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| Doc. 12643
| 20 juin 2011
Observation des élections législatives anticipées dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine» (5 juin 2011)
1. Introduction
1. Suite à l’invitation de la
Commission électorale d’Etat de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» du
19 avril 2011, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé de
constituer une commission ad hoc de 20 membres qu’il a chargée d’observer
les élections législatives anticipées du 5 juin 2011. Le Bureau
a également autorisé une mission préélectorale composée de cinq
membres, un de chaque groupe politique également membres de la commission
ad hoc. Le Président de l’Assemblée parlementaire m’a nommé président
de cette commission ad hoc.
2. Le 4 octobre 2004, un accord de coopération a été signé entre
l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie
par le droit («Commission de Venise»). Conformément à l’article 15
de cet accord («lorsque le Bureau de l’Assemblée décide d’observer
des élections dans un pays où la législation électorale a été précédemment
examinée par la Commission de Venise, l’un des rapporteurs de la Commission
de Venise sur cette question pourra être invité en qualité de conseiller
juridique à participer à la mission d’observation de l’Assemblée»),
le Bureau de l’Assemblée a invité un expert de la Commission de Venise
à se joindre à la commission ad hoc en tant que conseiller.
3. La composition de la commission ad hoc, fondée sur les propositions
des groupes politiques de l’Assemblée, était la suivante:
- M Jean-Charles GARDETTO, chef
de la délégation
- Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)
- Jean-Charles GARDETTO*, Monaco
- Karin STRENZ, Allemagne
- Mustafa ÜNAL, Turquie
- Groupe Socialiste (SOC)
- Lennart
AXELSSON, Suède
- Joe BENTON, Royaume-Uni
- Andreas GROSS, Suisse
- Virág KAUFER*, Hongrie
- Gisela WURM, Autriche
- Groupe démocrate européen (GDE)
- Ganira PASHAYEVA, Azerbaïdjan
- Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe
(ADLE)
- Bernard MARQUET*, Monaco
- Ljubo GERMIČ, Slovénie
- Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)
- Substitut:
- Commission de Venise
- Owen
MASTERS, Expert de la Commission de Venise
- Secrétariat
- Chemavon
CHAHBAZIAN, Adjoint au chef du Secrétariat, Unité de coopération interparlementaire
et d’observation des élections
- Franck DAESCHLER, Assistant principal, Unité de coopération
interparlementaire et d’observation des élections
*
mission préélectorale le 17-18 mai 2011
4. La commission ad hoc faisait partie d’une mission internationale
d’observation des élections (MIOE) composée en outre des missions
d’observation des élections (MOE) de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE) et du Bureau
des Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme de l’OSCE
(OSCE/BIDDH).
5. La commission ad hoc s’est rendue à Skopje du 3 au 6 juin
2011 et s’est notamment entretenue avec les leaders des principaux
partis politiques, le président de la Commission électorale d’Etat
(CEE), le chef de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH
et ses collaborateurs ainsi que des représentants de la société
civile et des médias. Le programme des réunions de la commission
ad hoc figure à l’annexe 1.
6. Le jour du scrutin, la commission ad hoc était répartie en
huit équipes qui ont observé les élections dans l’ensemble du pays
dans les régions de Veles, Tetovo, Kumanovo, Gostivar, Strumnica,
Ohrid ainsi qu’à Skopje et ses environs.
7. La MIOE a conclu que «les élections législatives anticipées
ont été pluralistes, transparentes et bien administrées dans l’ensemble
du pays, même si certains points, comme la séparation insuffisamment
nette entre Etat et partis, requièrent une plus grande vigilance».
Le communiqué de presse publié à l’issue des élections figure à
l’annexe 2.
2. Contexte politique des élections
législatives anticipées
8. Pour la deuxième fois consécutive,
des élections législatives anticipées ont été convoquées dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine». La commission ad hoc de l’Assemblée, après
avoir entendu les points de vue des différents interlocuteurs sur
les raisons de la crise politique et la nécessité de dissoudre le parlement
et de convoquer des élections législatives anticipées, a pu établir
la chronologie suivante des événements:
- Le 25 novembre 2010, des représentants de l’administration
fiscale, accompagnés par la police, ont organisé une perquisition
au siège de la société mère de la chaîne de télévision TV A1 et
des trois quotidiens «Vreme», «Spic», «Koha et Re» pour enquêter
sur des cas allégués d’évasion fiscale. Suite à des investigations,
les comptes bancaires de ces sociétés ont été gelés par une décision
judiciaire.
- L’opposition a déclaré que ces investigations étaient
politiquement motivées parce que ces mêmes médias, dans un passé
récent, n’auraient pas été poursuivis pour évasion fiscale parce
qu’ils vantaient les mérites du gouvernement.
