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Résolution 1595 (2008)

Développements concernant le statut futur du Kosovo

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 janvier 2008 (3e et 4e séances) (voir Doc. 11472, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Lord Russell-Johnston; et Doc. 11498, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Omtzigt). Texte adopté par l’Assemblée le 22 janvier 2008 (4e séance).

1. L’Assemblée parlementaire considère que la détermination du statut du Kosovo est un élément fondamental pour assurer la paix et la stabilité à long terme en Europe. La détermination du statut futur du Kosovo est une question politique extrêmement délicate, qui comprend des volets juridiques et relatifs aux droits de l’homme, lourde de conséquences aux échelons régional et international, et qui pose un défi à la communauté internationale. L’Assemblée insiste également sur le besoin pressant d’assurer l’application pleine et entière des normes dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit pour toutes les personnes vivant au Kosovo, quelle que soit leur origine ethnique.
2. Plus de deux années se sont écoulées depuis que le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a décidé que les conditions étaient réunies pour entamer le processus de détermination du statut du Kosovo. En 2005, le CSNU a appuyé la nomination de Martti Ahtisaari, ancien Président de la Finlande, comme envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le processus de détermination du statut futur du Kosovo. Après 15 cycles de discussions, M. Ahtisaari a finalisé un projet de proposition globale pour un règlement de la question du statut du Kosovo, qui a été accepté par Pristina et rejeté par Belgrade. Lorsqu’il a présenté la proposition globale finale au CSNU, il l’a accompagnée d’un rapport recommandant l’indépendance sous supervision comme futur statut du Kosovo.
3. En août 2007, la perspective d’une nouvelle résolution du CSNU étant bloquée en raison des opinions divergentes des Etats disposant du droit de veto sur les propositions de M. Ahtisaari, le Secrétaire général de l’ONU a confié à une troïka émanant du groupe de contact le mandat de faciliter une nouvelle période de négociation de 120 jours. Après six cycles de discussions directes, la troïka a conclu que les parties n’avaient pas pu trouver de compromis.
4. L’Assemblée déplore profondément qu’à ce stade aucune solution mutuellement acceptable n’ait été trouvée. Le dialogue engagé durant cette période a été précieux pour mieux comprendre dans quelle mesure il était possible de parvenir à un accord, notamment sur des questions telles que la protection des minorités nationales, la protection du patrimoine culturel et religieux, et la décentralisation. Cependant, les positions des deux parties en ce qui concerne le statut restent inchangées.
5. L’Assemblée regrette que la nécessité de trouver des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées du Kosovo, qui était initialement une condition préalable aux négociations sur le statut du Kosovo, ne soit plus une priorité dans le contexte actuel. En dépit de certaines améliorations, les conditions de sécurité demeurent très précaires et partiellement imprévisibles, ce qui exclut un retour durable. Jusqu’à présent, seul un très petit nombre de personnes déplacées a été en mesure de prendre le chemin du retour.
6. Dans ses Résolutions 1453 (2005) et 1533 (2007) sur la situation actuelle au Kosovo, l’Assemblée a affirmé l’importance de parvenir à une solution mutuellement acceptable concernant le statut. Cependant, elle s’est toujours souciée de souligner que l’indétermination du statut actuel du Kosovo faisait planer l’incertitude sur la poursuite de la stabilisation politique de l’ensemble de la région, y compris sur ses perspectives d’intégration européenne; cette situation compromet son relèvement économique, influe négativement sur la consolidation d’une autorité politique pleinement responsable et entrave la pleine application des normes pour le Kosovo, ainsi que l’accès des individus à la Cour européenne des Droits de l’Homme.
7. Par conséquent, l’Assemblée conclut que, l’étape la plus récente des négociations n’ayant pas débouché sur un compromis, il convient d’envisager d’autres moyens de poursuivre les discussions sur la base de la Résolution 1244 du CSNU et de parvenir à une solution fondée sur un accord dans un avenir proche, en vue d’empêcher que le Kosovo se transforme en poudrière et devienne à terme un conflit gelé dans les Balkans. Dans ce contexte, l’Assemblée invite les Etats membres du CSNU à faire tout leur possible pour surmonter les différences et trouver le moyen de parvenir en temps utile à un compromis, seul fondement garanti de la paix et de la stabilité dans la région.
8. L’impossibilité de trouver un compromis pendant la durée d’engagement de la troïka ouvre une période de grande incertitude: parmi les scénarios possibles, il n’est pas à exclure que l’Assemblée du Kosovo décide de recourir à une déclaration unilatérale d’indépendance.
