de la législation continuent d'entraver
les activités des médias et des partis politiques en limitant la
liberté d'expression.
Le seuil de 10 % qui détermine la représentation d'un parti
politique au parlement – le plus élevé de la région OSCE – demeure
l'un des aspects essentiels qui limitent le caractère représentatif
de l'organe législatif.
Pour la première fois, les candidats ont été autorisés à acheter
des encarts publicitaires pour défendre leurs idées. Les partis
politiques se sont vu accorder du temps d'antenne gratuit pendant
la dernière semaine de la campagne sur la principale chaîne de télévision
publique d'Etat; ils ont en outre eu droit à un temps d'antenne supplémentaire,
proportionnel aux résultats obtenus aux élections précédentes. Les
candidats indépendants ne peuvent pas disposer de temps d'antenne
gratuit et les partis d'opposition ont affirmé avoir bénéficié d'une couverture
dans les médias turcs nettement inférieure à celle accordée au parti
au pouvoir.
L'inscription des partis politiques et des candidats indépendants
a offert aux électeurs un véritable choix. L'autorisation, dans
les faits, d'utiliser d'autres langues, y compris le kurde, pendant
la campagne constitue cette année une évolution importante, qui
a renforcé le débat pluraliste et démocratique dans le pays.
Le contrôle exercé par l'Etat sur les groupes de médias influents
aurait entraîné une présentation peu objective de l'information
et une autocensure, mais des journalistes et des ONG ont indiqué
que des intérêts commerciaux ont aussi limité la liberté des médias.
Des observateurs ont noté que plus de 50 journalistes ont été détenus
et font toujours l'objet d'enquêtes en Turquie, certains pour être
prétendument liés à une tentative de coup d'Etat. Le fait de limiter
la liberté des médias constitue une violation du Document de Copenhague
de 1990 et d'une multitude de textes du Conseil de l'Europe. Le
2 mai 2011, la Cour constitutionnelle turque a modifié la loi sur
la presse en vue d'étendre de deux mois à huit ans le délai légal
de prescription des accusations pénales portées contre des journalistes.
De nombreux observateurs, notamment le Représentant de l'OSCE pour
la liberté des médias, ont indiqué que ces dispositions faisaient
peser sur les journalistes une menace permanente de poursuites pénales.
Globalement, le processus électoral a été organisé convenablement
et conduit avec professionnalisme et sans heurts, malgré les problèmes
rencontrés au début lors de l'enregistrement de quelques candidats indépendants.
La Commission électorale suprême (CES) a bénéficié d'une large confiance
et du respect de la population grâce à son administration transparente,
professionnelle et efficace de l’élection. Dans les bureaux de vote,
les électeurs devaient présenter une pièce d'identité avec une photographie
et des urnes transparentes ont été utilisées pour la première fois.
Autre innovation technique, la CES a préparé pour ces élections
des listes d’électeurs basées sur un système électronique d’état
civil qui associe à l’échelle nationale le lieu de résidence officielle
des électeurs avec un numéro d’identification individuel unique.
Toutefois, de nombreux acteurs ont émis des doutes concernant l’évolution
considérable du nombre des électeurs inscrits depuis quelques années
et l’impression d’un nombre disproportionné de bulletins de vote
excédentaires.
Les partis politiques ont pu diffuser leurs programmes auprès
des électeurs convenablement. La campagne électorale s’est déroulée
dans un contexte polarisé. Les observateurs parlementaires se sont
félicités de ce que les acteurs concernés ont le plus souvent fait
preuve de modération, même s’il y avait une forte présence policière
et en dépit de tensions dans certaines parties du Sud-est, ainsi
que de quelques cas isolés d’agressions physiques. Cela étant, de
nombreux rassemblements impliquant un grand nombre de citoyens se
sont le plus souvent déroulés sans violence. Surtout, le jour du
scrutin lui-même a dans l’ensemble été exempt de toute violence.
Les opérations de dépouillement observées se sont déroulées
de manière efficace et conforme aux réglementations en vigueur.
Les représentants des partis et les observateurs ont eu accès aux
résultats des bureaux de vote.
