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Recommandation 1103 (1989)

Rôle futur du Conseil de l'Europe dans la construction européenne

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Voir Doc. 6022, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : M. Lied, et Doc. 6023, avis de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental, rapporteur : M. Oehler). Texte adopté par la Commission Permanente, agissant au nom de l'Assemblée, le 15 mars 1989.

L'Assemblée,

1. Rappelant ses travaux antérieurs sur l'avenir de la construction européenne qui ont notamment débouché sur le rapport de la Commission d'éminentes personnalités européennes (Commission Colombo), communiqué aux deux organes du Conseil de l'Europe en juin 1986, et les travaux ultérieurs du Groupe de suivi de la Commission Colombo qui a bénéficié des contributions de toutes les commissions de l'Assemblée et des efforts déployés par le Secrétaire Général pour assurer dans les plus brefs délais la mise en œuvre des recommandations contenues dans ce rapport, conformément à la Résolution 871 (1987) ;
2. Se félicitant de la communication du Secrétaire Général (Doc. 5981) sur le sujet à l'examen, fidèle à l'esprit de la Commission Colombo tant par son contenu que comme facteur déterminant pour accélérer le débat à la fois au sein de l'Assemblée et du Comité des Ministres qui a décidé de consacrer une réunion extraordinaire à la question le 22 mars 1989 ;
3. Considérant que l'adhésion officielle de la Finlande comme vingt-troisième Etat membre le 5 mai 1989 (Journée de l'Europe), qui coïncide heureusement avec le 40e anniversaire du Conseil de l'Europe, rend le présent débat particulièrement opportun,

A. Rôle du Conseil de l'Europe dans la construction européenne

4. Souligne le rôle politique irremplaçable du Conseil de l'Europe comme fédérateur de toutes les démocraties parlementaires européennes et comme tribune pour un véritable dialogue politique entre ces démocraties, aux fins de préserver leur cohésion interne et d'harmoniser leurs positions sur les grandes questions internationales ;
5. Souligne combien ce haut lieu de la démocratie et des droits de l'homme est indispensable à la coopération européenne dans son ensemble, et en particulier aux politiques d'intégration menées dans le cadre de la Communauté européenne ;
6. Estime que le Marché unique, qui devrait être facteur de cohésion non seulement économique, mais aussi sociale entre les douze pays membres de la Communauté et donc facteur de progrès pour l'Europe, rend plus nécessaire que jamais un dialogue constant et approfondi entre les pays européens membres de la Communauté et ceux qui ne le sont pas ;
7. Considère que le Conseil de l'Europe fournit le meilleur cadre politique à un tel dialogue qui vise à souder l'Europe démocratique et que, grâce à ses réalisations et à son expérience, l'Organisation constitue en outre un excellent cadre pour la coopération qui peut être très utile pour éviter l'apparition de décalages dans certains domaines entre les pays de la Communauté et les autres ;
8. Se félicite à cet égard que le Sommet de Rhodes (Conseil européen) de la Communauté (2-3 décembre 1988) ait estimé dans les conclusions de la présidence :
a. d'une part, que des propositions de droits sociaux fondamentaux à garantir dans le cadre communautaire devraient « s'inspirer de la Charte sociale du Conseil de l'Europe » ;
b. d'autre part, dans le domaine de l'audiovisuel, que « les efforts déployés par la Communauté devraient aller dans le sens de la convention du Conseil de l'Europe » ;
9. Se félicite par ailleurs, en ce qui concerne les droits sociaux fondamentaux en Europe, de l'avis exprimé par le Comité économique et social des Communautés européennes (Bruxelles, 22 février 1989) qu'il « ne s'agit pas d'inventer un nouvel instrument, mais de faire entrer dans l'ordre juridique communautaire, avec les spécificités supranationales qui y sont attachées, des garanties sociales fondamentales » ;
10. Propose en outre qu'un groupe restreint d'experts internationaux en organisation soit invité à examiner les méthodes de travail et les structures, y compris les procédures en matière de personnel qui semblent archaïques ;
11. Souligne par ailleurs que l'évolution dans le sens d'un plus grand respect des droits de l'homme - voire des avancées dans la voie du pluralisme politique - dans certains pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, associée à une volonté nouvelle de participer à la coopération européenne, qui transparaît également dans les termes du document de clôture de la réunion de Vienne de la CSCE, pose un nouveau défi au Conseil de l'Europe dans le domaine des droits de l'homme, mais aussi dans celui de la coopération dans les domaines culturel, social, juridique, scientifique, et dans celui de l'environnement et de la santé publique, et estime que le moment est venu de coopérer dans des domaines précis avec certains pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est ;
12. Considère que l'adhésion de certains de ces pays à certaines conventions est souhaitable, et que l'adhésion de la Hongrie à la Convention culturelle européenne constituerait un pas significatif en ce sens, éventuellement à l'issue d'une période transitoire de participation aux travaux sur une base ad hoc ;
13. Souligne que le Conseil de l'Europe offre un cadre de coopération européenne pour la sauvegarde et le développement de la diversité des valeurs culturelles nationales, régionales et locales, et qu'il est ouvert à la fois aux processus tendant à une plus grande unité et à une union plus étroite en Europe ;
14. Souligne que le Conseil de l'Europe offre un cadre de coopération européenne pour la sauvegarde et le développement de la diversité des valeurs culturelles nationales, régionales et locales, et qu'il est ouvert à la fois aux processus tendant à une plus grande unité et à une union plus étroite en Europe ;

