Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1224 (1993)

Protection et gestion des ressources en eau douce en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 1er octobre 1993 (51e séance) (voir Doc. 6909, rapport de la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux, rapporteur: M. Ruffy; et Doc. 6939, avis de la commission de la science et de la technologie, rapporteur: M. Birraux). Texte adopté par l'Assemblée le 1er octobre 1993 (51e séance).

1. L'eau douce est une ressource de plus en plus rare, un facteur fondamental de vie, de développement et de bien-être économique.
2. Cette ressource, déjà dégradée par des atteintes subies dans le passé, dont les effets persistent, fait l'objet maintenant d'agressions permanentes dues aux divers usages qui compromettent, parfois de façon irréversible, sa qualité.
3. De plus, les utilisations inconsidérées et le gaspillage dus au comportement irrationnel de différentes catégories de consommateurs conduisent à une diminution quantitative considérable.
4. En outre, la répartition inégale de cette ressource peut constituer un facteur d'instabilité géopolitique et risque de devenir, dans certaines régions du globe, la cause de conflits armés.
5. Les principes essentiels de la Charte européenne de l'eau, adoptée en 1967 par le Conseil de l'Europe, qui appellent l'attention des gouvernements sur la nécessité de gérer en commun ce capital vital, d'inventorier et de protéger cette ressource, et de procéder pour ce faire à une approche globale, commune et intégrée, sont toujours aussi valables.
6. Le concept de développement durable, tel qu'il a été défini par le rapport Brundtland et réaffirmé à la Conférence de Rio, impose, en ce qui concerne l'eau:
6.1. de gérer les ressources en eau comme un patrimoine, en intégrant dans l'ensemble des utilisations de l'eau le concept de solidarité envers les générations futures;
6.2. de prendre en compte la gestion des écosystèmes et de la vie qui s'y développe;
6.3. de renforcer la notion d'aménagement du territoire, dans lequel les ressources naturelles - et l'eau en priorité - seraient prises en compte;
6.4. d'adopter une approche prospective de la ressource qui précède l'approche curative de la pollution des eaux.
7. Grâce au programme d'action «Europe bleue», l'Assemblée a invité les différents acteurs de la gestion de l'eau (décideurs à tous les niveaux, acteurs économiques, représentants du monde scientifique et technique, organisations non gouvernementales, etc.) à participer à ce projet.
8. Elle se félicite aujourd'hui du succès du programme d'action «Europe bleue» qui, grâce aux différents colloques, réunions, conférences, actions de sensibilisation, conduits en partenariat avec les acteurs cités plus haut, a contribué à l'émergence d'un certain nombre de propositions et à une meilleure prise de conscience de l'enjeu que représente la gestion de l'eau.
9. L'Assemblée est particulièrement consciente des problèmes spécifiques liés à la gestion des ressources en eau douce dans le Bassin méditerranéen.
10. A l'issue des travaux entrepris dans le cadre de cette initiative, il est apparu indispensable d'articuler toute politique de gestion de l'eau autour de l'application de cinq principes:
10.1. l'inventaire et la surveillance des ressources en eau, en encourageant la centralisation, l'homogénéité et l'accessibilité des données afin de permettre la conception et la mise en œuvre, à leur échelle de pertinence, de solutions adéquates;
10.2. une gestion intégrée, liée à l'aménagement du territoire, qui prenne en compte, notamment: l'occupation des sols, l'application du principe pollueur-payeur et l'application du principe de subsidiarité selon la répartition, existante ou à modifier, des compétences et des responsabilités entre les divers niveaux de décision;
10.3. une politique visant à l'économie et à la réutilisation après un traitement d'épuration;
10.4. le développement du partenariat qui assure la cohésion des idées et des actions, ainsi que l'adéquation entre la définition des besoins et la protection et l'utilisation des ressources;
10.5. une formation qui permette aux élus et aux techniciens, mais aussi aux citoyens, dès l'âge scolaire, d'exercer leurs responsabilités.