- En décembre 2010, le principal parti de l’opposition,
l’Union sociale-démocratique de Macédoine (SDSM), a organisé une
grande manifestation à Skopje en demandant la fin des poursuites
contre ces médias et la libération des personnes arrêtées dans le
cadre des enquêtes, y compris Velijia Ramkovski, un riche homme
d’affaires propriétaire de la chaîne de télévision TV A1.
- Pour l’opposition il s’agissait de liberté d’expression,
pour les autorités c’était une affaire criminelle.
- Le 28 janvier 2011, le SDSM a décidé de quitter le parlement,
en boycottant ses travaux et en demandant des élections anticipées.
Les autres partis de l’opposition ont suivi le SDSM, y compris le Parti
démocratique des Albanais (DPA), qui boycottait le parlement depuis
2009.
- Les négociations entre les partis de la coalition gouvernementale
du VMRO-DPNME et l’opposition dirigée par le SDSM sur la possibilité
pour celle-ci de revenir au parlement ont échoué et, le 15 avril 2011,
le Parlement a voté sa propre dissolution. Des élections anticipées
ont été convoquées pour le 5 juin 2011.
9. Entretemps, et malgré le boycott du parlement par l’opposition,
le 5 avril 2011, la coalition gouvernementale au parlement a adopté
des amendements au Code électoral, en vue de mettre en œuvre les recommandations
de la Commission de Venise et du BIDDH contenues dans les derniers
rapports d’observation des élections présidentielles et locales
du 22 mars et 5 avril 2009. Vu les délais très courts, la Commission
de Venise n’a pas été en mesure d’adopter un avis sur ces amendements
récents au Code électoral. Pourtant, selon les interlocuteurs du
BIDDH à Skopje, le Code électoral ainsi amendé répond à la plupart
des recommandations et, s’il est correctement mis en œuvre, permettait
d’offrir une base juridique solide pour la tenue d’élections démocratiques.
10. Concernant les causes de la dissolution du Parlement et l’organisation
d’élections anticipées, les points de vue des partis politiques
différaient diamétralement. Pour les chefs des partis de la coalition gouvernementale,
le blocage par l’opposition des travaux du parlement a paralysé
le travail législatif et empêché l’adoption de réformes importantes,
y compris dans le contexte de l’intégration euro-atlantique, pour résoudre
les problèmes socio-économiques urgents. En général, ils estimaient
que cette situation nuisait à l’image internationale du pays.
11. Selon les leaders des partis de l’opposition, la majorité
gouvernementale a voté la dissolution du parlement pour éviter un
échec électoral programmé en 2012, vu la perte de sa popularité
dans l’opinion publique du fait de la crise de la chaîne de télévision
TV A1 et des médias en général. En outre, certains interlocuteurs
ont souligné que l’inefficacité de la lutte contre la corruption
et la criminalité organisée, la situation économique et le chômage
étaient les premières préoccupations des citoyens du pays, indépendamment
de leur origine ethnique.
3. Cadre juridique
12. Le cadre juridique des élections
est fourni par le Code électoral, entré en vigueur en 2006, amendé respectivement
en 2008 et le 5 avril 2011. Les récents amendements au Code électoral
ont été adoptés par le parlement à une faible majorité, en l’absence
de l’opposition (68 députés sur 120 membres du parlement ont participé
au vote). Ainsi, le Code électoral a été amendé à deux mois du jour
du scrutin, ce qui est contraire à l’esprit de l’Article 65 du Code
de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise
sur la stabilité du droit électoral (II.2.b,
paragraphe 65).
13. Pour les élections législatives anticipées du 5 juin 2011,
123 sièges étaient à pourvoir dont 120 par le biais d’un système
de représentation proportionnelle par circonscription (six circonscriptions
de 20 sièges chacune). Pour la première fois, 3 autres membres du
parlement devaient être élus au scrutin majoritaire par des citoyens
résident à l’étranger: un député pour le continent américain, un
deuxième député pour l’Europe et l’Afrique et un troisième député
représenterait l’Asie et l’Australie.
14. Selon les autorités du pays, la préparation des amendements
au Code électoral et les différentes consultations ont constitué
un long processus qu’elles avaient commencé il y a un an. Les amendements adoptés
ont diminué les délais de préparation de la campagne électorale,
laissant peu de temps à la CEE pour l’organisation du scrutin en
dehors du pays, ainsi que l’organisation des formations destinées
aux membres des bureaux de vote afin de les familiariser avec les
textes amendés.
