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Avis | Doc. 12736 | 03 octobre 2011
La demande de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Conseil national palestinien
Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission sur l’égalité des chances pour les
femmes et les hommes partage la conclusion de la commission des
questions politiques selon laquelle le Conseil national palestinien
devrait obtenir le statut de partenaire pour la démocratie auprès
de l’Assemblée parlementaire.
2. Elle est aussi d’avis que l’obtention d’un tel statut peut
encourager l’avancée de la démocratie, de l’Etat de droit et du
respect des droits de l’homme dans les territoires sous l’autorité
de l’Autorité nationale palestinienne (ANP).
3. La commission apprécie l’intégration d’une perspective de
genre dans le rapport et le projet de résolution, en particulier
au paragraphe 12.5. Ce paragraphe fait référence à l’égalité des
chances, la non-discrimination, et l’égalité entre les femmes et
les hommes en général, comme étant des questions d’une importance
cruciale pour renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les territoires
palestiniens.
4. La polygamie constituant une violation des droits humains,
la commission estime qu’elle devrait être mentionnée au paragraphe 12.5
du projet de résolution parmi les formes de discrimination auxquelles
il faut mettre un terme dans la loi et dans la pratique, si nécessaire
par une révision de la législation. Des considérations similaires
s’appliquent à l’absence d’égalité dans le droit de la famille,
en particulier eu égard à la position discriminatoire des femmes
dans le mariage et le divorce.
B. Proposition d’amendement au projet de résolution
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Dans le projet de résolution, paragraphe 12.5, remplacer les mots «les mariages interreligieux» par les mots:
«le mariage, le divorce, la polygamie».
C. Exposé des motifs par Mme Hägg, rapporteure pour avis
(open)1. Egalité entre les femmes et les hommes et droits des femmes par rapport au statut de partenaire pour la démocratie
1. L’égalité entre les femmes et les hommes est une
pièce maîtresse de la procédure d’obtention du statut de partenaire
pour la démocratie.
2. La demande de statut doit contenir une référence explicite
à la volonté du parlement candidat d’adhérer aux valeurs du Conseil
de l’Europe que sont la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat
de droit et le respect des droits humains et des libertés fondamentales.
Elle doit aussi comprendre un engagement à encourager la participation
équilibrée des femmes et des hommes dans la vie publique et politique .
3. La délégation parlementaire bénéficiant du statut de partenaire
pour la démocratie doit aussi, dans la mesure où le nombre de ses
membres le permet, être composée de façon à assurer une représentation équitable
des partis ou groupes politiques existant dans ce parlement, et
à comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au
moins égal à celui que compte le parlement, et en tout état de cause, un
représentant de chaque sexe .
4. En ma qualité de rapporteure de la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes, je rends compte dans
le présent avis de l’égalité entre les femmes et les hommes dans
les territoires sous l'autorité de l’Autorité nationale palestinienne,
en mettant en évidence les progrès accomplis et les problèmes à
résoudre.
2. Représentation des femmes en politique
2.1. Au niveau parlementaire
5. Les femmes représentent 7,5 % du Conseil national
palestinien (56 membres sur 744). Grâce à un système de quotas,
la proportion est plus élevée (environ 13 % et 17 membres sur 132)
dans le Conseil législatif palestinien, qui fait partie du Conseil
national palestinien. La loi sur les élections législatives (loi
no 9 de 2005) a introduit un système de quotas: les partis politiques
doivent compter au moins une femme sur les trois premiers candidats
de la liste, au moins une femme sur les quatre candidats suivants,
et une femme tous les cinq noms pour le reste de la liste.
6. Aucune des 14 commissions parlementaires du Conseil national
palestinien ne traite spécifiquement des droits des femmes et de
l’égalité des sexes. Ceux-ci s’inscrivent dans le cadre du mandat
de la commission des questions sociales.
