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Rapport | Doc. 12718 | 16 septembre 2011

Les enfants migrants sans-papiers en situation irrégulière: une réelle cause d’inquiétude

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteur : M. Pedro AGRAMUNT, Espagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12333, Renvoi 3708 du 4 octobre 2010. 2011 - Quatrième partie de session

Résumé

Un enfant est d'abord, uniquement et avant tout un enfant. Il doit pouvoir jouir pleinement de tous les droits garantis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments internationaux des droits de l’homme.

La question des enfants migrants sans-papiers et de leurs droits doit être examinée d’abord dans la perspective de l’enfant et non de son statut au regard de l’immigration.

La commission des migrations, des réfugiés et de la population est particulièrement préoccupée par l’absence de législation interne et de principes directeurs sur les droits de ces enfants au niveau national. Elle s’inquiète également de la diversité des approches en Europe, tant en termes de législation que de pratiques. Certains droits sont plus clairement protégés que d’autres, comme le droit à l’éducation, le droit à des soins de santé, ou encore la nécessité de s’abstenir, dans la mesure du possible, de placer des enfants en rétention. D’autres droits sont plus problématiques: par exemple, comment garantir un logement adéquat ou combattre plus efficacement certaines formes d’exploitation des enfants, parmi lesquelles la mendicité.

La commission des migrations, des réfugiés et de la population recense les principaux obstacles qui empêchent les enfants migrants sans-papiers de jouir de leurs droits sans discrimination, et propose des recommandations aux Etats membres et au Comité des Ministres sur les mesures à adopter pour améliorer la législation et la pratique dans ce domaine.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre 2011.

(open)
1. Un enfant est d’abord, uniquement et avant tout un enfant. Ce principe, associé à la nécessité de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’obligation de traiter tous les enfants sur un pied d’égalité, devrait être le point de départ de toute discussion sur les enfants migrants sans-papiers. Le statut de l’enfant au regard de l’immigration ne doit toujours être qu’une considération secondaire.
2. Les enfants migrants sans-papiers sont vulnérables à trois égards: en tant que migrants, en tant que personnes sans papiers et en tant qu’enfants.
3. L’Assemblée met en évidence cinq domaines particuliers dans lesquels les droits des enfants migrants sans-papiers doivent être clarifiés et renforcés, à savoir, l’éducation, la protection de la santé, le logement, la rétention et l’exploitation.
4. Les enfants migrants sans-papiers sont des enfants qui, en raison de leur situation irrégulière, sont dépourvus de papiers d’identité. Ils peuvent être accompagnés de leurs parents ou de leur famille, et peuvent être nés en Europe ou ailleurs. Ils sont à distinguer des enfants non accompagnés qui, une fois placés sous le contrôle des autorités, sont en général traités différemment par celles-ci.
5. L’Assemblée constate qu’il existe d’importantes disparités en Europe dans la manière dont les Etats membres du Conseil de l’Europe traitent ces enfants, tant sur le plan de la législation que de la pratique, et considère que tous les Etats membres devraient disposer d’une base législative solide pour s’occuper des droits des personnes appartenant à ce groupe vulnérable.
6. Nonobstant la législation en vigueur dans de nombreux Etats membres, il existe de nombreuses entraves à l’exercice de ces droits dans la pratique. On peut notamment citer les obstacles administratifs, les barrières linguistiques, la complexité des systèmes administratifs, judiciaires et autres, la discrimination, le manque d’information et la peur d’être signalé.
7. Gardant à l’esprit la nécessité de mettre en place une base législative solide et de mettre en œuvre les lois dans la pratique, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
7.1. de garantir le droit à l’éducation:
7.1.1. en veillant à ce que ce droit soit inscrit dans une législation claire et mis en œuvre, entre autres, à l’aide de documents d’orientation et de circulaires pédagogiques;
7.1.2. en éliminant les obstacles administratifs qui empêchent l’inscription des enfants à l’école et nuisent à la fréquentation scolaire, tels que l’absence d’adresse fixe, le manque de documentation, le manque de fonds et les obstacles linguistiques;
7.1.3. en éliminant les obstacles administratifs qui ont un effet dissuasif sur les écoles, et notamment la complexité des procédures administratives et les problèmes d’obtention de fonds pour des enfants sans-papiers;
7.1.4. en encourageant et en facilitant l’intégration de ces enfants à l’école, notamment par le biais d’un soutien linguistique et d’une formation des enseignants pour leur faciliter la prise en charge des enfants ayant des besoins complexes;
7.1.5. en luttant contre la discrimination, particulièrement à l’inscription, qui peut mener à l’exclusion, à une mise à l’écart dans le système éducatif et, dans certains cas, à la création d’«écoles ghettos»;
7.1.6. en soutenant les initiatives de la société civile qui facilitent la participation des enfants migrants sans-papiers au sein du système éducatif;
7.1.7. en permettant la participation à des stages lorsqu’ils font partie du cycle d’enseignement;
7.2. de garantir le droit à des soins de santé:
7.2.1. en clarifiant, par la législation, le droit des enfants migrants sans-papiers à bénéficier, sans discrimination, de soins de santé allant au-delà de l’aide médicale d’urgence et incluant des soins de santé primaires et secondaires, ainsi que l’assistance psychologique adéquate;
7.2.2. en simplifiant les exigences administratives imposées aux bénéficiaires et aux prestataires de soins de santé, et en veillant à ce que les personnes concernées reçoivent des informations pertinentes sur le droit aux soins de santé, sur l’obligation des prestataires de les fournir et sur la manière d'y avoir accès;
7.2.3. en apportant une assistance financière, ou en réduisant au minimum le coût des soins, pour veiller à ce que le coût ne devienne pas un obstacle insurmontable à l’accès aux soins;
7.2.4. en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’instructions de signalement du statut des enfants et de leurs familles, ce qui pourrait dissuader les enfants migrants sans-papiers ou leurs parents de demander des soins de santé;
7.2.5. en veillant à ce que les enfants migrants sans-papiers soient dotés d’un dossier médical individuel qui les suivra dans leurs déplacements;
7.3. de garantir l’accès au logement:
7.3.1. en mettant en place une base législative pour répondre aux besoins en logement des enfants migrants sans-papiers qui ne se limite pas au placement en foyer d’accueil;
7.3.2. en respectant le droit à la vie familiale protégé par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5);
7.3.3. en portant une attention particulière à la situation des personnes les plus vulnérables, notamment les parents isolés ayant des enfants en bas âge;
7.3.4. en soutenant les autorités locales et la société civile pour qu’elles puissent fournir une aide aux enfants qui, autrement, se retrouveraient démunis;
7.4. de s’abstenir de placer en rétention des enfants migrants sans-papiers, et de protéger leur liberté en respectant les principes suivants:
7.4.1. en principe, un enfant ne devrait jamais être placé en rétention. Lorsque l’on envisage la rétention, l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours prévaloir;
7.4.2. lorsque, à titre exceptionnel, la rétention s’avère nécessaire, elle doit être prévue par la loi et assortie de toutes les mesures de protection juridique et de recours judiciaire nécessaires, et n’intervenir qu’en dernier ressort, seulement après examen de toutes les alternatives à la rétention;
7.4.3. l’éventuel placement en rétention doit être de la plus courte durée possible et les installations adaptées à l’âge de l’enfant; des activités et une assistance éducative adéquates doivent également être mises à disposition;
7.4.4. si la rétention a tout de même lieu, elle doit s’effectuer dans des installations autres que celles des adultes, et l’enfant ne doit pas être séparé d’un parent, sauf circonstances exceptionnelles;
7.4.5. en aucun cas, un enfant ne doit être privé de liberté au seul motif de son statut de migrant, et jamais à titre de sanction;
7.4.6. si un doute subsiste quant à l’âge de l’enfant, ce dernier doit se voir accorder le bénéfice du doute.
7.5. de lutter contre l’exploitation par le travail en poursuivant les recherches dans ce domaine, et notamment sur les personnes les plus exposées et les personnes ou groupes à l’origine de l’exploitation. A cet égard, plusieurs questions méritent un examen plus attentif: l’exploitation sexuelle, l'utilisation des enfants pour la mendicité et la criminalité, l’exploitation des enfants en tant qu’employés de maison ou en tant que main-d’œuvre dans des ateliers clandestins, ainsi que d’autres formes d’exploitation par le travail.
8. Nonobstant les difficultés que rencontrent les Etats membres pour faire face aux problèmes qui se posent en rapport avec les droits des migrants en situation irrégulière dans le contexte politique et économique actuel, l’Assemblée considère que les problèmes de droits de l’homme des enfants migrants sans-papiers méritent une attention particulière. Par conséquent, elle recommande au Comité des Ministres:
8.1. d’inviter ses comités intergouvernementaux compétents:
8.1.1. à examiner la problématique de l’accès à l’éducation des enfants migrants sans-papiers et à donner aux Etats membres des orientations et des exemples de bonnes pratiques sur les moyens de garantir le droit à l’éducation dans la pratique;
8.1.2. à donner des orientations aux Etats membres sur l’offre minimale de soins de santé à garantir aux enfants migrants sans-papiers, compte tenu de la décision récente du Comité européen des Droits sociaux (réclamation collective, FIDH c. France).
8.2. d’examiner avec son comité intergouvernemental compétent la problématique de la garantie d’un logement aux enfants migrants sans-papiers, en vue de formuler des recommandations aux Etats membres sur la manière de traiter cette question de droits de l’homme politiquement sensible, compte tenu de la décision récente du Comité européen des Droits sociaux (réclamation collective, Defence for Children International c. Pays-Bas);
8.3. de s’interroger sur les mesures à prendre pour remédier au problème croissant de la mendicité tout en examinant ses liens avec l’exploitation et la traite, ainsi que les questions de droits de l’homme pouvant résulter d’une incrimination de cette activité. Bien que ce problème concerne les enfants migrants sans-papiers, il ne se limite pas à eux en tant que groupe.
9. L’Assemblée se félicite de l’attention portée aux enfants migrants sans-papiers par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI). Elle les encourage à poursuivre leur suivi de la situation de ces enfants, aussi bien en général que dans chaque Etat membre.
10. L’Assemblée invite l’Organisation mondiale de la santé à se pencher sur le problème des soins de santé des enfants migrants sans-papiers en vue de renforcer leur droit à ces soins, et à donner suite à la proposition visant à procurer à chaque enfant sans-papiers une carte ou un dossier médical qui le suivront dans ses déplacements.

