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Avis de commission | Doc. 12665 | 22 juin 2011

La forte baisse du taux d’emploi des jeunes: inverser la tendance

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Marietta KARAMANLI, France, SOC

Origine - Renvoi en commission Doc. 12288, Renvoi 3695 du 25 juin 2010. Commission saisie du rapport: commission des questions économiques et du développement. Voir Doc. 12626. Avis approuvé par la commission le 21 juin 2011. 2011 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission se félicite du rapport très complet préparé par Mme Marija Pejčinović-Burić au nom de la commission des questions économiques et du développement, qui traite un sujet de grande actualité. Dans le contexte économique actuel, l’intégration des jeunes dans les marchés du travail nationaux et internationaux est une préoccupation politique pour la plupart des Etats membres.

Le projet de résolution se base sur une excellente analyse de la situation de l’emploi des jeunes en Europe et des causes des taux de chômage nettement plus élevés dans pratiquement tous les pays européens. L'exposé des motifs développe par ailleurs quelques propositions d’action très concrètes et pertinentes.

Cependant, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille considère qu’une telle résolution pourrait avoir davantage d’impact parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe si elle était complétée par certains éléments provenant de l'exposé des motifs, et plus précise en ce qui concerne certains constats et propositions. La commission souhaite donc suggérer quelques amendements au texte, qui sont présentés ci-dessous.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, ajouter la phrase suivante:

«Les gouvernements sont dans l’obligation d’agir de manière urgente, non seulement pour éviter les conséquences directes du chômage pour les jeunes en termes de perspectives professionnelles et de vie. Ils doivent aussi éviter des répercussions négatives pour la société entière telles qu’une restructuration profonde du marché du travail qui risque d’être de moins en moins apte à accueillir tous les jeunes qualifiés et de marginaliser certaines catégories de jeunes.»

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 4, ajouter la phrase suivante:

«Une telle approche devrait permettre de répondre aux plus grands défis en la matière qui sont d’aider les jeunes à accéder à un premier travail rapidement et à faire la transition vers un emploi plus stable à moyen terme.»

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 5, remplacer la première phrase par la phrase suivante:

«Prenant en compte l’envergure et les implications du problème du chômage des jeunes, l’Assemblée estime que les Etats membres devraient développer des politiques engagées et complètes en la matière, tout en distinguant les différentes catégories de jeunes qui ne sont pas tous concernés de la même manière selon leur niveau de formation et leur situation personnelle (les «performants», les «débutants en mal d’insertion», les «laissés-pour-compte» et les «raccrocheurs»). De telles politiques devraient se dérouler dans un contexte où le plus grand respect est accordé à toutes les personnes concernées et à leurs capacités, vocations et souhaits divers, et dans un esprit où même les emplois a priori peu qualifiés sont reconnus comme une composante importante de nos économies et de nos sociétés.»

Amendement D (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 7, remplacer les mots «qu’il serait dans l’intérêt des Etats européens, à tous égard et dans une perspective à long terme, de» par les mots «que les Etats européens devraient».

Amendement E (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 8.1 par l'alinéa suivant:

«à faire de l’emploi des jeunes l’une des grandes priorités des politiques en faveur de l’emploi et à initier des mesures immédiates en s’inspirant des meilleures pratiques européennes en la matière;»

Amendement F (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 8.6, remplacer les mots «faciliter le changement de mode de vie des jeunes défavorisés ou vulnérables» par les mots «faciliter l’accès au marché de travail et donner des perspectives professionnelles aux jeunes défavorisés ou vulnérables»

Amendement G (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 8.9, après le mot «fiscales» insérer les mots «ou sociales».

Amendement H (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 8.9, après les mots «longue durée» insérer les mots «ou considérés comme de véritables premiers emplois durables et de qualité pour les jeunes les occupant».

Amendement I (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.9, insérer l'alinéa suivant:

«à développer des dispositifs permettant aux jeunes, et notamment aux plus fragiles d’entre eux, d’accéder à des emplois aidés véritables "passerelles" entre le monde de la formation et celui du travail;»

Amendement J (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 8.10, supprimer les mots «, notamment les formes de "flexisécurité",».