B. Rôle de l'Assemblée parlementaire

15. Réaffirme son rôle d'impulsion dans l'accomplissement par le Conseil de l'Europe de sa mission telle que stipulée à l'article 1er du Statut, ce qui implique la reconnaissance et l'encouragement de sa contribution spécifique au débat politique en Europe et dans le monde, ainsi que de son action de pionnier pour laquelle elle jouit d'une certaine liberté d'action dont bénéficie l'ensemble de l'Organisation ;
16. Estime qu'il est plus important que jamais, au moment où s'expriment des inquiétudes au sujet d'un « déficit démocratique » en Europe, de réaffirmer la pertinence du rôle de l'Assemblée parlementaire constituée de parlementaires nationaux appartenant pour la première fois, avec l'adhésion de la Finlande, à l'ensemble de l'Europe démocratique, qui sont idéalement placés pour veiller à ce que les impulsions politiques nées des préoccupations des populations qu'ils représentent trouvent leur pleine expression au niveau européen et pour que, inversement, leur action en Europe prenne tout son poids à l'échelon national ;
17. Reconnaît la nécessité d'efforts plus soutenus pour bien remplir cette dernière fonction afin de porter les activités du Conseil de l'Europe à l'attention de l'opinion publique dans les Etats membres, tâche importante à laquelle devrait contribuer chacun des membres de l'Assemblée ;
18. Considère que l'Europe démocratique dispose en l'Assemblée d'une institution qui, parce qu'elle est composée de délégations de parlementaires nationaux, devrait jouer le rôle d'une « chambre haute européenne », et estime en outre que ce rôle devrait être développé davantage afin de rapprocher la construction européenne des réalités nationales ;
19. Est d'avis que la dimension parlementaire de la construction européenne doit être renforcée par une coopération accrue et institutionnalisée entre les assemblées parlementaires européennes, notamment entre le Parlement européen, d'une part, et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, émanation des parlements nationaux, d'autre part ;
20. Prend acte des récentes résolutions du Parlement européen concernant ses relations avec les parlements nationaux ;
21. En appelle aux parlements nationaux concernés pour que, soucieux d'éviter tout double emploi inutile, ils associent aussi étroitement que possible leurs délégations à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à toute initiative qui pourrait être prise dans ce contexte ;
22. Estime que l'Assemblée peut aussi apporter une contribution précieuse, en jouant un rôle pionnier parmi les organisations européennes dans ce domaine, à l'amélioration des relations avec les pays de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est, et que l'institution d'un statut spécial, à définir, pour ces pays contribuera à l'amélioration du climat de coopération en Europe et, enfin, que l'association de l'Assemblée au processus de la CSCE apporterait la dimension démocratique indispensable ;
23. Estime que l'Assemblée devrait jouer un rôle de premier plan dans les suites à donner au document de clôture de Vienne en contrôlant la mise en œuvre pratique des engagements souscrits dans les domaines appropriés par chacun des trente-cinq pays participants ;
24. Exprime le désir d'établir et de maintenir des relations de coopération avec le Parlement européen, lorsqu'il sera reconstitué, au niveau des Bureaux, des commissions et des secrétariats, dans l'intérêt de l'objectif commun de la construction européenne au sens le plus large ;

