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Résolution 1377 (2004)

Respect des obligations et engagements de l’Albanie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 avril 2004 (15e séance) (voir Doc. 10116, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs: MM. Smorawinski et Søndergaard). Texte adopté par l’Assemblée le 29 avril 2004 (15e séance).

1. L’Assemblée parlementaire se félicite des progrès accomplis par les autorités albanaises, au cours des trois dernières années, sur la voie d’une démocratie pluraliste effective et d’un Etat gouverné par la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme. Elle constate des améliorations dans le fonctionnement des institutions étatiques, notamment avec l’influence croissante du parlement dans la vie politique albanaise. On a assisté, au cours de la période récente, à une tentative sans précédent de dialogue et de coopération entre les partis, qui, bien que fragile et éphémère, a démontré qu’il existait une alternative à la confrontation perpétuelle et à l’obstruction qui ont marqué jusqu’alors la politique albanaise.
2. L’activité législative a connu au cours des dix-huit derniers mois une impulsion qui a abouti à l’adoption de nouvelles lois dans des domaines de réforme clés. Le gouvernement a pris des initiatives à l’encontre des trafiquants d’êtres humains et est parvenu à réduire le niveau de la traite illégale des êtres humains par la mer Adriatique.
3. Sur le plan international, l’Albanie a débuté les négociations en vue de la conclusion d’un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne. Elle a amélioré continuellement ses relations avec ses voisins et joué un rôle constructif en participant à l’effort de la communauté internationale au Kosovo.
4. Toutefois, les progrès accomplis sont compromis par le risque que la criminalité organisée et une partie du milieu des affaires, qui cherchent à profiter des carences de la réglementation et du contrôle, exercent une influence illicite sur la vie publique. Cette menace est renforcée par la faiblesse et l’inefficacité relatives de l’administration centrale, surtout dans des secteurs clés tels que la police, le fisc et les douanes, ainsi que par l’incapacité des autorités à contrôler efficacement les transactions financières et à empêcher le blanchiment de capitaux.
5. Malgré les efforts sérieux déployés par les autorités, la lutte contre la pauvreté et la corruption demeure un défi fondamental pour l’Albanie.
6. Le système judiciaire, à qui devrait normalement revenir le rôle principal dans la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, est faible et inefficace; de plus, son personnel est mal payé, insuffisamment formé et semble être, du moins en partie, corrompu. Cela affecte également l’application des nouvelles lois, en particulier pour ce qui concerne les délits graves.
7. L’incapacité de la police, des procureurs et des juges albanais à retrouver, à arrêter, à poursuivre et à condamner les auteurs d’infractions graves – et plus spécialement les membres des syndicats du crime – ruine la démocratie et la prééminence du droit dans le pays. L’impunité et la liberté d’action dont jouit la criminalité organisée – qui profite d’une administration défaillante et de l’inefficacité du système judiciaire – constituent une menace non seulement pour l’ordre public, mais aussi pour les perspectives économiques et la stabilité politique du pays.
8. Le financement des partis politiques n’est toujours pas réglementé et l’organe chargé de vérifier les déclarations de patrimoine des fonctionnaires vient d’être mis en place, de sorte qu’il lui reste encore à prouver son efficacité.
9. Le gouvernement devrait déployer de sérieux efforts pour améliorer la mise en œuvre des textes de loi importants. Multiplier les lois sans les appliquer correctement est une pratique contre-productive. Le meilleur test de l’action du gouvernement réside non pas dans sa capacité à rédiger des documents mais dans ses réalisations concrètes.
10. Il est essentiel que le parlement déploie plus de vigueur dans son contrôle démocratique de l’action du gouvernement. Cette responsabilité incombe à la fois au parti de la majorité et à celui de l’opposition, lequel devrait prendre clairement position contre les actes violents de protestation à l’égard du gouvernement. L’Assemblée rappelle que les deux principaux partis politiques – le parti démocratique précédemment au pouvoir et le parti socialiste actuellement à la tête du pays – partagent la responsabilité des problèmes et dysfonctionnements auxquels l’Albanie fait face mais aussi celle d’améliorer la situation du pays.
11. L’Assemblée, tout en reconnaissant les améliorations apportées, estime que des progrès supplémentaires s’imposent dans l’organisation et l’administration des élections – notamment en ce qui concerne les registres d’état civil et les listes électorales – ainsi que dans la protection des droits de l’homme, en particulier s’agissant du comportement des policiers.
12. L’Assemblée se félicite de l’ouverture récente d’un Bureau d’information du Conseil de l’Europe à Tirana et du rétablissement d’une présence internationale du Conseil de l’Europe en Albanie. Elle accueille également avec satisfaction la signature, en novembre 2003, d’un nouveau Programme joint du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne pour l’Albanie; elle estime que ce programme devrait aider les autorités albanaises à remplir pleinement les obligations et engagements qui résultent de l’appartenance au Conseil de l’Europe.
13. L’Assemblée félicite les autorités albanaises pour l’ouverture des négociations sur l’accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne. Cependant, l’évolution des relations avec l’Union dépendra aussi nécessairement des progrès réalisés dans des matières relevant du suivi exercé par l’Assemblée. Le respect des engagements et des obligations résultant de l’adhésion au Conseil de l’Europe ne doit donc pas être considéré comme une entrave, mais comme un investissement dans l’avenir de l’Albanie; cette approche devrait inspirer l’attitude des autorités de ce pays à l’égard de la procédure de suivi.
