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Résolution 1525 (2006)

Etablissement d’un pacte de stabilité pour le Caucase du Sud

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 17 novembre 2006 (voir Doc. 11082, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Severin).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle qu’elle se préoccupe depuis fort longtemps de la stabilité démocratique, de la sécurité et de la prospérité de la région du Caucase du Sud. Elle suit attentivement l’évolution de la situation dans les trois républiques du Caucase, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, et a largement contribué dans ses domaines d’excellence – à savoir la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme – à la transformation démocratique de la région.
2. L’Assemblée note une nouvelle fois avec préoccupation que les conflits séparatistes de la région n’ont toujours pas trouvé de règlement politique. Les progrès politiques, économiques et sociaux des pays du Caucase, tout comme la coopération régionale, paraissent pris en otage par ces conflits.
3. D’autre part, et sans vouloir s’immiscer dans le processus de négociations entre les parties en conflit, l’Assemblée est profondément convaincue d’avoir l’obligation et les moyens d’instaurer autour des négociations un climat positif, propice à une issue favorable. Un tel climat pourrait voir le jour si, parallèlement aux négociations et avec le concours des efforts distincts de promotion interne des valeurs européennes de la part de chacun des pays du Caucase, toutes les parties concernées définissaient une perspective de stratégie régionale de coopération et d’intégration qui serait mise à disposition par la communauté internationale.
4. En outre, l’Assemblée rappelle son soutien à la politique européenne de voisinage (PEV), exprimé dans sa Recommandation 1724 (2005) relative à cette question, et se félicite que les trois républiques du Caucase soient englobées dans cette politique. Le Conseil de l’Europe contribue de manière importante à la mise en œuvre des plans d’action concernant les pays de la région.
5. L’Assemblée souligne que le règlement politique des conflits de la région (y compris ceux concernant le Haut-Karabakh, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud) est certes nécessaire à tout progrès politique, économique et social supplémentaire de tous les pays du Caucase, mais qu’il est impossible de garantir à ceux-ci un avenir prospère et sûr sans une coopération et une intégration régionales. La coopération entre ces pays permettrait d’instaurer un climat de confiance propice au règlement des conflits et à la prévention de nouveaux conflits.
6. L’Assemblée est persuadée qu’une telle coopération régionale aboutissant à une intégration régionale est également nécessaire afin d’aider les pays du Caucase à surmonter le handicap que constituent la taille réduite de leurs marchés nationaux, les disparités de leurs ressources naturelles et les conditions géopolitiques difficiles caractérisées par leur situation géographique de zones de transit pour le pétrole et le gaz, leurs voisins politiques et les controverses résultant des disparités entre les agendas des principaux acteurs internationaux de la région. Elle est, par conséquent, convaincue que la communauté internationale devrait contribuer plus activement à l’instauration de conditions favorables à des pourparlers politiques et d’une coopération régionale promue par les institutions à l’issue de l’éventuelle réussite de ces pourparlers ou parallèlement à ceux-ci.
7. L’Assemblée a examiné attentivement le concept du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est en vue d’en tirer les enseignements positifs et de concevoir un éventuel pacte de stabilité pour le Caucase du Sud, en tenant compte des différences sensibles qui existent entre ces régions, notamment sur le plan géopolitique, et des problèmes particuliers qui s’y posent.
8. L’Assemblée n’ignore pas, en effet, que, même si le Caucase et les Balkans partagent beaucoup de points communs, ils présentent aussi d’importantes différences, les principales étant les suivantes:
8.1. les «conflits gelés» de la région, qui font obstacle à son développement démocratique, social et économique, n’ont pas encore engendré la lassitude des confrontations, qui augmente l’attrait des règlements pacifiques et des compromis politiques;
8.2. les Etats du Caucase n’ont pas, pour l’instant, la perspective d’une adhésion à l’Union européenne;
8.3. la communauté internationale n’est pas en mesure de développer dans la région une présence suffisante pour que les décisions politiques soient conformes aux impératifs stratégiques de la sécurité régionale, même s’ils s’opposent aux agendas politiques nationaux à court terme;
8.4. la communauté internationale apparaît plus divisée sur le statut international et l’avenir politique de la région que dans le cas des Balkans.
9. A l’évidence, l’instauration d’un pacte de stabilité pour le Caucase du Sud nécessiterait le soutien intégral et actif de tous les intéressés. Or, l’Assemblée note que ce concept ne recueille pas un appui suffisant de la part de toutes les parties concernées – en particulier les trois républiques du Caucase, mais aussi l’Union européenne, la Fédération de Russie, la Turquie et les Etats-Unis. Les pays du Caucase ont le sentiment qu’il faut accorder la priorité à d’autres points, notamment à la gestion des différents conflits gelés. Les acteurs internationaux ne sont pas encore prêts à promouvoir une politique commune dans la région, et se fient donc davantage aux instruments qu’ils peuvent utiliser dans le cadre de leurs relations bilatérales avec chacun des pays du Caucase.
10. Toutefois, l’Assemblée note également que, malgré ces réserves, personne n’exclut qu’une telle option soit valable si les conditions appropriées sont mises en place, si le contenu du pacte est suffisamment clair et s’il répond à la fois aux besoins en matière de stabilité et de sécurité dans le Caucase du Sud en tant que région, et aux divers intérêts et préoccupations spécifiques des pays concernés (y compris les principaux acteurs internationaux).
11. Par conséquent, l’Assemblée considère qu’il est nécessaire:
11.1. de formuler les grands principes et les axes fondamentaux d’un pacte de stabilité pour le Caucase du Sud afin d’offrir un point de départ à des réflexions internationales;
11.2. de proposer la convocation d’une conférence internationale sur la sécurité et la coopération dans le Caucase du Sud (CISCCS) afin d’évaluer le potentiel d’un tel pacte de stabilité, et de proposer des encouragements et une assistance pour son éventuelle mise en valeur de la manière appropriée et au moment approprié.
