Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1525 (2006)
Etablissement d’un pacte de stabilité pour le Caucase du Sud
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
qu’elle se préoccupe depuis fort longtemps de la stabilité démocratique,
de la sécurité et de la prospérité de la région du Caucase du Sud.
Elle suit attentivement l’évolution de la situation dans les trois
républiques du Caucase, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie,
et a largement contribué dans ses domaines d’excellence – à savoir
la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme – à
la transformation démocratique de la région.
2. L’Assemblée note une nouvelle fois avec préoccupation que
les conflits séparatistes de la région n’ont toujours pas trouvé
de règlement politique. Les progrès politiques, économiques et sociaux
des pays du Caucase, tout comme la coopération régionale, paraissent
pris en otage par ces conflits.
3. D’autre part, et sans vouloir s’immiscer dans le processus
de négociations entre les parties en conflit, l’Assemblée est profondément
convaincue d’avoir l’obligation et les moyens d’instaurer autour
des négociations un climat positif, propice à une issue favorable.
Un tel climat pourrait voir le jour si, parallèlement aux négociations
et avec le concours des efforts distincts de promotion interne des
valeurs européennes de la part de chacun des pays du Caucase, toutes
les parties concernées définissaient une perspective de stratégie régionale
de coopération et d’intégration qui serait mise à disposition par
la communauté internationale.
4. En outre, l’Assemblée rappelle son soutien à la politique
européenne de voisinage (PEV), exprimé dans sa Recommandation 1724 (2005) relative à cette question, et se félicite que les trois
républiques du Caucase soient englobées dans cette politique. Le
Conseil de l’Europe contribue de manière importante à la mise en œuvre
des plans d’action concernant les pays de la région.
5. L’Assemblée souligne que le règlement politique des conflits
de la région (y compris ceux concernant le Haut-Karabakh, l’Abkhazie
et l’Ossétie du Sud) est certes nécessaire à tout progrès politique,
économique et social supplémentaire de tous les pays du Caucase,
mais qu’il est impossible de garantir à ceux-ci un avenir prospère
et sûr sans une coopération et une intégration régionales. La coopération
entre ces pays permettrait d’instaurer un climat de confiance propice
au règlement des conflits et à la prévention de nouveaux conflits.
6. L’Assemblée est persuadée qu’une telle coopération régionale
aboutissant à une intégration régionale est également nécessaire
afin d’aider les pays du Caucase à surmonter le handicap que constituent
la taille réduite de leurs marchés nationaux, les disparités de
leurs ressources naturelles et les conditions géopolitiques difficiles
caractérisées par leur situation géographique de zones de transit
pour le pétrole et le gaz, leurs voisins politiques et les controverses
résultant des disparités entre les agendas des principaux acteurs
internationaux de la région. Elle est, par conséquent, convaincue
que la communauté internationale devrait contribuer plus activement
à l’instauration de conditions favorables à des pourparlers politiques
et d’une coopération régionale promue par les institutions à l’issue
de l’éventuelle réussite de ces pourparlers ou parallèlement à ceux-ci.
7. L’Assemblée a examiné attentivement le concept du Pacte de
stabilité pour l’Europe du Sud-Est en vue d’en tirer les enseignements
positifs et de concevoir un éventuel pacte de stabilité pour le
Caucase du Sud, en tenant compte des différences sensibles qui existent
entre ces régions, notamment sur le plan géopolitique, et des problèmes
particuliers qui s’y posent.
8. L’Assemblée n’ignore pas, en effet, que, même si le Caucase
et les Balkans partagent beaucoup de points communs, ils présentent
aussi d’importantes différences, les principales étant les suivantes:
8.1. les «conflits gelés» de la région,
qui font obstacle à son développement démocratique, social et économique,
n’ont pas encore engendré la lassitude des confrontations, qui augmente
l’attrait des règlements pacifiques et des compromis politiques;
8.2. les Etats du Caucase n’ont pas, pour l’instant, la perspective
d’une adhésion à l’Union européenne;
8.3. la communauté internationale n’est pas en mesure de développer
dans la région une présence suffisante pour que les décisions politiques
soient conformes aux impératifs stratégiques de la sécurité régionale,
même s’ils s’opposent aux agendas politiques nationaux à court terme;
8.4. la communauté internationale apparaît plus divisée sur
le statut international et l’avenir politique de la région que dans
le cas des Balkans.