C. Moyens de la coopération

25. Souligne également la responsabilité des ministres spécialisés, dont les conférences périodiques sont une composante importante de l'activité du Conseil de l'Europe et permettent d'harmoniser les programmes de travail entre les différentes organisations européennes, ce qui devrait entraîner l'extension, chaque fois que cela est possible, des avantages de la coopération au cercle le plus large d'Etats démocratiques européens, sans oublier ceux désireux d'accéder à la démocratie ;
26. Fait sien le vœu de la Commission Colombo d'intégrer les conférences de ministres spécialisés dans le cadre statutaire du Conseil de l'Europe et d'accroître leur rôle dans la détermination des activités intergouvernementales ;
27. En ce qui concerne le programme de travail intergouvernemental, appuie pleinement le Secrétaire Général dans sa proposition de supprimer les procédures bureaucratiques inutiles, afin de parvenir, sans réduire les domaines de compétence de l'Organisation, à la souplesse indispensable pour l'affectation aux nouvelles priorités des crédits existants limités - qui se révéleront sans doute de plus en plus insuffisants - en présentant des propositions qui feront bien entendu l'objet d'un examen de la part de l'Assemblée parlementaire et, ultérieurement, du Comité des Ministres ;
28. Exprime un avis favorable au remplacement du plan à moyen terme par des activités programmées sur base biennale ou triennale ;
29. Approuve le remplacement progressif, lorsque cela s'avère souhaitable, de certains comités directeurs par des structures ad hoc plus souples et de composition variable, tout en soulignant que ces nouvelles structures devraient être les conseillers du Secrétaire Général en sa qualité de gestionnaire des activités de l'Organisation ;
30. Prône le recours plus fréquent aux accords partiels, recours qui est susceptible de favoriser une plus grande souplesse des moyens de coopération intergouvernementale ;
31. Se prononce en faveur du renforcement du rôle de l'Assemblée tant en ce qui concerne le budget que la détermination des activités de coopération intergouvernementale ;
32. Souhaite l'intensification du dialogue entre les ministres spécialisés et les différentes commissions de l'Assemblée ;
33. Exprime le vœu que le Comité des Ministres s'impose un délai maximal (par exemple six mois) pour répondre aux recommandations de l'Assemblée ;
34. Appuie la proposition du Secrétaire Général visant à moderniser les outils de travail du Conseil de l'Europe en dotant le Secrétariat des équipements indispensables (informatique, bureautique, banque de données, réseau d'information télématique) ;
35. Recommande au Comité des Ministres :
35.1. de réaffirmer clairement la mission du Conseil de l'Europe en tant que promoteur de la démocratie et des droits de l'homme tant en Europe que dans le monde, et de soutenir toutes les initiatives de l'Assemblée dans ce domaine, et en particulier la Conférence de Strasbourg sur la démocratie parlementaire, ainsi que la décision de cette conférence d'établir un institut pour la démocratie ;
35.2. de profiter de la possibilité de développer la coopération à un niveau plus large, sur la base par exemple de la Convention culturelle européenne, afin d'élargir le dialogue et la coopération à d'autres pays européens ;
35.3. d'engager immédiatement une réflexion sur la réforme de la Charte sociale européenne - prévoyant l'éventualité d'une adhésion des Communautés européennes, ainsi qu'au Code européen de sécurité sociale - de façon à éviter le risque d'une Europe sociale divisée et à respecter l'esprit de l'avis exprimé par le Comité économique et social des Communautés européennes s'opposant à la création d'instruments juridiques nouveaux ;
35.4. d'utiliser les résultats obtenus par le Conseilde l'Europe dans la recherche, dans un esprit de solidarité, de réponses communes aux questions auxquelles les pays européens sont confrontés, comme le SIDA, la drogue, les nouveaux défis dans le domaine de la bioéthique, les menaces pour l'environnement et le terrorisme ;
35.5. d'étudier la possibilité pour le Conseil de l'Europe de jouer un rôle actif et de pionnier dans le processus de la CSCE et dans les conférences de suivi en cours de préparation, tant au niveau parlementaire que gouvernemental, et de tirer profit des réalisations incontestables du Conseil de l'Europe dans les domaines des droits de l'homme et des questions sociales et de la famille, afin de donner des suites concrètes au récent Accord de Vienne sur les droits de l'homme, notamment en ce qui concerne les Etats non membres du Conseil de l'Europe de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est ;
35.6. d'assurer une meilleure rationalisation des travaux entre les diverses organisations européennes en tenant compte de leurs compositions et méthodes de travail respectives et en améliorant les modalités pratiques de concertation, notamment entre le Conseil de l'Europe, la Communauté européenne et l'AELE ;
35.7. de tenir compte de la responsabilité spéciale de l'Assemblée, assumée depuis de longues années, en tant que forum parlementaire de l'OCDE, où se déroule chaque année un débat au cours duquel le Secrétaire général de cette organisation présente un rapport ;
35.8. de garder à l'esprit la nécessité de maintenir et de renforcer la précieuse tradition de coopération intergouvernementale et parlementaire, en de nombreux domaines, avec les pays et les organisations extra-européens qui partagent les mêmes conceptions démocratiques ;
35.9. de bien faire comprendre aux gouvernements des Douze qu'ils sont investis d'une responsabilité particulière pour qu'il soit mieux tenu compte, dans le cadre de la Communauté, des travaux du Conseil de l'Europe, et de confier au Président du Comité des Ministres un mandat d'ordre général consistant à défendre les intérêts de l'Organisation ;
35.10. de réclamer auprès des gouvernements membres une attitude plus positive à l'égard du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'affectation des crédits et d'autres moyens, de sorte qu'il soit en mesure de remplir efficacement les tâches qui lui sont confiées, et notamment :
a. d'abandonner pour le Conseil de l'Europe la pratique de la croissance zéro et de la remplacer par la référence au taux de croissance moyen annuel du produit intérieur brut des Etats membres,
b. de faire en sorte qu'il y ait une claire distinction des contributions budgétaires nationales aux organisations de coopération entre Etats démocratiques européens (en premier lieu le Conseil de l'Europe) par rapport aux contributions allouées aux autres organisations internationales ;
35.11. d'instaurer progressivement une fonction publique européenne, en faisant en sorte que des conditions d'emploi similaires soient offertes aux agents des deux principales institutions européennes (Communautés européennes, Conseil de l'Europe) ;
35.12. de transformer le titre II du budget du Conseil de l'Europe en une enveloppe, à l'intérieur de laquelle le Secrétaire Général puisse procéder à des transferts de crédits en fonction de l'évolution des activités, des résultats obtenus et des priorités nouvelles qui pourront se dégager.