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Avis 208 (1999)

«Construire la Grande Europe sans clivages» (Rapport du Comité des sages)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 1999 (2e et 3e séances) (voir Doc. 8286, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Schieder; et Doc. 8299, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. López Henares). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 1999 (3e séance).

1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) note que les 1er et 2e Sommets des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres ont clairement défini les priorités de l’Organisation.
2. L’Assemblée parlementaire se félicite de l’instruction donnée au Comité des Ministres de mener les réformes structurelles nécessaires pour adapter l’Organisation à ses nouvelles missions ainsi qu’à sa composition élargie, et pour améliorer le processus de décision.
3. Elle note que sa Présidente a participé aux activités du Comité des sages créé par le Comité des Ministres pour élaborer des propositions en vue de ces réformes structurelles, mais regrette que le Comité des sages n’ait pas suffisamment tenu compte des contributions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), organe qui incarne pourtant la souveraineté des peuples des Etats membres.
4. Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire sont les deux organes statutaires de l’Organisation. Etant les deux partenaires principaux au sein du Conseil de l’Europe, leurs relations devraient être clarifiées par une résolution statutaire.
5. L’Assemblée parlementaire soutient les conclusions du rapport du Comité des sages, dont certaines s’appuient sur ses propres recommandations, mais souhaite formuler plusieurs propositions complémentaires pour la mise en œuvre des réformes.
6. L’Assemblée parlementaire partage la conclusion du Comité des sages selon laquelle le Conseil de l’Europe est, comme le prévoit son Statut, à la fois une organisation politique et normative et une institution-cadre pour la promotion et la défense de la démocratie pluraliste, des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
7. Il convient cependant de maintenir l’équilibre entre le nouveau rôle de suivi qu’assume le Conseil de l’Europe et sa fonction traditionnelle de «réservoir d’idées», notamment dans les quatre domaines désignés clairement par le 2e Sommet comme des priorités (démocratie et droits de l’homme; cohésion sociale; sécurité des citoyens; valeurs démocratiques et diversité culturelle). Il ne faut pas oublier que l’une des forces du Conseil de l’Europe est de s’attaquer aux problèmes à moyen et à long terme auxquels se heurtent les sociétés européennes et d’œuvrer à l’établissement de normes.
8. L’Assemblée parlementaire considère qu’actuellement la tâche la plus importante pour le Conseil de l’Europe est de consolider son rôle d’organisation politique paneuropéenne à compétence générale pour atteindre la stabilité démocratique et réaliser une union de plus en plus étroite entre ses membres à travers la coopération intergouvernementale sur des questions essentielles.
9. L’Assemblée parlementaire considère que les travaux du Conseil de l’Europe, et plus particulièrement ses propres travaux, portent de moins en moins sur les relations extérieures des pays membres et davantage sur leurs problèmes internes, ce qui contribue à l’intégration de ces pays dans un continent unifié.
10. Concrètement, ces objectifs passent par la réalisation d’une condition prioritaire, à savoir la réduction des écarts d’espérance de vie des citoyens entre les différents pays membres. La paix, la stabilité démocratique et la réduction des flux migratoires dépendront des réponses apportées pour faire face à cet impératif.
11. Elle se félicite, en particulier, de la reconnaissance par le Comité des sages de l’importance croissante de son rôle politique, notamment depuis le début du processus d’élargissement. Cette reconnaissance doit se refléter dans ses pouvoirs budgétaires et administratifs.
12. En conséquence, les structures et les méthodes de travail du secteur intergouvernemental de l’Organisation doivent être réformées de manière à augmenter la souplesse et l’efficacité, et à ouvrir de nouvelles voies d’action telles que la présence accrue sur le terrain.
13. Après l’élargissement du Conseil de l’Europe, le suivi du respect des obligations et engagements de ses Etats membres est devenu une priorité absolue pour l’Organisation et un élément essentiel de sa crédibilité.
14. Dans ce contexte, les procédures de suivi tant de l’Assemblée parlementaire que du Comité des Ministres doivent être renforcées sur la base d’une consultation réciproque et assorties de mesures applicables en cas de non-respect. Il faut, dans le même temps, développer davantage la coopération avec les Etats membres pour les aider à remplir leurs obligations et engagements.
15. L’Assemblée parlementaire considère que l’Union européenne est la partenaire naturelle du Conseil de l’Europe, tous les deux partageant les mêmes valeurs.
16. Elle estime également que la réforme de l’Organisation doit s’accompagner d’un mémorandum d’accord général avec l’OSCE et d’une intensification de la coopération avec les Nations Unies, l’Otan et l’UEO, dans le respect des compétences du Conseil de l’Europe.
17. L’Assemblée parlementaire est convaincue que la permanence et l’indépendance de son Secrétariat sont, pour le Conseil de l’Europe, une spécificité et un avantage majeur qui doivent être préservés pour la nouvelle mission de l’Organisation, notamment en ce qui concerne le suivi des obligations et engagements des Etats membres.
