1. Introduction
1. Des approches nouvelles de la théorie du développement
économique explorent les caractéristiques du développement endogène.
On entend par là un développement essentiellement, mais pas exclusivement, basé
sur des ressources disponibles localement telles que la terre, l’eau,
la végétation, les connaissances, aptitudes et compétences, la culture,
le leadership et les modes d’organisation des gens. Ce type de développement,
qui part de la tradition, de la diversité biologique, culturelle
et naturelle et de la spiritualité comme moteurs éventuels d’innovation,
est considéré comme complémentaire des processus technologiques et
économiques à l’œuvre à l’échelle mondiale.
2. Le développement endogène est déterminé localement, contrairement
au développement exogène, qui est transplanté localement après avoir
été déterminé en externe. Alors qu’avec un développement endogène les
économies locales ont tendance à conserver une plus grande part
des bénéfices acquis, les produits du développement exogène ont
tendance à être exportés. Le développement endogène peut réellement revitaliser
et dynamiser des ressources locales vouées sinon à être ignorées
ou écartées du fait de leur modeste valeur. Pour stimuler le développement
endogène, il faut donc repérer des niches de développement, qui
seront fonction des caractéristiques locales. Le rapporteur entend
repérer les bonnes pratiques en matière de croissance et de développement
local, rapportées sous forme d’études de cas dans le présent rapport.
3. Le 20 mai 2011, la commission des questions économiques et
du développement a tenu une réunion à Lamezia Terme (Italie), à
l’invitation du rapporteur. Pendant la réunion, elle a tenu un échange
de vues avec la participation de:
- M. Antonio Gentile, sous-secrétaire du ministère de l’Economie
et des Finances;
- M. Luigi Vitali, président de la délégation italienne
auprès de l’Assemblée parlementaire;
- M. Domenico Arcuri, directeur général d’Invitalia (agence
de développement nationale visant à attirer des investissements
étrangers);
- M. Francesco Montera, directeur général de Promuovi Italia
(agence de développement nationale cherchant à promouvoir le tourisme
et le travail);
- M. Giuseppe Sala, directeur général de Milan Expo 2015;
- M. Domenico Bova, Italia Lavoro SpA;
- M. Gianni Speranza, maire de Lamezia Terme;
- Mme Wanda Ferro, présidente de la province de Catanzaro;
- M. Giuseppe Scopelliti, gouverneur de la région de Calabre.
L’audition
a permis de collecter des informations très utiles à l’élaboration
du présent rapport, dans la mesure où les participants ont tous
souligné la nécessité majeure d’une approche cohérente aux niveaux
local et régional, en vue d’ouvrir de nouvelles perspectives de
développement touristique dans la région de Calabre. Ils ont donné
des exemples concrets de questions à traiter et à régler pour atteindre
les objectifs fixés. Les richesses et ressources locales, associées
à la construction d’infrastructures propres à attirer les touristes, pourraient
devenir la base du développement économique de la région et créer
une dynamique qui permette d’améliorer réellement la situation de
ses habitants.
1.1. L’impact de la
crise économique en Europe
4. Le regain d’intérêt pour le développement endogène
peut s’expliquer par les répercussions de la crise économique auxquelles
sont actuellement confrontées certaines économies régionales européennes.
La crise économique et financière a touché de manière asymétrique
des pays et régions d’Europe, certains ayant connu une hausse du
chômage beaucoup plus importante que d’autres. Tel est notamment
le cas des Etats baltes, mais également de l’Irlande, de l’Islande
et de l’Espagne, trois pays où, jusque-là, la flambée de l’immobilier
semblait alimenter une forte croissance économique.
5. Dans les pays, certaines régions, très dépendantes sur le
plan économique d’un secteur ou d’une entreprise particuliers, ont
davantage souffert que d’autres, moins dépendantes de secteurs d’activités privilégiant
l’exportation et des services financiers, et qui semblent avoir
été moins gravement touchées par la crise économique qui a frappé
l’Europe en 2008.