2.2. Au niveau du gouvernement
7. Après l’établissement de l’Autorité nationale palestinienne
en 1994, de nombreuses équipes de négociation ont été officiellement
transformées en ministères. La Commission technique des questions féminines
a présenté une proposition visant à créer un ministère de la Condition
féminine, mais la proposition n’a pas été acceptée à l’époque.
8. Une unité pour l’égalité des sexes a été établie en 1996 pour
coordonner le travail des différentes équipes pour l’égalité des
sexes présentes au sein des différents ministères. Le ministère
de la Condition féminine a été créé en 2003, après presque une décennie
de mobilisation de la part de la Commission technique des questions
féminines. Ses principaux objectifs consistent à réduire les inégalités
entre les sexes et à améliorer la condition féminine, notamment
en créant une nouvelle législation ou en modifiant la législation existante.
Compte tenu du contexte politique très instable, la mission de ce
ministère est particulièrement difficile.
9. A l’heure actuelle, cinq femmes occupent un poste de ministre
d’Etat. Leurs portefeuilles sont l’éducation, la culture, la condition
féminine, le tourisme, et les affaires sociales.
2.3. Au niveau local
10. En vertu de la loi no 10 de 2005 sur l’élection des
conseils municipaux, toutes les listes doivent inclure une femme
parmi les cinq premiers candidats et une autre femme dans les cinq
candidats suivants. La loi stipule aussi qu’au moins deux femmes
sont présentes dans chaque conseil municipal comptant un maximum de
13 membres, et trois femmes dans les conseils comportant 15 membres.
Entre 2004 et 2005, les dernières élections de représentants au
niveau local se sont déroulées en quatre étapes (chacune couvrant
un ensemble de localités). La proportion des femmes élues a varié
entre 17 % et 21 %, en partie par la voie du processus électoral
normal et en partie par la voie des quotas réservés. Il apparaît
clairement que les quotas ont contribué à renforcer la représentation
des femmes au niveau local. Dans une ville, Ramallah, une femme
a été élue présidente de la municipalité.
11. Selon une étude sur les femmes membres de conseils municipaux
en Cisjordanie, la plupart d’entre elles (60 %) ont déclaré que
leurs motivations pour se présenter aux élections étaient liées
à leur volonté de défendre les droits des femmes, tandis que 26,7 %
étaient motivées par un intérêt dans la politique en général .
2.4. Dans les partis politiques
12. Les femmes représentent 25 % du Congrès général du
Fatah, 0 % de son comité central (en 2009), 33 % de son conseil
révolutionnaire, et 11 % de son conseil élargi. Au Front populaire,
les femmes composent 10 % du comité central général, 20 % du comité
sous-central, 11 % de la direction des sections et 10,2 % du congrès
des sections. Au Front démocratique, les femmes représentent 19,5 %
du comité central de la Cisjordanie et 16,5 % dans la bande de Gaza;
18 % de la Direction centrale de la Cisjordanie et 13 % dans la bande
de Gaza; 17 % des membres des comités de section en Cisjordanie
et 9 % dans la bande de Gaza; et 6 % du bureau politique. Dans l’Union
démocratique palestinienne (FIDA), les femmes représentent 30 %
du bureau exécutif et 19 % du comité central. Les femmes composent
aussi 20 % du comité central du Front palestinien de lutte populaire,
et en moyenne 25 % de toutes les structures du Front arabe palestinien.
Aucune statistique n’est disponible sur la proportion de femmes
dans les partis islamistes .
3. Egalité entre les femmes et les hommes en droit
3.1. Déclaration d’indépendance et Loi fondamentale
13. Le droit public dans les territoires palestiniens
repose sur la Loi fondamentale de 2002, considérée comme une Constitution
temporaire, qui devra être remplacée par le dernier projet de Constitution
lors de l’établissement d’un Etat palestinien.
