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Résolution 1597 (2008)

Listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (5e séance) (voir Doc. 11454, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Marty). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (5e séance).

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme que le terrorisme peut et doit être combattu efficacement par des moyens respectant et préservant les droits de l’homme et la prééminence du droit.
2. Elle estime que les organisations internationales, telles que les Nations Unies et l’Union européenne, devraient être exemplaires sur ce point et constituer un modèle pour les Etats, compte tenu de la noblesse des objectifs affirmés dans leurs textes fondateurs et de la crédibilité dont elles ont besoin pour les atteindre.
3. Les sanctions ciblées visant certaines personnes ou entités («listes noires») décrétées par le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) et par le Conseil de l’Union européenne sont, en principe, préférables aux sanctions générales pesant sur des Etats. Ces dernières ont souvent des conséquences néfastes sur les populations vulnérables des pays concernés, généralement sans affecter leurs dirigeants, tandis que les sanctions ciblées ne nuisent qu’aux individus considérés comme responsables des violations en cause.
4. Dans le même temps, les sanctions ciblées (telles que les restrictions de déplacement et le gel des avoirs) ont un impact direct sur des droits fondamentaux individuels tels que la liberté de mouvement et la protection de la propriété. Bien que la nature de ces sanctions – pénale, administrative ou civile – ne soit pas du tout claire et demeure sujette à débat, leur application doit, en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (PIDCP), respecter certaines normes minimales de protection procédurale et de sécurité juridique.
5. Le respect de ces normes de procédure et de fond est en outre indispensable à la crédibilité et à l’efficacité des sanctions ciblées.
5.1. Les normes minimales de procédure en vertu du principe de la prééminence du droit recouvrent le droit qu’a chacun:
5.1.1. d’être promptement avisé et pleinement informé des accusations portées contre lui et de la décision prise, ainsi que des raisons qui motivent cette décision;
5.1.2. de jouir du droit fondamental d’être entendu et de pouvoir assurer sa défense;
5.1.3. de pouvoir saisir rapidement une instance indépendante et impartiale dans le but de modifier ou d’annuler la décision restreignant ses droits;
5.1.4. d’être indemnisé en cas de violation de ses droits.
5.2. Les normes minimales de fond exigent une définition claire des motifs ayant conduit à l’imposition de sanctions et des preuves devant être réunies à l’appui.
5.3. La procédure des «listes noires» doit être limitée dans le temps. Il est inadmissible que des personnes restent sur la liste noire pendant des années, alors que les autorités de poursuite pénale – après une longue enquête – n’ont absolument rien découvert à leur encontre.
5.4. Il est également important de tenir compte des recours en justice. Le Conseil de l’Union européenne et les Etats membres de l’Union doivent exécuter immédiatement les décisions des instances judiciaires européennes et nationales compétentes ayant des implications sur le statut des personnes et des entités figurant sur les listes.
6. L’Assemblée constate que les normes de procédure et de fond actuellement appliquées par le CSNU et par le Conseil de l’Union européenne, malgré quelques améliorations récentes, ne remplissent absolument pas les critères minimaux énoncés ci-dessus et bafouent les principes fondamentaux des droits de l’homme et de la prééminence du droit.
6.1. S’agissant de la procédure, force est de constater et de vivement déplorer que même les membres du comité chargé de décider de l’inscription d’une personne sur liste noire ne connaissent pas tous les motifs à l’origine du dépôt de la demande d’inscription faite par un membre. La personne ou le groupe concerné n’est le plus souvent ni avisé de cette demande, ni entendu s’il le désire, ni même, parfois, informé de la décision prise – jusqu’à ce qu’il tente de passer une frontière ou d’utiliser un compte bancaire. Aucune mesure ne prévoit de réexamen indépendant des décisions prises ni de réparation pour les violations de droits subies. Une telle procédure est dès lors totalement arbitraire et sans crédibilité aucune.
6.2. De même, les critères justifiant le recours aux sanctions ciblées sont à la fois vastes et imprécis, et les sanctions peuvent être imposées sur la base de simples soupçons. Cette situation est déplorable et viole les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
7. L’Assemblée considère ces pratiques comme indignes d’instances internationales telles que les Nations Unies et l’Union européenne. Estimant qu’il est à la fois possible et nécessaire que les Etats appliquent les différents régimes de sanctions dans le respect de leurs obligations internationales au regard de la Convention européenne des Droits de l’Homme et du PIDCP, elle appelle:
7.1. le CSNU et le Conseil de l’Union européenne à modifier les normes de procédure et de fond applicables aux sanctions ciblées pour les aligner sur les critères présentés au paragraphe 5 ci-dessus;
7.2. les Etats membres du Conseil de l’Europe qui siègent, à titre permanent ou non, au CSNU ou qui font partie de l’Union européenne à user de leur influence au sein de ces instances pour défendre les valeurs affirmées par la Convention européenne des Droits de l’Homme, à la fois en veillant à ce que les normes de procédure et de fond soient dûment améliorées et par le bais de leurs prises de position concernant des cas individuels;
7.3. l’Assemblée générale de l’ONU et le Parlement européen à revoir, respectivement, les régimes de sanctions ciblées de l’ONU et du Conseil de l’Union européenne afin de leur apporter les améliorations nécessaires dans le sens du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit.
8. L’Assemblée invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que l’Union européenne à adopter des procédures nationales et communautaires appropriées mettant en œuvre les sanctions imposées à leurs ressortissants ou à leurs résidents légaux par le CSNU ou par le Conseil de l’Union européenne, afin de remédier aux lacunes des procédures de l’ONU et de l’Union aussi longtemps qu’elles subsisteront.
9. L’Assemblée rappelle à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe qu’ils ont signé et ratifié la Convention européenne des Droits de l’Homme et ses protocoles, et qu’ils se sont ainsi engagés à en respecter les principes, et que ces derniers s’appliquent à la mise en œuvre des sanctions édictées par les Nations Unies et l’Union européenne.