6. On peut, certes, faire valoir que les nouveaux défis pour
le développement naissent des points faibles socio-économiques des
régions excentrées: ruralité, crise ou absence de secteurs industriels
traditionnels, faible densité démographique ou croissance démographique
négative, chômage et travail au noir, insuffisance des actifs qui
ne permet pas le maintien des systèmes de sécurité sociale, faibles
niveaux d’instruction, absence de recherche et développement public
et privé, manque de capacité d’innovation, accès difficile à des services
essentiels.
2. La diversité
socio-économique des territoires économiquement fragiles: un défi
autant qu’une ressource
7. On peut voir des déséquilibres territoriaux à bien
des niveaux géographiques différents. Ils sont fréquemment liés
à la richesse financière et à la performance, mais aussi de plus
en plus à des tendances démographiques ou à des facteurs tels que
l’innovation, la créativité et l’intégration à des réseaux mondiaux.
8. Actuellement, on constate en Europe deux grands clivages –
ou fractures économiques. Une analyse des données au niveau national
fait émerger une différence entre l'Est et l'Ouest. La ligne de
fracture va de la frontière russo-finlandaise au nord à la frontière
maritime qui sépare l’Italie de l’Albanie au sud (les pays, entrés dans
l’Union européenne lors du dernier cycle d’adhésions, sont moins
riches que les Etats européens plus anciens, mais tendent quand
même à être plus riches que leurs voisins non membres de l'Union
européenne). Si nous analysons les données régionales, nous obtenons
une image plus nuancée, qui révèle l’existence de différences de
richesse considérables entre les régions d’un pays donné.
9. Pour dire les choses simplement, les déséquilibres territoriaux
de notre continent sont la résultante de modèles historiques d’investissement
qui ont créé leur propre rythme et qui vont perdurer sur le long
terme. Depuis le milieu des années 1950, le processus de modernisation
en Europe s’est caractérisé par une rupture essentielle à l’égard
des secteurs économiques traditionnels (surtout l’agriculture),
les cultures qui reposent pour une bonne part sur la spiritualité
étant en général considérées comme un frein à la modernisation.
Ce modèle de modernisation a été façonné par des interventions extérieures
cherchant à introduire de nouvelles technologies et connaissances,
de nouvelles formes de socialisation et de formation, de nouveaux
modèles organisationnels pour les secteurs de l’élevage, de l’agriculture
et de la production manufacturière. Parallèlement, les efforts déployés
pour créer une politique permettant de mettre en pratique ces nouveautés ont
accentué la rupture avec l’existant en ce qui concerne les pratiques,
les relations et la définition des rôles.
10. Certaines régions ont plus que d’autres tiré profit du processus
de modernisation, ce qui, non seulement a perpétué les différences
existantes, mais a également créé encore plus d’inégalités. Dans
les années 1990, les aspects négatifs du processus de modernisation
ont déclenché une quête croissante de solutions alternatives
,
d’abord et avant tout dans le secteur agricole. En partant de la
diversité régionale, l’on s’est efforcé de construire des politiques
de développement endogène en Europe.
3. Des spécificités
et une vocation territoriales au service du développement local
dans des régions en déclin: le cas de l’Europe
11. Ces dernières années ont été marquées par une demande
croissante pour des produits de loisir et de tourisme permettant
aux consommateurs de connaître des paysages, des cultures et des
habitats «authentiques». Ces atouts dépendent pour beaucoup de leur
localisation et forment donc une part importante des stratégies
de développement territorial dans certaines villes ou régions.
12. Le tourisme thématique, favorisant le contact avec une culture
locale authentique (axée sur le patrimoine culturel et historique,
l’ethnographie, la gastronomie, ainsi que la musique et l’artisanat traditionnels),
a émergé en réaction au tourisme de masse. L’analyse de certaines
données dont on dispose met en évidence une croissance de la demande
pour des types spécifiques d’attractions culturelles et naturelles.
En 2009, le tourisme religieux a drainé 330 millions de voyageurs
dans le monde et généré un chiffre d’affaires d’environ 18 milliards
$US, l’écotourisme étant devenu, pour sa part, l’un des secteurs touristiques
affichant la croissance la plus rapide (10 à 15% par an au niveau
mondial)
.