15. Lors d’une visite à Skopje, les 17-18 mai 2011, la mission
préélectorale a constaté qu’il ne suffisait pas de modifier la législation
électorale. Les modifications à la législation électorale devaient
être soutenues par une ferme volonté des principaux acteurs politiques
de l’appliquer et, par conséquent, de créer un climat de confiance
à travers tout le processus électoral. Néanmoins, pour la mission,
le Code électoral amendé, s’il est correctement mis en œuvre, permettait
de garantir une base juridique solide pour la tenue d’élections démocratiques.
4. Administration électorale
16. L’administration électorale
est organisée en trois échelons avec, à sa tête, la Commission électorale d’Etat
(CEE), 84 commissions électorales municipales (CEM), un bureau électoral
pour chacun des 2 976 bureaux de vote. Par ailleurs, pour la première
fois, 36 bureaux de vote ont été ouverts en dehors du pays, installés
dans les services diplomatiques et consulaires.
17. Les membres de la CEE sont nommés par le parlement. Le président
et deux membres sont présentés par l’opposition, le vice-président
et trois autres membres par la majorité. L’ancien président de la
CEE a démissionné le 23 février 2011 et, sur proposition du parti
de l’opposition SDSM, un nouveau président a été nommé par le Parlement
le 12 avril 2011. La commission ad hoc de l’Assemblée s’est félicitée
de ce que la CEE, malgré le récent changement de son président,
ait pu fonctionner sans interruption pendant la campagne électorale.
18. Certains représentants de l’opposition ont fait état auprès
de la commission ad hoc de la politisation des décisions de la CEE.
La commission a mis en garde contre le danger d’une politisation
du fonctionnement de la CEE et a souligné l’importance de l’impartialité
et d’une approche non partisane dans son travail. La CEE a œuvré
de façon généralement transparente et efficace et est parvenue à
respecter presque toutes les échéances.
19. Les membres des CEM ont été choisis parmi les fonctionnaires
de l’Etat travaillant dans les administrations publiques à différents
niveaux. La nomination des membres des bureaux électoraux est mixte –
politico-professionnelle. Un membre est nommé par les partis de
l’opposition, un autre par les autorités, les trois autres membres
sont choisis parmi les fonctionnaires de l’Etat. Cette composition
mixte des bureaux électoraux a également contribué à renforcer la
confiance dans le fonctionnement de l’administration électorale.
20. Dix jours avant le scrutin, la CEE a diffusé dans les médias
nationaux une campagne centrée sur la mobilisation des électeurs,
l’explication des procédures de vote et la mise en garde contre
les fraudes électorales.
5. Listes électorales et enregistrement
des candidats
21. Depuis mai 2010, la responsabilité
pour l’établissement des listes électorales est passée du Ministère de
la Justice à la CEE qui doit mettre à jour les listes des électeurs
sur la base des informations transmises par les administrations
locales et en étroite coopération avec les ministères de la Justice
et de l’Intérieur. Cet amendement du Code électoral a pour objectif
de renforcer l’indépendance de l’administration électorale.
22. La commission ad hoc estime que le système d’établissement
des listes électorales reste particulièrement compliqué. La mission
préélectorale de l’Assemblée n’a pas reçu d’explications claires
et convaincantes concernant la très faible différence entre le nombre
d’habitants de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», qui est
d’environ de 2.1 millions
d’habitants,
et le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales pour
les élections législatives anticipées qui est de 1 821 122. Environ
80 000 électeurs, enregistrés sur les listes électorales avec un
astérisque à côté de leurs noms, résident à l’étranger et ont le droit
de voter dans des pays étrangers. Parmi eux, seuls 7 258 électeurs
étaient inscrits sur les listes électorales à l’extérieur du pays
pour élire les 3 députés de la diaspora: 4 653 électeurs en Europe
et Afrique, 1 832 électeurs en Amérique et 773 électeurs en Asie
et Australie.
23. La commission ad hoc a fait part de sa préoccupation concernant
l’exactitude des listes électorales qui, en général, reste un problème
récurrent, constaté depuis 1994 pour toutes les élections observées
par l’Assemblée dans le pays. Lors de la mission préélectorale à
Skopje les 17-18 mai 2011, la délégation a été informée de l’exemple
de la localité de Kičevo où, selon l’opposition, environ 50% de
la population serait à l’étranger mais figurerait toujours sur les
listes électorales et où le taux de participation pourrait dépasser
95%.
24. Tout en reconnaissant les efforts déployés par les autorités
du pays pour améliorer la qualité des listes électorales, la commission
ad hoc a vivement encouragé la CEE, le Ministère de la Justice et
les autres autorités concernées à poursuivre leurs efforts afin
d’améliorer la situation et à prendre toutes les mesures appropriées
pour garantir l’exactitude des listes électorales, ce qui est un
élément clé pour renforcer la confiance des électeurs dans l’ensemble
du processus électoral.