Amendement K (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.11, insérer l'alinéa suivant:

«à créer, par des conditions adaptées, non seulement plus d’emplois en direction des jeunes mais aussi des emplois de meilleure qualité pour eux;»

C. Exposé des motifs, par Mme Karamanli, rapporteure pour avis

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1. Le rapport de la commission des questions économiques et du développement décrit très bien les jeunes (âgés de 15 à 24 ans, selon la définition proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 
			(1) 
			. Scarpetta
S., Sonnet A. et Manfredi T., «Montée du chômage des jeunes dans
la crise: comment éviter un impact négatif à long terme sur toute
une génération?», OCDE, 2010. <a href='http://www.ocde.org/'>www.ocde.org</a>.) dans leur double rôle dans l’économie actuelle: ils sont à la fois un atout considérable des économies compétitives et, en raison de leur manque d’ancienneté et d’expérience professionnelle, un groupe plus vulnérable sur les marchés du travail, notamment en période de crise. Selon la rapporteure, la compétitivité mondiale joue en défaveur des jeunes, qui seraient les premiers touchés par des crises économiques en raison de la fréquence des contrats de travail temporaires et donc précaires.
2. L'exposé des motifs très complet préparé par la rapporteure contient une analyse différenciée de la situation de l’emploi des jeunes et des difficultés qu’ils peuvent rencontrer pour intégrer le marché du travail à terme. D’une part, elle distingue précisément les différentes catégories de jeunes, qui ne sont pas tous concernés de la même manière, selon leur niveau de formation et leur situation personnelle: notamment les «performants», les «débutants en mal d’insertion», les «laissés-pour-compte» et les «raccrocheurs». D’autre part, elle donne de manière différenciée les réponses possibles au chômage des jeunes, qui peuvent avoir des effets positifs mais aussi provoquer des «contre-effets», tels que le développement de systèmes d’apprentissage efficaces qui profitent à la fois aux entreprises et aux jeunes salariés, mais qui peuvent s’avérer contre-productifs si les entreprises n’en font pas un usage approprié, et tendent à exploiter le travail d’apprentis faiblement rémunérés. A ce titre, la qualité des stages et des apprentissages devrait être une priorité des politiques publiques.
3. D’un point de vue social, il est particulièrement louable que le projet de résolution aborde de manière aussi détaillée les raisons du faible taux d’emploi des jeunes et les mesures préconisées au niveau national. Ainsi, le texte met en avant l’inadéquation entre les qualifications des jeunes et les besoins du marché du travail ainsi que l’érosion des dépenses publiques en faveur de l’emploi. Il liste ensuite parmi les mesures principales la promotion de meilleures qualifications et compétences, d’une plus grande mobilité, d’un meilleur accès aux offres d’emploi et aux programmes d’apprentissage, ainsi qu’une plus grande interaction entre employeurs, agences nationales pour l’emploi et jeunes demandeurs d’emploi. En tant que rapporteure pour avis, je considère cependant que certains éléments de l’exposé des motifs pourraient être mieux reflétés par le texte de la résolution.
4. Pour mieux illustrer les difficultés des jeunes dans un contexte professionnel et l’urgence de la situation, des références devraient être faites aux plus grands défis qui se posent à eux (d’abord un accès rapide au marché du travail, ensuite l’accès à un emploi plus stable à moyen terme), et aux conséquences du chômage pour les jeunes et pour la société entière, qui sont très bien décrites dans l'exposé des motifs. Je suggérerais par ailleurs d’inclure dans le projet de résolution la distinction susmentionnée entre les différentes catégories de jeunes concernés pour préciser que les mesures politiques doivent être adaptées au public cible. L’urgence d’une réponse politique à cet égard devrait, par ailleurs, être exprimée dans le projet de résolution, qui n’en parle qu’en termes de «priorité à moyen terme» pour le moment, au lieu de reprendre l’idée du paragraphe 34 de l'exposé des motifs qui parle d’un problème «qui, si rien n’est fait maintenant, pèsera sur l’avenir de notre société entière».
5. Par ailleurs, l’Assemblée devrait être prudente dans ses propos pour éviter que ces recommandations soient mal interprétées. Ainsi, la commission des questions sociales, de la santé et de la famille émet des réserves par rapport à un argumentaire «sécuritaire» tel qu’il pourrait transparaître dans le paragraphe 7 du projet de résolution, qui dit «qu’il serait dans l’intérêt des Etats européens (…) de soutenir l’action de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe (…) afin d’aider les pays du sud de la Méditerranée à exploiter pleinement leur potentiel de développement et à proposer un avenir meilleur à leur jeunesse» tout en rattachant cette proposition directement à l’émigration massive de jeunes diplômés. Il existe de même un risque d'interpréter à tort le paragraphe 5 comme un argument «sécuritaire».