18. L’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres de donner son aval au rapport du Comité des sages et d’engager dès que possible la mise en œuvre des réformes proposées. Avant sa 105e réunion, prévue en novembre 1999, le Comité des Ministres devrait notamment:
18.1. en ce qui concerne ses propres procédures
a. développer un véritable dialogue politique correspondant à sa dimension paneuropéenne;
b. améliorer son processus de prise de décision pour pouvoir réagir plus rapidement, particulièrement en situation de crise;
c. confier plus de responsabilités politiques à son Président;
d. introduire la pratique du vote à la majorité en tant que règle générale et l’appliquer systématiquement;
e. prendre des mesures complémentaires afin de s’adapter à l’élargissement du Conseil de l’Europe et associer activement les nouveaux membres aux activités du Conseil de l’Europe;
18.2. en ce qui concerne l’Assemblée parlementaire
a. s’entendre avec elle sur le contenu d’une résolution statutaire clarifiant les rapports entre les deux organes statutaires, en tenant compte de leurs rôles respectifs et de leur indépendance, et en officialisant le changement de nom de l’Assemblée, de «consultative» en «parlementaire»;
b. consulter l’Assemblée parlementaire avant de fixer le plafond du budget global du Conseil de l’Europe et d’établir les grandes priorités de l’Organisation;
c. établir un mécanisme de discussion directe avec l’Assemblée parlementaire en ce qui concerne son propre budget afin d’arriver à un accord sur les allocations totales qui lui sont attribuées;
d. accorder à l’Assemblée parlementaire l’autonomie de gestion dans les domaines budgétaire et administratif;
e. refléter la spécificité du Greffe de l’Assemblée parlementaire dans les règlements de l’Organisation;
f. adopter une résolution statutaire introduisant une procédure de codécision de l’Assemblée parlementaire pour l’adoption de tout projet de convention, accord ou protocole;
g. inviter le Président de l’Assemblée parlementaire à prendre la parole devant le Comité des Ministres au début de chaque réunion ministérielle;
18.3. en ce qui concerne le suivi (monitoring) des obligations et engagements des Etats membres
a. renforcer ses activités de suivi et réexaminer la nécessité de maintenir la confidentialité absolue de ses documents;
b. mettre en place et appliquer un barème de sanctions dans le cas de violations systématiques ou particulièrement graves des obligations et engagements contractés par un Etat membre;
c. améliorer les suites données aux recommandations de l’Assemblée parlementaire relatives aux obligations et engagements (y compris des mesures en cas de non-respect);
d. renforcer la coopération avec l’Assemblée parlementaire et la tenir régulièrement informée des résultats de ses procédures de suivi;
18.4. en ce qui concerne les réformes institutionnelles
a. simplifier et rationaliser les activités, les structures et les méthodes de travail de la coopération intergouvernementale en fonction des priorités définies aux 1er et 2e Sommets;
b. affecter les ressources budgétaires et humaines en fonction des priorités fixées lors de ces sommets, de manière à faire face aux conséquences de l’élargissement, et rechercher de nouvelles formes de financement;
c. établir une présence à moyen et à long terme de représentants du Conseil de l’Europe dans les pays où l’instauration et la consolidation de la stabilité démocratique et sociale nécessitent des activités renforcées et de longue durée;
d. respecter le principe d’un secrétariat permanent et indépendant en tant qu’élément essentiel à la mission spécifique et au fonctionnement du Conseil de l’Europe;
e. entamer les travaux sur la modification des méthodes de calcul des barèmes de contribution des Etats membres au budget du Conseil de l’Europe afin d’aligner leurs contributions sur leur population, leur produit national brut et leur revenu par habitant;
f. suspendre le droit de vote de tout Etat membre ayant une année de retard dans le versement de sa contribution;
18.5. en ce qui concerne les autres institutions internationales
a. faire plein usage de son statut d’observateur auprès des Nations Unies;
b. conclure un accord-cadre avec l’Union européenne;
c. conclure un mémorandum d’accord général avec l’OSCE et intensifier la coopération avec l’Otan et l’Union de l’Europe occidentale;
d. associer étroitement l’Assemblée parlementaire à tous les contacts de haut niveau;
e. demander à sa présidence de présenter, dans les autres institutions internationales, la position du Conseil de l’Europe sur les questions relevant des domaines de sa compétence;
18.6. en ce qui concerne la visibilité du Conseil de l’Europe
a. adopter une politique consistant à prendre publiquement des positions politiques sur les événements de l’actualité, en particulier par l’intermédiaire de son Président;
b. assurer une présence plus active de ses représentants sur le terrain, par le biais de visites, de missions d’enquête, par la participation à des conférences et à des réunions, et par l’observation des élections;
c. améliorer les contacts avec les médias, les organisations non gouvernementales, les syndicats, les organisations de jeunesse et les autorités nationales;
d. associer plus étroitement les organisations non gouvernementales aux activités intergouvernementales, conformément aux recommandations formulées par les sages dans leur rapport;
e. développer plus activement le réseau de centres de documentation du Conseil de l’Europe, dans les nouveaux Etats membres comme dans les anciens;
f. améliorer les relations et la coopération avec les Etats observateurs, tout en leur demandant de respecter dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit les normes minimales que l’on exige des Etats dont les parlements bénéficient du statut d’invité spécial auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE);
18.7. en ce qui concerne le cinquantenaire du Conseil de l’Europe insérer dans la déclaration politique en cours d’élaboration des points substantiels invitant les Etats membres à prendre l’engagement de ratifier le plus tôt possible d’autres instruments du Conseil de l’Europe, notamment la Charte sociale européenne.
19. L’Assemblée parlementaire invite instamment le Comité des Ministres à faire preuve d’une ferme volonté politique dans la mise en œuvre de la réforme de l’Organisation afin de mettre le Conseil de l’Europe pleinement en mesure d’assumer le rôle de premier plan qui est le sien en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie pluraliste dans l’Europe du XXIe siècle.