25. L’électorat a été invité à consulter et à rectifier les listes
électorales entre le 25 avril et le 4 mai. Malgré la campagne de
sensibilisation accompagnant cette initiative, seules 1 094 modifications
ont été apportées à la liste.
26. Pour les élections législatives anticipées du 5 juin 2011,
16 partis politiques et deux larges coalitions ont été enregistrés
par la CEE. Le parti au pouvoir VMRO-DPNME (Organisation révolutionnaire
intérieure de Macédoine – Parti démocratique pour l’unité macédonienne)
a formé une coalition regroupant 22 partis, l’Union social-démocratique
de Macédoine (SDSM) de l’opposition a formé une coalition de 15
partis. Les deux coalitions ont également inclus des représentants
de partis ethniques. Les deux principaux partis albanais, l’Union
démocratique pour l’intégration (DUI) et le Parti démocratique des
Albanais (DPA) ont participé aux élections séparément.
27. Le Code électoral prévoit que, sur trois noms inscrits sur
les listes des candidats, doit figurer le nom d’une femme. Les partis
politiques ont respecté cette règle: parmi 1 679 candidats 566 étaient
des femmes représentant 33.7%.
6. Campagne électorale et environnement
médiatique
28. La campagne électorale a commencé
le 16 mai. Une mission préélectorale s’est rendue à Skopje les 17 et
18 mai 2011 afin d’évaluer l’état des préparatifs et le climat politique
à l’approche du jour du scrutin. Durant sa visite à Skopje, la mission
préélectorale a rencontré le Président de la République, le Premier
Ministre, en sa qualité du chef de la coalition gouvernementale
VMRO-DPMNE, le Président du Parlement, le ministre de l’Intérieur,
le ministre de la Justice, les dirigeants des principaux partis
politiques en lice pour les élections, le président de la CEE, le
Président du Conseil de l’audiovisuel, la délégation de l’«ex-République
yougoslave de Macédoine» auprès de l’Assemblée, ainsi que des représentants
de la communauté internationale, de la société civile et des médias.
29. A l’issue de sa visite, la mission préélectorale a déclaré
«qu’elle a eu connaissance de préoccupations concernant des cas
éventuels de violences et d’intimidation, notamment dans l’administration
publique, une utilisation abusive des ressources administratives
et la nécessité de garantir des conditions normales permettant la
libre expression de la volonté des citoyens. Les autorités de "l’ex-République
yougoslave de Macédoine" l’ont assuré que toutes les mesures seraient
prises pour éviter des irrégularités liées aux élections».
30. Les questions de la crise politique, de la dissolution du
parlement et l’organisation d’élections anticipées se trouvaient
au centre des débats de la campagne électorale. Le début de la campagne
a été pacifique. Les partis politiques ne menaient pas de campagne
l’un contre l’autre sur la base de l’appartenance ethnique, ce qui
a souvent été le cas dans le passé. Le début de la campagne électorale
était plus tendu entre les partis macédoniens avec des accusations
mutuelles entre la coalition gouvernementale et l’opposition qui
se transformait en tensions à l’intérieur de l’électorat d’appartenance
ethnique macédonienne à l’approche du jour du scrutin.
31. Les partis, à de rares exceptions près, se disputaient pour
l’essentiel les voix de leur propre communauté ethnique, ce qui
ne contribue pas à la création d’une société multiethnique de citoyens.
Les statistiques de vote des communautés illustrent d’une manière
éclatante les lignes de division en fonction des origines ethniques.
32. Le 12 mai 2011, à l’initiative des organisations non gouvernementales
(ONG) et de la communauté internationale présentes à Skopje, 36
partis politiques, participant aux élections, ont signé un code
de bonne conduite pour des élections libres et équitables. Le 13
mai 2011, une déclaration commune sur les élections législatives
anticipées a été adoptée par les chefs des missions de l’Union européenne,
de l’OSCE, de l’OTAN et de l’ambassade des Etats-Unis. La déclaration
a demandé à tous les responsables politiques de faire de leur mieux
pour assurer la conduite des élections conformément aux normes internationales.
33. Les membres de la commission ad hoc ont été informés par certains
candidats, par des ONG, ainsi que par des représentants des médias,
de cas d’intimidation et de pressions exercées par les autorités,
ainsi que de menaces de pertes d’emploi pour les agents publics
qui soutenaient l’opposition, surtout au niveau local. Selon ces
informations, les autorités auraient même exigé aux directeurs de
différents départements de l’administration publique de présenter
des listes de 15-20 agents publics qui devaient voter pour la coalition
au pouvoir. Ce problème devient encore plus grave du fait que selon
différentes estimations, le chômage atteint plus de 30% parmi la
population active et que plus de 100 000 personnes travaillent dans
l’administration publique du pays.