13. Un renforcement de la relation entre le tourisme et les spécificités
et vocation territoriales peut donc contribuer à rendre des destinations
plus attractives et plus compétitives en tant que lieux de vie,
à visiter, où travailler et investir. Dans l’ensemble, le secteur
du tourisme
est
devenu un acteur d’importance majeure pour l’économie européenne:
avec quelque 1,8 million d’établissements, essentiellement des petites
et moyennes entreprises (PME), employant environ 5,2% de la main-d’œuvre
totale (près de 9,7 millions d’emplois, dont une part significative
occupée par des jeunes), le secteur européen du tourisme génère
plus de 5% du produit intérieur brut de l’Union européenne, un chiffre
en croissance constante. A ce titre, le tourisme est donc la quatrième
plus grande activité socio-économique de l’Union européenne après
les secteurs du commerce, de la distribution et du secteur du bâtiment
et des travaux publics.
14. Le tourisme est considéré comme un secteur transversal à même
de générer un développement au niveau local:
- par la création (et le maintien) d’emplois
dans les régions industrielles et rurales, sur les côtes et dans les
îles;
- par les relations et connexions avec une multitude d’acteurs
et autres sous-secteurs économiques intéressants.
3.1. Spécificités du
tourisme pour les seniors
15. Les seniors de plus de 64 ans représentent aujourd’hui
17,34% de la population de l’Union européenne. L’espérance de vie
s’est allongée et elle atteint 80 ans en France ou en Suède, même
si certains pays demeurent éloignés d’un tel chiffre (66 ans en
Russie). Le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus devrait
augmenter de 180% d'ici à 2050. Cet allongement de l’espérance de
vie entraîne plusieurs conséquences: la durée de vie d’un couple
s’allonge, tout comme l’engagement associatif et familial. Enfin,
en raison du développement des rapports entre les générations, les
seniors sont devenus de plus en plus consommateurs de séjours touristiques.
16. Le secteur du tourisme représente aujourd’hui une importante
source de richesse nationale pour de nombreux Etats membres du Conseil
de l’Europe, notamment ceux situés autour du Bassin méditerranéen.
Le tourisme représente 10% du PIB en Espagne, 20% en Croatie et
même 35% à Malte où il emploie près de 7% de la population active.
17. L’économie du tourisme a été également affectée par la crise
économique, mais moins que d’autres secteurs économiques. Moins
affectés que d’autres agents économiques comme les jeunes adultes,
durement touchés par le chômage, les seniors – ceux dont la retraite
permet de voyager – recherchent un certain type de tourisme tout
en ne souhaitant pas être identifiés comme des personnes âgées.
Ils sont surtout attirés par un tourisme culturel (circuits exotiques,
découvertes de cultures et de traditions, escapades dans de grandes villes
européennes), un tourisme tourné vers la nature (éco-tourisme, découverte
de terroirs) et un tourisme balnéaire de confort (séjours à la mer
dans des hôtels de classe supérieure en formule dite all-inclusive ou séjours de remise
en forme dans des centres de thalassothérapie).
18. Les seniors disposant d’un pouvoir d’achat suffisamment conséquent
pour se permettre de voyager sont aussi nombreux à vouloir visiter
les grandes capitales européennes ou se reposer sur les nombreuses
plages de la Méditerranée. Il est important de noter que les périodes
qui précèdent et suivent la principale saison touristique sont particulièrement
appropriées pour le tourisme des seniors.
19. Cette sorte de tourisme nécessite néanmoins des arrangements
et des investissements particuliers. Aujourd’hui, les retraités
disposant de pensions confortables apparaissent comme une catégorie
sociale privilégiée. Disposant d’un fort pouvoir d’achat, les plus
de 60 ans bénéficient d’une meilleure santé que leurs parents et
d’un revenu qui est supérieur à celui que toucheront probablement
leurs enfants. Avec des revenus comprenant une pension bien souvent
complète et, pour certains, une activité professionnelle exercée
à temps partiel, les seniors constituent une classe sociale baptisée idle class, sorte de classe oisive
des temps modernes. Cette catégorie sociale devrait donc être sérieusement
prise en compte dans le contexte du développement du tourisme à
thèmes.