B. Exposé des motifs, par M. Agramunt, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Un enfant est d’abord, uniquement et avant tout un enfant.
2. Tel est le point de départ de toute discussion sur les enfants migrants sans-papiers. Le statut de l’enfant est secondaire, voire hors de propos.
3. Comme indiqué dans la Convention relative aux droits de l’enfant signée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, un «enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale» 
			(2) 
			Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant, Préambule. et doit être «protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique (…) de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille» 
			(3) 
			Ibid.,
article 2..
4. Comme l’a déclaré le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «les enfants migrants sont d’abord et avant tout des enfants. A ce titre, ils ont comme les autres le droit de jouir de tous les droits accordés aux enfants. Selon le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, chaque enfant doit être considéré comme un individu et son cas particulier doit être pris en compte» 
			(4) 
			Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, «Position (…) sur les droits
des migrants mineurs en situation irrégulière» (juin 2010)..
5. En réalité, les enfants migrants sans-papiers ne jouissent pas de ce niveau de protection. Ils sont triplement vulnérables: en tant que migrants, en tant que personnes en situation irrégulière et en tant qu’enfants. Les lois applicables abordent généralement leur situation en termes de migration et de statut, sans considérer qu’ils sont des enfants.
6. Même lorsqu’il existe une législation prévoyant des droits et une protection en faveur des enfants migrants sans-papiers, dans la pratique ceux-ci se heurtent souvent à d’énormes obstacles les empêchant de jouir de ces droits et de cette protection. Parmi ces entraves, citons, entre autres, l’obstacle administratif, les barrières linguistiques, la complexité des systèmes administratifs, judiciaires et autres, la discrimination, le manque d’information, la peur d’être repéré, etc. A ces obstacles s’ajoute le fait que la jouissance de la majorité des droits est étroitement liée à d’autres droits, si bien que, par exemple, le droit à l’éducation restera plus ou moins lettre morte en l’absence de logement ou de soins de santé.
7. Dans le présent rapport, le rapporteur examine cinq domaines essentiels où les droits des enfants migrants sans-papiers posent gravement problème, à savoir l’éducation, les soins de santé et le logement, ainsi que d’autres questions concernant la détention et l’exploitation par le travail. D’autres secteurs posent également problème, mais du fait de leur complexité ou parce qu’ils font déjà l’objet de rapports de l’Assemblée ou d’autres organisations, ils ne sont pas traités ici 
			(5) 
			Ils
comprennent, notamment, l’enregistrement des naissances, la traite
(y compris celle des mères), la violence et les abus domestiques,
l’accès à la justice (voir les lignes directrices du Comité des
Ministres sur une justice adaptée aux enfants, adoptées le 17 novembre
2010) et les enfants non accompagnés..
8. Dans le présent rapport, par «enfants migrants sans-papiers», il faut entendre les enfants qui, en raison de leur statut, sont dépourvus de papiers d’identité. 
			(6) 
			Dans ce rapport, il
n’est pas fait de distinction entre les enfants de migrants en situation
irrégulière et les enfants migrants sans-papiers. Ils peuvent être accompagnés de leurs parents ou d’autres membres de leur famille. Ils peuvent être nés en Europe ou ailleurs. Le rapporteur a choisi de ne pas aborder la question des enfants non accompagnés qui, une fois sous le contrôle des autorités, sont généralement traités différemment par celles-ci 
			(7) 
			Voir aussi un autre
rapport consacré à cette question par la commission des migrations,
des réfugiés et de la population: «Problèmes liés à l’arrivée, au
séjour et au retour: enfants non accompagnés en Europe» (Doc. 12539), Mme Mailis
Reps, Estonie, ADLE, et la Résolution
1810 (2011)..
9. Le rapporteur est incapable d’estimer le nombre des enfants migrants sans-papiers en Europe. En supposant que l’Union européenne compte environ 4 millions de migrants en situation irrégulière (et plusieurs millions de plus en Fédération de Russie et dans des Etats non membres de l'Union européenne, l’on peut estimer qu’au moins 10% d’entre eux sont des enfants. 
			(8) 
			Lors de l’audition
organisée le 15 mars 2011 à Bruxelles, Mme Le Voy (PICUM) a avancé
pour la Suisse, comme indication possible pour l’Europe, que 10%
des 80 000 à 100 000 immigrés en situation irrégulière étaient des
enfants. Même selon une estimation prudente, le nombre de ces enfants en Europe reste important.
10. Pour élaborer ce rapport, le rapporteur a organisé une audition à Bruxelles le 15 mars 2011, et recueilli des informations auprès d’un vaste éventail de sources. Il est particulièrement reconnaissant aux participants de cette audition et à la Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM) des conseils, documents et commentaires fournis tout au long de la préparation de ce rapport.

2. Education

11. Le droit à l’éducation est moins controversé que certains autres droits examinés dans ce rapport. En vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et, notamment, de son article 28, «les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances: a) Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous» 
			(9) 
			D’autres
dispositions internationales pouvant également être mentionnées
à cet égard: 
			(9) 
			l’article 26 (1) de la Déclaration universelle
des droits de l’homme, les articles 28.1 et 29.1 de la Convention
relative aux droits de l’enfant, les articles 13.1, 13.2 et 14 du
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
l’article 5.e.v de la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale et, enfin, l’article 30 de la Convention internationale
sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et
des membres de leurs familles..
12. La Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») (Protocole no 1, article 2) stipule que «nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction». La Cour européenne des droits de l’homme, par exemple, dans l’affaire Timishev c. Russie, a jugé comme violation de la Convention le fait d’exclure de l’école deux enfants de sept et neuf ans au prétexte que leur père tchétchène ne possédait plus de carte d’immigration 
			(10) 
			Timishev c. Russie, Requête n° 55762/00
et 55974/00, arrêt du 13 décembre 2005..
13. La Charte sociale européenne révisée (STE no 163), en vertu de l’article 17, oblige les Etats à assurer aux enfants «l’éducation et la formation dont ils ont besoin». Bien que la portée de la Charte n’englobe pas les migrants en situation irrégulière, le Comité européen des Droits sociaux a déclaré qu’une égalité d’accès à l’éducation doit être garantie à tous les enfants et que, à cet égard, il convient d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables 
			(11) 
			Voir le document d’information
établi par le Secrétariat de la CSE, «Les droits des enfants dans
la Charte sociale européenne» (p. 10), et, plus spécifiquement,
la conclusion relative à la Slovénie (Conclusions 2005).. A ce jour, le comité n’a jamais expressément déclaré que les enfants migrants sans-papiers devaient bénéficier d’une égalité d’accès à l'éducation. Toutefois, bien que la portée de la Charte n'englobe pas les migrants en situation irrégulière, le Comité européen des Droits sociaux a jugé que les enfants de migrants en situation irrégulière devaient jouir de certains droits, tels que celui à un hébergement et à la gratuité des soins médicaux 
			(12) 
			Voir
les réclamations collectives suivantes: Defence
for Children International c. Pays-Bas, et Fédération internationale des Ligues des Droits
de l’Homme (FIDH) c. Belgique.. Si ce raisonnement est poursuivi, il se peut que le Comité européen des Droits sociaux estime que la Charte révisée protège le droit à l’éducation de tous les enfants présents dans une juridiction.
14. Malgré la clarté du droit international et le respect général de ce droit par les Etats membres, son degré de protection officielle varie selon les pays, et les divergences sont encore plus grandes en ce qui concerne la protection assurée dans la pratique.
15. En termes de protection officielle, des pays tels que la Belgique, l’Italie et les Pays-Bas font clairement et expressément référence dans leur législation au droit à l’éducation des enfants migrants sans-papiers. Dans d’autres pays, tels que l’Espagne, la France, la Pologne et le Royaume-Uni, ce droit est implicite. Un troisième groupe de pays ne prévoit aucune législation en matière de protection; ainsi Malte et la Hongrie, où le droit à l’éducation est uniquement réservé aux personnes munies d’un permis de séjour 
			(13) 
			Voir «Enfants sans-papiers
en Europe: Victimes invisibles d’une immigration restrictive», Plate-forme
pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM),
p. 16. En outre, il faut rappeler que les mineurs non accompagnés,
en charge des autorités locales, ne se trouvent pas dans la même
situation et que, normalement, ils bénéficieront d’un accès à une
éducation quelconque..
16. Le rapporteur estime qu’il est essentiel que dans chaque pays une loi prévoie un droit légal à l’éducation; autrement dit, que «les portes de l’école soient ouvertes» 
			(14) 
			Lors de l’audition
organisée à Bruxelles le 15 mars 2011, la commission a entendu l’avis
de Mme Tine Debosscher (Kruispunt Migratie-Integratie) sur ce que
signifie l’ouverture des portes de l’école dans la législation belge
et sur les obstacles qui se présentent une fois à l’intérieur. pour que les enfants sans-papiers jouissent du droit à l’éducation.