34. Vu la dimension du problème et les inquiétudes exprimées par
des ONG et par des médias, le 19 mai 2011, le Premier Ministre a
adressé une lettre ouverte à l’administration publique, en demandant
aux agents publics de garantir la liberté des élections. La lettre
se référait également «aux attaques non fondées des adversaires
politiques» du gouvernement. Selon les observateurs à long terme
du BIDDH, des cas d’intimidation et d’utilisation de ressources
administratives ont été notés lors de la campagne électorale, principalement
dans les régions rurales.
35. Pendant la campagne, les médias ont retransmis un large éventail
d’opinions politiques permettant aux électeurs d’évaluer en toute
connaissance de cause les positions des partis politiques. Dans
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», il y a plus de 150 chaînes
de télévision et de radios dont trois chaînes de télévision et trois
radios sont publiques, ainsi que 10 journaux quotidiens dont sept
sont en langue macédonienne et trois en langue albanaise.
36. Le Conseil de l’audiovisuel a contrôlé le respect de la législation
existante concernant les médias électroniques. Il a, en outre, formulé
des lignes directrices sur l’équité de la couverture médiatique
de la campagne électorale. Le Conseil de l’audiovisuel a relevé
qu’un grand nombre de média n’a pas respecté l’exigence d’une couverture
médiatique équilibrée. Par exemple, selon le rapport de monitoring
des médias du BIDDH pour la période du 16 mai jusqu’au 1er juin
2011, 54% des programmes d’actualités de la chaîne de télévision
publique MTV-1 consacrés aux activités du gouvernement les présentaient
de manière positive, tandis que 45% était neutres. Pour la même
période, 22% de la couverture médiatique de MTV-1 consacrée à la
coalition gouvernementale VMRO-DPMNE, la présentait positivement,
68% était neutre et 10% en donnait une présentation négative. S’agissant
de la couverture de la campagne de la coalition de l’opposition
du SDSM pour la même période par la chaîne publique MTV-1, 64% de
l’information la présentait de manière négative, 33% était neutre
et 3% la présentait de manière positive. La presse écrite, quant
à elle, a assuré un très large éventail d’opinions.
37. Concernant la couverture médiatique de la campagne électorale,
la commission ad hoc a été informée par différents interlocuteurs
du phénomène d’interconnexion étroite entre la politique et les
flux financiers et, d’une manière générale, du rôle central de l’argent
dans la campagne électorale. A cet égard, le dernier rapport du
GRECO, publié en mars 2010, sur «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
a relevé des problèmes concernant l’application des règles de financement
des campagnes électorales et le manque de transparence dans ce domaine.
38. Les citoyens du pays ont le droit d’être informés de manière
honnête et objective des idées et programmes des partis politiques
en lice avant de leur confier un mandat. Des débats publics télévisés, dépassant
les frontières interethniques, auraient dû être organisés. Tout
en se félicitant du pluralisme des opinions et de la liberté des
médias, la commission ad hoc considère que l’environnement journalistique
aurait dû être plus serein, tolérant et neutre et que les médias
auraient dû éviter de devenir un moyen de propagande au service
des intérêts des milieux d’affaires, des partis politiques ou du
gouvernement.
7. Le jour du scrutin
39. Le jour du scrutin était calme.
Les membres de la commission ad hoc ont constaté que l’atmosphère dans
les bureaux de vote était pacifique. Parmi les problèmes constatés:
- Des cas de vote en famille,
selon les données du BIDDH, ont été constatés dans 15% des bureaux
de vote, même si les membres de la commission ad hoc considèrent
qu’il n’est pas toujours aisé de différencier le vote en famille
de l’aide aux personnes illettrées, dont la plupart sont des femmes
des localités albanophones;
- De longues files d’attente devant certains bureaux de
vote;
- Un grand nombre de bureaux de vote était de petite taille,
ce qui pourrait remettre en question le principe du respect du secret
du vote;
- Les bureaux de vote n’étaient pas aménagés pour le vote
des personnes à mobilité réduite;
- Des cas d’utilisation de téléphones portables dans les
bureaux de vote, ce qui est interdit par le Code électoral;
- Des cas de non respect de la procédure de vote par les
membres des bureaux de vote dans les localités rurales. A cet égard
une formation plus poussée pour les membres des bureaux de vote,
notamment dans les localités rurales aurait été très utile.