4. Concrétiser le
potentiel de la main-d’œuvre et des ressources naturelles: quelques
bonnes pratiques en Europe
20. Les politiques de l’Union européenne ont pris en
compte le fait que le secteur du tourisme est très dépendant du
capital humain et naturel et des ressources culturelles. De même,
il est de plus en plus admis que la future croissance économique
du secteur sous une forme durable dépend fortement du développement territorial.
21. De manière générale, dans l’Union européenne, le secteur du
tourisme a des difficultés à attirer les compétences nécessaires
et connaît une forte rotation du personnel. Cela s’explique par
un décalage entre la demande de compétences du secteur du tourisme
et l’offre actuelle de compétences acquises par l’instruction et
la formation, ainsi que par des conditions de travail réputées difficiles
dans le secteur (horaires irréguliers et faible rémunération). De
plus, dans l’Union européenne, le niveau d’instruction moyen dans
le secteur de l’hôtellerie est relativement faible. En 2007, pour
plus d’un tiers de l’ensemble des salariés dans ce secteur, le niveau
correspondait au milieu du secondaire, et moins de 14% étaient titulaires
d’un diplôme de troisième cycle, contre 27% en moyenne pour l’ensemble
de l’économie de l’Union européenne. Le créneau de l’hôtellerie
est dominé par des petites entreprises (familiales), ce qui explique
en partie le niveau d’instruction plus bas.
22. Les femmes sont très représentées dans le secteur de l’hôtellerie;
elles représentent 44% du total de la main-d’œuvre dans l’Union
européenne, et, dans le secteur de l’hôtellerie, leur part passe
à 60%. Cette surreprésentation est une caractéristique générale
dans toute l’Europe et en particulier en Europe de l’Est
.
4.1. Etude de cas sur
le développement territorial – les anciens chemins de pèlerinage
en Europe, modèle pour développer des territoires économiquement
fragiles
23. En 1987, le Conseil de l'Europe a lancé le programme
des Itinéraires culturels. L’idée de départ était de rendre visibles,
à travers un voyage dans l'espace et le temps, les éléments communs
au patrimoine culturel des différents pays d'Europe. Les Itinéraires
culturels incarnent également de façon tangible les principes fondamentaux
du Conseil de l'Europe: droits de l'homme, démocratie, diversité
et identité culturelles européennes, dialogue, échange et enrichissement
mutuels à travers les siècles et les frontières. Le programme des
Itinéraires culturels est devenu progressivement un moyen essentiel
d’amélioration de la qualité de vie et une source de développement
social et économique pour les régions concernées.
24. Considérant la réussite du programme des Itinéraires culturels
du Conseil de l’Europe, en décembre 2010, le Comité des Ministres
a adopté la Résolution CM/Rés (2010) 53 instituant un Accord partiel
sur les Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe. L'Accord partiel
élargi cherche à renforcer le potentiel des itinéraires culturels
en matière de coopération culturelle, de développement durable du
territoire et de cohésion sociale, en insistant particulièrement
sur des thèmes ayant une importance symbolique pour l'unité, l'histoire, la
culture et les valeurs européennes et la découverte de destinations
méconnues. Il contribue à renforcer la dimension démocratique des
échanges culturels et du tourisme par l'implication de réseaux et
d'associations sur le terrain, de collectivités territoriales, d'universités
et d'organisations professionnelles. Il contribue aussi à préserver
la diversité du patrimoine grâce à des itinéraires et des projets
culturels fondés sur des thèmes et des itinéraires touristiques
alternatifs.
25. En ce qui concerne les aspects économiques du programme, en
septembre 2010, le Conseil de l'Europe et la Commission européenne
ont lancé conjointement l'étude de l'impact des itinéraires culturels
européens sur l'innovation, la compétitivité et la concentration
des PME. L’étude vise à fournir des indications sur l'incidence
du programme des Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe sur
la performance des PME, leur regroupement et leur mise en réseau.
L'étude s'attache aussi à examiner le potentiel des itinéraires
culturels s'agissant de promouvoir un tourisme durable et de qualité
en Europe, de renforcer l'identité européenne, de faire connaître
la richesse des cultures européennes et de favoriser le dialogue
interculturel et la compréhension mutuelle. L'étude tend, en particulier,
à analyser dans quelle mesure les réseaux d'itinéraires culturels
peuvent, d'une part, servir les intérêts des PME, notamment dans
des lieux peu connus qui ont pour principal atout le développement
de leurs culture et patrimoine locaux et, d'autre part, comment
les groupements de PME peuvent créer une base solide pour faire
de l'Europe la «destination touristique mondiale n° 1».