2.1. Obstacles à l’accès à l’éducation

17. La législation ne suffit cependant pas car, dans la pratique, une myriade d’obstacles interdit la jouissance de ce droit. Le rapporteur entend mettre ces obstacles en lumière dans les paragraphes qui suivent 
			(15) 
			Pour
une présentation plus complète des obstacles, voir «Enfants sans-papiers
en Europe» (PICUM), supra,
p. 23-39..
18. Obstacles administratifs pour l’enfant et pour l’école. Un problème récurrent est le manque de documents pouvant servir à l’enfant pour prouver qu’il ou elle vit dans le secteur. L’école elle-même, même si elle est prête à accepter l'enfant, peut rencontrer des difficultés à obtenir un financement et, ainsi, se trouver découragée d'accepter cet enfant.
19. Discrimination et pouvoir discrétionnaire. L’admission scolaire est souvent laissée à la discrétion du chef d’établissement et, donc, dépend de son bon vouloir. Une école peut hésiter à prendre ces enfants parce qu’elle a déjà un grand nombre d’élèves sans-papiers, ou par peur de devenir une «école ghetto», ou pour ne pas risquer de voir son niveau tomber 
			(16) 
			Au
Royaume-Uni, certaines écoles ont refusé ces enfants du fait que
leurs résultats/taux de réussite aux examens risquaient de faire
baisser les statistiques générales de l’établissement. Voir «Enfants
sans-papiers en Europe» (PICUM), op.
cit., p. 26. , ou par crainte de tensions sociales ou, enfin, pour ne pas investir dans des enfants qui partiront peut-être rapidement. La discrimination surgit à l’évidence sur tous les fronts et certains enfants sans-papiers, en particulier les Roms, se heurtent à des problèmes encore plus graves. A plusieurs reprises, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) s’est inquiétée de la représentation disproportionnée dans des «écoles spéciales», craignant aussi que les enfants d’origine immigrée ne soient systématiquement orientés vers des écoles professionnelles 
			(17) 
			Voir, par exemple,
le rapport de l’ECRI sur l’Autriche (2010), paragraphe 47, et sur
la Belgique (2008), paragraphe 62..
20. Peur d’être arrêté. La peur de retenir l’attention des autorités et de se faire arrêter est une préoccupation majeure de la plupart des familles migrantes sans-papiers. Devoir fournir à l’établissement scolaire des informations obligatoires, notamment une adresse, pose un problème, car les parents craignent qu'elles ne soient transmises à la police ou à d’autres autorités. La peur que les enfants ou les parents eux-mêmes ne soient arrêtés à la sortie de l’établissement est aussi un facteur qui dissuade les parents d’envoyer leurs enfants à l’école 
			(18) 
			C’est
une crainte généralement exprimée dans toute l’Europe. Dans la pratique,
bien que rarement, cela s’est déjà produit. Ainsi, en France en
2006, la police a été envoyée à la sortie des écoles pour repérer
les familles d'immigrés en situation irrégulière qui venaient chercher
leurs enfants, et pour atteindre le quota annuel de 25 000 expulsions
fixé par le gouvernement. Pour plus d’informations à ce sujet, voir
«Enfants sans-papiers en Europe» (PICUM), op.
cit., p. 27..
21. Problèmes pratiques. La fréquentation scolaire peut être entravée par toutes sortes de problèmes pratiques. Les familles et leurs enfants peuvent avoir à se déplacer régulièrement. Même si la scolarité est gratuite, il faut trouver l’argent pour les déplacements, les livres, les fournitures, la nourriture, etc. Sans compter que, parfois, certains enfants doivent aider leur famille en travaillant ou en gardant de jeunes frères ou sœurs pendant que les parents travaillent. Cela touche généralement davantage les filles que les garçons. Une foule d’autres facteurs entrent aussi en jeu; par exemple l’accès à d’autres droits, tels que le logement (notamment l’intimité, l’espace réservé aux enfants, l’espace pour faire les devoirs et leçons, etc.) et la santé (qui peut affecter la capacité de l’enfant à étudier et à fréquenter l’école).
22. Intégration et motivation. Les enfants se trouvent confrontés à une série de problèmes d’intégration, à commencer par les difficultés linguistiques et le manque d’aide pour rattraper le niveau des classes. En outre, les enseignants sont bien rarement formés ou équipés pour s’occuper d’enfants issus de cultures et d’origines différentes. Qui plus est, certains enfants sont traumatisés par ce qu’ils vivent et/ou ont vécu. Trop souvent aussi, on laisse l’enfant patauger voire se noyer. Et, même si les enfants sont motivés, obtenir un diplôme peut se révéler difficile en raison de leur statut. Cette situation, discriminatoire, peut finir par fortement démotiver l’enfant 
			(19) 
			Voir «Enfants sans-papiers
en Europe» (PICUM), op. cit.,
p. 35..
23. Pré- et postscolarité obligatoire. Ces périodes (école maternelle et entre 16 et 18 ans) n’étant pas obligatoires dans bon nombre de pays, le fait d’accueillir les enfants migrants sans-papiers de cet âge en établissement scolaire est souvent contesté, Sans compter que pour les plus âgés peuvent s’ajouter des obstacles aux stages à effectuer dans le cadre de cet enseignement. Ces points soulèvent tous des questions de discrimination 
			(20) 
			Notamment la discrimination
liée à l’âge, ce qui est contraire à la Convention relative aux
droits de l’enfant, article 2 combiné avec l’article 28. étant donné le caractère public de cet enseignement et sa disponibilité générale pour tous les autres enfants 
			(21) 
			Pour plus d’informations
sur ce problème, voir «Enfants sans-papiers en Europe» (PICUM), op. cit., p. 36-39..

2.2. La voie à suivre

24. En tenant compte des différents obstacles qui existent, le rapporteur peut faire une série de recommandations pour rendre la jouissance de ce droit plus effectif:
25. Une législation claire et non équivoque exprimant le droit à l’éducation, voilà un bon point de départ. Cette législation doit être appliquée et publiée par le biais de documents d’orientation, de circulaires pédagogiques ou autres méthodes assurant une mise en œuvre.
26. L’inscription et la fréquentation scolaires doivent être dissociées de tout signalement concernant le statut et ne doivent pas servir de piège, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école, pas plus que ne doivent être utilisées les informations concernant l’enfant ou sa famille.
27. Les obstacles administratifs (absence d’adresse fixe, manque de documents, etc.) ne doivent pas porter tort à l’enfant ni à l’école. Des directives administratives doivent venir les assouplir. Quant aux écoles qui accueillent des enfants migrants sans-papiers, elles ne doivent pas être pénalisées, directement ou indirectement; au contraire, elles doivent être correctement financées pour leurs responsabilités supplémentaires.
28. Il convient de prendre des mesures pour encourager l’intégration des enfants migrants sans-papiers. Une aide linguistique pour faciliter l’apprentissage de la langue du pays d’accueil est un point de départ primordial. Quant aux enseignants, ils bénéficieront d’une formation spécifique pour s'occuper de ces enfants d'autres origines culturelles, aux besoins complexes liés à leur situation passée et présente.
29. Il faut également s’attaquer aux risques de discrimination pouvant se présenter lors de l’inscription et durant la scolarité. A cet égard, la solidarité entre écoles est également nécessaire pour éviter non seulement la discrimination mais aussi la création d’«écoles ghettos».
30. La société civile joue un rôle déterminant à toutes les étapes, que ce soit pour sensibiliser les migrants au droit à l’éducation et à l'obligation de scolarisation, pour les aider à accomplir les formalités, ou même pour les aider à assumer certaines charges financières. Bien que le rôle de la société civile soit essentiel et exige l’appui des autorités, il ne doit pas exonérer les gouvernements de leurs propres responsabilités.

