Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1363 (2004)

Fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 janvier 2004 (5e séance) (voir Doc. 10049, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), rapporteurs: MM. Eörsi et Kirilov). Texte adopté par l’Assemblée le 28 janvier 2004 (5e séance).

1. A la suite des événements des 22 et 23 novembre 2003, la Géorgie vient d’opérer sa troisième alternance à la tête de l’Etat depuis son indépendance en 1991. Pour la première fois, toutefois, cette alternance s’est déroulée de manière remarquablement pacifique. L’Assemblée parlementaire se félicite de ce que l’ensemble des forces politiques en présence n’ont pas fait usage de la violence et ont conservé la maîtrise des événements.
2. L’Assemblée constate que tant la population géorgienne que la communauté internationale placent de grands espoirs dans la nouvelle coalition au pouvoir et sa capacité à réformer rapidement et durablement le pays, et à le ramener sur la voie du respect des règles démocratiques. Ces espoirs ne doivent pas être déçus.
3. L’Assemblée entend suivre de près l’évolution de la situation politique dans le pays et attend des autorités des avancées concrètes en ce qui concerne tant la préparation des prochaines élections législatives, afin qu’elles se déroulent dans le plein respect des normes démocratiques et aboutissent à l’expression libre de la volonté du peuple géorgien, que l’amélioration durable du fonctionnement institutionnel, afin de garantir un plus grand respect de l’Etat de droit.
4. L’Assemblée attend des autorités géorgiennes qu’elles poursuivent activement un dialogue véritable et constructif avec le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire, et qu’elles relancent le rythme des réformes en accord avec les obligations et engagements que la Géorgie a souscrits en adhérant à l’Organisation, quatre ans et demi auparavant.
5. En ce qui concerne le respect de la démocratie pluraliste, l’Assemblée:
5.1. partage la conclusion de la mission internationale d’observation selon laquelle l’élection présidentielle et les législatives partielles du 4 janvier 2004 constituent un progrès notable par rapport aux précédentes élections, et rapprochent le pays des engagements et normes internationales en matière d’élections démocratiques;
5.2. reconnaît que l’organisation du scrutin dans des délais très courts supposait un effort considérable, tant des autorités que de la communauté internationale, et qui mérite d’être salué;
5.3. reconnaît que les autorités géorgiennes, en particulier la Commission électorale centrale, ont démontré dans l’ensemble une volonté politique forte d’organiser les élections du 4 janvier 2004 convenablement et d’apporter des améliorations au processus électoral;
5.4. constate que des fraudes et des irrégularités ont été commises durant le scrutin du 4 janvier 2004, à des degrés infiniment moindres que celles commises lors du précédent scrutin du 2 novembre 2003, et que des problèmes sérieux persistent, notamment en ce qui concerne la mise à jour des listes électorales, la composition des commissions électorales, les procédures de vote et le non-respect de la confidentialité du vote.
6. L’Assemblée considère que les élections législatives du 28 mars 2004 sont de nature à constituer un véritable test pour évaluer la capacité des autorités géorgiennes à organiser des élections véritablement démocratiques, libres, équitables, transparentes et compétitives, et un meilleur indicateur de l’engagement de la Géorgie à respecter les principes de la démocratie pluraliste. Elle met en garde les autorités et les invite à remédier sans délai aux dysfonctionnements relevés lors du scrutin présidentiel.
7. A cet effet, l’Assemblée demande aux autorités géorgiennes d’adopter sans délai un certain nombre de mesures, qui devront être pleinement mises en oeuvre lors des prochaines élections législatives du 28 mars 2004, notamment:
7.1. d’amender le Code électoral et les autres législations et réglementations électorales, en pleine coopération avec les experts du Conseil de l’Europe et en particulier avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), aux fins:
a. de modifier la composition de la Commission électorale centrale et des commissions électorales des niveaux inférieurs, afin de promouvoir le principe d’une représentation équilibrée, équitable et paritaire de l’ensemble des forces politiques;
b. de simplifier les procédures de vote et de garantir pleinement le principe de la confidentialité du vote;
c. d’assurer une séparation claire entre les structures gouvernementales et l’administration électorale, et d’introduire un principe d’impartialité totale de cette dernière;
7.2. de réviser les listes électorales, en créant dans les meilleurs délais un registre centralisé, unique et informatisé des électeurs, et de mettre définitivement fin à la pratique de l’enregistrement le jour même de l’élection sur des listes supplémentaires, laquelle engendre un risque de fraude considérable.