26. «Cammini d’Europa» (Chemins d’Europe) est un réseau de coopération
internationale créé avec l’appui de l’Union européenne, qui entend
promouvoir le développement et la croissance de régions et territoires traversés
par les grands itinéraires culturels du continent (parmi les 29
itinéraires culturels ayant à ce jour reçu la mention «Itinéraire
culturel du Conseil de l’Europe»): le chemin de Saint-Jacques et
la voie Francigène. Le réseau comprend des institutions et des organisations
publiques et privées unies autour d’une même idée du développement.
Il vise, par la promotion de l’importance historique, culturelle
et socio‑économique de ces itinéraires, à intensifier le sentiment
d’appartenance à une culture européenne commune.
27. Cammini d’Europa soutient une stratégie intégrée et commune
de promotion culturelle et de développement territorial, basée sur
des initiatives et des interventions concrètes. Ainsi, au cours
de ces dernières années, une centaine de maisons rurales ont été
rénovées le long du chemin de Saint-Jacques pour fournir une hôtellerie
de grande qualité (tant du point de vue du confort d’hébergement
que de la restauration) dans un environnement pétri de tradition.
Emprunter les itinéraires conseillés le long du chemin de Saint-Jacques
et de la voie Francigène permet de découvrir des territoires riches
d’histoire, de culture, de tradition et de goûter des produits locaux
de grande qualité, le tout trop souvent négligé par les grands circuits
du tourisme international.
28. Le chemin de Saint-Jacques et la voie Francigène sont les
trajets de pèlerinage les plus importants en Europe de l’Ouest.
Fortement intégrés ensemble et présentant des caractéristiques communes,
ces itinéraires sont reconnus comme «Itinéraires culturels européens»
représentant, de par leur origine même, un moyen fondamental de
communication, d’échanges culturels et de développement économique.
- Le chemin de Saint-Jacques plonge ses racines historiques dans
l’itinéraire suivi par les pèlerins au IXe siècle, et traverse la
Belgique, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, le Portugal,
l’Espagne et la Suisse modernes pour se rendre sur la sépulture
de l’apôtre Jacques. La ville de Saint-Jacques-de-Compostelle a
été érigée sur ces lieux sacrés et est devenue, avec Rome, l’un
des plus grands lieux de culte et de pèlerinage du monde chrétien.
- La voie Francigène représente un parcours de 1 800 km
à travers le Royaume-Uni, la France, la Suisse et l'Italie le long
des chemins empruntés par les pèlerins se rendant à Rome, pour partir
à Jérusalem ou à Saint-Jacques-de-Compostelle. En 990, Sigeric,
archevêque de Canterbury, se rendant à Rome pour y rencontrer le
pape Jean XV, avait relaté son voyage sur cette Voie francigène,
ce qui allait en faire l’une des voies les plus importantes pour
les pèlerins. Au fil des siècles, d’autres parcours allaient s’ajouter
aux Voies francigènes; elles sont maintenant en cours de redécouverte
et de valorisation.
29. Ces routes deviennent aujourd’hui de plus en plus attrayantes.
C’est là clairement le signe qu’il est important de renforcer l’engagement
international en faveur de leur promotion et d’étendre cet effort
à d’autres voies intéressantes dans la même veine autour des pèlerinages
et de la transmission culturelle. La stratégie intégrée vise à renforcer
la coopération entre localités, provinces et régions le long des
Cammini d’Europa pour une organisation, une promotion et une commercialisation
à l’échelle internationale.
4.2. Le projet des Itinéraires
de pèlerinage européens
30. Le projet des «Itinéraires de pèlerinage européens»
a été conçu et organisé dans le cadre du partenariat transnational
LEADER +. Il vise à développer une stratégie d’action pour une valorisation
touristique intégrée des régions traversées par les principaux itinéraires
culturels européens, notamment les itinéraires de pèlerinage du
«Camino de Santiago» et de la «Via Francigena» (ou voie Romaine).