40. Les membres de la commission ad hoc ont relevé avec satisfaction
le fait que 47% des bureaux de vote ont été présidés par des femmes.
De même, la majorité des membres des bureaux électoraux était des femmes.
Ils ont perçu comme des signes positifs la présence des observateurs
de différents partis politiques et des observateurs locaux dans
pratiquement tous les bureaux de vote visités.
41. Selon les résultats préliminaires de la Commission électorale
d’Etat de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» annoncés le
6 juin 2011, le taux de participation a été de 63,48%. Les coalitions
et les partis politiques ont obtenu le nombre de sièges suivants:
la coalition VMRO-DPNME – 56 sièges (dont les 3 sièges pour la diaspora);
la coalition SDSM – 42 sièges; l’Union démocratique pour l’intégration
(DUI) – 15 sièges; le Parti démocratique des Albanais (DPA) – 8
sièges; et le Parti national démocrate (NDP) – 2 sièges.
42. Le 6 juin 2011, les autorités du pays ont arrêté M. Ljube
Boskovski, le Président du parti de l’Union pour la Macédoine, ancien
ministre de l’intérieur, qui est accusé de corruption et de port
d’arme au moment de son arrestation. Son parti participait aux élections
et a obtenu 1,52% des voix. Le 6 juin, lors des célébrations de la
victoire du VMRO-DPMNE, un jeune homme de 22 ans a été battu à mort
par la police, selon les informations diffusées par différents médias
et des ONG. A cet égard, la commission ad hoc demande instamment
aux autorités du pays de faire toute la lumière sur les circonstances
de la mort de cet homme, de mener une enquête transparente afin
d’établir la responsabilité du/des coupable(s) et de le/les traduire
devant la justice.
8. Conclusions
43. La commission ad hoc de l’Assemblée
parlementaire pour l’observation des élections législatives anticipées
dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a conclu que «les
élections législatives anticipées du 5 juin 2011 ont été pluralistes,
transparentes et bien administrées dans l’ensemble du pays, même
si certains points, comme la séparation insuffisamment nette entre
Etat et partis, requièrent une plus grande vigilance». La commission
ad hoc a également noté que «le jour du scrutin, les électeurs ont
pu exprimer librement leur suffrage dans un climat pacifique, malgré
les allégations d’irrégularités soulevées de façon irresponsable
par certains partis politiques. Le processus de vote et de dépouillement
a fait l’objet d’une évaluation très largement positive, sans différence
sensible entre les territoires à population macédonienne et ceux
où dominent les Albanais de souche».
44. La commission ad hoc constate que, pour la deuxième fois consécutive,
des élections législatives anticipées ont été convoquées dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» afin de résoudre une crise politique à
laquelle faisait face le pays depuis janvier 2011. La commission
ad hoc considère que la dissolution du parlement et la convocation
des élections anticipées sont des mesures exceptionnelles qui ne
devraient pas systématiquement remplacer le dialogue nécessaire
entre différentes forces politiques afin de trouver les compromis
nécessaires.
45. Concernant le Code électoral, la commission ad hoc regrette
que les amendements au Code électoral aient été adoptés par le parlement
le 5 avril 2011, à une faible majorité, à deux mois du jour du scrutin,
sans avoir obtenu l’avis de la Commission de Venise et que les partis
de l’opposition aient boycotté le vote. La commission ad hoc estime
qu’il ne suffit pas de modifier les lois en vigueur. Les modifications
à la loi électorale devraient être soutenues par la ferme volonté
des principaux acteurs politiques visant de créer un climat de confiance
à travers l’ensemble du processus électoral.
46. La commission ad hoc se félicite de ce que la CEE ait œuvré
de façon généralement transparente et efficace et qu’elle soit parvenue
à respecter presque toutes les échéances. La CEE devrait néanmoins
éviter la politisation dans son fonctionnement et rester impartiale.
47. La commission ad hoc estime que le système d’établissement
des listes électorales est particulièrement compliqué. L’exactitude
des listes électorales reste un problème récurrent constaté depuis
1994 pour toutes les élections observées par l’Assemblée dans le
pays. Elle appelle les autorités à poursuivre leurs efforts dans ce
domaine pour améliorer l’exactitude de ces listes.
48. La commission ad hoc rappelle avec insistance que des cas
d’intimidations et de pression continuent à être constatés, d’une
élection à l’autre et que des menaces de perte d’emploi pour les
agents publics qui soutiennent l’opposition, surtout au niveau local,
ont également été relevées. C’est un fait très préoccupant dans
un pays où, selon différentes estimations, le chômage représente
plus de 30% de la population active.
