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Résolution 1345 (2003)

Discours raciste, xénophobe et intolérant en politique

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 septembre 2003 (26e séance) (voir Doc. 9904, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. McNamara). Texte adopté par l’Assemblée le 29 septembre 2003 (26e séance).

1. Les électeurs de tous les Etats souverains ont le droit de choisir leurs représentants politiques par des élections démocratiques et libres. L’Assemblée parlementaire observe néanmoins que ce principe n’est ni isolé ni absolu, mais qu’il implique et dépend du respect de la primauté du droit, et de la protection non discriminatoire des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2. Le Conseil de l’Europe est une organisation dont la vocation est de sauvegarder et de promouvoir les trois principes qui précèdent, fondements communs de la liberté, de la justice et de la sécurité. L’appartenance au Conseil de l’Europe implique pour les Etats de protéger et de promouvoir tous les principes de base indivisibles, indissociables et interdépendants de l’organisation. La démocratie est incomplète et la primauté du droit inefficace si les droits de l’homme ne sont pas protégés également et universellement. A cet égard, l’Assemblée rappelle l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée rappelle également les articles 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui imposent aux Etats de mettre en place des dispositions efficaces de lutte contre les violations des droits et des libertés, et de garantir la jouissance sans discrimination des droits et des libertés protégés. L’Assemblée évoque par ailleurs le Protocole no 12 à la CEDH, qui stipule que la jouissance de tous les droits et libertés définis par la loi doit être assurée sans discrimination aucune, ainsi que l’article 17 de la CEDH, qui interdit toute interprétation de la Convention impliquant des limitations de ces droits et libertés disproportionnées par rapport à celles prévues dans ladite Convention.
4. L’Assemblée elle-même formée de représentants nationaux démocratiquement élus, est, en tant que telle, profondément et directement soucieuse de la sauvegarde et de la promotion des libertés et du pluralisme politiques. Elle défend de ce fait sans réserve la protection pleine et entière des droits stipulés dans les articles 10 et 11 de la CEDH, concernant la liberté d’expression ainsi que la liberté de réunion et d’association, sans lesquelles une activité politique démocratique et pluraliste serait impossible.
5. L’Assemblée observe néanmoins que les articles 10 et 11 n’évoquent pas des droits absolus. Il s’agit bien plus de droits qualifiés, dont l’exercice peut être limité par des intérêts publics concurrents, notamment la prévention des troubles à l’ordre public, la protection des principes moraux et celle des droits d’autrui. Ces droits et libertés peuvent ainsi être soumis à des limitations lorsqu’ils sont exercés de façon à causer, à inciter, à promouvoir, à préconiser, à encourager ou à justifier le racisme, la xénophobie ou l’intolérance. L’Assemblée rappelle la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme et approuve les orientations fixées à ce propos par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), dans son document Lignes directrices sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et les mesures analogues 
			(1) 
			Document CDL-INF(2000)1, disponible sur le site http://venice.coe.intet par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri) dans sa Recommandation de politique générale No. 7 sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale 
			(2) 
			Voir http://www.coe.int/T/F/Droits_de_l'homme/Ecri/1-ECRI/default.asp#TopOfPage.
6. L’Assemblée rappelle aussi le Protocole additionnel de 2003 à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, ainsi que la Convention internationale des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), adoptée en 1965.
7. L’Assemblée relève en particulier et soutient pleinement l’inestimable travail de l’Ecri. Elle apprécie également les travaux complémentaires de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes de l’Union européenne (EUMC). L’Assemblée rappelle les travaux de la Conférence européenne contre le racisme d’octobre 2000, notamment ses conclusions et son rapport.
8. L’Assemblée évoque ses propres travaux antérieurs, notamment ses Recommandations 1222 (1993) relative à la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, 1275 (1995) relative à la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance, 1438 (2000) sur la menace des partis et mouvements extrémistes pour la démocratie en Europe, et 1543 (2001) sur le racisme et la xénophobie dans le cyberespace, ainsi que sa Résolution 1308 (2002) sur les restrictions concernant les partis politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. L’Assemblée rappelle également les travaux du Parlement européen concernant le racisme, l’intolérance et la xénophobie, en particulier ses rapports sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans l’Union européenne et les pays candidats. Elle rappelle également les positions adoptées par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies dans ses Résolutions 2002/39, 2001/43 et 2000/40, par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution 55/82 et par le Secrétaire général des Nations Unies dans sa Note A/53/269.
9. L’Assemblée prend note de la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste 
			(3) 
			Voir www.eumc.eu.int. Elle encourage vivement l’extension de l’application de cet instrument à toute l’Europe. Elle soutient pleinement la création d’un organe permanent représentatif des partis politiques de l’ensemble de l’Europe pour contrôler la mise en œuvre de la charte, et estime qu’une coopération avec le Parlement européen est hautement souhaitable à cet égard.
10. L’Assemblée reconnaît que les manifestations de racisme, de xénophobie et d’intolérance dans les discours politiques sont le fait de l’ensemble du monde politique, elles prennent des formes très diverses et sont de gravité variable. En conséquence, l’Assemblée recommande une série de mesures progressives visant à répondre et à faire face à toute la complexité de la situation.
11. De ce fait, l’Assemblée recommande aux partis politiques de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe de signer la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, afin de mettre en œuvre pleinement et effectivement ses dispositions et de coopérer à la création puis aux activités de son organe de supervision.
12. L’Assemblée recommande par ailleurs aux Etats membres:
12.1. de ratifier sans réserve et de mettre en œuvre pleinement, en priorité, le Protocole no 12 de la CEDH;
12.2. de s’assurer que toutes les mesures appropriées existent et s’appliquent pleinement et effectivement à tout incident et comportement lors de discours racistes, xénophobes et intolérants dans la vie politique: par exemple la suspension à titre individuel des hommes/femmes politiques exerçant des fonctions politiques ou publiques, ou, dans les cas plus extrêmes, leur révocation;
12.3. de s’assurer que la législation pénale comporte bien un éventail approprié d’infractions et de sanctions, pleinement et effectivement appliquées, notamment, sans distinction ou hésitation, à l’encontre des hommes/femmes politiques et des partis. Leur forte image publique, leur rôle influent et leur statut privilégié devraient les inciter à faire preuve d’un sens des responsabilités et d’une conscience plus élevés, justifiant ainsi des sanctions plus sévères à leur égard;
12.4. d’instaurer des procédures pénales de suspension, d’interdiction ou de dissolution des groupes et partis politiques comme mesures en dernier ressort dans des cas exceptionnels de discours racistes, xénophobes ou intolérants d’une gravité exceptionnelle. Une attention particulière sera portée à la proportionnalité de ces mesures avec la conduite en question et à leur application sous des procédures garantissant un procès équitable et des sauvegardes efficaces contre l’arbitraire, en pleine reconnaissance des droits et des libertés de la CEDH tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour et en conformité avec les lignes directrices de la Commission de Venise;
12.5. pour les Etats qui ne l’ont pas encore fait, de ratifier sans réserve et de mettre en œuvre pleinement, à la première occasion, la CEDR;
12.6. de donner pleinement et immédiatement effet aux dispositions des recommandations de politique générale de l’Ecri, notamment dans le contexte de la Recommandation de politique générale no 7, et de prendre soigneusement note des commentaires émis par l’Ecri dans ses rapports pays par pays.