11. Ces idées sont en accord avec la volonté de l'Assemblée de favoriser l'émergence de politiques cohérentes au niveau paneuropéen, en participant à la mise en commun des connaissances, notamment par la promotion de la coopération transfrontalière.
12. Tout en étant consciente que beaucoup des questions liées à la mise en place d'une politique intégrée de la gestion de l'eau, telles que la tarification ou l'uniformisation des normes de qualité, sont du ressort d'autres instances européennes et/ou internationales, l'Assemblée est convaincue que le Conseil de l'Europe peut apporter une contribution précieuse à la mise en œuvre d'une politique paneuropéenne dans ce secteur.
13. Par conséquent, elle recommande au Comité des Ministres:
13.1. d'attirer l'attention du Comité directeur des autorités locales et régionales sur l'importance du rôle que peuvent jouer les collectivités territoriales dans la bonne gestion de l'eau, et de l'inviter à approfondir la recherche de solutions pratiques dans ce domaine;
13.2. de demander à la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe:
a. de tenir compte des résultats des travaux du programme d'activité «Europe bleue» qui ont porté sur le rôle et les responsabilités des collectivités locales;
b. d'envisager un programme spécifique sur ces questions, destiné aux pays d'Europe centrale et orientale qui ont manifesté le souhait de voir le Conseil de l'Europe poursuivre l'action entreprise avec «Europe bleue»;
c. de concevoir un programme de formation sur des questions liées à la gestion de l'eau, à mettre en œuvre dans le cadre du réseau européen des centres de formation du personnel des collectivités territoriales;
13.3. d'inviter le Comité directeur pour la protection et la gestion de l'environnement et du milieu naturel (CDPE) à créer un groupe de travail chargé d'étendre les travaux déjà entrepris par le Groupe de travail «Nappe phréatique rhénane», créé à l'initiative de l'Assemblée au début des années 70, en prenant tout particulièrement en considération le lien indissociable entre la gestion des deux ressources, à savoir le sol et les eaux souterraines;
13.4. d'élaborer des propositions, fondées sur des travaux préalables, dans le but de faire inscrire le problème de la gestion de l'eau, et d'une politique paneuropéenne dans ce domaine, à la 3e Conférence ministérielle européenne sur l'environnement, prévue à Sofia, en Bulgarie, en 1995;
13.5. d'inviter le Comité de hauts fonctionnaires chargé de préparer la prochaine conférence des ministres responsables de l'aménagement du territoire (CEMAT) à reprendre les études déjà engagées sur l'intégration de la gestion des ressources en eau dans les politiques d'aménagement du territoire;
13.6. de demander au Conseil de la coopération culturelle (CDCC):
a. d'étudier la possibilité de lancer des programmes d'éducation à la gestion de l'eau, dans le cadre, par exemple, de coopérations multilatérales entre les établissements scolaires des pays riverains d'un grand fleuve;
b. d'envisager la mise en réseau des centres scientifiques travaillant sur les questions liées à la gestion de l'eau, afin de leur permettre de coordonner leurs activités.
14. L'Assemblée recommande également au Comité des Ministres d'inviter les Etats membres:
14.1. à encourager toute initiative entreprise dans le but d'assurer une gestion de l'eau qui en assure sa qualité et sa quantité non seulement aujourd'hui, mais également pour les générations futures;
14.2. à s'assurer que ceux qui gèrent les ressources en eau - qu'ils soient publics ou privés -pratiquent une politique de prix déterminée par l'ensemble des frais d'exploitation, y compris, si possible, les coûts de l'épuration, et fixée scrupuleusement au prix de revient pour la consommation de base indispensable à toute personne;
14.3. à prendre en compte l'apport des organisations non gouvernementales, aussi bien au niveau de la conception qu'à celui de la mise en œuvre des politiques de protection et de gestion des ressources en eau.