Les partenaires sont actuellement des groupes d’action locaux d’Italie,
d’Espagne, de France, du Portugal et de Suède, mais ils souhaitent
étendre leur réseau en examinant les candidatures de groupes d’autres
pays de l’Union européenne.
31. Le projet prévoit quatre types d’activités:
- les actions conjointes entre
les deux itinéraires;
- les actions de promotion et de rénovation des itinéraires
des voies Francigènes;
- les actions de promotion et de rénovation des itinéraires
de pèlerinage de Saint-Jacques;
- les travaux d’infrastructures locales, d’organisation
et de promotion des territoires partenaires du projet.
4.3. Valorisation des
ressources culturelles/naturelles: la Via Francigena de la région
du Latium
32. Les patrimoines culturels et les itinéraires naturels
et religieux représentent un facteur clé du développement intégré
des territoires fragiles sur le plan économique. Dans la région
du Latium, divers sites historiques et archéologiques, des abbayes
et des églises de petites villes isolées sont disséminés sur tout
le territoire. La région compte aussi des zones protégées, des lacs
et des stations balnéaires qui contribuent à en faire une importante
destination touristique.
33. En dépit d’un immense potentiel de développement endogène,
la région du Latium n’a jamais appliqué de politique homogène de
développement pour valoriser la totalité des territoires et des
zones (caractérisés comme des «destinations touristiques secondaires»
du fait de leur proximité avec Rome). L’agriculture, l’artisanat
et l’élevage sont les principaux secteurs traditionnels, tandis
que le développement industriel se limite dans le Latium à la région
située au sud de Rome. La plus grande partie du Latium ayant conservé
sa vocation agricole, il convient de créer un nouveau modèle de
développement et de nouvelles perspectives d’emploi pour ce secteur.
34. Le modèle est celui que proposent les Itinéraires européens,
et la perspective provient de l’itinéraire religieux de la région,
la Via Francigena du Sud. Opera Romana Pellegrinaggi
et Promuovi
Italia ont défini une proposition de projet pour la valorisation
d’un tourisme intégré dans la région. Le projet prévoit les activités suivantes:
- un soutien aux organes des administrations
publiques étrangères dans le processus de mondialisation;
- une prise de conscience de l’attractivité de la région;
- des initiatives pour améliorer et moderniser l’itinéraire
religieux de la région;
- des programmes de formation;
- une formation à la gestion (des destinations) et le développement
de l’entreprenariat.
5. Conclusion et
recommandations
35. Les expériences évoquées dans ce rapport, qui concernent
pour l’essentiel le secteur du tourisme, pourraient être envisagées
comme de bonnes pratiques à suivre lors de la mise en œuvre de politiques
de développement dans des régions économiquement défavorisées. A
cet égard, l'approche suggérée consistant à renforcer les stratégies
de développement du tourisme servirait de catalyseur pour le développement
local de régions et territoires récemment en butte à des difficultés
économiques.
36. Selon «l’approche du bien-être par les capacités» prônée par
Amartya Sen
, il conviendrait
de voir dans le développement un processus permettant d’accroître
la «liberté réelle» des gens. Dans ce contexte, par «liberté réelle»
on entend la capacité de quelqu’un à parvenir à des fonctionnements
humains valables, en termes d'indicateurs tels que l'espérance de
vie, les réussites scolaires, le niveau d'alimentation, l'accès
aux soins de santé, l’emploi, la participation politique, etc. Le
développement équivaut par conséquent à protéger le droit des individus
à disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles
pour s'assurer des conditions de vie décentes d'un point de vue
économique, social et spirituel.
37. Dans le contexte de la crise économique actuelle qui frappe
la plupart des pays de l’Union européenne, il est devenu impératif
de trouver et d’appliquer de nouveaux modèles de développement,
de générer de nouvelles activités économiques, de créer des opportunités
d’emploi et d’encourager l’innovation. En s’appuyant sur les études
de cas mentionnées plus haut, on peut avancer que les spécificités
territoriales
de
tous les pays de l’Union européenne (en termes de patrimoine culturel,
de sites naturels, de coutumes et de traditions) peuvent être considérées
comme un potentiel pour le développement local.