3. Soins de santé

31. Le droit de l’enfant aux soins de santé doit aller de soi. Dans l’ensemble, c’est le cas, tout au moins pour l’aide médicale d’urgence, généralement accessible, même pour les adultes. En revanche, l’aide médicale complète pose bien davantage problème, et elle est assurée avec beaucoup plus de parcimonie.
32. Lors de la 8e Conférence des ministres européens de la Santé des pays membres du Conseil de l’Europe, à Bratislava les 22 et 23 novembre 2007, dans leur déclaration, les ministres ont indiqué: «Les Etats membres s’assureront que les migrants irréguliers puissent accéder à des services de soins conformément aux traités internationaux en vigueur, ainsi qu’au droit et aux politiques nationales.» D’autre part, les ministres ont fait savoir que les Etats membres devaient œuvrer à l’élimination des barrières et obstacles qui empêchent en pratique d’accéder à la protection de la santé, y compris pour les personnes qui sont en situation irrégulière en ce qui concerne les soins d’urgence. Les ministres ont également souligné la nécessité d’une protection particulière pour les enfants. Il s’agit là d’un message sans équivoque, tout au moins concernant les soins d’urgence, de la part du Comité des Ministres.
33. Selon un récent rapport de juillet 2010, sur «les politiques en matière de protection de la santé pour les migrants sans-papiers dans l’UE27: vers un cadre comparatif», le droit aux soins de santé pour les migrants sans-papiers dans l’Union européenne des 27 se divise en trois catégories. Le premier groupe de pays est classé comme n'accordant «aucun droit». Dans ces pays, la protection sanitaire est tellement restreinte que même les soins d’urgence sont inaccessibles. Le deuxième groupe de pays accorde des droits minimaux, à savoir uniquement les soins d'urgence (ou les soins dits immédiats, urgents ou similaires), tandis que le troisième groupe de pays accorde des droits allant au-delà de l’aide médicale d’urgence, tels que soins de santé primaires et secondaires 
			(22) 
			«Policies on Health
Care for Undocumented Migrants in the EU27: Towards a Comparative
Framework», rapport de synthèse, juillet 2010, Health Care in NowHereland.
Dans le rapport, les pays classés comme n’offrant aucun droit sont
la Finlande, l’Irlande, Malte, la Suède, la Bulgarie, la République
tchèque, la Lettonie, le Luxembourg et la Roumanie. Les pays offrant
des droits minimaux sont Chypre, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Autriche,
la Belgique, l’Estonie, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie,
la Pologne, la République slovaque et la Slovénie. Les pays offrant
des droits sont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la France et les
Pays-Bas. Le rapport traite plus généralement des migrants en situation
irrégulière que, spécifiquement, des enfants de migrants en situation
irrégulière. .
34. Lors de l’audition organisée par la commission des migrations, des réfugiés et de la population, à Bruxelles, ont été passées en revue plusieurs études de cas qui mettaient graphiquement en contexte les problèmes et les conséquences de la non-garantie du droit aux soins de santé, en dehors d’une aide médicale d’urgence. A partir de ces études de cas, le rapporteur a regroupé les questions suivantes pour replacer les problèmes dans une perspective purement pratique: acceptons-nous de refouler un enfant atteint d’une forte fièvre au prétexte que les parents se trouvent en situation irrégulière et que sa vie n’est pas encore en danger ? Est-ce que le mal dont souffre l’enfant risque de s’aggraver ? Si la maladie n’est pas traitée, y a-t-il risque de traitement ou d’hospitalisation d’urgence, et quel est le coût (humain et financier) de l’absence de traitement des premiers symptômes? L’enfant pourrait-il être contagieux et, en l’absence de traitement, constitue-t-il une menace pour la santé du public, notamment pour les autres élèves? 
			(23) 
			Ces études de cas ont
été présentées par le docteur Saphia Mokrane, médecin généraliste,
Bruxelles, Audition sur «Les enfants migrants sans-papiers en situation
irrégulière: une réelle cause d’inquiétude», 15 mars 2011.
35. Selon le droit international, la Convention relative aux droits de l’enfant est sans ambiguïté quant aux soins de santé. L’article 24 prévoit que les «Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services». Cela vaut pour tous les enfants, avec ou sans papiers.
36. Le droit international prévoit beaucoup d’autres dispositions 
			(24) 
			Cette question fait
l’objet d’autres instruments internationaux, notamment la Déclaration
universelle des droits de l’homme (article 25), le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 12),
la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale (article 5) et la Convention internationale
sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres
de leur famille (article 28).. La Convention européenne des droits de l’homme a lié le déni des soins de santé à son article 3 et, dans une réclamation collective (FIDH c. France 
			(25) 
			Fédération
internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) c. France,
Réclamation collective n° 14/2002.), le Comité européen des Droits sociaux a déclaré que les soins de santé en faveur des enfants migrants sans-papiers ne peuvent se limiter aux situations médicales où la vie est en danger.
37. Alors que la législation nationale devrait refléter le droit international et, par conséquent, clairement établir le droit aux soins de santé au-delà d’une aide médicale d’urgence, il n’en est rien. Dans un rapport sur les enfants sans-papiers en Europe 
			(26) 
			Voir «Enfants sans-papiers
en Europe» (PICUM), op. cit.,
p. 48., l’ONG PICUM identifie au niveau national quatre différents types de protection: certains pays accordent le droit à tous les enfants (l’Espagne est particulièrement saluée à cet égard), d'autres font la distinction entre enfants séparés et enfants sans-papiers (Belgique, France et Italie), un autre groupe assure les soins de santé à la discrétion du médecin local (Pays-Bas et Royaume-Uni), tandis qu’un dernier groupe de pays ne prévoit aucune législation spécifique (Hongrie, Malte et Pologne).
38. Ce qui apparaît clairement, c’est un grand manque de cohérence à travers l’Europe. Certains pays sont dotés de dispositions législatives spécifiques alors que d’autres non, les niveaux de prise en charge médicale varient considérablement, le pouvoir discrétionnaire prévaut largement, sans compter une discrimination manifeste, non seulement entre ressortissants, immigrés légaux et immigrés clandestins, mais aussi entre mineurs non accompagnés et enfants migrants sans-papiers accompagnés.
39. Reste qu’il ne s’agit pas seulement d’une question d’accès légal mais aussi d’accès pratique aux soins médicaux, comme en témoignent les statistiques suivantes: dans une récente publication intitulée «L’Accès aux soins des personnes sans autorisation de séjour dans 11 pays d’Europe» 
			(27) 
			Si
une partie des statistiques figurant dans ce rapport se réfère aux
migrants en situation irrégulière en général, une partie du rapport
est également spécifiquement consacrée aux enfants de ces migrants., l’Observatoire européen de Médecins du Monde a constaté que 70% des personnes interrogées pouvaient bénéficier théoriquement d’un accès à une forme minimale de soins médicaux, avec des variations allant de 3% en Grèce à 98% en Belgique. Toutefois, un quart des personnes concernées ne le savaient pas – avec de larges différences entre les pays (par exemple, 52% au Royaume-Uni contre 6% en Espagne). Selon les conclusions de l’enquête, dans la pratique, 80% des personnes interrogées n’ont pas eu vraiment accès à une couverture de santé lors du dernier épisode de maladie 
			(28) 
			Voir le Rapport de
l’enquête 2008, «L’Accès aux soins des personnes sans autorisation
de séjour dans 11 pays d’Europe», Observatoire européen de l’accès
aux soins de Médecins du Monde, p. 10..
40. D’autres statistiques indiquent l’étendue du problème révélé par cette enquête. Ainsi, 29% des personnes concernées avaient renoncé à des soins (principalement des consultations médicales et des vaccinations) pour leurs enfants au cours des douze derniers mois 
			(29) 
			Ibid.,
p. 105.. D’autres statistiques indiquent les dangers du point de vue de la contagion. Ainsi, seul un tiers des personnes concernées savait avoir le droit à des tests HIV gratuits, ce qui révèle un déficit manifeste d’information 
			(30) 
			Ibid.,
p. 88..

