Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1787 (2007)

Principe de précaution et gestion responsable des risques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 2007 (9e séance) (voir Doc. 11119, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Randegger). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 2007 (9e séance).

1. Jamais l’humanité n’a connu un environnement plus sûr que celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Cela est encore plus vrai dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, où l’espérance de vie est bien plus longue et l’état de santé bien meilleur que ceux de nos ancêtres.
2. Paradoxalement, le sentiment de risque s’est accru et l’opinion publique, en Europe, souhaiterait réduire davantage les risques industriels et technologiques. La multiplication des références – y compris dans les accords internationaux – au principe ou aux mesures de précaution répond à cette attente.
3. Cependant, en l’absence d’une définition unique du principe de précaution et des conditions de son application, le concept reste controversé, difficile à appliquer et parfois inopérant. Il faut par conséquent parvenir à un accord qui permettra de réduire les risques sans pour autant restreindre inutilement la recherche et l’innovation.
4. Le principe de précaution devrait permettre, ou dans certains cas justifier, l’adoption d’une réglementation en l’absence de preuves scientifiques complètes concernant un scénario de risque particulier. Cela ne signifie cependant pas que l’adoption d’une réglementation se justifie s’il n’y a aucune preuve scientifique que des risques existent. Les mesures réglementaires devraient toujours être motivées par des preuves raisonnables – à défaut d’être complètes – de l’existence de risques potentiels importants.
5. Le principe de précaution ne devrait cependant pas conduire à ce qu’un produit ou une activité présentant un risque potentiel soient interdits jusqu’à ce que celui qui propose le produit ou l’activité en question démontre qu’ils ne présentent aucun risque (ou seulement un risque limité). Si une telle interdiction existait, comme certains partisans du principe le souhaitent, la recherche scientifique et le progrès de la science pourraient être gravement menacés. En outre, «en l’absence de preuves scientifiques complètes» signifie qu’il est tout aussi impossible de démontrer l’existence du risque que son absence.
6. L’Assemblée parlementaire est favorable à la plupart des critères énoncés par la Commission européenne dans sa communication du 2 février 2000 sur l’application du principe de précaution: lorsque des mesures relevant du principe de précaution sont jugées nécessaires, elles devraient être proportionnées au niveau de protection recherché, ne pas introduire de discrimination dans leur application, être cohérentes avec des mesures similaires déjà adoptées, être fondées sur un examen des charges et des avantages potentiels de l’action ou de l’absence d’action, et, enfin, pouvoir être réexaminées. L’Assemblée n’est pas favorable, toutefois, à ce que la responsabilité d’apporter des preuves scientifiques incombe à ceux contre qui le principe est invoqué.
7. Les pouvoirs publics devraient respecter la liberté de la recherche et accepter de prendre des risques de manière responsable. L’opinion publique doit être informée si l’on veut qu’elle adhère à cette approche. Une culture de la précaution devrait être encouragée. Des efforts sont nécessaires, tant de la part des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation que de celle de la communauté scientifique et des industriels, en matière de transparence et de communication. Par ailleurs, le principe de précaution ne devrait pas être utilisé pour justifier des mesures de protectionnisme.
8. A cet égard, l’Assemblée rappelle sa Recommandation 1762 (2006) sur la liberté académique et l’autonomie des universités, et sa Résolution 1528 (2006) sur la désaffection des étudiants pour les études scientifiques. Le principe de la liberté académique des chercheurs, des universitaires et des enseignants doit être réaffirmé. La science devrait, aujourd’hui plus que jamais, faire partie intégrante de la culture générale, car elle permet d’entretenir un esprit suffisamment critique pour ne jamais succomber aux discours des faux prophètes. Les efforts entrepris dans ce sens permettent aussi de contribuer à la défense des droits de l’homme, qui est la vocation centrale du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres d’élaborer une recommandation qui:
9.1. demande aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe d’élaborer des politiques visant:
9.1.1. à promouvoir l’éducation scientifique à partir de l’école primaire;
9.1.2. à inclure pleinement la réflexion sur l’éthique et le principe de précaution dans les cursus scientifiques;
9.1.3. à assurer la communication sur la science dans la société;
9.1.4. à encourager l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité dans le domaine de la recherche;
9.1.5. à développer l’évaluation technologique (y compris les méthodes participatives);
9.1.6. à réglementer, chaque fois que nécessaire, les domaines et secteurs spécifiques de la recherche appliquée;
9.1.7. à contrôler l’évaluation et la gestion du risque liées aux projets de recherche;
9.1.8. à communiquer efficacement les résultats des études de risques pertinentes;
9.2. appelle le monde universitaire (institutions de l’enseignement supérieur public et privé):
9.2.1. à inclure pleinement la réflexion sur l’éthique et le principe de précaution dans les cursus scientifiques, afin de promouvoir une culture de la précaution parmi les scientifiques;
9.2.2. à encourager l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité dans le domaine de la recherche;
9.2.3. à engager un dialogue avec les différentes parties prenantes;
9.2.4. à communiquer efficacement les résultats de ses activités;
9.3. appelle les autres instituts de recherche et le secteur industriel des Etats membres:
9.3.1. à étudier les résultats négatifs et bénéfiques possibles des nouveaux produits et activités;
9.3.2. à proposer des mesures de prévention des dommages;
9.3.3. à mener des études d’évaluation du risque et relatives au risque, et à communiquer efficacement leurs résultats;
9.3.4. à développer une culture de la précaution parmi les scientifiques;
9.3.5. à engager un dialogue avec les différentes parties prenantes.
10. L’Assemblée recommande également que les parlements des Etats membres:
10.1. veillent à ce que les principes de la liberté académique des chercheurs, des universitaires et des enseignants et de l’autonomie institutionnelle des universités soient garantis de manière appropriée par la loi ou la Constitution;
10.2. adoptent, s’il n’en existe pas déjà, des procédures parlementaires pour l’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et se mettent en relation avec le Réseau parlementaire européen d’évaluation technologique (EPTA);
10.3. instaurent en tant que priorité la promotion de l’éducation scientifique.