Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1495 (2006)

Combattre la résurgence de l’idéologie nazie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 12 avril 2006 (13e séance) (voir Doc. 10766, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Margelov). Texte adopté par l’Assemblée le 12 avril 2006 (13e séance).

1. En mai 1945, les Alliés ont triomphé du régime allemand nazi et mis fin au national-socialisme de Hitler, le régime le plus cruel et le plus barbare que l’Europe ait jamais connu.
2. Au-delà de la défaite des armées nazies, la victoire des Alliés était un triomphe sur la doctrine nazie et xénophobe de l’«inégalité naturelle» des races, selon laquelle les individus de «sang allemand» appartenaient à la «race des seigneurs», promise à un destin particulier et héroïque, et avaient donc le droit, dans leur recherche d’«espace vital», de soumettre, dominer ou exterminer les autres «races» et peuples.
3. L’Assemblée parlementaire rend un hommage particulier à tous ceux qui ont glorieusement combattu dans les rangs de la coalition anti-Hitler et sauvé l’humanité de «l’ordre nouveau» nazi. Les Européens reconnaissants n’oublieront jamais leur courage et leurs sacrifices grâce auxquels notre continent a été libéré du régime nazi. Cela a permis d’ouvrir la voie au développement d’une communauté de nations libres, souveraines et pacifiques en Europe de l’Ouest après la seconde guerre mondiale. Plusieurs parties de l’Europe ont été davantage opprimées sous les autorités communistes. Les changements en Europe de l’Est leur ont donné une chance de rejoindre la communauté d’Etats fondée sur la démocratie et la primauté du droit.
4. L’Assemblée est profondément peinée par la disparition des millions de victimes innocentes de l’agression nazie et des politiques raciales. Les horreurs de la Shoah et les plans et politiques nazis d’extermination physique ou d’asservissement de nations entières ne doivent jamais tomber dans l’oubli.
5. L’Assemblée déplore les morts et les souffrances de millions d’êtres humains, civils et militaires, en Allemagne nazie et dans ses pays satellites, otages des actes et politiques criminels de leurs dirigeants.
6. Le caractère criminel des politiques et actions nazies a été prouvé de manière accablante et irrévocablement condamné par le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1945-1946. Les figures principales du parti et de l’appareil d’Etat nazis ont été reconnues coupables de crimes massifs contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Les principales composantes de la machine nazie de meurtres de masse, comme les instances dirigeantes du parti nazi – la Gestapo, le SD (service de sécurité) et les SS –, ont été déclarées organisations criminelles.
7. Les arrêts du Tribunal de Nuremberg gardent une grande importance historique. Les principes reconnus par le tribunal sont l’une des pierres angulaires du droit international moderne et ont conduit à l’élaboration d’instruments juridiques internationaux majeurs, tels que la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), la Convention des Nations Unies sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (1968), les Conventions de Genève sur le droit de la guerre (1949) et leur protocoles additionnels (1977), et la Convention européenne des Droits de l’Homme (1949, STE no 5), ainsi que la création d’institutions pour la mise en œuvre effective et l’arbitrage de ces droits, comme la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, la Cour européenne des Droits de l’Homme, les tribunaux criminels spéciaux et la Cour pénale internationale.
8. L’Europe moderne a été conçue sur la base d’un rejet total des idées et principes nazis, pour exclure que des crimes aussi effroyables que ceux commis par le régime nazi au nom de la «supériorité raciale» puissent se reproduire. Le Conseil de l’Europe, en sa qualité d’organisation politique européenne la plus ancienne, ayant pour mission de protéger et de favoriser la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit, est investi d’une responsabilité particulière dans l’action qui vise à prévenir la résurgence de l’idéologie nazie.
9. Eu égard à ce qui précède, l’Assemblée s’inquiète vivement de certaines évolutions indiquant que le public est moins conscient des dangers de l’idéologie nazie et que le rejet de cette dernière par la société s’affaiblit.
10. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par:
10.1. les cas de profanation de mémoriaux et de tombes de soldats de la coalition anti-Hitler;
10.2. des tentatives pour réhabiliter, justifier, voire glorifier, ceux qui ont participé à la guerre au côté des nazis, notamment des groupes déclarés organisations criminelles par le Tribunal de Nuremberg;
10.3. la banalisation de l’usage de symboles nazis tels que la swastika fasciste, les drapeaux, les uniformes et autres emblèmes qui font clairement référence au nazisme;
10.4. la négation ou la relativisation des crimes commis par le régime nazi, en particulier de la Shoah.
11. De plus, l’Assemblée s’inquiète au sujet de phénomènes politiques et sociaux, qui, tout en ne faisant pas référence directe au nazisme, devraient être perçus à la lumière de son idéologie, tels que:
11.1. le nombre croissant de manifestations d’intolérance raciale, ethnique et religieuse dans la vie quotidienne, comprenant, entre autres, la profanation de cimetières juifs et des attaques à l’encontre de sites religieux;
11.2. des démarches pour créer, par le biais des médias, une perception négative de certains groupes ethniques ou religieux;
11.3. l’audience grandissante de partis et mouvements politiques dont le programme est xénophobe.
12. En outre, l’Assemblée s’alarme de constater que ces manifestations ne font pas toujours l’objet d’une attention et d’une réaction suffisantes des dirigeants politiques, et que l’opinion publique semble aujourd’hui plus réceptive aux idées racistes, xénophobes et extrémistes.
13. Dans ce contexte, l’Assemblée juge nécessaire de rappeler que les idées de Hitler, si intolérables qu’elles paraissent actuellement, ont eu des sympathisants et des appuis dans de nombreux pays européens.
14. L’Assemblée estime urgent de dynamiser une action coordonnée pour résister aux efforts qui tendent à faire revivre l’idéologie nazie, pour combattre la xénophobie, l’intolérance et la haine à motivations raciales et ethniques, l’extrémisme politique et religieux, et toutes les formes d’action totalitaire. Le Conseil de l’Europe doit jouer un rôle moteur dans ce processus.
15. Dans ce contexte, l’Assemblée se réjouit des actions appropriées menées par différents organes du Conseil de l’Europe, en particulier par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), mais elle est convaincue que, pour obtenir des résultats concrets, ces activités doivent être réorientées pour permettre une implication plus large de la société.
16. L’Assemblée décide d’organiser une conférence internationale pour analyser de manière approfondie la résurgence des phénomènes racistes et nationalistes dans les sociétés européennes, échanger les expériences les plus positives et développer des approches communes afin de combattre la résurgence des idées nazies.