8. L’Assemblée se déclare en outre préoccupée par la recomposition en cours de la vie politique géorgienne et le risque de voir disparaître toute opposition parlementaire à l’issue des prochaines élections et, par contrecoup, tout contrepoids institutionnel véritable. Si les élections devaient aboutir à la représentation au sein du parlement de la seule coalition au pouvoir, l’Assemblée pourrait nourrir des craintes sur le devenir du pluralisme démocratique en Géorgie. Elle recommande donc aux autorités géorgiennes d’amender la Constitution et la législation correspondante de sorte à ramener le seuil de représentativité du scrutin de liste proportionnel de 7 à au moins 5 %.
9. En ce qui concerne le fonctionnement des institutions et le respect de l’Etat de droit, l’Assemblée:
9.1. se déclare extrêmement préoccupée par les dérives qui ont accompagné l’exercice autocratique du pouvoir en Géorgie pendant des années: le non-respect de l’Etat de droit, la prévalence du népotisme et du clientélisme, la corruption endémique et généralisée à tous les niveaux de l’Etat et de la société, l’absence de mise en oeuvre des lois et la faiblesse des institutions représentatives;
9.2. attend des autorités qu’elles mettent un terme à ces dérives et reviennent à un fonctionnement institutionnel respectueux des normes, principes et valeurs du Conseil de l’Europe;
9.3. prend note de la volonté des autorités géorgiennes d’entreprendre rapidement un certain nombre de changements institutionnels, par le biais d’une réforme constitutionnelle et parlementaire, afin de rationaliser les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif, et de renforcer l’efficacité du travail gouvernemental et parlementaire;
9.4. demande instamment aux autorités géorgiennes de solliciter dans les meilleurs délais l’assistance et l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur le projet d’amendements constitutionnels sans attendre sa finalisation complète;
9.5. se déclare prête à assister le Parlement géorgien dans la révision de son règlement intérieur et dans la restructuration et la réorganisation du travail de ses commissions.
10. En ce qui concerne le respect des engagements de la Géorgie à l’égard du Conseil de l’Europe, l’Assemblée rappelle que, dans la Résolution 1257 (2001) sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie, elle constatait que la Géorgie était loin d’honorer l’ensemble de ses obligations et engagements en tant qu’Etat membre. Elle attend donc des autorités un changement radical d’attitude et qu’elles présentent à l’Assemblée un calendrier précis de mise en oeuvre des engagements, et plus particulièrement:
10.1. en ce qui concerne la lutte contre la corruption, l’Assemblée demande instamment aux autorités géorgiennes de mettre en oeuvre sans délai les recommandations qui lui ont été adressées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, et qu’elles ratifient rapidement la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime;
10.2. en ce qui concerne la réforme des organes chargés de l’application des lois, l’Assemblée demande instamment aux autorités d’y associer étroitement le Conseil de l’Europe et de solliciter rapidement son expertise sur les projets de loi en préparation, notamment ceux relatifs à la police et au parquet; elle attend également des autorités qu’il soit pleinement tenu compte des recommandations et expertises du Conseil de l’Europe précédemment réalisées et à venir sur le Code de procédure pénale.
11. L’Assemblée se déclare, enfin, extrêmement préoccupée par les risques de déstabilisation de la Géorgie sur le plan interne et par les menaces qui continuent de peser sur son intégrité territoriale. Elle déclare son attachement au respect effectif de l’Etat de droit sur tout le territoire de la Géorgie. Elle exhorte les parties en cause à renouer activement le dialogue.
12. Tout en reconnaissant le rôle remarquable de médiateur joué par la Fédération de Russie, notamment par son ministre des Affaires étrangères, Igor Ivanov, dans le règlement pacifique de la crise politique, le 23 novembre 2003, l’Assemblée demande aux autorités russes de respecter l’engagement pris lors du Sommet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Istanbul en 1999 de retirer leurs troupes de Géorgie et de fermer leurs bases militaires. Elle rappelle à cet égard les termes de sa Recommandation 1580 (2002) sur la situation en Géorgie et ses conséquences pour la stabilité du Caucase.
13. En raison du caractère extraordinaire de la transition qui s’est déroulée en Géorgie, l’Assemblée convient qu’il est nécessaire de négocier avec les nouvelles autorités géorgiennes de nouveaux délais aux termes desquels elles seront tenues de respecter les engagements que la Géorgie a souscrits lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, et de revoir ces engagements.