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Résolution 1444 (2005)

La protection des deltas européens

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 6 juin 2005 (voir Doc. 10542, rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Platvoet).

1. Les deltas des cours d’eau font partie du patrimoine naturel de l’Europe. Les deltas sont des milieux dont la diversité biologique est extrêmement riche, accueillant des milliers d’espèces animales et végétales qui sont souvent rares ou menacées d’extinction à l’échelle de la planète, et bénéficient par conséquent d’une protection internationale. La sauvegarde du potentiel biologique, écologique et scientifique des deltas européens est une question préoccupante parce que les habitats des deltas sont particulièrement sensibles aux modifications de l’environnement. Certains deltas européens subissent la pression des activités humaines et sont gravement menacés.
2. Depuis plus d’une décennie, l’Assemblée parlementaire s’est engagée en faveur du développement durable des deltas européens. Elle rappelle notamment sa Résolution 1021 (1994) relative à la protection et au développement du bassin du Danube, sa Recommandation 1330 (1997) relative au projet de charte européenne du bassin du Danube, sa Recommandation 1668 (2004) sur la gestion des ressources en eau en Europe et sa Recommandation 1669 (2004) sur les bassins versants transfrontaliers en Europe. Elle réaffirme sa ferme conviction et son engagement en faveur de l’utilisation et de la gestion responsables des ressources en eau pour éviter toute dégradation de l’environnement et des habitats naturels des deltas européens.
3. Les communautés locales qui dépendent de l’exploitation traditionnelle des sols et des ressources naturelles devraient être protégées contre les menaces qui pèsent sur leur environnement. De même, le mode de vie traditionnel des communautés locales mérite d’être préservé parce qu’il garantit une intrusion humaine minimale dans l’environnement des deltas. Il convient donc de le promouvoir de préférence à l’agriculture extensive, aux projets industriels ou au tourisme de masse, qui sont autant d’activités susceptibles de provoquer de fortes perturbations et un bouleversement de l’équilibre écologique par l’homme.
4. L’Assemblée parlementaire insiste sur la nécessité de veiller à la consultation, participation et coopération effective de toutes les parties concernées avant la prise de toute décision et sa mise en œuvre entraînant une ingérence humaine dans les écosystèmes des deltas. Elle considère en outre que les deltas transfrontaliers constituent un cas particulier dans lequel une responsabilité internationale peut être engagée. Leur gestion devrait reposer sur une coopération de toutes les parties concernées, permettant de définir les meilleurs choix pour l’environnement, susceptibles de garantir leur développement durable.
5. Le delta du Danube s’étend sur le territoire de la Roumanie (environ 90 %) et de l’Ukraine, et il a été porté sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1991. Il est également une des zones humides les plus vastes d’Europe (626 000 hectares) et un site important de nidification, de ralliement et d’hivernage pour les oiseaux. La Réserve roumaine de la biosphère du delta du Danube a reçu en 2000 le Diplôme européen des espaces protégés du Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée se déclare préoccupée par le projet ukrainien de creusement d’un canal de navigation en eau profonde sur le bras Chilia du Danube, dans le prolongement du canal de Bystroe, qui traverse la réserve de la biosphère de la partie ukrainienne du delta, jusqu’à la mer. Cette initiative pourrait avoir de graves conséquences pour la totalité de l’écosystème du delta du Danube. L’Assemblée est certes consciente de la responsabilité du Gouvernement ukrainien en matière d’amélioration des conditions économiques et sociales des habitants du delta, mais il importe que de telles mesures soient prises dans le cadre d’un développement durable du delta du Danube.
7. Les travaux ont continué malgré les inquiétudes exprimées dans les milieux internationaux à propos de l’impact de ce projet sur l’environnement et au mépris des conventions internationales environnementales pertinentes auxquelles l’Ukraine est partie: la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Convention de Berne, STE no 104), la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (Convention de Bonn), la Convention relative aux zones humides d’importance internationale (Convention de Ramsar), la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus), la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (Convention d’Espoo), la Convention sur la coopération pour la protection et l’utilisation durable du Danube (Convention de Sofia) et la Convention de l’UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.
8. L’Assemblée rappelle également les exigences de la Commission internationale pour la protection du Danube, le Rapport 2004 de la mission d’étude mixte de la Commission européenne et d’autres organisations internationales et le Programme sur l’homme et la biosphère de l’UNESCO.
9. Désireuse de présenter une description équilibrée de la question, l’Assemblée rappelle également que le delta du Danube est en outre menacé par d’autres activités humaines telles que la pollution de ce fleuve en amont et les activités de dragage dans la partie roumaine du delta.
10. Le delta de l’Ebre (33 000 ha), deuxième zone humide en importance d’Espagne, est une région naturelle transformée au cours des siècles par l’action de l’homme. 50 000 personnes y vivent aujourd’hui et 65 % de sa superficie est consacrée à la culture du riz. En 1983, le gouvernement régional de la Catalogne a créé le parc naturel du delta de l’Ebre, qui couvre 7 800 ha.