49. Le jour du scrutin, les observateurs ont constaté des cas
de vote en famille dans 15% des bureaux visités. Ce phénomène est
largement répandu dans les localités albanophones rurales. En réalité,
derrière le vote en famille se cache le problème des personnes illettrées,
essentiellement des femmes dont les maris ou d’autres membres masculins
de la famille essaient d’orienter le vote. Compte tenu du fait qu’il
s’agit principalement de l’électorat albanophone, qui vote essentiellement
pour les principaux partis albanais, ce qui était le cas lors du
scrutin du 5 juin, la commission ad hoc demande instamment aux responsables
de ces partis politiques de s’engager fermement afin de permettre
aux femmes de participer aux élections en toute liberté.
50. Tout en saluant la diversité des opinions et la liberté des
médias, la commission ad hoc exprime son inquiétude concernant l’interconnexion
étroite entre la politique et les flux financiers et, d’une manière générale,
la place de l’argent dans la campagne électorale. A cet égard, le
dernier rapport du GRECO, publié en mars 2010, sur «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», a relevé le problème de l’application
des règles de financement des campagnes électorales et le manque
de transparence dans ce domaine. La commission ad hoc est convaincue
que les médias devraient éviter de devenir un moyen de propagande
au service des intérêts des milieux des affaires, des partis politiques
ou du gouvernement.
9. Recommandations
51. La commission ad hoc considère
que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» devrait renforcer
sa coopération avec la commission de suivi de l’Assemblée dans le
cadre du dialogue post-suivi pour répondre aux préoccupations suivantes,
liées aux élections:
- Renforcer
les mécanismes juridiques de protection du statut des agents publics,
surtout au niveau local, afin de lutter efficacement contre les
cas, assez répandus, de pressions et de menaces de pertes d’emploi
à l’égard des agents publics tout au long du processus électoral;
- Assurer la mise en œuvre effective des dispositions juridiques
relatives au financement des campagnes électorales des partis politiques
et des médias en tenant compte des recommandations du GRECO, publiées
en mars 2010, sur «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
- Promouvoir la culture du dialogue entre les différentes
forces politiques, indépendamment de l’appartenance ethnique, pour
la recherche de compromis afin d’éviter les cas fréquents de boycott
du parlement.
52. La commission ad hoc demande aux autorités de «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» de solliciter l’avis de la Commission de
Venise sur le Code électoral tel que révisé le 5 avril 2011, et
une assistance de la Commission de Venise afin de renforcer ses
capacités juridiques et techniques internes.
53. La commission ad hoc considère qu’il serait nécessaire de
mettre en œuvre des programmes d’assistance électorale ciblés sur
les problèmes identifiés dans le présent rapport.
Annexe 1 –
Programme
(open)
Vendredi,
3 juin 2011
09h30 – 11h00 Réunion de la Commission ad hoc de l’Assemblée
parlementaire
- Ouverture de
la réunion par M. Jean-Charles Gardetto, Chef de la délégation
- Intervention de M. Robin Liddell, Ministre conseiller,
Adjoint du chef de la délégation de la Commission de l’Union européenne
à Skopje
- Compte-rendu de la mission préélectorale par M. Jean-Charles
Gardetto, Chef de la délégation
- Intervention des autres membres de la mission préélectorale
- Développements récents dans le domaine de la législation
électorale, M. Owen Masters, Expert, Commission de Venise du Conseil
de l’Europe
- Questions pratiques et logistiques, Secrétariat
Réunions communes des délégations de l’Assemblée parlementaire
et de l’AP-OSCE
13h00 – 13h15 Ouverture par les Chefs des délégations parlementaires:
- M. R. Battelli, Chef de la délégation
de l’AP-OSCE
- M. J-C Gardetto, Chef de la délégation de l’Assemblée
parlementaire
13h15 – 13h30 Intervention de l’Ambassadeur Ralf Breth, Chef
de la mission de l’OSCE à Skopje
13h30 – 14h45 Présentation de la mission d’observation de
l’OSCE/BIDDH à Skopje:
- Introduction
par M. Julian Peel Yates, Chef de la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH
- Procédures de vote et formulaires d’observation: M. S.
Apostolov, Analyste électoral et M. H. Schmeets, Statisticien
- Media: M. E. Tilpunov, Expert médias
- Conclusions: M. D. Bisson, Chef de mission adjoint
14h45 – 15h45 Représentants des ONGs:
- M. D. Deralla, Président, Centre civil pour la liberté
- M. C. Henshaw, Directeur national, NDI
- M. D. Aleksov, Directeur exécutif, MOST
16h00 –17h00 Pré-déploiement de certaines équipes dans les
régions
Samedi, 4 juin
2011
09h30 – 10h15 Administration électorale:
- M. B. Kondarko, Président de
la Commission électorale d’Etat
10h15 – 11h35 Représentants des partis politiques:
- Mme G.
