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Résolution 1371 (2004)

Personnes disparues au Bélarus

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2004 (12e séance) (voirDoc. 10062, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Pourgourides). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2004 (12e séance).

1. Depuis plus de deux ans, l’Assemblée parlementaire est préoccupée par les disparitions de Youri Zakharenko, ancien ministre de l’Intérieur (disparu le 7 mai 1999), de Victor Gontchar, ancien vice-président du Parlement du Bélarus (disparu le 16 septembre 1999), d’Anatoly Krassovski, homme d’affaires (disparu en même temps que M. Gontchar), et de Dmitri Zavadski, caméraman de la chaîne de télévision russe ORT (disparu le 7 juillet 2000).
2. Les allégations faites publiquement selon lesquelles ces disparitions s’inscriraient dans un contexte politique ont conduit à la création, en septembre 2002, d’une sous-commission ad hoc de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et à la présentation, en avril 2003, d’une proposition de résolution. L’Assemblée remercie la sous-commission ad hoc et le rapporteur pour le travail minutieux qu’ils ont accompli dans des circonstances difficiles.
3. Les autorités du Bélarus ont refusé que la sous-commission ad hoc se rende à Minsk pour rencontrer des personnes qui ne pouvaient ou ne voulaient pas venir à Strasbourg et ont annulé la deuxième série d’entretiens demandée par le rapporteur lorsqu’elles ont eu connaissance de ses observations préliminaires après avoir intercepté des communications confidentielles entre le Secrétariat et ses contacts à Minsk. L’Assemblée proteste vigoureusement, notamment contre le refus des autorités bélarussiennes d’inviter à Minsk M. S. Kovalev et la sous-commission ad hoc présidée par lui.
4. L’Assemblée exprime son respect pour les responsables et les défenseurs des droits de l’homme du Bélarus qui ont sacrifié leur carrière et ont pris des risques, mettant en jeu jusqu’à leur sécurité personnelle, pour faire avancer la cause de la vérité.
5. Elle remercie les pays qui ont accordé asile et protection à plusieurs de ces responsables, notamment la Fédération de Russie, les Etats-Unis, l’Allemagne et la Norvège, et saisit cette occasion pour rappeler l’importance de l’existence de possibilités concrètes d’asile politique comme dernier recours pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie.
6. L’Assemblée rappelle l’article 1, paragraphe 1, de la Déclaration des Nations Unies de 1992 sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, selon lequel «Tout acte conduisant à une disparition forcée constitue un outrage à la dignité humaine. Il est condamné comme étant contraire aux buts de la Charte des Nations Unies et comme constituant une violation grave et flagrante des droits de l’homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme», ainsi que son article 13, paragraphe 6, qui appelle à la poursuite de l’enquête «tant qu’on ne connaît pas le sort réservé à la victime d’une disparition forcée».
7. Elle note que la Commission des droits de l’homme des Nations Unies prie instamment, au point 2 de sa Résolution 2003/14, adoptée le 17 avril 2003, le Gouvernement du Bélarus:
a. «a. de révoquer ou de suspendre les fonctionnaires chargés de l’application des lois impliqués dans des cas de disparition forcée ou d’exécution sommaire dans l’attente d’une enquête impartiale, crédible et approfondie sur ces cas;
b. de veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour que tous les cas de disparition forcée, d’exécution sommaire et de torture fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale pour que les auteurs soient déférés devant un tribunal indépendant, et pour que, s’ils sont reconnus coupables, ils soient punis d’une manière conforme aux obligations internationales du Bélarus en matière de droits de l’homme.»

L’Assemblée considère que le fait qu’une personne qui a été accusée d’être à l’origine de crimes graves soit, par la suite, chargée, en tant que procureur général, d’enquêter officiellement sur ces mêmes crimes constitue un conflit d’intérêts inadmissible. Dans ces circonstances, l’Assemblée condamne fermement cette nomination.

Sur la base des solides résultats des travaux du rapporteur, qui font la part entre les simples rumeurs et les faits établis par des preuves ou des conclusions fondées, l’Assemblée conclut que les autorités compétentes du Bélarus n’ont pas réellement enquêté sur les disparitions. Au contraire, les éléments réunis par le rapporteur conduisent à penser que des mesures ont été prises au plus haut niveau de l’Etat pour dissimuler les véritables circonstances de ces disparitions et à soupçonner que des hauts responsables de l’Etat pourraient être personnellement impliqués dans celles-ci.

En conséquence, l’Assemblée demande aux autorités exécutives du Bélarus:

1. d’ordonner aux autorités nationales compétentes d’ouvrir une enquête véritablement indépendante au sujet des disparitions mentionnées ci-dessus, après la démission de l’actuel procureur général, M. Cheïman, qui est accusé d’avoir orchestré lui-même ces disparitions dans ses fonctions précédentes, et de tenir les familles des disparus pleinement informées des progrès et des résultats de cette enquête, pour laquelle le Conseil de l’Europe est disposé à apporter toute l’assistance possible;
2. d’ouvrir une enquête criminelle afin de clarifier et, le cas échéant, de sanctionner:
a. la participation alléguée de l’actuel procureur général, M. Cheïman, de l’actuel ministre des Sports et du Tourisme (auparavant ministre de l’Intérieur), M. Sivakov, et d’un haut fonctionnaire des forces spéciales, M. Pavlitchenko, dans ces disparitions;
b. le crime d’entrave à la justice qui pourrait avoir été commis par certains hauts fonctionnaires impliqués dans les enquêtes menées jusque-là et qui ont falsifié, dissimulé ou détruit des preuves en leur possession pour protéger les véritables auteurs de ces crimes.

L’Assemblée invite en outre le Parlement du Bélarus:

1. à nommer une commission d’enquête parlementaire dotée des moyens d’investigation nécessaires;
2. à prendre les mesures qui s’imposent à l’égard du pouvoir exécutif afin de s’assurer que les actions requises au paragraphe 10 ci-dessus soient exécutées, y compris pour ce qui est de la démission de certains hauts responsables accusés d’être impliqués dans les disparitions, de manière à permettre une enquête véritablement indépendante.

L’Assemblée n’estime pas opportun de réexaminer la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus, décidée par le Bureau de l’Assemblée le 13 janvier 1997, tant que des progrès substantiels n’auront pas été réalisés en ce qui concerne ses demandes formulées aux paragraphes 10 et 11 ci-dessus. Aussi longtemps qu’aucun progrès véritable n’aura été accompli au regard du paragraphe 11 ci-dessus, l’Assemblée estime inopportune la présence, même informelle, de parlementaires bélarussiens à ses sessions.