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Résolution 1336 (2003)

Menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 25 juin 2003 (20e séance) (voir Doc. 9844, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Marty). Texte adopté par l'Assemblée le 25 juin 2003 (20e séance).

1. L'Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1300 (2002) sur les risques pour l'intégrité du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) présentés par les accords bilatéraux d'octroi d'immunité
2. Elle accueille avec satisfaction l'entrée en fonction de la CPI à la suite de l'élection de ses principaux organes – les juges, le président et le procureur – en février et en avril 2003. Elle considère que la CPI est sur le point de devenir un arbitre véritablement indépendant et impartial de la justice internationale et de la primauté du droit au niveau international, dont l'importance ne doit pas être sous-estimée dans la situation internationale actuelle
3. Cependant, elle s'inquiète de ce que certains Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe n'aient toujours pas adhéré au Statut de Rome de la CPI ou ne l'ont pas encore ratifié, et de ce que les Etats-Unis aient même officiellement annoncé leur intention de ne pas ratifier cet instrument
4. Elle s'inquiète également de ce que seuls vingt-neuf pays aient signé et deux autres (la Norvège et le Costa Rica) déjà ratifié le Protocole sur les privilèges et immunités de la CPI. L'Assemblée reconnaît que, malgré son titre inapproprié sur le plan politique, cet instrument revêt une importance vitale pour que la CPI commence à fonctionner en pratique
5. L'Assemblée rappelle en outre l'importance de lois d'application nationales: un processus qui a malheureusement accumulé du retard dans de nombreux pays. Ces lois sont requises pour mettre en œuvre le principe de la «double subsidiarité» de la CPI. Premièrement, la CPI – qui ne dispose pas de ses propres organes d'enquête – a été conçue pour faire massivement appel à la coopération concrète des Etats parties. Deuxièmement, les Etats parties doivent aussi veiller à ce que leur droit pénal positif soit compatible avec le Statut de Rome, afin d'être en mesure de remplir l'obligation que le Statut de Rome leur impose en matière de poursuite des délits, la CPI n'intervenant que si les tribunaux nationaux ne peuvent ou ne veulent pas poursuivre. Dans ce contexte, l'Assemblée salue l'initiative, annoncée dans la réponse du Comité des Ministres à sa Recommandation 1581 (2002), d'organiser une troisième consultation multilatérale, en septembre 2003, sur les incidences de la ratification du Statut de Rome dans l'ordre juridique interne des Etats membres. L'Assemblée entend accepter toute invitation du Comité des Ministres la priant de participer à cette consultation.

L'Assemblée déplore le vote, le 12 juin 2003, du renouvellement de la Résolution 1422 du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée initialement le 12 juillet 2002: un texte prévoyant qu'aucune poursuite ne serait engagée par la CPI, pendant une période renouvelable de douze mois, contre des personnes d'un Etat non partie au Statut en raison d'actes liés à des opérations établies ou autorisées par les Nations Unies. L'Assemblée remercie donc les pays qui ont insisté pour qu'un débat ouvert soit organisé par le Conseil de sécurité et que l'exemption soit de nouveau limitée à un an.

Elle considère que la Résolution 1422 du Conseil de sécurité des Nations Unies et son renouvellement constituent une ingérence juridiquement discutable et politiquement dommageable dans le fonctionnement de la CPI. L'indépendance de cet organe par rapport au Conseil de sécurité – concernant le déclenchement de procédures contre des personnes suspectées de crimes internationaux – représente l'un des principaux progrès du Statut de Rome. La Résolution 1422 est juridiquement discutable pour deux raisons: premièrement, elle constitue un excès de pouvoir, dans la mesure où la condition posée par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies – à savoir l'existence d'une menace contre la paix et la sécurité internationales – n'était pas remplie; deuxièmement, elle viole le Statut de Rome de la CPI (articles 16 et 27). L'Assemblée considère en effet que l'article 16 n'octroie pas une immunité générale concernant les situations futures et inconnues. Elle rappelle en outre que l'article 27 du même instrument interdit expressément toute distinction fondée sur la qualité officielle afin de ne placer personne au-dessus des lois. L'Assemblée considère que cette règle devrait également s'appliquer aux personnes participant à des opérations de maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies, quelle que soit leur nationalité.