38. Dans certaines régions, la stratégie de croissance clé repose
sur le développement et la promotion d’un nouveau modèle de tourisme,
le «tourisme thématique» (pas uniquement un lieu à visiter, mais
aussi des thèmes à découvrir). Aujourd'hui, en dépit de l'énorme
potentiel de développement des produits de tourisme thématique (agrotourisme,
tourisme vert, tourisme religieux, santé et bien-être), les destinations
hors des sentiers battus restent encore peu fréquentées par les
touristes.
39. Du côté de la demande, l’observation de la dynamique des niches
les plus récentes montre que certaines tendances influent sur le
comportement des touristes:
- qui
se soucient de la protection de l’environnement;
- qui marquent une préférence pour des services et infrastructures
d’une excellente qualité;
- qui s’intéressent de plus en plus à l’artisanat, à la
gastronomie et aux produits de l’économie locale liés au patrimoine
historique et aux traditions.
40. Comment peut-on encourager la capitalisation de ces atouts
dans les régions et territoires ruraux (paysages, culture et habitats)
pour stimuler la croissance économique locale? Dans les régions
rurales et de montagne, régions côtières et autres territoires où
il est possible de favoriser le développement endogène basé sur
des ressources locales sans gros investissement en capitaux, les
PME des secteurs du tourisme et de la manufacture/artisanat regroupent
la plus grosse proportion d'industries.
41. Le secteur du tourisme présente un potentiel significatif
pour le développement d'activités entrepreneuriales. En outre, il
faut tenir compte du fait que le tourisme est un système très complexe
d’activités et de services qui affectent transversalement un grand
nombre d’autres secteurs. En effet, le tourisme génère non seulement
des retombées directes pour les entreprises du secteur (hôtels,
attractions touristiques, restaurants, etc.), mais représente aussi
une source d’avantages indirects pour d’autres secteurs tels que l’agriculture,
le bâtiment et l'artisanat. Grâce au tourisme, par exemple, la demande
de produits alimentaires locaux peut être stimulée, tout comme les
fournitures de matériels pour les hôtels locaux ou la création de nouveaux
marchés pour l’artisanat. Les recettes supplémentaires sous formes
d’impôts et taxes générés par les nouveaux emplois et entreprises
peuvent servir à entretenir ou renforcer les infrastructures et
services locaux. De plus, les synergies avec le commerce de produits
artisanaux peuvent contribuer à préserver le patrimoine culturel
et la tradition.
42. Disposer d’un important patrimoine culturel ou naturel est
décisif pour attirer les touristes, or ce patrimoine est souvent
éparpillé géographiquement. Un site à lui tout seul ne risque pas
de présenter beaucoup d’intérêt, mais s’il peut être promu en regroupement
avec d’autres, collectivement, il est possible d'attirer une masse
critique de touristes (en dépit de la croissance soutenue du tourisme
au cours de ces cinquante dernières années, une partie significative
de notre continent reste peu fréquentée par les touristes, par exemple
les destinations touristiques non traditionnelles dans les arrière-pays
sont encore peu prisées). Dans le nouveau cadre politique pour le
tourisme en Europe, la Commission européenne encourage une approche
intégrée pour promouvoir des produits touristiques thématiques,
soit par regroupements thématiques, soit par création d’itinéraires
qui mettront également à profit les initiatives de labellisation
(par exemple les itinéraires de pèlerinage et pour le cyclotourisme
.
43. La saisonnalité est souvent un problème majeur pour le tourisme,
bien que, pour le tourisme basé sur le patrimoine, ce facteur puisse
se révéler être un atout. Les gens prennent de plus en plus des
vacances sur de courtes périodes, mais plus fréquentes, et les populations
vieillissent, c’est pourquoi les touristes seront encouragés à explorer
de nouveaux endroits en saison mais aussi hors saison. Le patrimoine
naturel et culturel en particulier est un secteur de niche moins
sensible aux variations climatiques.
44. Comme indiqué dans le rapport du Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe sur la «promotion du tourisme
culturel en tant que facteur de développement des régions» (CPR (11)
3, partie II), d’une manière générale, les «touristes culturels»
sont bien éduqués et ont des niveaux élevés de revenu disponible.
