Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1683 (2004)

Les tendances en matière de population en Europe et leur sensibilité aux mesures des pouvoirs publics

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 8 octobre 2004 (32e séance) (voir Doc. 10182, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. Brunhart; et Doc. 10320, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteuse: Mme McCafferty). Texte adopté par l’Assemblée le 8 octobre 2004 (32e séance).

1. En matière de population, l’Europe a atteint un seuil critique. Après un siècle d’accroissement démographique naturel, la perspective pour le siècle à venir est au contraire un déclin naturel et un vieillissement excessif de la population. Une grande partie des pays d’Europe orientale font déjà l’expérience du déclin démographique et de nombreux pays occidentaux vont, selon toute probabilité, connaître le même sort dans un avenir proche. Les pressions migratoires exercées par les pays en développement qui nous entourent persisteront encore longtemps. En dépit de différences d’intensité et de rythme qui persisteront entre les différents pays, toutes les sociétés européennes ont ou auront pour l’essentiel à faire face aux mêmes tendances en matière de déclin et de vieillissement démographiques.
2. En matière de parentalité, il se peut que les individus se satisfassent de ne pas avoir d’enfants ou de n’en avoir qu’un ou deux. La société, par contre, a besoin d’assurer la solidarité et la continuité entre les générations, ce qui nécessite une importante proportion de familles plus nombreuses. Pour ce qui est de la longévité, chacun aspire à vivre longtemps et en bonne santé, mais la société doit fournir un environnement favorable aux personnes âgées, tout en continuant à assurer une équité intergénérationnelle dans tous les domaines de la vie sociale.
3. Les changements récents, actuels et prévisibles en matière de comportement relationnel et de comportement procréateur sont probablement liés à l’interaction complexe des transformations accélérées observées sur les plans économique, culturel, idéologique, social et technologique dans les sociétés avancées, et aucune mesure simple ou unique et à court terme des pouvoirs publics ne pourra apporter la solution.
4. Il convient de noter comme un cas particulier le déclin récent et brutal de la fécondité en Europe orientale, où les changements économiques et politiques qui ont suivi l’effondrement des régimes communistes ont entraîné l’affaiblissement de la situation sociale des femmes et le recul, voire la disparition, des systèmes de protection sociale.
5. Les récents progrès sociaux, culturels, économiques et technologiques ont eu des effets bénéfiques dans de nombreux domaines: la qualité de vie s’est améliorée pour la plus grande partie de la population, l’émancipation et le développement individuels ont progressé, la situation des femmes, notamment, a connu une évolution positive, les activités de loisir se sont développées et diversifiées, la situation sanitaire est meilleure et la longévité augmente. Par ailleurs, la modernisation et les changements récemment intervenus dans la sphère socio-économique n’ont pas permis, dans la plupart des pays, d’instaurer une relation harmonieuse entre vie professionnelle et vie familiale, n’ont pas encore permis de réaliser une véritable égalité des chances entre les femmes et les hommes, ne sont pas parvenus à maintenir ou à créer un environnement effectivement favorable aux enfants et n’ont pas offert la sécurité à long terme dans le monde du travail ni offert aux citoyens âgés mais valides un accès adéquat à l’emploi.
6. Il convient de relever les défis démographiques en matière de déclin et de vieillissement excessif de la population, sans remettre en cause les acquis et les objectifs humains et sociaux fondamentaux des démocraties européennes, y compris, entre autres, la poursuite de l’amélioration de la qualité de la vie, de la progression des taux de participation à l’enseignement supérieur, de la participation des femmes, des jeunes adultes et des jeunes seniors au monde du travail, l’offre d’opportunités d’emploi à long terme, la poursuite de la progression de la longévité, assortie d’un système de protection sociale généreux et équitable.
7. Le programme d’action, adopté lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) du Caire en 1994 par 179 pays, représentait la reconnaissance, par la communauté internationale et tous les pays signataires, dont l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, du fait que l’être humain doit être placé au cœur de toutes les politiques en matière de population, de démographie et de développement durable. Le programme d’action de la CIPD, qui célèbre ses dix ans d’application cette année en 2004, est souvent présenté comme un changement radical, rompant avec les objectifs purement démographiques des années 1960, 1970 et 1980, au profit d’une conception reconnaissant le droit fondamental et légitime de toute personne, notamment des femmes en l’occurrence, de décider elles-mêmes, en toute connaissance de cause, si et quand elles veulent fonder une famille ainsi que le nombre d’enfants et l’espacement des naissances.
8. D’une manière générale, les problèmes démographiques ne connaissent pas de solutions toutes faites et ne peuvent être résolus par des politiques à court terme ou des mesures simples ou de type unique. L’actuelle panoplie de politiques à orientation démographique et familiale s’est dans la plupart des pays révélée insuffisante et/ou inadéquate pour traiter correctement les défis de la démographie européenne. Les politiques dans ce domaine doivent prendre en compte toute la complexité des interactions et de l’interdépendance entre démographie et société. La complexité des processus démographiques et leur interaction avec, virtuellement, tous les domaines sociaux nécessitent dans la plupart des domaines à la fois des politiques d’adaptation et des politiques visant le changement.