L'Assemblée déplore la campagne actuellement menée par les Etats-Unis pour convaincre les Etats parties au Statut de Rome de la CPI, y compris les Etats membres du Conseil de l'Europe, de conclure des accords bilatéraux visant à faire dépendre la coopération de ces Etats avec la CPI (dans les affaires où un citoyen des Etats-Unis est accusé de crimes tombant sous la juridiction de la CPI) de l'accord préalable du Gouvernement des Etats-Unis

L'Assemblée considère ces accords comme contraires au Statut de Rome de la CPI – en particulier à ses articles 27, 86 et 98, paragraphe 2 (qui n'autorise que des exemptions limitées au titre d'accords sur le statut des forces) – et à l'article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités selon lequel les Etats doivent s'abstenir d'actes contraires à l'objet et au but d'un traité

L'Assemblée condamne les pressions exercées sur un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe afin qu'ils concluent un accord de ce type et déplore les demandes contradictoires dont ces pays font l'objet par les Etats-Unis d'une part, et l'Union européenne et le Conseil de l'Europe d'autre part: une situation qui les place devant un faux dilemme entre les solidarités européenne et atlantiste. L'Assemblée considère que chaque pays devrait être libre d'adopter sa position propre à l'égard de la CPI en se fondant uniquement sur des considérations de principe.

L'Assemblée considère qu'il est possible d'interpréter les accords d'immunité bilatéraux de manière suffisamment restrictive pour soumettre le refus de coopération avec la CPI à des conditions strictes, en particulier l'assurance plausible que les personnes suspectées de crimes internationaux au sens du Statut de Rome seront poursuivies par les Etats-Unis eux-mêmes, et de veiller à ce que le champ d'application personnel de ces accords soit compatible avec le libellé de l'article 98, paragraphe 2, du Statut de la CPI.

Par conséquent, l'Assemblée

1. concernant le processus de signature, de ratification et de mise en œuvre
a. appelle de nouveau les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe qui ne l'ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome de la CPI ou à y adhérer;
b. appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe (à l'exception de la Norvège qui a déjà pris les mesures requises) qui ne l'ont pas encore fait à signer et/ou à ratifier le Protocole sur les privilèges et immunités de la CPI;
c. appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe qui ne l'ont pas encore fait à adopter des lois nationales d'application appropriées le plus rapidement possible;
a. concernant les Résolutions 1422 (2002) et 1487 (2003) du Conseil de sécurité des Nations Unies
b. déplore le renouvellement pour une année supplémentaire, voté le 12 juin 2003 par le Conseil de sécurité des Nations Unies par sa Résolution 1487, de sa Résolution 1422 qui demande à la CPI de s'abstenir de poursuivre des crimes au titre du droit international commis dans le cadre d'opérations de maintien de la paix ou autres autorisées par ledit conseil;
c. déplore que les membres du Conseil de sécurité qui sont également membres du Conseil de l'Europe n'aient pas défendu une position commune et sans équivoque en faveur de l'intégrité de la CPI;
d. remercie les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe (en particulier le Canada et la Suisse) qui ont insisté pour que le Conseil de sécurité consacre un débat ouvert à cette question, qui ont exprimé leur position de principe et clairement fait valoir que le renouvellement de la Résolution 1422 ne devrait pas être automatique;
e. s'oppose à tout renouvellement supplémentaire de la soustraction des missions de maintien de la paix à la juridiction de la CPI et invite les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, et plus spécialement ceux disposant d'un siège permanent, à prendre toutes les mesures requises – suffisamment longtemps avant que la question du renouvellement revienne à l'ordre du jour en 2004 – afin d'empêcher un tel renouvellement;
f. encourage la CPI, au cas où la situation rendrait opportune la Résolution 1422 ou le texte analogue qui lui succéderait, à évaluer en toute indépendance la validité juridique et, le cas échéant, l'interprétation précise de toute demande adressée à la CPI en vertu de ladite résolution;
a. concernant les accords d'immunité bilatéraux
b. soutient les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe qui ont refusé de conclure des accords d'immunité bilatéraux pour rester fidèles à leurs principes et félicite tout particulièrement ceux qui sont candidats à l'adhésion à l'Union européenne pour leur solidarité avec la grande majorité des pays européens dans leur soutien de la CPI;
c. encourage les Etats membres et observateurs ayant signé de tels accords (Azerbaïdjan, Israël, Roumanie) à ne pas les ratifier;
d. invite les Etats membres et observateurs ayant ratifié de tels accords (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Géorgie) à les appliquer, selon le cas, de la manière la plus conforme à leurs obligations juridiques en tant que parties au Statut de Rome.