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Résolution 1514 (2006)

Conséquences du référendum au Monténégro

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 juin (22e séance) (voir Doc. 10980, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Lord Russell-Johnston). Texte adopté par l’Assemblée le 29 juin 2006 (22e séance).

1. A la suite du référendum sur le statut du Monténégro du 21 mai 2006 et de la déclaration d’indépendance adoptée par l’Assemblée nationale du Monténégro le 3 juin 2006, l’union d’état de Serbie-Monténégro a été dissoute et le Monténégro est devenu un Etat indépendant et souverain, doté d’une personnalité juridique internationale pleine et entière. Cette décision, prise de façon démocratique, doit être respectée.
2. L’Assemblée parlementaire félicite le Monténégro et la Serbie pour le climat pacifique et démocratique dans lequel la dissolution s’est effectuée. Ce processus illustre la volonté des deux Etats de respecter les valeurs européennes, d’autant plus que la création d’Etats indépendants sur le territoire de l’ex-Yougoslavie a été accompagnée de conflits et d’effusions de sang. De même, le Monténégro devrait être félicité pour la bonne organisation de ce référendum, qui s’est tenu dans le respect des normes internationales en la matière.
3. L’Assemblée espère que l’issue du référendum, qui répond favorablement aux aspirations du Monténégro à l’indépendance et qui marque ainsi la fin du processus de dissolution de l’ex-Yougoslavie en tant que fédération, contribuera à la stabilisation régionale des Balkans occidentaux.
4. Les deux Etats concernés vont toutefois devoir faire face, dans les mois à venir, à des défis de taille aux niveaux national et international, et dans leurs relations bilatérales.
5. Le Monténégro va élaborer une nouvelle Constitution et entreprendre la réforme de ses institutions et structures administratives. Un dialogue constructif devra être instauré avec les forces politiques qui étaient favorables au maintien de l’union d’état, qui refusent toujours de reconnaître les résultats du référendum et qui ont boycotté le travail parlementaire. A cet égard, les élections parlementaires prévues pour l’automne prochain seront un test important pour la viabilité démocratique du nouvel Etat indépendant.
6. L’Assemblée est déterminée à aider le Monténégro à relever les défis auxquels il sera confronté, même avant qu’une décision finale soit prise au sujet de sa demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, telle que formulée dans deux lettres adressées par le ministre des Affaires étrangères du Monténégro au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe les 6 et 12 juin 2006. A cet égard, la participation d’une délégation parlementaire ad hoc du Monténégro à la troisième partie de session 2006 de l’Assemblée va dans le bon sens.
7. En outre, l’Assemblée se félicite de l’engagement pris par le Monténégro, dans sa demande d’adhésion, de respecter et de mettre en œuvre l’ensemble des conventions et protocoles du Conseil de l’Europe signés et ratifiés par l’union d’état de Serbie-Monténégro. De même, l’Assemblée salue la décision du Comité des Ministres, à titre provisoire, d’inviter des représentants du Gouvernement du Monténégro à assister à ses réunions et à prendre part, en tant qu’observateurs, à tous les comités intergouvernementaux d’experts.
8. Par ailleurs, l’Assemblée note avec satisfaction la décision de l’Union européenne et de ses Etats membres de développer «leurs relations avec la République du Monténégro, Etat souverain et indépendant», ainsi que l’acceptation récente du Monténégro comme membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et son adhésion aux Nations Unies.
9. L’Assemblée mettra tout en œuvre pour apporter son soutien à la Serbie, là où existe un risque que les défis multiples à affronter en ce moment dans un climat d’instabilité politique puissent accroître le sentiment d’isolement et de frustration parmi les citoyens serbes ainsi que le soutien aux forces nationalistes radicales. Il est temps à présent pour la Serbie de se concentrer sur ses propres priorités: remplacer la Constitution de l’époque Milošević, engager rapidement les réformes nécessaires, résoudre le problème des nouveaux ministères, plus particulièrement ceux des Affaires étrangères et de la Défense, négocier le statut futur du Kosovo et s’occuper des conséquences de la suspension des négociations avec l’Union européenne au sujet de l’accord de stabilisation et d’association (ASA), en raison de son échec à satisfaire aux exigences du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
10. En tant qu’Etat successeur de l’union d’état de Serbie-Monténégro, la Serbie continue à être membre du Conseil de l’Europe. Ses obligations et engagements devront toutefois être réexaminés et redéfinis en tenant compte de la nouvelle situation.
11. Concernant les relations bilatérales entre le Monténégro et la Serbie, l’Assemblée affirme fermement l’importance, pour les deux pays, d’établir des relations d’amitié et de bon voisinage, et de veiller à ce que toutes les questions relatives à la dissolution de l’union d’état soient traitées de la manière la plus constructive et responsable. A cet égard, l’Assemblée se félicite de la reconnaissance de la République du Monténégro par la Serbie, ainsi que de la promesse du Gouvernement serbe d’accorder la citoyenneté serbe aux résidents monténégrins et de permettre aux étudiants monténégrins de poursuivre leurs études dans les mêmes conditions que les Serbes. De son côté, le Monténégro a tenu sa promesse d’autoriser les citoyens serbes à se rendre librement au Monténégro sans visa ni passeport.
12. L’Assemblée note qu’à la suite des pressions de l’Union européenne l’union d’état de Serbie-Monténégro a accepté de fixer pour le référendum un seuil de 55 %, dans le but politique évident de se maintenir. L’Assemblée estime que ce seuil ne devrait pas être considéré comme un précédent pour de futurs référendums et que le Conseil de l’Europe devrait établir des critères communs en matière de référendum, en ce qui concerne aussi bien le taux de participation que le seuil.