Jankuloska et M. A. Milosevski, membres du Conseil exécutif VMRO-DPMNE,
et M. V. Naumovski, VMRO-DPMNE
- M. I. Ivanovski, Chef adjoint de la campagne électorale,
et M. Z. Popov, Secrétaire international, SDSM
11h50 – 12h50 Représentants des partis politiques:
- M. I. Bocevski, Membre du Conseil
exécutif, LDP
- M. I. Selmani, Président, ND
12h50 – 13h50 Représentants des Médias:
- M. M. Zeqiri, Rédacteur en chef, Alsat–M
- M. B. Georgijevski, Rédacteur en chef adjoint, Dnevik
- Mme B. Sekulovska, Rédacteur,
A1 TV
- Mme I. Gelevska, Journaliste,
MTV1
- M. Z. Stefanovski, Président, Conseil de l’Audiovisuel
13h50 – 14h00 Conclusions
14h00 Réunion avec les interprètes et les chauffeurs
Dimanche, 5 juin
2011
Toute la journée Observation du scrutin
Lundi, 6 juin
2011
08h00 Débriefing de la commission ad hoc
14h00 Conférence de presse
Annexe 2 –
Des élections pluralistes, transparentes et bien administrées, selon
les observateurs internationaux à Skopje
(open)
Strasbourg, 06.06.2011 – Les élections législatives
anticipées qui se sont déroulées hier ont été pluralistes, transparentes
et bien administrées dans l’ensemble du pays, même si certains points,
comme la séparation insuffisamment nette entre Etat et partis, requièrent
une plus grande vigilance, ont conclu aujourd’hui les observateurs
internationaux à Skopje.
Le jour du scrutin, les électeurs ont pu exprimer librement
leur suffrage dans un climat pacifique, malgré les allégations d’irrégularités
soulevées de façon irresponsable par certains partis politiques.
Le processus de vote et de dépouillement a fait l’objet d’une évaluation
très largement positive, sans différence sensible entre les territoires
à population macédonienne et ceux où dominent les Albanais de souche.
«Ces élections ouvrent la voie à un avenir stable et démocratique»,
a déclaré Roberto Battelli, coordinateur spécial de la mission d’observation
à court terme de l’OSCE. «En démontrant qu’une bonne part des allégations
émises avant les élections n’étaient pas fondées, la réalité du
scrutin permet au pays de sortir du climat de paranoïa qui sape
la confiance des électeurs dans le processus électoral.»
«La délégation de l’APCE félicite les citoyens de ce pays
d’avoir exprimé leur volonté par le biais d’élections libres. Tout
en saluant la diversité des opinions et la liberté des médias, la
délégation estime que l’environnement médiatique devrait être plus
objectif, plus tolérant et plus neutre et que les médias devraient se
garder de devenir un outil de propagande au service du monde des
affaires, des partis politiques et du gouvernement», a indiqué Jean-Charles
Gardetto, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe (APCE).
«Les électeurs et les membres des commissions électorales
à tous les niveaux méritent des éloges pour avoir contribué à un
processus électoral globalement pacifique, ordonné et bien géré»,
a souligné Julian Peel Yates, chef de la mission d’observation à
long terme du Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH).
Les observateurs ont noté que les libertés fondamentales avaient
été respectées et que les candidats avaient pu faire campagne librement.
Le ton général de la campagne a été pacifique et mesuré dans tout
le pays.
Des allégations d’intimidation des électeurs ont été formulées
mais sans preuves suffisantes pour les étayer. En revanche, dans
le cadre des campagnes destinées à inciter les électeurs à se rendre
aux urnes, en particulier celle menée par le parti au pouvoir, il
était souvent difficile de distinguer les activités des partis de celles
de l’Etat. Les observateurs ont par ailleurs relevé des cas d’utilisation
abusive de ressources administratives et jugé crédibles des allégations
de pressions exercées sur des fonctionnaires pour qu’ils soutiennent
la coalition au pouvoir.
Un large éventail de médias a assuré une couverture large
et diversifiée de la campagne, ce qui a permis aux électeurs de
faire un choix éclairé. Toutefois, la majorité des radiodiffuseurs
ont suivi des lignes éditoriales partisanes sans se livrer à une
analyse critique. Contrairement à ses obligations légales, la télévision
publique a nettement favorisé les partis au gouvernement.
Les observateurs ont mis l’accent sur la coopération positive
établie avec les autorités à tous les niveaux tout au long du processus.