14. L’article 9 de la Loi fondamentale consacre le principe d’égalité,
en stipulant que les Palestiniens sont égaux devant la loi et la
justice, sans discrimination fondée sur l’appartenance ethnique,
le sexe, la couleur de peau, la religion, les opinions politiques
ou le handicap. La Déclaration d’indépendance de 1989 proclame également
le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, et évoque
un partenariat entre les hommes et les femmes dans la poursuite
du développement. Le texte rend un «hommage spécial au courage des femmes
palestiniennes», et proclame que la gouvernance du futur Etat palestinien
«sera fondée sur les principes de justice sociale, d’égalité et
de non-discrimination dans les droits publics pour les hommes ou
les femmes».
3.2. Droit privé et pénal
15. Le cadre juridique des territoires palestiniens est
fragmenté et complexe, car un éventail de systèmes juridiques coexistent.
En vertu des Accords d’Oslo de 1993, l’Autorité nationale palestinienne
a des pouvoirs exécutifs et législatifs, mais ils sont limités et
incomplets. La législation édictée par l’ANP coexiste ainsi avec celle
d’Israël dans les territoires, parallèlement au droit égyptien dans
la bande de Gaza et au droit jordanien en Cisjordanie. Certaines
règles héritées des anciens gouvernants britanniques et ottomans
sont également en vigueur.
16. Si les lois égyptiennes et jordaniennes ont connu un processus
de réformes qui les a rendues plus progressistes s’agissant de la
condition des femmes, les lois appliquées dans les territoires palestiniens
n’ont pas évolué. En outre, tandis que les tribunaux civils statuent
sur les affaires civiles et pénales conformément à ces systèmes,
les questions afférentes au statut personnel et au droit de la famille
sont jugées par les tribunaux de la charia qui appliquent le droit
islamique.
17. La fragmentation du système juridique porte atteinte à l’Etat
de droit et à la condition des femmes, car elle fait obstacle à
leur accès à la justice. Cela rend plus difficile pour les défenseurs
des droits des femmes de canaliser leurs efforts de sensibilisation.
3.3. Législation sur la nationalité
18. A l’heure actuelle, il n’y pas de code de la nationalité
palestinienne. Les droits de nationalité sont régis par les Codes
de la nationalité jordanien et égyptien, respectivement appliqués
en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les deux codes sont discriminatoires,
puisque les femmes palestiniennes ne peuvent pas transmettre leur
nationalité à leur mari ou à leurs enfants et, en principe, elles
perdent leur nationalité si elles épousent un non-Palestinien.
3.4. Droit de la famille
19. Le droit de la famille contient des normes et des
principes discriminatoires à l’égard des femmes. Pour se marier,
une femme doit avoir la permission d’un tuteur masculin ou wali. Aux termes du droit jordanien
et égyptien, les femmes ont le droit de garder leur nom de jeune
fille après le mariage et peuvent choisir d’adopter le nom de leur
mari ou pas. Or, dans la pratique, le nom des femmes est automatiquement
changé sur le passeport palestinien au mariage.
20. Il existe une discrimination flagrante eu égard à la réglementation
relative au divorce. Pendant qu’un homme peut divorcer unilatéralement
et verbalement (en répétant trois fois la formule «Je divorce de
toi»), les femmes doivent recourir à l’appareil judiciaire. Des
différences résident également dans le droit de garde des enfants,
car une femme divorcée conserve normalement la garde de ses enfants
uniquement jusqu’à ce qu’ils aient 10 ans (pour les garçons) ou
12 ans (pour les filles). Elle perd également son droit de garde
si elle se remarie. Pendant le mariage, seul le père est considéré
comme le tuteur légal des enfants du couple.
21. La polygamie est légale dans les territoires palestiniens
sous les formes autorisées par le droit islamique (un homme musulman
peut prendre jusqu’à quatre épouses), à l’exception de Jérusalem-Est
où le droit israélien l’interdit. Si moins de 4 % d’hommes avaient
plusieurs femmes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en 1997 , il n’en
demeure pas moins que la polygamie n’est pas conforme aux droits
humains.
22. Les femmes subissent une discrimination dans le droit successoral,
car les parts sont calculées en fonction de règles détaillées du
droit islamique, appliquées à la fois aux musulmans et aux chrétiens.