9. En l’absence d’une modification profonde des valeurs culturelles, des conditions de vie et du contexte politique présents, il est peu probable que les décennies à venir voient un redressement notable et durable des taux de fécondité actuels.
10. L’Assemblée parlementaire recommande donc au Comité des Ministres:
10.1. d’encourager l’émergence de politiques européennes communes dans le domaine de l’évolution démographique et des questions liées à la démographie;
10.2. de promouvoir des politiques tendant à une plus grande harmonisation de la vie professionnelle et de la vie familiale, particulièrement en faveur des femmes, y compris la création des structures nécessaires pour l’accueil des enfants;
10.3. de prendre en considération les répercussions démographiques des mesures et des recommandations envisagées dans tous les domaines de la vie sociale;
10.4. d’encourager une coopération plus étroite entre les structures internationales de recherche dispersées en Europe pour l’analyse et le suivi de l’évolution démographique et des politiques à orientation démographique;
10.5. de renforcer le Comité européen sur la population (CAHP) du Conseil de l’Europe, en prévision d’une réorganisation et d’un élargissement majeurs de la recherche démographique comparative internationale en Europe;
10.6. de mentionner dans le mandat du Comité européen sur la population le fait qu’il peut être appelé par l’Assemblée parlementaire ou par l’une de ses commissions à produire un bref document d’orientation pouvant servir de base à la rédaction d’un rapport de l’Assemblée ou à titre de contribution à un débat ou une audition de l’Assemblée;
10.7. d’inviter les Etats membres:
a. à réagir aux grands défis démographiques que connaît l’Europe en cherchant également à s’inspirer du programme d’action de la CIPD;
b. à rechercher un consensus général de la société sur les objectifs démographiques et les politiques à orientation démographique;
c. à traiter les problèmes du déclin et du vieillissement excessif de la population sans remettre en cause les acquis et les objectifs humains et sociaux fondamentaux en Europe;
d. à reconnaître que de nombreuses personnes peuvent ne pas souhaiter avoir davantage d’enfants ou fonder une famille et, à cet égard, adapter les systèmes sociaux afin de se conformer à cette nouvelle réalité;
e. à développer des politiques à orientation démographique visant le long terme et prenant dûment en compte les dimensions générationnelle et intergénérationnelle des processus démographiques;
f. à s’attaquer aux causes profondes des tendances démographiques considérées comme posant problème pour la cohésion sociale, et pour la solidarité et la continuité entre les générations;
g. dans l’hypothèse où il serait jugé souhaitable de rapprocher du niveau de remplacement le taux de fécondité actuellement inférieur à ce seuil:
à régler les problèmes de santé qui empêchent les personnes d’avoir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent, à améliorer les conditions sanitaires pour permettre aux personnes de rester fécondes et à s’attaquer aux problèmes de santé menaçants qui peuvent avoir un impact négatif sur les tendances démographiques, comme le VIH/sida;
à poursuivre vigoureusement les politiques d’égalité des sexes et d’émancipation, non seulement pour permettre de combiner plus facilement la maternité et les autres activités, particulièrement d’ordre professionnel, mais aussi pour faire participer les pères au soin et à l’éducation des enfants ainsi qu’aux tâches ménagères, de manière à ce qu’ils partagent pleinement les responsabilités familiales avec leur partenaire;
à s’attacher plus vigoureusement à supprimer les inégalités financières actuellement liées à la parentalité;
à créer un environnement plus favorable aux enfants, plus particulièrement en milieu urbain, et à mettre en place des structures plus nombreuses pour l’accueil des enfants dans tous les domaines de la vie sociale - travail, loisirs, vie associative – afin que les enfants soient à nouveau perçus comme une composante bienvenue de la société;
à promouvoir les valeurs axées sur l’enfant et sur la famille, entre autres en introduisant dans le système scolaire la thématique de la famille et de la démographie;
à repenser l’organisation, sur le cours d’une vie dans son entier, du travail, de la parentalité et de la retraite;
h. dans le domaine du vieillissement de la population:
à adapter le système de protection sociale – régime de pensions, soins de santé et autres prestations financées par des fonds publics – au nouveau régime démographique, de façon à en assurer la durabilité à long terme;
à maintenir les jeunes seniors en activité, en particulier en diversifiant les systèmes de préretraite et l’âge du départ, afin que les travailleurs âgés continuent à faire partie de la population active, mais selon des modalités variables et souples;
à renforcer la solidarité entre les générations en vue de maintenir ou de rétablir l’équité intergénérationnelle en termes d’opportunités et de choix de vie;
i. dans le domaine de l’immigration: à élaborer des politiques globales d’intégration adaptées aux besoins particuliers du pays hôte en matière de main-d’œuvre et à sa capacité d’accueil, dont des mesures destinées à offrir aux immigrants toutes les possibilités de participer et de contribuer à la vie de la société d’accueil.