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Résolution 1166 (1998)

Droits de l'homme des appelés

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 septembre 1998 (26e séance) (voir Doc. 7979, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 22 septembre 1998 (26e séance).

1. La défense de la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe repose sur un service militaire national et sur l’obligation pour les gens de servir leur pays pendant une période fixée par la loi. Ces appelés, comme tout militaire, doivent être considérés comme des citoyens en uniforme 
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			Le service militaire national (la conscription) existe dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Il a été aboli ou n’a jamais existé en Belgique, en Islande, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. La France et l’Espagne mettront un terme à la conscription en 2002 et en 2003 respectivement..
2. En conséquence, les appelés doivent bénéficier des mêmes droits et libertés fondamentales, notamment ceux conférés par la Convention européenne des Droits de l’Homme, et jouir de la même protection juridique que les citoyens ordinaires. Cela n’exclut pas la possibilité pour les Etats de prévoir des restrictions à l’exercice de ces libertés, si elles sont justifiées par des circonstances spécifiques ou par la nécessité d’assurer la discipline militaire, mais ces restrictions doivent être appliquées dans le strict respect de la Convention.
3. Une audition sur les droits des appelés, organisée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 4 juillet 1996 à Helsinki, a clairement mis en lumière l’existence de différences considérables entre les Etats membres en ce qui concerne le statut juridique des appelés et les droits dont ils bénéficient. Elle a révélé que, dans plusieurs pays, l’application de certains articles de la Convention est restreinte d’une manière injustifiable et que les appelés ne jouissent pas de leurs droits fondamentaux de la même façon que les citoyens ordinaires.
4. L’Assemblée estime que nombre de ces restrictions à l’exercice par les appelés de leurs droits civils sont inacceptables. Elle recommande donc aux Etats membres de modifier leur législation ainsi que leur pratique lorsqu’il s’avère que celles-ci ne peuvent raisonnablement être considérées comme conformes aux restrictions prévues par la Convention européenne des Droits de l’Homme et par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
5. L’Assemblée invite les Etats membres à promouvoir l’application de droits civils et sociaux dont les appelés doivent jouir en toute hypothèse en temps de paix et, dans la mesure du possible, également en temps de guerre, et, le cas échéant, à réviser leur législation à cette fin. Elle les invite précisément :
5.1. à s’assurer que les procédures devant les tribunaux militaires, le cas échéant, sont pleinement conformes aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et notamment à veiller à l’existence de voies de recours appropriées, à l’équité des procédures, à l’impartialité et à l’indépendance du tribunal, ainsi qu’à la régularité de l’arrestation et de la détention éventuelles des appelés;
5.2. à garantir que les appelés ne sont pas employés à des tâches non compatibles avec leur affectation à une mission de défense nationale, et ne sont pas utilisés à des travaux forcés ou obligatoires, en méconnaissance de l’article 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme;
5.3. à interdire les restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et d’association des appelés, conformément aux articles 10 et 11 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, pour autant que ces restrictions ne sont pas strictement justifiées par les besoins du service militaire;
5.4. à protéger les conscrits des tortures, mauvais traitements, brutalités et autres pratiques qui peuvent être considérées comme des peines ou traitements inhumains ou dégradants, aux termes de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
6. Elle invite les Etats membres à établir un contrôle civil sur la situation des appelés. Elle propose notamment la création d’un organe ou service spécialisé dans les affaires militaires doté de pouvoirs d’enquête et d’information.
7. L’Assemblée encourage les Etats à favoriser la création d’associations d’appelés pour promouvoir les droits fondamentaux des appelés, leur procurer une assistance juridique et judiciaire et défendre leurs droits, et habilitées à représenter leurs intérêts auprès des autorités.
8. L’Assemblée constate qu’il existe malheureusement un certain nombre de situations et de pratiques dans les forces armées de certains Etats membres qui sont contraires à la Convention européenne des Droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable, le travail forcé, la liberté d’expression, la liberté d’association et le mauvais traitement des recrues et des appelés. Le traitement cruel des nouveaux appelés par des militaires plus anciens, en violation des codes militaires, tels que les cas de dedovtchina 
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			Sorte de bizutage sadique des incorporés par les plus anciens. en Russie, pose également un grave problème. L’Assemblée demande instamment aux Etats concernés de prendre sans attendre les mesures qui s’imposent pour changer ces situations et pratiques.
9. Le droit à l’objection de conscience devrait être respecté, conformément à la Résolution 337 (1967) de l’Assemblée et à la Recommandation no R (87) 8 du Comité des Ministres.