Les parts des femmes sont généralement plus réduites que celles
des hommes. Une fille, par exemple, hérite de la moitié de ce dont
hérite un fils.
23. La réforme du droit de la famille constitue l’un des enjeux
essentiels pour améliorer la condition de la femme dans les territoires.
La Stratégie nationale intersectorielle pour l’égalité des sexes
lancée par le ministère de la Condition féminine, avec l’appui d’ONU
Femmes pour la période 2011-2013, s’est fixé comme objectif stratégique
numéro un de permettre aux femmes de jouir de droits familiaux et
civils garantissant l’égalité et l’équité. L’un des buts de cette
stratégie est de prendre toutes les mesures juridiques, législatives et
opérationnelles pour affirmer le principe d’égalité et d’équité
entre les femmes et les hommes en matière de statut personnel et
de droits civils.
3.5. Droit du travail
24. Ce domaine juridique est régi par la législation
récemment promulguée par l’Autorité nationale palestinienne, la
loi no 7. En 2000, cette loi est venue remplacer en Cisjordanie
la loi jordanienne sur le travail de 1960, et dans la bande de Gaza
la loi égyptienne sur le travail de 1964. Ce nouvel instrument est
plus moderne, plus conforme aux normes édictées par l’Organisation
arabe du travail (OAT) et l’Organisation internationale du travail
(OIT). La loi no 7 interdit toute discrimination fondée sur le sexe
et comporte plusieurs dispositions qui protègent les travailleuses
avant et après la grossesse. Ces dispositions instituent le droit
au congé maternité, l’interdiction de licenciement pour motif de
grossesse, et le droit d’exiger des horaires de travail flexibles
pour pouvoir allaiter. Les femmes jouissent également de la plénitude
des droits en matière de salaires, de rémunérations, de pensions
et d’indemnités de fin de service.
3.6. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)
25. Le 8 mars 2009, l’Autorité nationale palestinienne
a ratifié de manière unilatérale la Convention des Nations Unies
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (CEDAW). Bien qu’aucune obligation juridique ne l’oblige
à rédiger un rapport périodique au comité de la CEDAW, cette ratification
représente un symbole important de son engagement politique à appliquer
les dispositions du texte.
4. La condition de la femme dans la société
26. L’écart se resserre entre les femmes et les hommes
en matière d’éducation. Dans l’enseignement primaire, des progrès
ont été accomplis, et les inscriptions de jeunes filles dans l’enseignement
secondaire et tertiaire dépassent celles des garçons. Le nombre
de filles qui poursuivent un enseignement professionnel est plus
élevé que jamais, puisqu’elles ont représenté 27 % de tous les élèves
des écoles professionnelles en 2002, contre 18 % en 1997 .
27. Dans les territoires administrés par l’Autorité nationale
palestinienne, le taux d’analphabétisme était de 9,5 % chez les
femmes et de 2,4 % chez les hommes en 2007. Les taux d’analphabétisme
les plus élevés ont été enregistrés chez les personnes de 45 ans
et plus (50 % des femmes analphabètes et 25 % des hommes).
4.1. Femmes actives et marché du travail
28. Bien qu’elles représentent la majorité des étudiants
sur les bancs de l’université, les femmes sont sous-représentées
sur le marché du travail des territoires palestiniens. Le taux de
féminisation de l’emploi n’était que de 15,1 % en 2009, tandis que
le taux de chômage féminin atteignait 23,8 % .
29. Les enquêtes sur la population active ne rendent pas bien
compte de la nature des emplois féminins: de nombreuses femmes travaillent
dans le secteur informel; d’autres pratiquent une activité qu’elles
ne considèrent pas elles-mêmes comme un travail, notamment la production
de vivres et d’autres produits, la vente ou l’échange de coupons
alimentaires, et le volontariat pour des organisations caritatives.