9. A l’évidence, l’instauration d’un pacte de stabilité pour
le Caucase du Sud nécessiterait le soutien intégral et actif de
tous les intéressés. Or, l’Assemblée note que ce concept ne recueille
pas un appui suffisant de la part de toutes les parties concernées
– en particulier les trois républiques du Caucase, mais aussi l’Union européenne,
la Fédération de Russie, la Turquie et les Etats-Unis. Les pays
du Caucase ont le sentiment qu’il faut accorder la priorité à d’autres
points, notamment à la gestion des différents conflits gelés. Les
acteurs internationaux ne sont pas encore prêts à promouvoir une
politique commune dans la région, et se fient donc davantage aux
instruments qu’ils peuvent utiliser dans le cadre de leurs relations
bilatérales avec chacun des pays du Caucase.
10. Toutefois, l’Assemblée note également que, malgré ces réserves,
personne n’exclut qu’une telle option soit valable si les conditions
appropriées sont mises en place, si le contenu du pacte est suffisamment
clair et s’il répond à la fois aux besoins en matière de stabilité
et de sécurité dans le Caucase du Sud en tant que région, et aux
divers intérêts et préoccupations spécifiques des pays concernés
(y compris les principaux acteurs internationaux).
11. Par conséquent, l’Assemblée considère qu’il est nécessaire:
11.1. de formuler les grands principes
et les axes fondamentaux d’un pacte de stabilité pour le Caucase
du Sud afin d’offrir un point de départ à des réflexions internationales;
11.2. de proposer la convocation d’une conférence internationale
sur la sécurité et la coopération dans le Caucase du Sud (CISCCS)
afin d’évaluer le potentiel d’un tel pacte de stabilité, et de proposer
des encouragements et une assistance pour son éventuelle mise en
valeur de la manière appropriée et au moment approprié.
12. L’Assemblée considère également que la conférence internationale
susmentionnée devrait adopter le pacte sous la forme d’une stratégie
commune assortie d’une offre commune pour les Etats du Caucase,
à laquelle contribueraient les acteurs internationaux. Cette stratégie
commune devrait partir de l’identification d’intérêts communs à
tous les peuples et pays du Caucase du Sud, avec la participation
directe de leurs représentants légitimes. Cette solidarité d’intérêts
– au nombre desquels figureraient sans aucun doute des objectifs
tels que la liberté, la sécurité, la prospérité et la dignité durables
– devrait, une fois définie, permettre l’élaboration de projets
communs destinés à assurer la sécurité par la démocratie pluraliste,
et la stabilité par le développement durable.
13. L’Assemblée estime également que les projets communs qui constituent
la substance de la stratégie du pacte de stabilité devraient comporter
des mesures visant à encourager et à faciliter l’intégration régionale
sur la base de la communication, de la consultation, de la création
d’un climat de confiance, de la coordination et de la coopération
entre les acteurs du Caucase du Sud. Dans ce contexte, le Conseil
de l’Europe pourrait mettre en œuvre son savoir-faire dans la promotion
de programmes en faveur du respect et de la coexistence entre les
ethnies, les cultures et les religions, ainsi qu’en faveur de la
mise en place d’une société civile et de partis politiques transcaucasiens.
14. Tant que l’Union européenne ne peut proposer aux pays du Caucase
une perspective d’adhésion, elle devrait leur offrir, conjointement
avec le Conseil de l’Europe, une assistance technique complète et
un soutien financier généreux pour l’adoption et la promotion du
modèle de l’Union européenne dans le Caucase du Sud. Dans un tel
processus, la stratégie d’intégration de la région doit reposer
sur les principes de la subsidiarité, de la solidarité, de la transparence
et de la responsabilité. Elle doit parallèlement promouvoir la libre
circulation des marchandises, des capitaux et des personnes dans
toute la région.
