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Recommandation 1724 (2005)
Le Conseil de l'Europe et la politique européenne de voisinage de l’Union européenne
1. L’Assemblée parlementaire déclare reconnaître et soutenir la politique européenne de voisinage (PEV) inaugurée par l’Union européenne (UE) afin de renforcer la stabilité démocratique, la sécurité et le bien-être dans plusieurs Etats voisins de l’UE, ainsi que de prévenir l’apparition d’une nouvelle ligne de partage en Europe.
2. La PEV, qui concerne uniquement les Etats voisins de l’UE ne participant pas aux procédures d’adhésion ou de préadhésion en cours, couvre 15 Etats (Bélarus, Ukraine, Moldova, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Israël, Jordanie, Liban et Syrie) ainsi que l’Autorité palestinienne. Cinq de ces Etats sont membres du Conseil de l’Europe, et le parlement de l’un d’eux jouit du statut d’observateur auprès de l’Assemblée parlementaire. Bien que n’étant pas couverte par la PEV, la Fédération de Russie sera associée à certains programmes de partenariat dans le cadre du partenariat stratégique entre la Russie et l’UE.
3. La PEV donne à ces pays la possibilité d’entretenir avec l’UE des relations privilégiées et de plus en plus étroites, qui se traduiront notamment par un large degré d’intégration économique et de coopération politique en échange de mesures concrètes allant dans le sens de la réforme économique, de la bonne gouvernance, de la protection des droits de l’homme, de la démocratie et de la primauté du droit.
4. Il est important de tenir compte du fait que l’Europe de l’Est ne représente pas, économiquement et institutionnellement, une terre en friche ou une «tache blanche». Les pays de la région maintiennent entre eux des relations économiques et commerciales stables, notamment dans le cadre des accords et institutions interétatiques, tels que l’Espace économique commun et l’Union économique euro-asiatique. Une stratégie équilibrée dans le cadre de la PEV devrait se fonder sur une coopération constructive avec ces institutions et non sur les tentatives visant à semer la discorde entre elles ou bien à mettre les Etats de l’ancienne Union soviétique devant le dilemme – faire partie des structures indépendantes ou se rapprocher de l’UE.
5. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont déclaré à maintes reprises qu’ils partageaient les mêmes valeurs et les mêmes principes, et qu’ils poursuivaient des objectifs communs concernant la démocratie, la primauté du droit ainsi que les droits de l’homme et les libertés fondamentales. L’Assemblée rappelle que la Convention européenne des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe est le seul instrument juridiquement contraignant en Europe dans le domaine de la protection des droits de l’homme pour les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris ceux qui sont membres de l’Union européenne.
6. L’Assemblée estime donc que la PEV doit se fonder sur la coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, et que cela suppose que la PEV intègre pleinement les valeurs et les normes du Conseil de l’Europe, et qu’elle ait recours aux compétences spécialisées de ce dernier dans les domaines où il excelle. L’absence de coordination non seulement aboutirait à des chevauchements d’activités, mais, pire, elle créerait le risque d’envoyer des messages politiques incohérents aux pays concernés et surtout à ceux qui ont souscrit des engagements spécifiques en tant que membres du Conseil de l’Europe.
7. L’Assemblée rappelle que le 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu à Varsovie les 16 et 17 mai 2005, a confirmé la volonté des dirigeants européens d’éviter le chevauchement des activités conduites par les principales organisations internationales qui opèrent sur le continent européen. Cela passe par une définition claire des domaines de compétence de chacune des organisations, ainsi que par le respect mutuel de l’expérience que chacune a acquise dans ces domaines.
8. Les relations entre le Conseil de l’Europe et l’UE – au vu, notamment, d’un rapport que rédige actuellement M. Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg, et qui doit servir de base au futur mémorandum d’accord entre les deux organisations – peuvent fournir une indication importante de la détermination des dirigeants européens et de leur volonté politique de donner corps à leurs déclarations.
9. Une coopération fructueuse existe depuis longtemps entre les deux organisations. Cependant, certains faits récents relatifs à la création d’une Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ont de quoi faire craindre des chevauchements entre l’une et l’autre.
10. La poursuite des objectifs économiques et politiques ultimes de la PEV repose sur un même attachement aux valeurs communes concernant la primauté du droit, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et la promotion de bonnes relations de voisinage, valeurs inscrites dans les plans d’action auxquels a souscrit chaque pays concerné. Ce sont là les domaines d’excellence du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée signale que le Conseil de l’Europe sait depuis longtemps assister dans leurs efforts les Etats ayant pris l’engagement de mettre en place des systèmes démocratiques durables. Cela consiste à élaborer des stratégies nationales, à déterminer les mesures à prendre, à établir une législation, à fixer des délais pour l’adhésion aux instruments juridiques internationaux, à appliquer des procédures de suivi et à mettre en œuvre des programmes ayant pour but de consolider la démocratie et l’Etat de droit, et à assurer le respect des droits de l’homme.
12. Le Conseil de l’Europe suit les obligations et engagements spécifiques de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe auxquels s’applique la PEV, dès leur adhésion. Le respect par ces pays de leurs obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe devrait être une condition préalable sine qua non à toute intégration européenne plus poussée au sein de la PEV.
13. En outre, les pays non membres du Conseil de l’Europe concernés par la PEV le sont aussi par l’engagement du Conseil de l’Europe à développer le dialogue avec eux à la suite de la décision prise au 3e Sommet d’intensifier les contacts interculturels et interreligieux. Cela intéresse particulièrement les pays du sud de la Méditerranée et ceux du Proche-Orient. Le Conseil de l’Europe pourrait devenir une tribune utile pour un dialogue fondé sur le partenariat.