3.1. Obstacles à l’accès aux soins de santé

41. Voici, selon l’enquête menée par l’Observatoire européen de Médecins du Monde 
			(31) 
			Ibid., p. 93., les cinq principaux obstacles à l’accès aux soins, par ordre décroissant: problèmes administratifs, coût des consultations médicales, complexité du système, dépenses de traitement et peur d’être signalé. Il existe d’autres obstacles, en termes de pouvoirs discrétionnaires des travailleurs de santé, de discrimination, de barrières de la langue, etc. Voici les plus importants.
42. Problèmes administratifs et complexité du système. Prenons un exemple national: en France, pour obtenir l’aide médicale publique, les autorités exigent une adresse, des photos des enfants et une preuve de séjour de plus de trois mois, le tout renouvelable chaque année. Ces obligations ont un effet dissuasif pour beaucoup de migrants et leurs enfants.
43. Autre exemple, en Belgique cette fois, où les enfants migrants sans-papiers ont en théorie le droit à une aide médicale (depuis 1996) au même titre que les ressortissants du pays. Pour simplifier, disons que cette procédure oblige un médecin à remplir un formulaire, le patient à se présenter devant des services sociaux municipaux pour obtenir l’accès aux soins de santé, les services sociaux à vérifier que personne d’autre n’est responsable; enfin, une carte de santé ou une autorisation spécifique est délivrée pour une durée maximale de trois mois. Ce processus doit être répété tous les trois mois 
			(32) 
			Pour plus
d’informations sur ces exemples nationaux et pour voir d’autres
exemples, consulter le rapport PICUM «Enfants sans-papiers en Europe», op. cit., p. 48-53.. Comme le rapporteur l’a entendu lors de l’audition à Bruxelles, les professionnels de santé ne connaissent pas toujours la législation ni les procédures. Même le nom de la législation («Aide médicale urgente») est ambigu, car n’oublions pas qu’il couvre aussi bien l’aide curative que préventive. Les procédures diffèrent selon que le patient est ou non muni de papiers ou est un demandeur d’asile débouté. Sans compter que, durant leur séjour en Belgique, les personnes peuvent avoir différents statuts administratifs successifs (sans-papiers, avec permis provisoire, demandeurs d’asile déboutés, etc.) Chaque fois qu’un patient change de catégorie ou de lieu de résidence, une nouvelle procédure est exigée. Le rapporteur a entendu dire que beaucoup de professionnels de santé refusent purement et simplement de se laisser embarquer dans les complications administratives, jugeant les procédures trop lourdes et complexes 
			(33) 
			Docteur Saphia Mokrane,
médecin généraliste, Bruxelles, Audition sur «Les enfants migrants
sans-papiers en situation irrégulière: une réelle cause d’inquiétude»,
15 mars 2011..
44. L’on peut dire que souvent les procédures sont tellement longues qu’elles en deviennent inutiles, l’examen, le traitement et la médication étant généralement nécessaires dans l’immédiat.
45. Consultations et soins médicaux trop onéreux: c’est là pour beaucoup un véritable obstacle. Le rapporteur a eu connaissance de cas montrant combien il peut être difficile pour des familles de trouver les fonds nécessaires au financement des consultations puis les médicaments nécessaires au traitement. Un exemple illustre la fausse économie réalisée en ne proposant pas d’aide médicale gratuite tant que la vie n’était pas mise en danger. Un enfant apathique et fiévreux est emmené chez le médecin mais, la famille ayant épuisé son argent pour la consultation, elle n’a pas les moyens d'acheter les médicaments nécessaires. L’enfant allant de plus en plus mal, les parents doivent l’amener aux urgences à l’hôpital, lequel n’a finalement pas d’autre choix que d’admettre l’enfant. Certes, l’hôpital aurait pu prescrire le traitement nécessaire à domicile, mais les parents de l’enfant n’auraient pas eu les moyens de se le procurer. Résultat: ce sont les deniers publics qui ont dû prendre en charge le coût comparativement élevé de l’hospitalisation de l’enfant durant plusieurs jours.
46. En raison des dépenses et des difficultés inhérentes à l’accès au traitement médical, il arrive que, lorsque des soins de santé sont proposés, ils soient acceptés même s’ils ne sont pas nécessaires. Comme l’a constaté le rapporteur lors de l’audition à Bruxelles, l’une des rares choses généralement accessibles est la vaccination. De ce fait, l'on trouve des cas d'enfants plusieurs fois vaccinés au fil des déplacements des familles à travers l’Europe. Comme elles ne détiennent aucune carte médicale où inscrire cette vaccination et que celle-ci est l’unique chose offerte gratuitement, ils la prennent, par mesure de sûreté; ce qui est loin d’être «plus sûr» et représente une utilisation navrante des ressources.
47. Une solution pratique consisterait à introduire une carte médicale européenne itinérante pour aider les immigrés clandestins et leurs enfants à suivre leurs vaccinations et leur traitement, mais aussi les professionnels de santé tout au long du parcours médical.
48. Peur d’être signalé ou arrêté. Bien que cette peur soit parfois plus imaginaire que réelle, elle demeure un important obstacle psychologique à surmonter par les familles d’immigrés en situation irrégulière. Dans les faits, il ne semble pas y avoir d’arrestations intervenant dans les hôpitaux ni dans les cabinets de consultation médicale. Pour autant, il faut clairement établir auprès des autorités et des immigrés clandestins que, en aucun cas, les professionnels de santé ne sont tenus de signaler les personnes en situation irrégulière.
49. Discrétion et discrimination. Discrétion et bon vouloir semblent jouer un rôle important dans un certain nombre de pays. Ce pouvoir discrétionnaire peut, cependant, poser problème car il risque aussi de conduire à une discrimination. Les soins de santé ne doivent pas être livrés à un pouvoir discrétionnaire, de même que la société civile n’a pas à pallier le manque d’aide médicale. Prenons l’exemple du Royaume-Uni, où les enfants migrants sans-papiers n'ont, en principe, droit qu'aux soins de santé considérés comme «urgents» et «immédiatement nécessaires», les parents étant redevables des frais occasionnés par tout traitement secondaire. Toutefois, les médecins généralistes disposent du pouvoir discrétionnaire d’inscrire des personnes au service national de santé (National Health Service System, NHSS) même si elles font partie de groupes exclus 
			(34) 
			Voir «Enfants sans
papiers en Europe» (PICUM) op. cit.,
p. 51..
50. Le rapporteur note combien il est difficile de fournir des services de santé dans une société de plus en plus multiculturelle, et la multitude de défis que cela engendre pour les Etats membres qui organisent ces services. La situation des enfants migrants sans-papiers n’est que l’un des aspects à absolument prendre en compte, et les Etats membres sont encouragés à le faire. Cela doit être le cas, en particulier, pour mettre en application la Recommandation Rec(2006)18 du Comité des Ministres sur les services de santé dans une société multiculturelle. Le rapporteur espère voir bientôt finalisé le texte d’une recommandation sur la mobilité, les migrations et l’accès aux soins de santé, aujourd’hui en cours d’adoption au sein du Comité des Ministres.

3.2. La voie à suivre

51. La voie à suivre devient moins compliquée dès lors qu’un enfant malade est considéré, tout simplement, comme un enfant malade, qui a besoin d’attention et de soins médicaux quel que soit son statut.
52. Pour commencer, il faut une base législative dissociant clairement soins de santé et statut pour les enfants migrants sans-papiers. Ces soins doivent couvrir, bien au-delà d’une aide médicale d’urgence, tous les soins de santé sans discrimination, au même titre que pour les autres enfants.
53. Dans le cadre d’une législation nationale non discriminatoire et de sa mise en application, la discrimination dans l’accès des enfants migrants sans-papiers aux soins de santé doit être contrôlée en priorité.
54. D’autre part, il est essentiel de réduire les obligations administratives au minimum et de simplifier le système autant que faire se peut, tant dans l’intérêt des patients que dans celui des travailleurs de santé.
55. Il convient d’améliorer la circulation des informations destinées aux travailleurs de santé afin qu’ils connaissent leurs obligations juridiques et sachent comment s’acquitter des formalités nécessaires. Même chose pour les patients et leurs familles, qui doivent être dûment informés de leurs droits.
56. Le coût des consultations et des traitements sanitaires ne doit pas être dissuasif, afin de permettre aux personnes d’obtenir une aide médicale sans avoir à recourir à des mesures d’urgence qui, au final, peuvent s’avérer plus onéreuses pour les autorités.
57. Aucun devoir de dénonciation aux autorités ne doit être imposé aux travailleurs de santé, qui, de même que leurs patients, doivent en être parfaitement conscients.
58. En fonction des obstacles linguistiques existants, des services d’interprétariat adéquats seront mis à disposition, par voie téléphonique ou autre.
59. Chaque enfant doit être doté d’un dossier médical individuel, qui le suivra dans les déplacements de sa famille.
60. L’Organisation mondiale de la santé doit être encouragée à examiner la problématique du droit des enfants migrants sans-papiers aux soins de santé en vue de superviser la situation et de publier de nouvelles recommandations.
61. Enfin, lors de la mise en application de la Recommandation Rec(2006)18 du Comité des Ministres sur les services de santé dans une société multiculturelle, les Etats membres doivent prendre en compte les besoins spécifiques des enfants migrants sans-papiers.