15. L’Assemblée est d’avis que le mécanisme du pacte de stabilité
doit comprendre trois tables rondes – une sur la sécurité, une sur
l’économie et les affaires sociales, et une sur la démocratie et
les droits de l’homme –, chargées d’identifier les priorités régionales
à la lumière des priorités nationales et locales, et de définir
les programmes concrets nécessaires qu’il conviendra, en fonction
de ces priorités, d’affiner suivant les domaines de compétence respectifs.
Les divers programmes doivent tous viser la mise en place graduelle,
à terme, d’un marché intérieur libre du Caucase du Sud, d’une union
économique et monétaire du Caucase du Sud, et d’un espace de sécurité,
de liberté et de justice (y compris sociale) de la région, éventuellement
complétés par une politique fiscale commune et une identité commune
pour la défense.
16. L’Assemblée est persuadée qu’un pacte de stabilité pour le
Caucase du Sud doit réaffirmer le principe d’un retrait total des
forces militaires étrangères du territoire d’un autre pays reconnu
internationalement et proposer un mécanisme de mise en œuvre de
ce principe. Le pacte ne doit pas tenter d’identifier les conflits gelés
existants ou d’imposer des solutions les concernant, mais doit créer
un contexte favorable pour ceux qui sont chargés de trouver ces
solutions, y compris par les programmes de confiance. De ce point
de vue, la CISCCS pourrait lancer un dialogue distinct, au format
approprié, pour la négociation du retrait susmentionné des forces
militaires étrangères, assorti de garanties internationales et de
leur remplacement éventuel par des forces internationales de maintien
de la paix sous le drapeau de l’ONU.
17. L’Assemblée est convaincue que le non-alignement des pays
du Caucase du Sud à une alliance régionale militaire et politique
tierce, autre que celle qu’ils pourraient souhaiter constituer ensemble,
faciliterait la faisabilité et la durabilité de la paix, de la coopération
et de l’intégration de la région. Toutefois, cela ne saurait ni
devrait empêcher les pays du Caucase du Sud d’établir des partenariats
économiques spéciaux, consolidés et élaborés avec des acteurs mondiaux
ou régionaux tels que l’Union européenne. Il conviendrait, dans
de tels partenariats, d’accorder le statut de nation la plus favorisée
aux Etats qui auront contribué à la mise en place du pacte de stabilité
pour le Caucase du Sud. De même, le développement du pacte de stabilité devrait
impliquer des engagements adéquats en matière d’équité et d’égalité
des chances offertes aux parties intéressées par la libre circulation
de marchandises dans la région.
18. Enfin, l’Assemblée recommande la création d’un fonds international
pour le pacte de stabilité pour le Caucase du Sud, alimenté par
des dons publics et privés. Ce fonds pourrait et devrait constituer
l’instrument financier le plus important, le plus efficace et le
plus transparent permettant une mobilisation et une distribution cohérentes
des moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des programmes
et des politiques lancés dans le cadre du pacte et par ce dernier.
19. En outre, l’Assemblée décide de continuer de s’employer à
faciliter la coopération régionale au niveau parlementaire et, en
particulier:
19.1. de poursuivre
les consultations au niveau parlementaire concernant l’instauration
du pacte de stabilité pour le Caucase du Sud et la faisabilité d’une
conférence internationale sur la sécurité et la coopération dans
le Caucase du Sud;
19.2. de progresser dans sa propre réflexion sur cette question;
19.3. d’inviter ses commissions à renforcer leur coopération
avec leurs homologues dans les trois républiques du Caucase du Sud
en vue d’organiser des manifestations régionales conjointes dans
leur domaine de compétence;
19.4. d’intensifier les programmes appropriés d’assistance parlementaire
en faveur de la promotion d’un éventuel pacte de stabilité pour
le Caucase du Sud, qui serait lancé en temps utile.