30. Etant donné le fort taux de chômage chez les hommes, et l’impact
de la situation politique et des conditions de sécurité sur l’économie,
un nombre croissant de femmes deviennent le soutien de la famille. Plusieurs
associations ont aussi été créées pour promouvoir l’entrepreneuriat
des femmes, parfois par l’octroi de crédits et des aides financières .
4.2. Les femmes dans l’administration publique
31. En août 2008, la part des femmes dans la magistrature
et le barreau était de 13,2 % (21 sur 159). En 2009, deux juges
femmes supplémentaires ont été nommées, élevant le pourcentage des
femmes à 16 %. En 2008, sur les 39 juges exerçant dans la bande
de Gaza, cinq seulement étaient des femmes (12,8 %). Mais ce pourcentage
a décliné depuis. En Cisjordanie, cependant, 18 juges sur 120 étaient
des femmes en 2008 (15 %) et le pourcentage s’est élevé depuis,
pour atteindre 16,6 % en 2009.
32. En septembre 2009, il y avait cinq femmes ambassadrices sur
les 106 représentants officiels de l’Autorité nationale palestinienne
dans le monde .
5. Le rôle des femmes dans la réconciliation et la consolidation de la paix
33. Les femmes ont toujours tenu une place importante
dans la société palestinienne. Au début du XXe siècle, elles jouaient
déjà un rôle dans la lutte nationaliste et contribuaient au bien-être
de leur communauté. En 1920, elles ont établi l’Union générale des
femmes palestiniennes, destinée à soutenir les femmes dans les territoires
occupés et dans la diaspora palestinienne.
34. Le rôle des femmes dans la vie publique a pris un nouvel élan
dans les années 1970, à mesure qu’elles s’impliquaient dans la lutte
contre l’occupation et prenaient une place déterminante dans la
société et l’économie, entre autres choses en créant des coopératives.
Dans les années 1980, elles ont aussi participé à la première Intifada.
35. La consolidation de la paix et la cause des femmes sont indissolublement
liées dans les territoires palestiniens, car les crises et les conflits
touchent les femmes d’une manière disproportionnée.
36. En 1992, lorsque plusieurs équipes techniques ont été formées
pour faire aboutir les négociations de paix, la Commission technique
des questions féminines a été mise à contribution. Dans le même
temps, cette commission entendait participer à l’organisation et
à la construction des infrastructures d’un futur Etat palestinien,
afin d’intégrer la problématique hommes-femmes dans tous les travaux
préparatoires destinés à soutenir le processus de paix, et à fonder
des institutions d’Etat en conformité avec le principe d’égalité
de tous les Palestiniens, indépendamment du sexe, de la religion
ou de l’appartenance ethnique, comme cela est énoncé dans la Déclaration
d’indépendance.
37. Les femmes sont particulièrement impliquées dans la consolidation
de la paix, y compris au niveau des organisations non gouvernementales,
parfois même au-delà des frontières qui séparent les parties en
conflit. Pour citer un excellent exemple, deux femmes, Naomi Chazan
etSumaya Farhat-Naser, ont
pris l’initiative de créer un partenariat entre des organisations
de femmes palestiniennes et israéliennes durant la première Intifada.
Ce partenariat spécial est baptisé «Le Lien de Jérusalem» .
Les deux organisations partenaires conduisent des initiatives séparées
pour répondre aux besoins des femmes des deux côtés, mais aussi
des projets communs en faveur de la consolidation de la paix.
6. Violence à l’égard des femmes
38. Tandis que les hommes palestiniens subissent des
violences liées au conflit, les femmes sont exposées à la violence
provenant de sources diverses, notamment le conflit avec Israël,
la scission intrapalestinienne et la violence domestique.
39. Une enquête réalisée en 2005 sur la violence domestique a
montré que plus de 60 % des femmes avaient subi des violences psychologiques,
23 % avaient été victimes de mauvais traitements et 11 % avaient subi
des violences sexuelles .