6. Il est effectivement du devoir du Conseil de l’Europe d’«exporter» son savoir-faire et ses valeurs, mais cela ne devrait pas être fait dans le but de prévenir une aggravation des problèmes en Europe. Un soutien devrait être apporté à des pays tiers dans l’intention d’accroître le respect des droits humains des pays partenaires de l’Europe et présentant de nombreuses relations et interdépendances avec les Etats membres. A cet égard, je ferais référence à la Résolution 1779 (2010) sur la coopération entre le Conseil de l'Europe et les pays du Maghreb en matière de cohésion sociale, qui dit dans son paragraphe 4: «En ces temps de crise économique mondiale, l’Assemblée est convaincue que le Conseil de l’Europe devrait continuer à considérer la cohésion sociale comme un facteur essentiel de stabilité démocratique, et que tout effort visant à promouvoir les valeurs de l’Organisation au-delà de ses frontières devrait inclure un volet social.»
7. Le paragraphe 8.6. du projet de résolution, qui propose de «faciliter le changement de mode de vie des jeunes défavorisés ou vulnérables» par différentes mesures ne semble pas très précis et mérite certainement d’être mieux relié à l’objectif principal du rapport, qui est de faciliter l’accès des jeunes à une vie active comblée, basée sur un emploi stable. Je proposerais donc de rendre le paragraphe concerné un peu plus clair.
8. Enfin, je souhaite attirer l’attention sur la mise en avant du concept de «flexisécurité» dans le paragraphe 8.10 du projet de résolution. Certes, le concept est actuellement fortement promu par la Commission européenne et, pour elle, se trouve au cœur des politiques de modernisation du droit du travail dans chaque Etat membre afin d’insuffler une nouvelle dynamique de l’emploi et de la croissance. Néanmoins, le concept est encore contesté dans quelques Etats membres et mis en œuvre selon des approches très différentes 
			(2) 
			Garabiol
P., «La flexisécurité: une révolution européenne», Fondation Robert
Schuman, Questions d’Europe n° 73, 1er octobre 2007. <a href='http://www.robert-schuman.eu/'>www.robert-schuman.eu</a>. . Etant donné que les jeunes font partie des catégories les plus durement touchées par les emplois précaires et que certaines mesures présentées comme mettant en œuvre de la flexisécurité ne favorisent ni leur formation ni leur insertion durable dans le marché du travail, la recommandation au recours de ce concept sans autre précision apparaît risquée et inappropriée.
9. Ainsi, un rapport récent du Conseil d’analyse économique français, publié en 2010, constate que ces dernières années «le marché de l’emploi a certes accru sa vitesse d’ajustement aux variations cycliques mais au prix de fortes inégalités qui, au bout du compte, réduisent la performance globale». Etant donné que les salariés précaires ou flexibles auraient peu accès à la formation, et auraient donc peu d’espoir d’améliorer leur «employabilité», les conséquences à long terme seraient des pertes de «capital humain» 
			(3) 
			«“Flexisécurité”:
le Conseil d’analyse économique livre ses propositions», Mathilde
Lemoine, Le Monde, 6 mai 2010, <a href='http://www.lemonde.fr/'>www.lemonde.fr</a>. . Je suggère donc que le terme «flexisécurité», derrière lequel se cache un ensemble de politiques et mesures complexes et parfois contradictoires, ne soit pas utilisé d’une telle manière «isolée» sans être situé dans son contexte et précisé davantage.
10. Les derniers changements que je souhaiterais proposer visent à préciser certaines des mesures envisageables pour les Etats membres. A mon avis, ce sont des mesures non seulement fiscales mais aussi sociales (concernant les cotisations à la sécurité sociale) qui peuvent inciter les entreprises à offrir de meilleures perspectives aux jeunes (amendement H). La préoccupation des Etats doit être autant d’améliorer l’accès à l’emploi des jeunes que de vérifier que ces emplois sont en quelque sorte durables et de qualité, ce qui renvoie à de bonnes conditions de travail, à une juste rémunération et éventuellement aux perspectives d’insertion dans le marché du travail, et aux perspectives professionnels que ces emplois peuvent offrir aux jeunes. Un premier contrat de longue durée n’est pas nécessairement une garantie pour un emploi de qualité pour les jeunes (amendement I). Cet aspect devrait également être souligné dans un paragraphe séparé (amendement K): la priorité des Etats doit être de faciliter la création d’emplois pour les jeunes qui leur garantissent la dignité, une sécurité financière, et des perspectives d’évolution professionnelle fondées sur l’amélioration de leurs compétences et de leurs expériences. Enfin, un certain nombre d’Etats ou de collectivités territoriales ont mis en œuvre avec un certain succès des programmes d’emplois aidés permettant à des jeunes d’accomplir des tâches d’intérêt général ou des activités nouvelles créatrices d’emplois à terme. Un recours plus fréquent à de telles mesures devrait être promu par l’Assemblée dans son texte (amendement J).