9. Dans ce contexte, l’Assemblée est de plus en plus préoccupée par la situation des Serbes et des autres communautés minoritaires au Kosovo, notamment la communauté des Roms, Ashkalis et Egyptiens (RAE). Elle s’inquiète également de la situation des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides du Kosovo – dont le nombre pourrait augmenter à la lumière des développements futurs ayant trait à la détermination du statut – ainsi que des retours forcés au Kosovo. Elle rappelle que des solutions durables devraient être assurées à tous ceux qui souhaitent revenir de leur plein gré, dans la sécurité et la dignité, ainsi qu’à ceux qui n’en expriment pas le désir.
10. L’Assemblée invite instamment les parties intéressées à poursuivre leur action de manière responsable, à maintenir leur engagement à préserver la paix et le dialogue en toutes circonstances, à s’abstenir de toute incitation à la violence et à pleinement respecter les normes du Conseil de l’Europe relatives à la prééminence du droit, aux droits de l’homme et aux droits des minorités nationales.
11. En outre, l’Assemblée invite instamment les parties intéressées, y compris la communauté internationale:
11.1. à respecter pleinement et, si nécessaire, à protéger les droits des Serbes et des autres populations en situation minoritaire au Kosovo, quelle que soit leur appartenance ethnique;
11.2. à accorder de nouveau aux normes pour le Kosovo toute l’attention nécessaire et, dans tous les cas, à développer la coordination entre tous les acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des normes;
11.3. à définir une stratégie claire en faveur de la prééminence du droit et des droits de l’homme, et à la mettre en oeuvre sans plus tarder;
11.4. à traiter les dysfonctionnements bien connus du système judiciaire au Kosovo, ainsi que la question des institutions serbes parallèles au Kosovo, qui portent profondément atteinte à la prééminence du droit dans la région;
11.5. à renforcer l’obligation de rendre compte en cas de violations des droits de l’homme, y compris si ces violations sont le fait des «internationaux» au Kosovo; et
11.6. à renforcer les mécanismes de protection des droits de l’homme au Kosovo, en particulier l’institution du médiateur, qui jouit d’une grande confiance au sein de la population du Kosovo et dont l’indépendance doit être préservée.
12. Enfin, l’Assemblée réitère l’appel lancé aux parties intéressées à coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), à assurer la protection des témoins et à garantir que toutes les violations des droits de l’homme au Kosovo – commises avant et après la mise en place de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo – font l’objet d’enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes, et de poursuites, afin de favoriser la vérité et la justice, et d’ouvrir la voie à la réconciliation.
13. Etant donné que le Kosovo est et doit rester une priorité politique pour l’Europe, et compte tenu des défis qu’il pose pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, l’Assemblée invite ses Etats membres qui sont également membres de l’Union européenne à tout mettre en oeuvre pour adopter une position unique sur la question du statut futur du Kosovo ainsi que sur l’attitude à adopter à l’égard d’une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance de la part de l’Assemblée du Kosovo.
14. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l’accord de réadmission signé entre l’Union européenne et la République de Serbie, entré en vigueur le 1er janvier 2008, on s’attend à ce que 50 000 à 100 000 personnes, y compris un grand nombre de personnes déplacées originaires du Kosovo, fassent l’objet de mesures de retour. L’Assemblée rappelle son opinion énoncée dans la Recommandation 1633 (2003), sur les retours forcés de Roms originaires de l’ex-République fédérale de Yougoslavie, y compris du Kosovo, en Serbie-Monténégro en provenance d’Etats membres du Conseil de l’Europe, et dans la Recommandation 1802 (2007), sur la situation des réfugiés et personnes déplacées de longue date en Europe du Sud-Est, selon laquelle les Etats membres de l’Union européenne doivent s’abstenir de procéder à des retours forcés de personnes originaires du Kosovo tant que la situation au Kosovo en matière de sécurité ne permet pas leur retour.
15. L’Assemblée appelle par ailleurs ses Etats membres qui sont également membres de l’Union européenne à maintenir leur position de principe en faisant de la pleine coopération de la Serbie avec le TPIY une condition indispensable du processus de préadhésion et d’adhésion à l’Union.
16. L’Assemblée réitère son engagement ferme à oeuvrer de concert avec la Serbie pour en consolider la démocratie, réconcilier le pays avec son passé, l’aider à devenir un élément de stabilité à long terme dans la région et l’assister sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne.