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Recommandation 1787 (2007)
Principe de précaution et gestion responsable des risques
1. Jamais l’humanité n’a connu un
environnement plus sûr que celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Cela
est encore plus vrai dans les Etats membres du Conseil de l’Europe,
où l’espérance de vie est bien plus longue et l’état de santé bien
meilleur que ceux de nos ancêtres.
2. Paradoxalement, le sentiment de risque s’est accru et l’opinion
publique, en Europe, souhaiterait réduire davantage les risques
industriels et technologiques. La multiplication des références
– y compris dans les accords internationaux – au principe ou aux
mesures de précaution répond à cette attente.
3. Cependant, en l’absence d’une définition unique du principe
de précaution et des conditions de son application, le concept reste
controversé, difficile à appliquer et parfois inopérant. Il faut
par conséquent parvenir à un accord qui permettra de réduire les
risques sans pour autant restreindre inutilement la recherche et
l’innovation.
4. Le principe de précaution devrait permettre, ou dans certains
cas justifier, l’adoption d’une réglementation en l’absence de preuves
scientifiques complètes concernant un scénario de risque particulier. Cela
ne signifie cependant pas que l’adoption d’une réglementation se
justifie s’il n’y a aucune preuve scientifique que des risques existent.
Les mesures réglementaires devraient toujours être motivées par
des preuves raisonnables – à défaut d’être complètes – de l’existence
de risques potentiels importants.
5. Le principe de précaution ne devrait cependant pas conduire
à ce qu’un produit ou une activité présentant un risque potentiel
soient interdits jusqu’à ce que celui qui propose le produit ou
l’activité en question démontre qu’ils ne présentent aucun risque
(ou seulement un risque limité). Si une telle interdiction existait,
comme certains partisans du principe le souhaitent, la recherche
scientifique et le progrès de la science pourraient être gravement
menacés. En outre, «en l’absence de preuves scientifiques complètes» signifie
qu’il est tout aussi impossible de démontrer l’existence du risque
que son absence.
6. L’Assemblée parlementaire est favorable à la plupart des critères
énoncés par la Commission européenne dans sa communication du 2
février 2000 sur l’application du principe de précaution: lorsque
des mesures relevant du principe de précaution sont jugées nécessaires,
elles devraient être proportionnées au niveau de protection recherché,
ne pas introduire de discrimination dans leur application, être
cohérentes avec des mesures similaires déjà adoptées, être fondées
sur un examen des charges et des avantages potentiels de l’action
ou de l’absence d’action, et, enfin, pouvoir être réexaminées. L’Assemblée
n’est pas favorable, toutefois, à ce que la responsabilité d’apporter
des preuves scientifiques incombe à ceux contre qui le principe est
invoqué.
7. Les pouvoirs publics devraient respecter la liberté de la
recherche et accepter de prendre des risques de manière responsable.
L’opinion publique doit être informée si l’on veut qu’elle adhère
à cette approche. Une culture de la précaution devrait être encouragée.
Des efforts sont nécessaires, tant de la part des pouvoirs publics
dans le domaine de l’éducation que de celle de la communauté scientifique
et des industriels, en matière de transparence et de communication.
Par ailleurs, le principe de précaution ne devrait pas être utilisé pour
justifier des mesures de protectionnisme.
8. A cet égard, l’Assemblée rappelle sa Recommandation 1762 (2006) sur la liberté académique et l’autonomie des universités,
et sa Résolution 1528
(2006) sur la désaffection des étudiants pour les études scientifiques.
Le principe de la liberté académique des chercheurs, des universitaires
et des enseignants doit être réaffirmé. La science devrait, aujourd’hui
plus que jamais, faire partie intégrante de la culture générale, car
elle permet d’entretenir un esprit suffisamment critique pour ne
jamais succomber aux discours des faux prophètes. Les efforts entrepris
dans ce sens permettent aussi de contribuer à la défense des droits
de l’homme, qui est la vocation centrale du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres
d’élaborer une recommandation qui:
9.1. demande aux gouvernements des Etats membres du Conseil
de l’Europe d’élaborer des politiques visant:
9.1.1. à promouvoir l’éducation scientifique à partir de l’école
primaire;
9.1.2. à inclure pleinement la réflexion sur l’éthique et le
principe de précaution dans les cursus scientifiques;
9.1.3. à assurer la communication sur la science dans la société;
9.1.4. à encourager l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité
dans le domaine de la recherche;
9.1.5. à développer l’évaluation technologique (y compris les
méthodes participatives);
9.1.6. à réglementer, chaque fois que nécessaire, les domaines
et secteurs spécifiques de la recherche appliquée;
9.1.7. à contrôler l’évaluation et la gestion du risque liées
aux projets de recherche;
9.1.8. à communiquer efficacement les résultats des études de
risques pertinentes;
9.2. appelle le monde universitaire (institutions de l’enseignement
supérieur public et privé):
9.2.1. à
inclure pleinement la réflexion sur l’éthique et le principe de
précaution dans les cursus scientifiques, afin de promouvoir une
culture de la précaution parmi les scientifiques;
9.2.2. à encourager l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité
dans le domaine de la recherche;
9.2.3. à engager un dialogue avec les différentes parties prenantes;
9.2.4. à communiquer efficacement les résultats de ses activités;
9.3. appelle les autres instituts de recherche et le secteur
industriel des Etats membres:
9.3.1. à
étudier les résultats négatifs et bénéfiques possibles des nouveaux
produits et activités;
9.3.2. à proposer des mesures de prévention des dommages;
9.3.3. à mener des études d’évaluation du risque et relatives
au risque, et à communiquer efficacement leurs résultats;
9.3.4. à développer une culture de la précaution parmi les scientifiques;
9.3.5. à engager un dialogue avec les différentes parties prenantes.
10. L’Assemblée recommande également que les parlements des Etats
membres:
10.1. veillent à ce que
les principes de la liberté académique des chercheurs, des universitaires
et des enseignants et de l’autonomie institutionnelle des universités
soient garantis de manière appropriée par la loi ou la Constitution;
10.2. adoptent, s’il n’en existe pas déjà, des procédures parlementaires
pour l’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et
se mettent en relation avec le Réseau parlementaire européen d’évaluation
technologique (EPTA);
10.3. instaurent en tant que priorité la promotion de l’éducation
scientifique.