11. Mais le delta de l’Ebre subit les effets des mesures prises en amont. Près de 150 barrages, et en particulier deux d’entre eux situés dans le cours inférieur de l’Ebre, ont eu pour conséquence grave la retenue des sédiments qui alimentaient autrefois le delta.
12. Le fleuve véhicule par ailleurs des résidus industriels qui peuvent menacer le delta et accueille désormais des espèces exotiques envahissantes qui modifient les écosystèmes. Le delta est aussi confronté à un phénomène de subsidence et d’érosion marine.
13. Le delta du Pô, en Italie, est l’un des plus vastes de la Méditerranée (130 000 ha), dont une grande partie a été reconnue zone humide d’importance internationale en vertu de la Convention de Ramsar et zone de protection spéciale au titre de la Directive «Oiseaux».
14. La région Emilie-Romagne a créé le parc naturel du delta du Pô afin de préserver les ressources naturelles du parc, de protéger le patrimoine culturel du delta et d’identifier des méthodes de gestion innovantes.
15. S’il est vrai que ce parc collabore avec la région Emilie-Romagne, les provinces de Ferrare et de Ravenne et l’Union européenne, la coopération est insuffisante avec la région voisine de Vénétie. De plus, la gestion du delta du Pô relève de nombreuses autorités politiques et administratives ainsi que de différents conseils techniques, ce qui rend difficile toute gestion intégrée.
16. L’Assemblée invite les Etats membres qui possèdent des deltas à prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour en préserver les écosystèmes, et à veiller à une utilisation raisonnable de leurs ressources naturelles, conformément au principe du développement durable, en accordant une attention particulière à la conciliation des objectifs du développement économique et des impératifs de la sauvegarde de l’environnement.
17. L’Assemblée invite les Etats membres et les organisations internationales concernées par les deltas de fleuves à coopérer et à rechercher les meilleures pratiques susceptibles de développer le tourisme vert, une nouvelle activité économique dont bénéficieront les communautés locales dans le cadre d’un développement durable.
18. Elle invite également les Etats membres à prendre des mesures de réduction de la pollution des eaux en instaurant des contrôles stricts des déversements de déchets dans les cours d’eau.
19. S’agissant du delta du Danube, l’Assemblée encourage l’Ukraine, la Roumanie et la Moldova à coopérer pour organiser la meilleure gestion possible du delta, et demande instamment à l’Ukraine:
d’arrêter immédiatement les travaux de construction du canal de navigation en eau profonde jusqu’à ce qu’une étude internationale d’impact sur l’environnement ait été réalisée, et à mettre en œuvre les conclusions de cette étude;
de communiquer une documentation complète sur ce projet de canal à toutes les parties concernées;
d’envisager les alternatives à la construction du canal de navigation en eau profonde;
de respecter les dispositions des accords internationaux auxquels elle est partie, et en particulier:
a. la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe;
b. la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage;
c. la Convention relative aux zones humides d’importance internationale;
d. la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement;
e. la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière;
f. la Convention sur la coopération pour la protection et l’utilisation durable du Danube;
g. la Convention UNESCO pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel;
de se conformer aux recommandations des organisations internationales pertinentes (Commission européenne, Conseil de l’Europe, UNESCO, Commission internationale pour la protection du Danube, etc.) et d’assurer une coopération effective avec la communauté internationale dans la recherche d’une solution responsable, susceptible d’enrayer toute dégradation supplémentaire de l’écosystème du delta du Danube;
d’appliquer les procédures internes nécessaires à l’entrée en vigueur de l’accord entre le ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire de la Moldova, le ministère des Eaux et Forêts et de la Protection de l’environnement de la Roumanie et le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles de l’Ukraine, portant sur la création et la gestion d’une zone protégée transfrontalière entre la Moldova, la Roumanie et l’Ukraine dans les zones protégées du delta du Danube et du cours inférieur du Prout; cet accord a déjà été ratifié par la Moldova et la Roumanie.
20. L’Assemblée invite la Verkhovna Rada d’Ukraine à organiser un débat parlementaire sur les conséquences pour l’environnement du projet de construction du canal de navigation en eau profonde à travers le delta du Danube et sur les alternatives envisageables.
21. S’agissant du delta de l’Ebre, l’Assemblée invite l’Espagne:
à prendre des mesures pour arrêter la régression du delta, notamment en permettant l’apport de sédiments, ainsi que pour préserver son potentiel environnemental et culturel;
à créer une agence pour la coopération et la coordination des activités dans le delta, qui réunirait toutes les administrations, autorités et secteurs économiques concernés;
à encourager le gouvernement régional de la Catalogne à envisager une extension du parc naturel du delta de l’Ebre afin qu’il couvre toute la zone du delta, tout en permettant la poursuite des activités traditionnelles, compatibles avec la préservation du delta.
22. S’agissant du delta du Pô, elle invite l’Italie à envisager la mise en œuvre de mesures de gestion intégrée du delta faisant intervenir toutes les administrations et autorités concernées afin de garantir une meilleure sauvegarde de son patrimoine naturel et culturel.