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Recommandation 1255 (1995)

Protection des droits des minorités nationales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 31 janvier 1995 (3e séance) (voir Doc. 7228, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Bindig) Texte adopté par l'Assemblée le 31 janvier 1995 (3e séance).

1. La protection des droits des minorités est aujourd'hui l'une des missions les plus importantes du Conseil de l'Europe. L'Assemblée a manifesté son vif intérêt pour la question en adoptant les Recommandations 1134 (1990), 1177 (1992) et 1201 (1993). Elle a proposé, dans ce dernier texte, que le Comité des Ministres adopte un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme sur les droits des minorités nationales, en s'inspirant du texte de la proposition de protocole qui fait partie intégrante de la recommandation.
2. A présent l'Assemblée confirme les principes énumérés dans sa Recommandation 1201 (1993) et le protocole additionnel qu'elle a alors proposé, notamment la définition d'une «minorité nationale» qui doit désigner «un groupe de personnes dans un Etat qui:
a. résident sur le territoire de cet Etat et en sont citoyennes;
b. entretiennent des liens anciens, solides et durables avec cet Etat;
c. présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques;
d. sont suffisamment représentatives, tout en étant moins nombreuses que le reste de la population de cet Etat ou d'une région de cet Etat;
e. sont animées de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue».
3. Toutefois, les gouvernements n'ont pas suivi cette recommandation. Au Sommet de Vienne, le 9 octobre 1993, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe ont décidé de charger le Comité des Ministres:
« de rédiger à bref délai une convention-cadre précisant les principes que les Etats contractants s'engagent à respecter pour assurer la protection des minorités nationales; cet instrument serait ouvert également à la signature des Etats non membres;
d'engager les travaux de rédaction d'un protocole complétant la Convention européenne des Droits de l'Homme dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales.»
4. L'Assemblée, dans sa Recommandation 1231 (1994), «regrette (...) profondément» que le sommet n'ait pas suivi sa recommandation relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme portant sur les droits des minorités nationales.
5. Entre-temps, le Comité des Ministres a procédé à l'élaboration de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui a été adoptée sous sa forme définitive à la réunion ministérielle du 10 novembre 1994. Elle a été ouverte à la signature le 1er février 1995 et a été signée au nom de 21 Etats membres.
6. Malgré ses réserves quant au fond de la convention-cadre et à son caractère juridique, l'Assemblée exprime l'espoir qu'elle sera signée et ratifiée au plus tôt par une écrasante majorité des Etats membres et aussi qu'un nombre considérable d'Etats européens non membres en deviendront parties contractantes. A cet égard, elle rappelle que la convention doit être ratifiée par douze Etats membres avant de pouvoir entrer en vigueur.
7. Le libellé de la convention est faible. Celle-ci énonce un certain nombre d'objectifs et de principes, dont la définition manque de précision et dont l'observation sera une obligation pour les Etats contractants, mais non un droit que les individus puissent invoquer. Son mécanisme d'application n'est pas très ferme et on court le risque, en effet, que les modalités de contrôle soient entièrement laissées au soin des gouvernements.
8. Il est essentiel en outre de compléter la convention-cadre par un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme contenant des droits clairement définis que des individus puissent invoquer devant des organes judiciaires indépendants. Ces organes pourraient être, en dernière instance, la Commission et la Cour européennes des Droits de l'Homme. C'est pourquoi l'Assemblée juge extrêmement important d'activer les travaux relatifs à «un protocole complétant la convention (...) dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales».
9. Les droits à inclure dans un tel protocole pourraient être tirés à la fois de la convention-cadre et du projet de protocole additionnel présenté par l'Assemblée dans sa Recommandation 1201 (1993). Une liste indicative de ces droits est reproduite ci-après et fait partie intégrante de la présente recommandation.
10. Il y a un troisième instrument du Conseil de l'Europe qui est un sujet de préoccupation pour l'Assemblée. Il s'agit de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, conclue et ouverte à la signature en 1992. Elle n'a été ratifiée jusqu'ici que par la Finlande et la Norvège. Trois ratifications supplémentaires sont nécessaires pour que la charte entre en vigueur.
11. L'Assemblée se préoccupe non seulement du petit nombre de ratifications de la charte jusqu'ici, mais aussi de la manière dont elle sera appliquée. En fait, les Etats contractants disposent d'un vaste éventail de droits parmi lesquels ils peuvent choisir, et ils sont censés indiquer à quelle(s) minorité(s) ces droits s'appliquent.
12. Pour toutes ces raisons, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
a. d'inviter les Etats membres à signer et à ratifier dès que possible la convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
b. de faire en sorte que le comité consultatif à créer lorsque la convention-cadre entrera en vigueur soit aussi indépendant, efficace et transparent que possible, par exemple:
en prévoyant un comité qui comprenne un représentant pour chacun des Etats contractants;
en prévoyant des élections sur le modèle de celles qui ont lieu pour la Commission européenne des Droits de l'Homme ou le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants;
en permettant au comité de tirer ses informations d'un large éventail de sources et d'agir de sa propre initiative;
en l'habilitant à instaurer un dialogue avec le gouvernement de l'Etat contractant intéressé et à publier ses rapports et recommandations avec l'autorisation dudit gouvernement;
c. d'inviter les Etats membres (20 sur 33) qui n'ont pas encore signé et les Etats membres (tous, à l'exception de la Finlande et de la Norvège) qui n'ont pas encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires à le faire dès que possible;
d. d'apporter une conclusion rapide et satisfaisante à ses travaux sur un projet de protocole complétant la Convention européenne des Droits de l'Homme «dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des droits individuels, notamment pour les personnes appartenant à des minorités nationales»;
e. de soumettre ce projet de protocole, une fois conclu, à l'Assemblée pour avis.

