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Résolution 1479 (2006)

Les violations des droits de l’homme en République tchétchène: la responsabilité du Comité des Ministres à l’égard des préoccupations de l’Assemblée

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 janvier 2006 (4e séance) (voir Doc. 10774Doc. 10774, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Bindig). Texte adopté par l’Assemblée le 25 janvier 2006 (4e séance).

1. L’Assemblée parlementaire souligne que la protection des droits de l’homme constitue la tâche essentielle de toutes les instances du Conseil de l’Europe, et rappelle ses précédentes Résolutions 1323 (2003) et 1403 (2004), et Recommandations 1600 (2003) et 1679 (2004) relatives à la situation des droits de l’homme en République tchétchène.
2. L’Assemblée est profondément préoccupée de constater que bon nombre de gouvernements, d’Etats membres et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe n’ont pas traité le problème des graves violations des droits de l’homme de manière régulière, sérieuse et intensive, alors que de telles violations continuent d’être commises massivement et impunément en République tchétchène et, dans certains cas, dans les régions avoisinantes.
3. L’Assemblée réitère sa condamnation sans équivoque de tous les actes de terrorisme et exprime sa compréhension à l’égard des difficultés que rencontre la Fédération de Russie dans sa lutte contre le terrorisme.
4. L’Assemblée se félicite de ce qu’un certain nombre d’affaires pénales aient été ouvertes et de ce que certains responsables aient été déférés devant un tribunal, et encourage le parquet à intensifier ses efforts. Néanmoins, l’Assemblée constate les progrès insuffisants du bureau du procureur général dans l’élucidation des nombreuses violations des droits de l’homme portées à la connaissance de cet organisme au moyen des rapports qu’elle a présentés précédemment sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène, et dans l’exercice de poursuites efficaces contre leurs auteurs. L’impunité engendre des crimes supplémentaires.
5. Les autorités répressives fédérales et régionales doivent enquêter efficacement sur les nombreuses allégations précises et bien documentées de disparitions forcées, de meurtres et de torture que des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme ont portées à l’attention de l’opinion publique internationale et de l’Assemblée au cours des derniers mois. En outre, les autorités doivent autoriser la publication des rapports de toutes les visites du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), et publier les initiatives et les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du CPT.
6. Il faut insister sur les crimes commis contre des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des procureurs, des juges, des médecins légistes et d’autres représentants de la loi, ainsi que contre des requérants devant la Cour européenne des Droits de l’Homme et des membres de leur famille. Il est intolérable que des représailles exercées contre des requérants devant la Cour de Strasbourg aient lieu et demeurent impunies.
7. L’Assemblée se félicite de l’adoption récente d’une loi permettant la mise en place de commissions d’enquête, et prie instamment la délégation russe à l’Assemblée de demander la création, au sein de la Douma, d’une commission chargée d’enquêter sur les raisons pour lesquelles les forces de l’ordre n’ont pas arrêté les individus responsables des graves violations des droits de l’homme, au sujet desquelles l’Assemblée possède des renseignements.
8. En outre, les autorités russes doivent prendre des mesures concrètes pour résoudre la question des personnes portées disparues, en particulier en introduisant des systèmes efficaces d’identification et d’enregistrement des corps retrouvés, et pour rendre ces informations publiques.
9. L’Assemblée craint que la manière excessivement rude dont les forces de sécurité agissent dans la région ne contribue en rien à y restaurer l’ordre et le respect de la loi. Cela ne fait, au contraire, que susciter davantage de désespoir et de violence, donc d’instabilité.
10. Rappelant les principes humanitaires et juridiques du Conseil de l’Europe, l’Assemblée condamne fermement les violations des droits de l’homme commises dans la lutte contre le terrorisme, dont on sait depuis plus de dix ans qu’elles sont non seulement illégales, mais aussi tout à fait inefficaces.
11. Elle souligne que, afin de prévenir de futures graves violations des droits de l’homme, tous les organes chargés du maintien de l’ordre opérant en République tchétchène devraient se voir adresser, de la part des plus hautes autorités, des ordres supplémentaires relatifs au respect des droits humains fondamentaux lors des opérations menées. Cela est particulièrement vrai pour certaines milices tchétchènes.
12. A la fois le processus démocratique et la lutte contre l’impunité doivent bénéficier du travail d’organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, fortes et indépendantes. L’Assemblée est préoccupée par le fait que la loi récemment adoptée sur le statut juridique des organisations de la société civile ne réponde pas aux critères du Conseil de l’Europe. L’Assemblée est également préoccupée par des informations faisant état de cas de harcèlement administratif et judiciaire à l’encontre de certaines organisations non gouvernementales et, conformément à sa Résolution 1455 (2005) sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie, appelle une nouvelle fois le Gouvernement russe à donner aux ONG la possibilité d’accomplir leur importante mission en créant les conditions administratives, fiscales et politiques nécessaires à un fonctionnement normal de la société civile russe.
13. L’Assemblée exhorte le Gouvernement russe à mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations formulées par les organes et les mécanismes du Conseil de l’Europe, ainsi que par ceux de l’ONU.
14. Etant donné la gravité des violations des droits de l’homme en République tchétchène, l’Assemblée est très mécontente des réponses du Comité des Ministres à ses recommandations. Elle regrette en particulier:
14.1. que le suivi par le Comité des Ministres de la situation des droits de l’homme en République tchétchène, lancé par le Secrétaire Général en juin 2000, soit au point mort de facto depuis le printemps 2004, malgré les appels répétés de l’Assemblée en faveur d’une intensification de cet exercice;
14.2. que le Comité des Ministres n’ait engagé aucune «action spécifique» pour se conformer à la Déclaration de 1994 sur le respect des engagements pris par les Etats membres du Conseil de l’Europe, après que l’Assemblée l’eut formellement saisi de la Recommandation 1600 (2003). Une telle omission est d’autant plus inadmissible que l’Assemblée avait actionné pour la première fois le mécanisme créé à cette fin par le Comité des Ministres lui-même.
15. L’Assemblée redoute que le Conseil de l’Europe perde en crédibilité à cause du manque de véritable réaction de son organe exécutif face à la plus grave situation des droits de l’homme touchant l’un de ses Etats membres.