4. Logement 
			(35) 
			Pour les informations
figurant dans cette partie du rapport, voir en particulier le document
PICUM «Enfants sans-papiers en Europe», op.
cit., p. 71-84.

62. L’accès au logement compte parmi les questions les plus difficiles à aborder. Les migrants en situation irrégulière se trouvent complètement en marge de la société et, généralement, sans filet de secours pour empêcher leurs familles et leurs enfants de sombrer dans une totale indigence. Ils peuvent rarement prétendre au logement public et sont majoritairement exclus du marché privé du logement, soit pour cause de racisme et de discrimination, soit peut-être en raison de leur statut ou, simplement, de leur instabilité financière. Exposés aux pratiques abusives, souvent ils ne trouvent d’hébergement que sur le marché non réglementé du logement et finissent par vivre dans des conditions de saleté, de surnombre et d’insalubrité dangereuses.
63. Selon l’enquête réalisée par l’Observatoire européen de Médecins du Monde 
			(36) 
			Voir
le rapport de l’enquête 2008 sur l’accès aux soins de santé, op. cit., p. 59. , seulement 46% des personnes interrogées disposaient d’un logement stable. Parmi celles se trouvant dans des conditions de logement précaires, 78% vivaient chez leur famille ou des amis, et 14% occupaient une propriété sans bail ni contrat légal. 86% des personnes vivaient avec des enfants dans un logement surpeuplé.
64. Il ne faut pas sous-estimer l’effet que ce surpeuplement peut avoir sur les enfants en termes de manque d’intimité et d’espace séparé des adultes – par exemple, sans espace où jouer seul ou avec d’autres enfants et sans espace pour faire les devoirs scolaires ou autres activités.
65. Des conventions internationales couvrent le droit à un niveau de vie adéquat, notamment au logement 
			(37) 
			A cet égard, voir la
Déclaration universelle des droits de l’homme (article 25), le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(article 11), la Convention internationale sur la protection des
droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille
(ICRMW) et la Convention relative aux droits de l’enfant (article 27).. Dans son article 27.3, la Convention relative aux droits de l’enfant stipule: «Les Etats parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui, notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement et le logement.»
66. Au niveau européen, en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 8 (Droit au respect de la vie privée et familiale) et 3 (Interdiction des traitements dégradants) sont les articles les plus pertinents 
			(38) 
			Les cas de jurisprudence
les plus pertinents, bien que ne concernant pas directement les
migrants en situation irrégulière, comprennent: sur des questions
de logement, Gillow c. Royaume-Uni (requête
no 9063/80), Buckley c. Royaume-Uni (requête
no 20348/92), Chapman c. Royaume-Uni (requête
no 27238/92), Conners c. Royaume-Uni (requête
no 66746/01); sur des questions liées à la vie familiale, Wallová et Walla c. la République tchèque (requête no 23848/04), Saviny c. l’Ukraine (requête no 39948/06), Havelka et autres c. la République tchèque (requête
no 23499/06) et, enfin, Moser c. Autriche (requête
no 12643/02)..
67. S’appuyant sur la Charte sociale européenne, le Comité européen des Droits sociaux a adopté une position ferme sur la question. Dans la réclamation Defence for Children International (DCI) c. Pays-Bas (no 7/2008), le comité a conclu que les Etats parties sont tenus, en vertu des articles 17 et 31, paragraphe 2, de la Charte révisée, de fournir un hébergement adéquat aux enfants illégalement présents sur leur territoire aussi longtemps que ceux-ci se trouvent dans leur juridiction. Toute autre solution serait une atteinte au respect de leur dignité humaine et ne prendrait pas en compte la situation particulièrement vulnérable de ces enfants. En outre, le comité a déclaré qu'il convenait de trouver des alternatives à la détention afin de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Même chose pour des propositions ultérieures faites par les autorités néerlandaises pour séparer les enfants et les placer dans des établissements de protection sociale, jugées par les tribunaux comme une violation du droit à la vie familiale 
			(39) 
			Arrêt
rendu par la Cour de La Haye le 11 janvier 2011, LJN:BO9924. Cet
arrêt a cependant fait l’objet d’un appel, aujourd’hui en attente,
du ministre..

4.1. Problèmes dans la pratique

68. La situation prévalant au niveau international ne reflète pas ce qui se passe au niveau national. Comme le constate l’enquête PICUM, déjà citée, il ne semble pas exister de législation nationale protégeant ou garantissant aux enfants de migrants en situation irrégulière le droit à un logement décent 
			(40) 
			Voir «Enfants sans-papiers
en Europe» (PICUM), op. cit.,
p. 71..
69. Etant donné l’absence de législation, il n’existe pas grand-chose dans la pratique, sans parler de bonnes pratiques, pour fournir un logement aux enfants de migrants en situation irrégulière. Seule exception à la règle: les enfants non accompagnés que, en général, les autorités ont le devoir de loger – ce qui, toutefois, peut poser le problème de la discrimination vis-à-vis des enfants migrants sans-papiers et d’autres enfants.
70. Autre problème: si une famille de migrants en situation irrégulière s’adresse aux autorités pour réclamer un logement, la demande risque fort d’être rejetée; or, les autorités peuvent alors êtres tenues de placer les enfants dans un centre si la famille ne peut leur assurer un toit. Cette possibilité de placement des enfants dans un centre entraîne toute une série de problèmes touchant essentiellement au droit à la vie familiale.
71. Parfois, les mères de jeunes enfants peuvent obtenir un hébergement de courte durée, mais le plus souvent dans des conditions insatisfaisantes et dans des centres accueillant aussi des hommes. Autre groupe particulièrement vulnérable: les enfants non accompagnés ne vivant pas en centre d’hébergement – soit parce que les autorités ne connaissent pas leur existence, soit parce qu’ils ont quitté ou fui le centre d’hébergement pour une raison quelconque. Ces enfants se trouvent confrontés dans la rue à toutes sortes de problèmes et de formes d’exploitation, notamment au trafic existant.
72. Au lieu de s’améliorer, la situation semble s’aggraver. L’on assiste à un durcissement des comportements à l’égard des migrants en situation irrégulière en général, ainsi qu’à un durcissement de ce type d’aide aux familles. Cette réaction est en partie politique mais aussi, compte tenu de la crise, économique. Résultat: le fardeau retombe sur la société civile, qui doit jouer un rôle sans cesse grandissant pour fournir hébergement, conseils et aide matérielle et juridique. Face à la multiplication des mesures visant à criminaliser les migrants en situation irrégulière, ces organisations doivent prendre garde à ne pas se mettre en porte à faux avec telle ou telle législation.

4.2. La voie à suivre

73. Une législation s’impose pour réglementer la situation des enfants migrants sans-papiers en matière de logement, notamment à la lumière de la décision prise par le Comité européen des Droits sociaux dans le cadre de la réclamation collective contre les Pays-Bas.
74. Les autorités locales ne peuvent pas fermer les yeux sur la situation critique de ces enfants, mais la solution ne peut pas se limiter à un placement en foyer d’accueil. Ce type de mesure susciterait des craintes, notamment s’agissant du droit à la vie familiale défendu par la Convention européenne des droits de l’homme.
75. Les autorités doivent prêter une attention particulière à la vulnérabilité des parents isolés accompagnés de jeunes enfants, ainsi qu’aux enfants non accompagnés livrés à eux-mêmes.
76. La société civile n’est pas censée apporter toutes les solutions, même si elle peut en fournir quelques-unes avec l’appui des autorités. Sans pour autant exonérer les autorités de leurs propres responsabilités, il faut davantage soutenir ces organisations de la société civile pour leur permettre de fournir une aide aux personnes qui, autrement, se verraient privées de toute ressource.