14. En ce qui concerne la lutte contre la corruption et le crime organisé, phénomènes qu’elle considère comme la menace la plus importante pour le fonctionnement des institutions démocratiques et la prééminence du droit en Albanie, l’Assemblée demande aux autorités albanaises:
a. d’adopter une loi sur les conflits d’intérêts, une loi sur le financement des campagnes électorales et une loi sur le fonctionnement des partis politiques;
b. de faire en sorte que l’Inspection supérieure, chargée d’examiner les déclarations de patrimoine des élus et des fonctionnaires, de création récente, apporte rapidement la preuve concrète et convaincante de sa capacité à procéder à une vérification systématique et crédible des avoirs des élus et des fonctionnaires albanais ainsi que de leurs proches;
c. de passer en revue le fonctionnement des services chargés de la surveillance des frontières, de l’administration des douanes et du fisc, ainsi que ceux chargés du contrôle des transactions financières, afin d’accroître leur efficacité dans la prévention du trafic illégal, du blanchiment de capitaux, de la corruption et d’autres activités criminelles analogues;
d. de vérifier que les investissements réalisés en Albanie n’ont pas été financés par des fonds provenant d’activités illégales et du crime organisé;
e. de mettre un terme à la clémence excessive à l’égard de la corruption et des comportements contraires aux règles professionnelles chez les juges et les procureurs. Lorsque la loi le prévoit, les personnes coupables de tels agissements doivent non seulement être relevées de leurs fonctions, mais aussi faire l’objet de poursuites;
f. de veiller à former et à rémunérer correctement les juges et les procureurs, ainsi qu’à les protéger contre les menaces pesant sur leur intégrité physique et professionnelle;
g. d’appliquer plus énergiquement les lois en vigueur sur la traite des êtres humains et de garantir aux victimes l’aide et le soutien requis, y compris la protection des personnes qui acceptent de témoigner contre les trafiquants;
h. de veiller à ce que les lois récentes relatives au tribunal chargé de juger les crimes graves et à la protection des témoins soient appliquées sans délai et de manière efficace et fonctionnelle.
15. En ce qui concerne le fonctionnement des institutions démocratiques, l’Assemblée demande aux autorités albanaises:
a. de passer en revue les lois récemment adoptées et, si cela n’a pas encore été fait, d’obtenir les budgets nécessaires et de prendre toute autre mesure administrative requise pour assurer leur mise en œuvre rapide et effective;
b. de revoir le règlement du parlement en vue de renforcer le contrôle que celui-ci exerce sur l’action du gouvernement, notamment en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre des lois;
c. de créer – sans plus attendre et avant les prochaines élections législatives – un registre d’état civil fiable, qui devra servir de base à une nouvelle liste des électeurs. Outre la réforme de la loi électorale menée en 2003 avec l’aide de la communauté internationale, il est nécessaire de réexaminer l’actuelle organisation des élections afin de limiter le rôle trop étendu des grands partis politiques dans les procédures électorales et d’éradiquer toutes les autres raisons de l’incapacité persistante d’organiser des élections en bonne et due forme, conformes aux normes internationales.
16. En ce qui concerne les droits de l’homme et les libertés fondamentales, l’Assemblée demande aux autorités albanaises:
a. de mettre en place des procédures d’enquête obligatoire pour toute plainte de mauvais traitement ou de torture par la police, d’appliquer sans tarder les recommandations énoncées dans le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture, de poursuivre et d’étendre la formation aux droits de l’homme de la police, et de rendre effectif le transfert de compétence des centres de détention au ministère de la Justice;
b. d’enquêter sur toute allégation d’abus commis à l’encontre des homosexuels et de punir les auteurs de tels actes;
c. d’appliquer rapidement l’ensemble des recommandations formulées dans l’avis de l’année 2002 du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157), par le biais d’un dialogue ouvert avec les groupes minoritaires concernés;
d. d’abroger ou de revoir en profondeur la législation pénale relative à la diffamation et de réformer la législation civile s’y rapportant, pour empêcher toute application abusive;
e. d’améliorer la réglementation relative à l’acquisition et au financement des médias afin d’accroître la transparence et de prévenir toute influence abusive ou indue – sur les médias et à travers eux – de la part des personnes qui les contrôlent financièrement;
f. de mener à terme la transition d’Albania RTV pour que, de chaîne de télévision d’Etat, elle se transforme en un service public de radiotélévision neutre.
17. Eu égard aux engagements formels contractés par l’Albanie lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, l’Assemblée demande aux autorités albanaises de signer et de ratifier sans plus attendre la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148).
18. L’Assemblée considère qu’il est souhaitable de maintenir la procédure de suivi jusqu’à ce que les autorités albanaises aient progressé davantage dans le respect des obligations générales et des engagements particuliers liés à l’adhésion de l’Albanie au Conseil de l’Europe, notamment pour ce qui est d’obtenir des succès tangibles dans la prévention et la répression de la corruption et de la criminalité organisée, de présenter un meilleur bilan dans la mise en œuvre de la législation et d’organiser des élections pleinement conformes aux normes internationales. Les prochaines élections législatives en Albanie devraient être conduites de façon libre et équitable, en plein accord avec les normes établies par le Conseil de l’Europe. Si tel n’était pas le cas, l’Assemblée décide de reconsidérer les pouvoirs de la délégation albanaise, conformément au Règlement de l’Assemblée.