14. Il y a déjà eu de nombreux contacts avec les pays de ces régions, en particulier au niveau parlementaire. Le projet de forum tripartite entre les parlementaires de la Knesset, le Conseil législatif palestinien et l’Assemblée parlementaire offre un bon exemple de coopération. Une nouvelle intensification de ces relations pourra déboucher sur l’élaboration d’un statut spécial qui permettrait de resserrer la coopération avec les pays extra-européens.
15. L’Assemblée note avec satisfaction que dans sa Résolution «L’Europe élargie – Voisinage: un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud (P5_TA(2003)0520)», le Parlement européen ne fait pas seulement explicitement allusion aux mécanismes du Conseil de l’Europe sur la base desquels pourraient être construites des relations avec certains pays couverts par la PEV, mais il insiste également clairement sur la mise en place d’une coopération avec le Conseil de l’Europe.
16. Si l’on veut que l’engagement pris par les dirigeants européens d’assurer la complémentarité des organisations européennes ne reste pas lettre morte, il faut que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne concluent un accord politique selon lequel les valeurs et les normes du Conseil de l’Europe doivent être pleinement reconnues dans les plans d’action de la PEV. En outre, les compétences spécialisées, les procédures de suivi et le savoir-faire du Conseil de l’Europe en matière d’assistance devraient être largement mis à contribution pour l’application de la PEV.
17. C’est pourquoi l’Assemblée demande au Comité des Ministres :
17.1. d’insister auprès des autorités compétentes de l’Union européenne afin d’établir une coopération concrète en vue d’institutionnaliser la contribution du Conseil de l’Europe à la PEV et de donner à cette contribution une reconnaissance politique appropriée, et en particulier :
17.1.1. de présenter des projets concrets quant à la contribution que le Conseil de l’Europe apportera à la PEV sur la base de plans d’action prenant en compte les objectifs des deux institutions ;
17.1.2. pour les Etats concernés par la PEV qui sont membres du Conseil de l’Europe, de faire du respect des engagements et des obligations à l’égard du Conseil de l’Europe une condition préalable à toute intégration européenne plus poussée ;
17.1.3. d’intensifier la coopération et la répartition des tâches avec l’UE dans ce domaine, notamment en vue d’élaborer davantage de programmes communs de coopération visant à consolider la démocratie dans les pays couverts par la PEV de manière à apporter les connaissances et les expertises du Conseil de l’Europe en tant que valeur ajoutée ;
17.2. de nouer des relations plus spécifiques avec les Etats non membres concernés par la PEV, et en particulier :
17.2.1. d’envisager une redéfinition du statut d’observateur ou d’établir un statut spécial de membre associé pour permettre à certains Etats non membres de travailler plus étroitement avec le Conseil de l’Europe s’ils répondent à certains critères de développement démocratique ;
17.2.2. d’élaborer des programmes de coopération spécifiques pour ces pays ;
17.2.3. d’envisager la possibilité d’ouvrir aux Etats non membres certains accords et conventions auxquels ils n’ont pas encore accès ;
17.2.4. d’établir des contacts avec la société civile des pays couverts par la PEV.
18. De plus, l’Assemblée demande au Parlement européen :
18.1. de soutenir
l’initiative du Conseil de l’Europe visant à l’institutionnalisation de la contribution du Conseil de l’Europe à la PEV ;
18.2. de proposer aux instances compétentes de la Commission européenne que les tâches concrètes d’assistance et de suivi dans le cadre du processus de démocratisation dans les Etats concernés par la PEV soient confiées au Conseil de l’Europe ;
18.3. d’élaborer des programmes de coopération communs.
19. L’Assemblée demande au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe d’intensifier ses contacts avec les collectivités locales et régionales des Etats non membres couverts par la PEV.
20. L’Assemblée demande au commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de nouer des contacts avec les Etats non membres couverts par la PEV en vue d’une future coopération dans le domaine de la protection des droits de l’homme.
21. L’Assemblée demande à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) d’offrir son assistance en vue de réformes législatives et constitutionnelles axées sur la mise en place d’institutions démocratiques autosuffisantes dans les pays couverts par la PEV.
22. L’Assemblée demande au Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) du Conseil de l’Europe d’intensifier son action dans les Etats non membres couverts par la PEV.
23. L’Assemblée décide :
23.1. de coopérer étroitement avec le Parlement européen dans ce domaine ;
23.2. d’intensifier ses contacts et sa coopération avec les parlements des Etats non membres couverts par la PEV, et de créer et mettre en place des programmes de formation pour ces parlements ;
23.3. d’instaurer avec ces parlements un dialogue axé sur les valeurs démocratiques ;
23.4. d’évaluer les contacts existant déjà avec ces parlements en vue d’élaborer des accords de coopération ;
23.5. d’utiliser les accords de coopération d’une façon dynamique afin de favoriser le resserrement des relations ;
23.6. d’inviter ses membres délégués par les parlements nationaux de pays de l’UE à presser leurs gouvernements d’honorer les engagements pris au 3e Sommet en ce qui concerne la complémentarité des organisations européennes.
24. L’Assemblée décide de travailler étroitement avec des institutions auxquelles elle sert de tribune parlementaire – telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) – afin de faire en sorte que la PEV donne le maximum de résultats et que les fonds considérables qui vont être accordés soient utilisés de manière optimale.