12. L’Assemblée considère également que la conférence internationale susmentionnée devrait adopter le pacte sous la forme d’une stratégie commune assortie d’une offre commune pour les Etats du Caucase, à laquelle contribueraient les acteurs internationaux. Cette stratégie commune devrait partir de l’identification d’intérêts communs à tous les peuples et pays du Caucase du Sud, avec la participation directe de leurs représentants légitimes. Cette solidarité d’intérêts – au nombre desquels figureraient sans aucun doute des objectifs tels que la liberté, la sécurité, la prospérité et la dignité durables – devrait, une fois définie, permettre l’élaboration de projets communs destinés à assurer la sécurité par la démocratie pluraliste, et la stabilité par le développement durable.
13. L’Assemblée estime également que les projets communs qui constituent la substance de la stratégie du pacte de stabilité devraient comporter des mesures visant à encourager et à faciliter l’intégration régionale sur la base de la communication, de la consultation, de la création d’un climat de confiance, de la coordination et de la coopération entre les acteurs du Caucase du Sud. Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe pourrait mettre en œuvre son savoir-faire dans la promotion de programmes en faveur du respect et de la coexistence entre les ethnies, les cultures et les religions, ainsi qu’en faveur de la mise en place d’une société civile et de partis politiques transcaucasiens.
14. Tant que l’Union européenne ne peut proposer aux pays du Caucase une perspective d’adhésion, elle devrait leur offrir, conjointement avec le Conseil de l’Europe, une assistance technique complète et un soutien financier généreux pour l’adoption et la promotion du modèle de l’Union européenne dans le Caucase du Sud. Dans un tel processus, la stratégie d’intégration de la région doit reposer sur les principes de la subsidiarité, de la solidarité, de la transparence et de la responsabilité. Elle doit parallèlement promouvoir la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes dans toute la région.
15. L’Assemblée est d’avis que le mécanisme du pacte de stabilité doit comprendre trois tables rondes – une sur la sécurité, une sur l’économie et les affaires sociales, et une sur la démocratie et les droits de l’homme –, chargées d’identifier les priorités régionales à la lumière des priorités nationales et locales, et de définir les programmes concrets nécessaires qu’il conviendra, en fonction de ces priorités, d’affiner suivant les domaines de compétence respectifs. Les divers programmes doivent tous viser la mise en place graduelle, à terme, d’un marché intérieur libre du Caucase du Sud, d’une union économique et monétaire du Caucase du Sud, et d’un espace de sécurité, de liberté et de justice (y compris sociale) de la région, éventuellement complétés par une politique fiscale commune et une identité commune pour la défense.
16. L’Assemblée est persuadée qu’un pacte de stabilité pour le Caucase du Sud doit réaffirmer le principe d’un retrait total des forces militaires étrangères du territoire d’un autre pays reconnu internationalement et proposer un mécanisme de mise en œuvre de ce principe. Le pacte ne doit pas tenter d’identifier les conflits gelés existants ou d’imposer des solutions les concernant, mais doit créer un contexte favorable pour ceux qui sont chargés de trouver ces solutions, y compris par les programmes de confiance. De ce point de vue, la CISCCS pourrait lancer un dialogue distinct, au format approprié, pour la négociation du retrait susmentionné des forces militaires étrangères, assorti de garanties internationales et de leur remplacement éventuel par des forces internationales de maintien de la paix sous le drapeau de l’ONU.
17. L’Assemblée est convaincue que le non-alignement des pays du Caucase du Sud à une alliance régionale militaire et politique tierce, autre que celle qu’ils pourraient souhaiter constituer ensemble, faciliterait la faisabilité et la durabilité de la paix, de la coopération et de l’intégration de la région. Toutefois, cela ne saurait ni devrait empêcher les pays du Caucase du Sud d’établir des partenariats économiques spéciaux, consolidés et élaborés avec des acteurs mondiaux ou régionaux tels que l’Union européenne. Il conviendrait, dans de tels partenariats, d’accorder le statut de nation la plus favorisée aux Etats qui auront contribué à la mise en place du pacte de stabilité pour le Caucase du Sud. De même, le développement du pacte de stabilité devrait impliquer des engagements adéquats en matière d’équité et d’égalité des chances offertes aux parties intéressées par la libre circulation de marchandises dans la région.
18. Enfin, l’Assemblée recommande la création d’un fonds international pour le pacte de stabilité pour le Caucase du Sud, alimenté par des dons publics et privés. Ce fonds pourrait et devrait constituer l’instrument financier le plus important, le plus efficace et le plus transparent permettant une mobilisation et une distribution cohérentes des moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des programmes et des politiques lancés dans le cadre du pacte et par ce dernier.
19. En outre, l’Assemblée décide de continuer de s’employer à faciliter la coopération régionale au niveau parlementaire et, en particulier:
19.1. de poursuivre les consultations au niveau parlementaire concernant l’instauration du pacte de stabilité pour le Caucase du Sud et la faisabilité d’une conférence internationale sur la sécurité et la coopération dans le Caucase du Sud;
19.2. de progresser dans sa propre réflexion sur cette question;
19.3. d’inviter ses commissions à renforcer leur coopération avec leurs homologues dans les trois républiques du Caucase du Sud en vue d’organiser des manifestations régionales conjointes dans leur domaine de compétence;
19.4. d’intensifier les programmes appropriés d’assistance parlementaire en faveur de la promotion d’un éventuel pacte de stabilité pour le Caucase du Sud, qui serait lancé en temps utile.