Il est nécessaire de promouvoir massivement une participation
et une représentation plus fortes des femmes dans la vie politique
du pays. Moins de neuf pour cent des sièges du parlement sortant
étaient occupés par des femmes et les listes de candidats présentées
par les partis ne respectaient pas les promesses qui avaient été
faites: aucun parti n’a présenté une liste de candidats comportant
ne serait-ce que vingt pour cent de femmes.
Le jour du scrutin, les observateurs ont assisté à l’ouverture
des bureaux de vote, au vote lui-même et à la fermeture des bureaux,
y compris le dépouillement. Les responsables des élections locales
et les agents présents dans chaque bureau étaient semble-t-il suffisamment
formés et le vote s’est déroulé de manière sereine et bien organisée.
Le taux de participation annoncé a été de 84 pour cent.
Conformément à ses engagements auprès de l’OSCE et du Conseil
de l’Europe, la Turquie a invité des parlementaires des deux organisations
à observer ces élections. Les observateurs ont le plus souvent eu accès
à tous les niveaux de l’administration électorale et aux bureaux
de vote le jour du scrutin. Afin de lever toute incertitude et de
respecter pleinement les engagements auprès de l’OSCE, il est souhaitable
que la loi permette expressément l’accès des observateurs internationaux
aux opérations des élections nationales.
La mission d’observation, composée de plus de 70 membres dont
61 parlementaires de 30 pays, a réuni une délégation de l’Assemblée
parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (AP-OSCE), conduite par la Vice-présidente de l’AP-OSCE
et membre du Parlement danois Pia Christmas-Moeller, et une délégation
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), conduite
par Kerstin Lundgren, membre du Parlement suédois.
Annexe 5 – Résultats des
élections du 12 juin 2011 en Turquie
(open)
Partis
politiques
|
Nombre
de voix
|
Pourcentage
%
|
Nombre
de députés
|
Parti pour la justice
et le développement
(Adalet ve Kalkınma Partisi)
|
21.320.207
|
49,80
|
327
|
Partie démocrate
(Demokrat
Parti)
|
278.775
|
0,65
|
|
Parti Républicain du
Peuple
(Cumhuriyet Halk Partisi)
|
11.122.420
|
25,98
|
135
|
Parti du Travail
(Emek
partisi)
|
31.766
|
0,07
|
|
Parti de la Nation
(Millet
Partisi)
|
60.673
|
0,14
|
|
Parti libéral démocrate
(Liberal
Demokrat Party)
|
15.166
|
0,04
|
|
Parti de la félicité
(Saadet
Partisi)
|
541.470
|
1,26
|
|
Parti des droits et de
l'égalité
(Hak ve Eşitlik Partisi)
|
124.082
|
0,29
|
|
Parti de la voix du peuple
(Halkın
Sesi Partisi)
|
329.358
|
0,77
|
|
Parti de l’action nationaliste
(Milliyetçi
Hareket Partisi)
|
5.575.010
|
13,02
|
53
|
Parti de la juste voie
(Doğru
Yol Partisi)
|
64.453
|
0,15
|
|
Parti communiste turc
(Türkiye
Komunist Partisi)
|
63.786
|
0,15
|
|
Parti nationaliste et
conservateur
(Milliyetçi ve Muhafazakar Partisi)
|
36.105
|
0,08
|
|
Parti de la grande unité
(Büyük
Birlik Partisi)
|
322.819
|
0,75
|
|
Parti démocratique de
la gauche
(Demokratik Sol Parti
|
107.889
|
0,25
|
|
Indépendants
(Bağımsız)
|
2.819.917
|
6,59
|
35
|
TOTAL
|
42.813.896
|
100
|
550
|
Nombre d’électeurs enregistrés: 50.237.343
Nombre de suffrages exprimés: 43.785.665
Suffrages valablement exprimés: 42.813.896
Voix nulles: 971.769
Taux de participation: 83.6%
Décision du 22 juin 2011 du Conseil supérieur des élections,
décision numéro 1070, publiée au Journal Officiel le 23 juin 2011,
numéro 27973