5. Détention

77. Comme l’a déclaré le rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, la détention n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant. 
			(41) 
			11e
session du Conseil des droits de l'homme, rapport A/HRC/11/7, paragraphe 62.
78. Selon le droit international et, notamment, la Convention relative aux droits de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir. Il sera rarement dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être placé en centre de rétention, où il risque de vivre dans des conditions de confort insuffisantes, privé d’éducation, d’activités et de loisirs et victime potentielle de toutes sortes de préjudices psychologiques.
79. Outre l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit international prévoit trois principaux dispositifs de protection contre la rétention des enfants migrants en situation irrégulière. D’une part, la privation de liberté doit être une mesure prise en dernier ressort (autrement dit, toutes les autres solutions doivent avoir été épuisées); d’autre part, la rétention doit durer le moins longtemps possible (dans la pratique, pas plus de quelques jours); enfin, l’enfant ne doit être détenu que si les conditions de rétention sont adéquates (en termes d'hébergement sûr, d’hygiène, d’accès à des activités, d’éducation, etc.). Si ces conditions ne sont pas remplies, la détention, qui doit toujours faire l’objet d’un examen judiciaire, ne sera pas autorisée.
80. A cet égard, il convient de se référer à l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant (qui exige que la détention soit «une mesure de dernier ressort» et «d’une durée aussi brève que possible»). Dans un cadre européen, l’on peut se référer aux vingt principes directeurs adoptés par le Comité des Ministres sur le retour forcé, qui définissent non seulement la détention comme une mesure de dernier ressort et devant être aussi brève que possible, mais impose aussi à la détention une longue liste de conditions bien précises.
81. Un grand nombre d’autres références peut être fourni aussi bien au niveau du Conseil de l’Europe que de l’Union européenne. 
			(42) 
			A ce propos, une analyse
intéressante figure dans le rapport de l’Agence des droits fondamentaux
sur la «Rétention des ressortissants de pays tiers dans le cadre
des procédures de retour» (p. 82-86), qui se réfère au 19e rapport
général du CPT, 1er août 2008-31 juillet 2009, paragraphe 97, et
à l’article 17 de la Directive Retour de l’Union européenne (2009).
Parmi d’autres références, citons les recommandations du Conseil
de l’Europe telles que la Recommandation Rec(2003)5 du Comité des
Ministres sur les mesures de détention des demandeurs d’asile et,
plus récemment, les lignes directrices du Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (17 novembre
2010), section IV.A.6, «Privation de liberté», paragraphe 19. Autre
référence: la note de position du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe (25 juin 2010) sur les droits des migrants
mineurs en situation irrégulière, qui rejoint les mêmes idées et
rappelle que, comme toutes les décisions de détention, celle-ci
doit être autorisée par une autorité judiciaire. A évoquer également,
son article paru dans le Carnet des droits de l’homme: «Les enfants
migrants ne devraient pas être placés en détention» (février 2011).
82. Au niveau national, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, la plupart des pays de l’Union autorisent la détention des enfants de migrants en situation irrégulière pour des motifs liés à l’immigration, à l’exception de trois pays dotés de dispositions interdisant la détention de ces enfants (Hongrie, Irlande et Italie) et de quelques autres pays, tels la Belgique, Chypre et Malte, dont la politique est de ne pas détenir ces enfants – bien que, dans le cas de Malte, les enfants puissent être placés en détention pendant la procédure de vérification de l’âge et que, à Chypre, l’on relève des exemples de détention de l’enfant pendant la préparation de son éloignement 
			(43) 
			Agence
des droits fondamentaux, «Rétention des ressortissants de pays tiers
dans le cadre des procédures de retour», p. 84-85..
83. Il semble que, de plus en plus, les Etats admettent le principe de non-détention des enfants migrants sans-papiers, qu’ils soient accompagnés ou non 
			(44) 
			Pour
un examen complet du problème de la détention des mineurs non accompagnés, ibid., p. 88-93. Voir également la Résolution 1810 (2011) de l’Assemblée sur les enfants non accompagnés en Europe
et les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour, paragraphe 5.9:
«La rétention d’enfants non accompagnés pour des motifs liés à la
migration ne saurait être tolérée. Elle doit être remplacée par
des dispositions appropriées de prise en charge, de préférence le placement
dans une famille, de manière à assurer aux enfants des conditions
de vie appropriées à leurs besoins pendant le laps de temps nécessaire.
S’ils sont hébergés dans des centres, ils doivent être séparés des
adultes.». Ainsi, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont tous deux récemment modifié leurs politiques sur cette question et s’abstiennent, dans la mesure du possible, de placer des enfants en détention. Aux Pays-Bas, par exemple, 300 mineurs se trouvaient en détention en 2009. Le 10 mars 2011, le ministre des Migrations a annoncé une nouvelle politique de dispense de détention des enfants, sauf en cas de doute sur l’âge, de disparition antérieure, de délit ou de procédure d’expulsion dans un délai de 14 jours.

5.1. Problèmes dans la pratique

84. Dans la pratique, un certain nombre de problèmes se posent dans l’application des normes internationales au niveau national.
85. Quand faut-il appliquer le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant pour répondre à la question: «être ou ne pas être détenu?»
86. A quelle étape appliquer l’intérêt supérieur de l’enfant. Le problème avec les enfants migrants sans-papiers accompagnés, c’est que trop souvent l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant intervient après la décision de placer les parents en détention. Cette démarche conduit à une décision qui, finalement, fait fi de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cela revient à choisir entre deux maux le moindre: soit placer l’enfant en détention, soit le séparer de ses parents.
87. Le rapporteur estime que, avant toute décision concernant un parent et/ou un autre membre de la famille, un examen doit prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.
88. Décisions de séparer un enfant d’un parent. Dans le cadre de la détention, ce type de décision pose un problème particulier étant donné la contradiction entre les droits – le droit de ne pas être détenu et le droit à la vie familiale et à ne pas être séparé (voir, par exemple, le droit à la vie familiale mentionné à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le droit à ne pas être séparé d’un parent, spécifiquement garanti par l’article 9.1 de la Convention relative aux droits de l’enfant).
89. Dans une étude sur la détention 
			(45) 
			Ibid.,
p. 86-88., l’Agence des droits fondamentaux note que la Suède est le seul pays à interdire expressément la séparation d’un enfant de son/ses parents, soulignant aussi les différentes pratiques nationales. Certains pays, tels que la France, la Lettonie et le Portugal, préfèrent maintenir l’enfant avec les parents, alors que d’autres, au contraire, s’abstiennent de placer les enfants en détention mais n’hésitent pas à les séparer des parents – du moins en général car, souvent, ils font aussi exception à cette règle. Autre option (et manière d’esquiver la question) pratiquée dans certains pays: placer le père en rétention mais libérer ou placer ailleurs le reste de la famille.
90. Détention et séparation des enfants migrants sans-papiers sont toutes deux à éviter. Aussi est-il impératif d’examiner toutes les alternatives à la détention avant de décider d'incarcérer un membre de la famille. Toute décision doit prendre en compte l’intérêt supérieur et les vœux de l’enfant.
91. Conditions de détention. Les exemples ne manquent pas pour montrer que, dans la réalité, les conditions de détention appliquées dans de nombreux Etats membres devraient conduire à l’interdiction de la détention des enfants de migrants en situation irrégulière. A cet égard, l’on pourra se référer aux travaux et au suivi que réalisent le CPT, le Commissaire aux droits de l’homme mais aussi l’Assemblée parlementaire elle-même.
92. Le rapporteur rappelle que, parmi les vingt principes directeurs du Comité des Ministres, celui concernant le retour forcé (principe 11) stipule non seulement que la détention doit intervenir en dernier ressort et aussi brièvement que possible, mais également que les enfants doivent disposer de lieux d’hébergement séparés afin de préserver leur intimité. Ils ont un droit à l’éducation (selon la durée de leur séjour) et aux loisirs. En outre, le personnel et les installations doivent être adaptés à l’âge de l’enfant.
93. De surcroît, il existe une jurisprudence à ce sujet à la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’affaire Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique 
			(46) 
			Voir Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique,
requête n° 41442/07, arrêt du 19 janvier 2010., la Cour a jugé que la détention d’enfants tchétchènes préalablement à leur éloignement était irrégulière et leurs conditions de détention inacceptables. Dans une autre affaire, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique 
			(47) 
			Mubilanzila
Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, requête n° 13178/03,
arrêt du 12 octobre 2006., la Cour a jugé qu’il y avait eu violation des articles 3 et 8 de la Convention s’agissant de détention et du refoulement de l’enfant. L’enfant avait séjourné dans un centre pour adultes pendant près de deux mois sans programme d’accueil ni assistance adaptée, et n’avait pas été rapidement rapprochée de sa mère.
94. L’âge de l’enfant. La détermination de l’âge de l’enfant pour décider s’il peut ou non être mis en rétention soulève des difficultés particulières. Les marges d’erreur peuvent être importantes (par exemple, jusqu’à deux ans avec des radiographies du poignet) et le bénéfice du doute doit toujours être accordé à l’enfant. L’Assemblée a déjà donné des indications sur ce point dans la Résolution 1810 (2011) sur les enfants non accompagnés en Europe et les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour, où il est dit au paragraphe 5.10: «La détermination de l’âge doit être uniquement entreprise en cas de doutes raisonnables laissant penser que la personne n'est pas mineure. Cette démarche doit être fondée sur la présomption de minorité par une autorité indépendante qui procédera dans un certain délai à une évaluation multidisciplinaire. Elle ne peut reposer uniquement sur un avis médical. Les examens doivent seulement être réalisés avec l’accord de l’enfant et de son tuteur. Ils ne doivent pas être intrusifs ou contraires aux règles d’éthique médicale, et la marge d’erreur des examens médicaux et autres doit être clairement indiquée et prise en compte. Si la minorité de l’intéressé reste incertaine, celui-ci doit avoir le bénéfice du doute. Les décisions liées à l’évaluation doivent être susceptibles de recours administratifs ou judiciaires.» 
			(48) 
			Voir
aussi la «Protection des mineurs non accompagnés ou séparés par
des systèmes nationaux des droits de l’homme», 20-22 octobre 2009,
Padoue (Italie), Note de synthèse de l’atelier (p. 29), et la recommandation
émise par l’association «Save the Children».