13. Eu égard à ce qui précède, l’Assemblée décide:
13.1. en attendant une décision sur l’adhésion du Monténégro au Conseil de l’Europe, d’autoriser la participation à ses activités d’une délégation ad hoc de parlementaires monténégrins, à la demande de celle-ci;
13.2. de poursuivre et d’intensifier son programme d’assistance parlementaire à la Serbie et au Monténégro en l’adaptant aux besoins spécifiques des deux républiques;
13.3. de charger sa commission des questions politiques d’accorder la plus grande attention à la question de la stabilité politique dans l’ouest des Balkans;
13.4. de charger sa commission de suivi:
13.4.1. de revoir et de redéfinir les engagements initiaux de l’union d’état de Serbie-Monténégro, de les rendre applicables à la République de Serbie, en coopération avec les autorités serbes, et de lui faire rapport à ce sujet le plus tôt possible;
13.4.2. de participer à la négociation des engagements que le Monténégro souscrira lors de son adhésion, en tenant pleinement compte des engagements applicables souscrits par l’union d’état en 2003 ainsi que de ceux qui découlent logiquement des obligations initiales et de ceux afférents au Statut du Conseil de l’Europe, lesquels s’appliquent à la présente situation;
13.5. de charger sa commission des migrations, des réfugiés et de la population de continuer à suivre la question des personnes déplacées dans les Balkans et de lui faire rapport le moment venu.
14. L’Assemblée demande également au Monténégro:
14.1. de réformer, en coopération étroite avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, ses institutions et ses structures administratives, en vue de les adapter le plus efficacement et le plus démocratiquement possible à son nouveau statut d’Etat indépendant;
14.2. de veiller à ce que le parlement fonctionne de manière efficace et à ce qu’un esprit de dialogue constructif et ouvert règne entre les forces politiques, y compris celles qui s’opposent aux résultats du référendum;
14.3. d’adopter dès que possible une nouvelle Constitution, en pleine conformité avec les normes européennes et en consultation avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
14.4. d’organiser et de conduire des élections parlementaires libres et équitables sous observation internationale;
14.5. de garantir en droit et en pratique les droits promis aux citoyens serbes;
14.6. de garantir la protection des minorités nationales;
14.7. de veiller à ce qu’il n’y ait aucune lacune dans la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays qui se trouvent sur son territoire, y compris celles originaires du Kosovo, quelle que soit leur origine ethnique, ainsi que des réfugiés, et de prendre toutes les mesures appropriées pour éviter les cas d’apatridie;
14.8. d’achever la réforme de la justice;
14.9. de lutter efficacement contre la corruption, le crime organisé et la traite d’êtres humains;
14.10. d’assurer une pleine collaboration avec le TPIY et de poursuivre les programmes destinés à mieux faire comprendre et accepter ses objectifs par la population;
14.11. de s’efforcer de mettre en place le plus tôt possible toutes les conditions préalables à la signature d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union européenne.
15. En outre, l’Assemblée demande à la Serbie:
15.1. de réformer ses institutions et ses structures administratives pour les adapter au nouveau statut du pays de la façon la plus efficace et la plus démocratique possible, en collaborant pleinement avec le Conseil de l’Europe et avec d’autres organisations internationales;
15.2. d’adopter dès que possible une nouvelle Constitution, dans le plein respect des normes européennes et après consultation de la Commission de Venise;
15.3. en attendant, de ne pas retarder les réformes qui, déjà possibles dans le cadre constitutionnel actuel, sont cruciales pour le respect des obligations et engagements de la Serbie auprès du Conseil de l’Europe, comme celles de la justice et de la décentralisation;
15.4. de trouver des solutions législatives et institutionnelles constructives aux problèmes qui touchent les minorités nationales et entre les groupes ethniques dans différentes régions de la République de Serbie;
15.5. d’assurer une pleine collaboration avec le TPIY et de poursuivre les programmes destinés à mieux faire comprendre et accepter ses objectifs par la population, ainsi que les activités d’éducation et de sensibilisation qui ont pour but de susciter, dans l’opinion publique, une prise de conscience accrue des crimes du régime Milošević;
15.6. de continuer et renforcer la poursuite interne des crimes de guerre;
15.7. d’agir avec détermination pour se conformer à toutes les autres recommandations formulées antérieurement par l’Assemblée dans le cadre de la procédure de suivi de l’ancienne union d’état de Serbie-Monténégro, en particulier celles concernant les médias, les ONG, les communautés religieuses, la réforme de la police, de l’armée et des services de sécurité, la lutte contre la corruption, le crime organisé et la traite d’êtres humains, ainsi que la situation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
16. De plus, l’Assemblée demande au Monténégro et à la Serbie de résoudre l’ensemble des questions liées à la dissolution de l’union d’état de la façon la plus rapide, la plus efficace, la plus démocratique et la plus consensuelle possible.
17. Enfin, elle demande à l’Union européenne:
17.1. de poursuivre son engagement en Serbie, en dépit de la suspension des négociations sur l’accord de stabilisation et d’association, en maintenant les canaux appropriés de dialogue politique et en renforçant son aide financière;
17.2. d’entamer des négociations avec le Monténégro afin de conclure un accord de stabilisation et d’association dès que les conditions nécessaires seront remplies.