40. La violence domestique et la violence fondée sur le sexe sont
rarement signalées, car les victimes qui tentent d’exercer une action
en justice contre leur agresseur, en particulier au sein de leur
famille, doivent affronter l’attitude réprobatrice de la société,
des intimidations et une mise à l’écart. Les données du Bureau central
palestinien des statistiques montrent que seulement 1,2 % des victimes
signalent les actes de violence. Les femmes rechignent en général
à s’adresser à l’appareil judiciaire, n’étant que marginalement
représentées au sein de la magistrature, du barreau et de la police.
En outre, l’efficacité et la crédibilité des représentants de la
loi au sein de l’Autorité nationale palestinienne sont compromises
compte tenu du faible respect de la loi, d’une situation juridique
complexe et de la situation politique extrêmement instable. Il en
est résulté la résurgence d’une justice informelle fondée sur le
droit coutumier, qui discrimine fortement les femmes.
41. Les codes pénaux qui sont actuellement en vigueur dans les
territoires ne comprennent aucune disposition spécifique portant
sur la violence fondée sur le sexe. L’un des sujets d’inquiétude
majeurs est l’existence de règles qui peuvent être considérées comme
justifiant les crimes dits «d’honneur», y compris des meurtres.
La loi applicable en Cisjordanie comporte des dispositions réduisant
la peine pour les agresseurs qui commettent un crime dans un «état
de grande fureur», également applicables aux hommes qui tuent leurs parentes
dans des circonstances «suspectes». Ces règles s’opposent aux articles 9
et 10 de la Loi fondamentale.
42. La pratique des crimes dits d’honneur n’est pas limitée à
la communauté musulmane: sur les 18 victimes identifiées par la
Commission indépendante des droits de l’homme (institution nationale
de la Palestine chargée de défendre les droits de l’homme) en 2007,
plusieurs étaient chrétiennes. «Nous n’avons pas de loi, ni aucun
respect pour aucune loi. Nous ne demandons pas seulement un changement
du droit et des procédures pénales, mais un changement de tout le
système judiciaire», a déclaré en 2005 l’avocate Halima Abu-Sulb
du Centre d’aide et de conseil juridiques aux femmes, à Ramallah .
43. En 2008, le Conseil des ministres palestiniens a créé un Comité
national pour la lutte contre les violences faites aux femmes, dirigé
par le ministère de la Condition féminine. Le comité se compose
d’un large éventail de membres, notamment des organisations gouvernementales
et non gouvernementales représentées par le forum des ONG qui luttent
contre les violences faites aux femmes (Al Muntada) et l’Union générale
des femmes palestiniennes.
44. Le 11 janvier 2011, le Gouvernement palestinien a approuvé
un Plan stratégique national de lutte contre les violences faites
aux femmes, qui sera mis en œuvre durant la période 2011-2019. Le
plan considère la violence à l’égard des femmes comme étant une
question de développement concernant tous les aspects – social,
économique et politique – de la société palestinienne. Aux termes
de ce plan, la démarche vise à «lutter contre la violence à l’égard
des femmes en promouvant le principe de l’Etat de droit fondé sur
les droits des femmes, et en améliorant les mécanismes institutionnels
de la société palestinienne, afin de protéger et de soutenir les
femmes victimes de violences, et de vivre dans une société libérée
de toute forme de discrimination et fondée sur l’égalité, la dignité
et le respect des droits humains».
45. Le Plan stratégique national est conçu pour compléter la Stratégie
nationale intersectorielle pour l’égalité des sexes, dont l’objectif
stratégique 3 est de «Réduire toutes les formes de violence à l’égard
des femmes palestiniennes». Les mesures ambitieuses mentionnées
dans la stratégie englobent: promulguer une loi pour protéger les
femmes contre la violence domestique, modifier le Code pénal pour
supprimer toute forme de discrimination fondée sur le sexe, modifier
la loi afférente aux procédures pénales s’agissant des dispositions sur
les poursuites pénales qui font une discrimination entre les femmes
et les hommes concernant le dépôt de plaintes. Enfin, adopter toutes
les interventions énoncées dans le Plan stratégique national de
lutte contre les violences faites aux femmes.