Par conséquent, du point de vue économique, leur présence dans une
région donnée a une potentialité non négligeable pour contribuer
au développement économique de cette région. Il est difficile de définir
le «tourisme culturel» de manière précise, mais, selon les experts,
il représente de nos jours 8% à 20% de l'ensemble du tourisme.
45. L’élaboration de facteurs endogènes d’un développement économique
fondé sur le tourisme devrait être renforcée par l'innovation et
les nouvelles technologies:
- en
proposant des services touristiques apportant une valeur ajoutée
pour les consommateurs les plus exigeants et les plus sensibles
aux thèmes culturels, ainsi que pour les personnes âgées;
- en renforçant les relations et en créant des synergies
avec d’autres secteurs économiques.
46. Pour atteindre ces objectifs (développer l’innovation et renforcer
la qualité de l’offre dans toutes ses dimensions), il faut améliorer
les compétences professionnelles. Le tourisme, par vocation secteur
de services, est difficile à automatiser et demeure donc très utilisateur
de main-d’œuvre, ce qui en fait un atout sur le front de l’emploi
et du développement de compétences, en particulier pour les femmes,
les jeunes et les travailleurs moins qualifiés.
47. Tout au long de la chaîne de valeur du tourisme, les compétences
sont incontournables; elles vont des compétences de base en gestion
jusqu’à l'accueil et au marketing. Ce sont là des facteurs encore
plus importants lorsque le tourisme concerne le patrimoine naturel
et culturel, car il faut alors mettre l'accent sur la durabilité
et l'environnement, la qualité des services et des produits, la
gestion des ressources humaines, et les compétences en informatique
(internet, sites web, etc.), ainsi que sur les alliances et partenariats stratégiques.
48. La qualité des destinations touristiques est fortement influencée
par l’environnement naturel et culturel dans lequel elles s’inscrivent
et par leur intégration dans une communauté locale. Le concept de
responsabilité sociale partagée recouvre un certain nombre de principes:
- utilisation responsable des
ressources naturelles;
- prise en compte de l’impact environnemental des activités
(production de déchets, pression sur les ressources en eau, la terre
et la biodiversité, etc.);
- utilisation d’une énergie «propre»;
- création d’emplois de qualité et durables.
49. Beaucoup d’entreprises, en particulier les PME, ont adopté
une stratégie et un programme de responsabilité sociale d’entreprise
partagée. Les dirigeants de petites entreprises savent que «faire
ce qu'il faut» est bon pour la société, l'environnement et les entreprises.
50. Les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer
dans le développement du tourisme en tant qu’approche véritablement
innovante pour les régions frappées par la crise sur notre continent.
En fait, comme l’indique le rapport du Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe (CPR (16) REP) intitulé «L'avenir
du tourisme culturel: vers un modèle durable», cette approche offre
aux collectivités territoriales l’opportunité de développer de nouveaux
concepts pour établir un équilibre entre exploitation commerciale
et utilisation responsable et durable du patrimoine culturel. La
gestion durable des ressources du patrimoine culturel par les responsables
politiques est gage d’un développement économique en accord avec l’équilibre
des villes et des régions. En coopération avec le Congrès, l'Association
européenne des villes et régions historiques (créée par le Conseil
de l'Europe en octobre 1999 dans le cadre de l'initiative «L'Europe
– un patrimoine commun») serait particulièrement bien placée pour
élaborer des lignes directrices pour le tourisme culturel en tant
qu’outil, notamment pour le développement économique des régions
en crise dans toute l'Europe.
51. Pour présenter rapidement une stratégie et une politique de
développement endogène, le rapporteur aimerait proposer les initiatives
suivantes:
- identification
d’un groupe de sujets économiques agissant activement en faveur
du développement économique, grâce à une table ronde de la gouvernance
en association avec les organes publics et toutes les parties prenantes
potentielles;
- services pour le développement de l’offre touristique
locale et régionale;
- services pour le développement de ressources humaines;
- services pour la valorisation et la promotion d’opportunités
touristiques.
52. Ce type de stratégie détermine une croissance économique à
même de promouvoir un développement durable, en particulier lorsque
ses bénéfices sont réinvestis en biens et services dans tout le
pays (infrastructures, éducation et formation, recherche et développement).