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Recommandation 1235 (1994)

Psychiatrie et les droits de l'homme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 12 avril 1994 (10e séance) (voir Doc. 7040, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Stoffelen; et Doc. 7048, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Eisma). Texte adopté par l'Assemblée le 12 avril 1994 (10e séance).

1. L'Assemblée constate qu'il n'existe aucune étude d'ensemble sur la législation et la pratique en matière de psychiatrie couvrant les Etats membres du Conseil de l'Europe.
2. Elle note que, d'une part, une jurisprudence s'est développée à partir de la Convention européenne des Droits de l'Homme et que, d'autre part, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a été amené à faire un certain nombre d'observations concernant la pratique en matière d'internement psychiatrique.
3. Elle relève que, dans un grand nombre de pays membres, les législations concernant la psychiatrie sont en cours de révision ou d'élaboration.
4. Elle est informée que, dans de nombreux pays, un débat animé est en cours sur des problèmes liés à certains types de traitements, tels la lobotomie et les électrochocs, ainsi que sur les abus sexuels dans le cadre du traitement psychiatrique.
5. Elle rappelle la Recommandation no R (83) 2 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires.
6. Elle considère qu'il est grand temps que les Etats membres du Conseil de l'Europe se dotent de mesures législatives assurant le respect des droits de l'homme des malades psychiatriques.
7. En conséquence, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à adopter une nouvelle recommandation s'inspirant des règles ci-après:
7.1. Procédure et conditions de placement:
a. le placement non volontaire doit être exceptionnel et doit répondre aux critères suivants:
il existe un danger grave pour le patient lui-même ou pour autrui;
un critère additionnel peut être celui du traitement, si l'absence de placement peut entraîner une détérioration de l'état du patient ou l'empêcher de recevoir un traitement approprié;
b. en cas de placement non volontaire, la décision de placement dans un établissement psychiatrique doit être prise par un juge et la durée du placement doit être précisée. Une révision périodique et automatique de la nécessité du placement doit être prévue. Dans tous les cas, il faut tenir compte des principes posés dans la future convention sur la bioéthique du Conseil de l'Europe;
c. la décision doit pouvoir faire l'objet d'un recours prévu par la loi;
d. un code des droits des malades doit être porté à la connaissance des malades à leur entrée dans l'établissement psychiatrique;
e. un code de déontologie pour les psychiatres devrait être élaboré, qui pourrait s'inspirer notamment de la Déclaration d'Hawaï approuvée par l'Assemblée générale de l'Association mondiale de psychiatrie à Vienne en 1983.
7.2. Traitements:
a. une distinction doit être établie entre les patients handicapés mentaux et les patients aliénés;
b. la lobotomie et la thérapie par électrochocs ne peuvent être pratiquées que si le consentement éclairé a été donné par écrit par le patient lui-même ou par une personne choisie par le patient pour le représenter, soit un conseiller soit un curateur, et si la décision a été confirmée par un comité restreint qui n'est pas composé uniquement d'experts psychiatriques;
c. le traitement appliqué au malade doit faire l'objet d'un rapport précis et circonstancié;
d. le personnel soignant doit être en nombre suffisant et avoir une formation adaptée à ce type de malades;
e. un «conseiller» indépendant de l'institution doit être accessible aux patients sans aucune entrave; de même un «curateur» devrait être chargé de veiller aux intérêts des mineurs;
f. une inspection analogue à celle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants devrait être mise en place.
7.3. Problèmes et abus en psychiatrie:
a. le code de déontologie doit stipuler expressément qu'il est interdit au psychothérapeute de faire des avances sexuelles à ses patientes;
b. l'isolement des patients doit être strictement limité et le logement en dortoirs de grande dimension doit également être évité;
c. aucun moyen de contention mécanique ne doit être utilisé. Les moyens de contention chimique doivent être proportionnés au but recherché, et aucune atteinte irréversible ne doit être portée aux droits de procréation des individus;
d. la recherche scientifique dans le domaine de la santé mentale ne doit pas se faire à l'insu ni contre la volonté du patient ou de la patiente, ou de son représentant, et doit être menée seulement dans l'intérêt du patient ou de la patiente.
7.4. Situation des personnes détenues:
a. toute personne incarcérée devrait être examinée par un médecin;
b. un psychiatre et un personnel spécialement formé devraient être attachés à chaque établissement pénitentiaire;
c. les règles énoncées précédemment et les règles de déontologie devraient s'appliquer aux détenus, et, notamment, le secret médical devrait être observé dans toute la mesure compatible avec les exigences de la détention;
d. des programmes sociothérapeutiques devraient être mis en place dans certaines unités pénitentiaires pour les détenus présentant des troubles de la personnalité.