7. La situation des femmes dans la bande de Gaza
46. Depuis la victoire électorale du Hamas en 2007, la
détérioration de la situation politique et socio-économique ainsi
que de la sécurité dans la bande de Gaza a aussi eu des incidences
négatives sur la condition des femmes.
47. Malgré le manque de transparence et les difficultés de communication,
les défenseurs des droits des femmes à Gaza se plaignent du fait
que le Hamas restreint la liberté de mouvement et la libre expression,
ce qui fait directement obstacle à leur travail. Dans le même temps,
le Hamas applique des mesures et des réformes qui constituent un
retour en arrière flagrant eu égard aux droits des femmes dans tous
les domaines. Des travaux ont notamment commencé visant à modifier
la loi sur le statut personnel et le Code pénal, qui priveraient
les femmes de certains droits fondamentaux.
48. La montée du radicalisme à Gaza contribue à accroître les
violations des droits des femmes, y compris les crimes dits d’honneur.
Les mutilations génitales féminines sont aussi pratiquées à Gaza,
notamment près de la frontière égyptienne, mais il n’y a pas de
données précises à cet égard .
D’après une étude publiée par le Women’s Affairs Center (WAC), une
organisation de protection des droits des femmes basée a Gaza, 88 % des
femmes interviewées ont affirmé que leurs droits à l’héritage ont
été niés. En outre, environ les deux tiers d’entre elles ont déclaré
qu’elles n’ont pas eu recours à la justice pour faire reconnaître
leurs droits .
La presse a aussi fait état de cas de femmes à qui il a été reproché
un «manque de pudeur», d’avocates obligées de porter le voile dans
les tribunaux et d’étudiantes forcées à le porter à l’école. Le
Hamas a été accusé d’avoir ciblé des activistes des droits des femmes mais,
par la suite, sous la pression de la société civile et des médias,
a nié son implication dans les incidents.
49. La situation des femmes à Gaza se dégrade également du fait
de conditions spécifiquement engendrées par le blocus israélien,
qui entrave l’accès de la population aux soins de santé, à l’éducation,
à l’emploi et à d’autres services de base.
8. Conclusions de la rapporteure
50. Dans le présent avis, j’ai souligné les problèmes
multiples auxquels les femmes doivent faire face dans les territoires
administrés par l’Autorité nationale palestinienne. Malgré certaines
défaillances constatées dans le cadre législatif, il est clair pour
moi que les autorités palestiniennes s’attachent à défendre l’égalité
entre les femmes et les hommes et à améliorer la condition des femmes.
Par conséquent, je partage l’avis de la commission des questions
politiques selon lequel le Conseil national palestinien répond aux
exigences posées pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie.
51. Cela étant dit, je souhaiterais souligner que l’obtention
de ce statut n’est pas une fin mais le début d’un processus. L’Assemblée
parlementaire devrait se tenir prête à offrir ses compétences et
ses conseils sur les modifications législatives qui rendraient le
cadre juridique applicable dans les territoires palestiniens totalement conforme
aux normes en matière de droits de l’homme, y compris concernant
l’égalité entre les femmes et les hommes.
52. Dans le même esprit, l’Assemblée devrait encourager les autorités
palestiniennes à déployer davantage d’efforts pour veiller à l’application
effective des politiques et de la législation existantes visant
à protéger les femmes et à prévenir la discrimination fondée sur
le sexe, car le fossé entre le droit et la pratique est encore trop
grand.
53. Enfin, je souhaiterais que des relations rapprochées entre
l’Assemblée et l’Autorité nationale palestinienne aident les parlementaires
nationaux à avoir une image plus juste des conditions de vie réelles dans
les territoires palestiniens, et des multiples problèmes – qu’ils
soient d’ordre pratique, culturel, juridique ou politique – qui
empêchent les femmes d’avoir une vie normale et de jouir de leurs
droits humains.