5.2. La voie à suivre

95. Dans un certain nombre de textes récents, l’Assemblée a déjà fait part de ses inquiétudes concernant la détention des enfants migrants sans-papiers, notamment pour les mineurs non accompagnés.
96. Sur cette question, le rapporteur souhaite néanmoins mettre en lumière les principes suivants, à inscrire dans les législations et dans les pratiques.
97. Pour commencer, il convient de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et de rechercher des alternatives à la détention.
98. Lorsque, à titre exceptionnel, la détention s’avère nécessaire, elle doit être prévue par la loi et assortie de toutes les mesures de protection et de recours judiciaire nécessaires.
99. En cas de placement en détention, celle-ci ne doit pas durer longtemps et les installations, de même que les activités et l’assistance éducative disponibles, doivent être adaptées à l’âge de l’enfant.
100. Si la détention a tout de même lieu, elle doit s’effectuer dans des installations autres que celles des adultes, et l’enfant ne doit pas être séparé d’un parent, sauf circonstances exceptionnelles.
101. Rappelons que, en aucun cas, un enfant ne doit être privé de liberté au seul motif de son statut de migrant, et jamais à titre de sanction.
102. Si un doute subsiste quant à l’âge de l’enfant, ce dernier doit se voir accorder le bénéfice du doute.

6. Exploitation du travail des enfants

103. Tout en gardant à l’esprit que l’Assemblée prépare un rapport sur le thème «Il est temps d’examiner de plus près la traite des travailleurs migrants aux fins d’exploitation de leur travail» (voir doc. 12411), dans lequel cette question sera examinée de manière plus approfondie, le rapporteur souhaite insister sur un certain nombre de problèmes qui concernent les enfants migrants sans-papiers. Compte tenu de leur précarité et de celle de leurs familles, ces enfants risquent d’être amenés à mendier ou à voler, ou d’être utilisés pour travailler dans des conditions dangereuses, pour effectuer un travail illégal ou être exploités sexuellement. Bien que ce problème concerne plus particulièrement les mineurs non accompagnés, qui sont souvent victimes de la traite à ces fins mais aussi à des fins d’exploitation sexuelle, il ne se limite pas à ces derniers.
104. Ces enfants ont besoin d’une protection et leur place est à l’école. Ils ne doivent pas se retrouver dans la rue ou dans des ateliers clandestins ou d’autres lieux de travail. Le rapporteur souligne l’existence d’un lien étroit entre les différents droits examinés dans le présent rapport et l'exploitation à des fins de travail, ce qui justifie une approche globale de la question des droits des enfants migrants en situation irrégulière.
105. Pour obtenir quelques exemples d’exploitation des enfants par le travail en Europe, on se référera à un rapport de l’UNICEF Royaume-Uni qui met en évidence plusieurs problèmes: l’exploitation économique et sexuelle d’enfants mendiants albanais en Grèce, les enfants roumains amenés en France, en Italie et ailleurs pour prendre part à des activités criminelles, les enfants d’Europe de l’Est forcés à se prostituer, et les enfants d'Afrique de l'Ouest amenés au Royaume-Uni et en France pour y travailler comme employés de maison logés 
			(49) 
			UNICEF
Royaume-Uni, campagne «End Child Exploitation», «child labour today»,
p. 32..
106. La mendicité et les vols commis par des gangs de rue sont un problème grandissant en Europe, les enfants étant utilisés pour leur rapidité et leur agilité. Il est alors difficile de les arrêter et de les garder, même lorsqu'ils font l'objet d'un placement. Selon certains rapports, les gains en jeu peuvent être substantiels, ce qui rehausse encore l'attrait de cette solution pour les gangs et les réseaux criminels. 
			(50) 
			Dans
un reportage de la BBC, la police italienne a affirmé qu’un enfant
pouvait gagner jusqu’à 12 000 euros par mois, et que certains gangs
n’avaient pas moins de 50 enfants à leur service. <a href='http://news.bbc.co.uk/2/hi/8226580.stm'>http://news.bbc.co.uk/2/hi/8226580.stm</a>: «How Gypsy gangs use child thieves», 2 septembre 2009,
BBC News.
107. Le rapporteur a cru comprendre que certains pays ont essayé de résoudre le problème en proposant d’interdire la mendicité. Malheureusement, cette solution n’a fait que criminaliser à la fois certains groupes et des enfants, ce qui a suscité des protestations parmi des associations de droits de l’homme 
			(51) 
			Le
Commissaire aux droits de l’homme s’est inquiété, plus généralement,
à propos de la question de la criminalisation des migrations. Voir
le document CommDH/IssuePaper(2010)1: «La criminalisation des migrations
en Europe: quelle incidence pour les droits de l’homme?».
108. La question est de celles qui méritent un examen approfondi par l’Assemblée. Cela pourrait se faire dans le cadre du prochain rapport sur la traite des travailleurs migrants aux fins d’exploitation de leur travail, ou dans le cadre d’un rapport plus général sur la question de l’exploitation des enfants par le travail en Europe.

6.1. La voie à suivre

109. Davantage d’informations sont nécessaires, notamment sur les différentes formes d’exploitation, leur prévalence, les personnes les plus exposées et les personnes ou groupes à l’origine de l’exploitation.
110. Plusieurs questions spécifiques méritent un examen plus poussé: l’exploitation sexuelle, l’utilisation des enfants pour mendier et commettre des actes criminels, ainsi que les enfants employés de maison, les ateliers clandestins et les autres formes d’exploitation de la main-d’œuvre enfantine.
111. La question de la mendicité doit également être étudiée de manière plus précise, à la fois sous l’angle de l’exploitation et de la traite et sous l’angle de la discrimination et de la criminalisation.

7. Conclusions

112. «Un enfant est et reste un enfant.» C’est peut-être là le principe le plus important à poser avant de s’intéresser de plus près à la question des enfants migrants sans-papiers. L’enfant n’est pas responsable de son statut de migrant; il doit pouvoir bénéficier de tous les droits qui lui sont reconnus dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, avec comme point de départ le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. De plus, il ne doit pas être victime de discrimination en raison de son statut.
113. Partant, les Etats membres sont invités à réexaminer leur législation et leur pratique pour veiller à ce que les enfants migrants sans-papiers puissent jouir des droits et de la protection que leur assure le droit international. Cette question ne doit pas être traitée dans le contexte des migrations, mais dans la perspective de l’enfant. Les questions de migration restent importantes, mais elles viennent au second plan.
114. Le rapporteur est conscient que bien souvent la législation des Etats membres reconnaît la nécessité de protéger les droits de ces enfants, notamment dans le domaine de l’éducation et de l’aide médicale d'urgence, ce dont il se félicite. Toutefois, la protection offerte par la législation est loin d’être la même partout en Europe, ce qui crée une différence de traitement regrettable d’un pays à l’autre. La situation est encore plus préoccupante du point de vue de l’application de la loi et des droits dans la pratique.
115. L’Assemblée et le Conseil de l’Europe dans son ensemble ont un rôle important à jouer dans la protection de ce groupe vulnérable. L’Organisation dispose des instruments juridiques et de droits de l’homme nécessaires pour renforcer les droits de ces enfants et a acquis, grâce à ses campagnes et activités de coopération, les outils permettant de veiller à ce que cela soit fait dans la pratique. Le rapporteur est d’avis que le Conseil de l’Europe et son Assemblée peuvent et se doivent de relever ce défi.