Dispositions de la Recommandation 1201 (1993) sur les minorités nationales qui pourraient être incluses dans un protocole additionnel sur les droits culturels

1. Droit d'exprimer, de préserver et de développer son identité culturelle

Article 3

1. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'exprimer, de préserver et de développer en toute liberté son identité religieuse, ethnique, linguistique et/ou culturelle, sans être soumise contre sa volonté à aucune tentative d'assimilation.

2. Exercice des droits et libertés par les personnes appartenant à des minorités nationales

Article 3

2. Toute personne appartenant à une minorité nationale peut exercer ses droits et en jouir individuellement ou en association avec d'autres.

3. Egalité devant la loi et non-discrimination

Article 4

1. Toute personne appartenant à une minorité nationale a droit à l'égalité devant la loi. Toute discrimination fondée sur l'appartenance d'une personne à une minorité nationale est interdite.

4. Droit d'utiliser la langue minoritaire

Article 7

1. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'utiliser librement sa langue maternelle en privé comme en public, aussi bien oralement que par écrit. Ce droit s'applique aussi à l'utilisation de sa langue dans les publications et l'audiovisuel.

5. Droit d'utiliser des noms et prénoms de la langue minoritaire

Article 7

2. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'utiliser son nom et ses prénoms dans sa langue maternelle et a droit à la reconnaissance officielle de son nom et de ses prénoms.

6. Droit d'utiliser la langue minoritaire dans les relations avec l'administration

Article 7

3. Dans les régions d'implantation substantielle d'une minorité nationale, les personnes appartenant à cette minorité ont le droit d'utiliser leur langue maternelle dans leurs contacts avec les autorités administratives, ainsi que dans les procédures devant les tribunaux et les instances juridiques.

7. Droit d'afficher des dénominations locales, noms de rue, etc. dans la langue minoritaire

Article 7

4.Dans les régions d'implantation substantielle d'une minorité nationale, les personnes appartenant à cette minorité ont le droit d'afficher dans leur langue des dénominations locales, enseignes, inscriptions et autres informations analogues exposées à la vue du public. Cela ne fait pas obstacle au droit des autorités d'afficher les informations mentionnées ci-dessus dans la ou les langue(s) officielle(s) de l'Etat.

8. Droit d'apprendre la langue minoritaire et de recevoir un enseignement dans cette langue

Article 8

1. Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit d'apprendre sa langue maternelle et de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle dans un nombre approprié d'écoles et d'établissements d'enseignement public et de formation, dont la localisation doit tenir compte de la répartition géographique de la minorité.

9. Droit de créer et de gérer des écoles et établissements d'enseignement et de formation

Article 8

2. Les personnes appartenant à une minorité nationale ont le droit de créer et de gérer leur(s) propre(s) école(s) et établissement(s) d'enseignement et de formation dans le cadre du système juridique de l'Etat.

10. Droit à un recours effectif

Article 9

En cas de violation alléguée des droits protégés par le présent protocole, toute personne appartenant à une minorité nationale, ou toute organisation représentative d'une minorité nationale, a droit à un recours effectif devant une instance de l'Etat.

11. Droit à des contacts libres et sans entraves avec les ressortissants d'un autre pays

Article 10

Toute personne appartenant à une minorité nationale a le droit, dans le strict respect de l'intégrité territoriale de l'Etat, d'avoir des contacts libres et sans entraves avec les ressortissants d'un autre pays avec lesquels cette minorité partage des caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques, ou une identité culturelle.

12. Relation avec la législation nationale et d'autres instruments internationaux

Article 12

1. Aucune des dispositions du présent protocole ne peut être interprétée comme limitant ou restreignant un droit individuel d'une personne appartenant à une minorité nationale ou un droit collectif d'une minorité nationale, inséré dans la législation de l'Etat contractant ou dans un accord international auquel ce dernier est partie.

2. Les mesures prises à seule fin de protéger les minorités nationales, de favoriser leur développement approprié et de leur assurer l'égalité de droits et de traitement avec le reste de la population dans les domaines administratif, politique, économique, social, culturel et autre, ne seront pas considérées comme discriminatoires.