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Résolution 1598 (2008)

Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (6e séance) (voir Doc. 11474, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Mme Durrieu). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2008 (6e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1506 (2006) sur les relations extérieures du Conseil de l’Europe et réitère son engagement à promouvoir, par le dialogue et la coopération, la démocratie, la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme au-delà des frontières actuelles des Etats membres, dans les pays voisins et notamment au sud de la Méditerranée.
2. Dans ce contexte, l’Assemblée attache une importance particulière au renforcement de la coopération et des échanges avec les pays du Maghreb, qu’elle considère comme l’un des piliers de la stabilité dans la région euroméditerranéenne et comme des partenaires privilégiés.
3. Cependant, les trois pays du Maghreb restent dirigés par des régimes autoritaires avec parti unique ou parti dominant et sans pluralisme politique réel. Ces régimes restreignent donc les libertés publiques. A ce titre, l’Assemblée exprime sa préoccupation sur l’état de la liberté d’expression et la situation des médias dans les trois pays. Certains sujets sont interdits de débat et des journalistes sont poursuivis en justice. L’Assemblée encourage l’Algérie, le Maroc et la Tunisie à garantir une pleine et entière liberté d’expression.
4. L’Assemblée constate et déplore les atteintes à l’exercice des libertés politiques en Algérie et en Tunisie concernant l’enregistrement des partis politiques, les poursuites engagées contre des militants de l’opposition et la surveillance policière dont ils font l’objet. Elle note également le faible taux de participation aux élections dans ces pays où l’abstention peut dépasser 60 %; elle a été particulièrement attentive, lors de la visite du rapporteur en Tunisie, aux motifs de la grève de la faim menée en octobre 2007 par Maya Jribi et Néjib Chebbi, les deux chefs de file du Parti démocrate progressiste (PDP), un parti d’opposition tunisien.
5. L’Assemblée constate également que l’islamisme radical n’a pas disparu dans ces pays et constitue un terrain propice au terrorisme, toujours latent si l’on considère le nombre d’attentats enregistrés ces dernières années et ces derniers mois dans les trois pays. L’action menée contre le terrorisme radical et l’intégrisme est cependant forte et organisée. La situation est dite «maîtrisée», ce qui ne semble pas toujours être vérifié.
6. Cependant, l’islam est la religion de ces pays et l’islam modéré est dominant. En conséquence, une réflexion intéressante est engagée, notamment en Tunisie, sur la place et même l’intégration de cet islam modéré dans la vie politique et la démarche démocratique selon le modèle de la démocratie chrétienne en Europe.
7. Par ailleurs, l’Assemblée se félicite du moratoire sur la peine de mort adopté par les trois pays, ainsi que de leur ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.
8. L’Assemblée note avec intérêt que l’Algérie et le Maroc ont entrepris un travail de réflexion sur les droits de l’homme dans leur pays. Conscients que le respect de la démocratie et des droits de l’homme conduiront à plus de stabilité politique, ces pays ont institué des organismes de protection et de réflexion sur les droits de l’homme: la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme en Algérie, et le Conseil consultatif des droits de l’homme au Maroc.
9. De plus, l’Assemblée constate que les trois pays du Maghreb – Algérie, Tunisie et Maroc – ont réalisé des progrès certains dans le domaine de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qu’il s’agisse du Code du statut personnel promulgué par Habib Bourguiba en Tunisie (1956), de la Moudawana – le Code de la famille au Maroc (2004) – ou du nombre important de femmes cadres supérieures au sein de la société algérienne, des progrès sensibles ont été réalisés. L’Assemblée encourage les pays du Maghreb à mettre en oeuvre rapidement ces réformes, sur l’ensemble de leur territoire. Elle se tient en outre prête à prendre part à un dialogue parlementaire continu et à l’échange de bonnes pratiques dans le domaine de l’égalité, en particulier l’égalité des sexes en droit civil. L’éducation est un domaine prioritaire dans ces pays.
10. La situation économique demeure toutefois très différente selon les trois pays. Tandis que la Tunisie affiche un réel niveau de développement économique et une classe moyenne d’environ 70 % de la population, les ressources naturelles en Algérie – pétrole et gaz – ne semblent pas produire d’effets visibles en termes de développement et d’investissements. En même temps, en Algérie et en Tunisie, le taux de chômage reste élevé (15,7 % et 14 %), tandis qu’il est moindre au Maroc (7,7 %). C’est le terreau sur lequel progresse le terrorisme. Le chômage nourrit, aussi, l’émigration et génère d’autres problèmes dans les pays d’accueil. Notons que la corruption est forte et endémique.
11. Par ailleurs, l’Assemblée regrette que le conflit du Sahara occidental ne soit pas résolu. Depuis 1976, il freine les relations bilatérales entre l’Algérie et le Maroc, et les perspectives d’union et d’action du Maghreb. Il est un obstacle évident au renforcement de la coopération entre les trois Etats.
12. L’Assemblée relève par ailleurs que les gouvernements et l’opposition de ces trois pays sont tous favorables au renforcement rapide des relations avec l’Europe et le Conseil de l’Europe. Depuis le processus de Barcelone, les attentes sont fortes mais déçues. Ce rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée est demandé et il est source d’espérance.
13. Dans ce contexte, l’Assemblée réaffirme l’importance qu’elle attache au renforcement de cette coopération avec les pays du Maghreb, pilier de la stabilité de la région euro-méditerranéenne. En effet, de nombreux sujets tels que le terrorisme, le dialogue entre les religions et les cultures, le développement économique et l’immigration doivent trouver des réponses globales, aussi bien au nord qu’au sud de la Méditerranée.
14. L’Algérie et le Maroc 
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			Le Maroc a été officiellement invité à devenir membre de la Commission de Venise, aucune date d’adhésion n’ayant toutefois été fixée à ce jour. sont, depuis 2007, membres de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et les trois pays ont déjà adhéré à plusieurs accords partiels et conventions du Conseil de l’Europe. En outre, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie coopèrent avec le Conseil de l’Europe sur certains sujets tels que l’environnement, l’éducation ou l’égalité entre les femmes et les hommes.
15. L’Assemblée prend acte du fait que les pays du Maghreb se sont engagés fortement dans le dialogue interculturel et interreligieux, qui constitue une des priorités de l’Assemblée, qu’il s’agisse du dialogue des civilisations soutenu par le Président de la République de Tunisie ou de la participation du Haut Conseil islamique algérien (HCI) et de la Fondation des trois cultures (Maroc) à de nombreux colloques sur ce sujet.
16. L’Assemblée estime également nécessaire de renforcer la coopération afin de permettre aux pays du Maghreb de s’appuyer sur l’expérience et l’expertise du Conseil de l’Europe en matière de consolidation de l’Etat de droit. Cette coopération doit se fonder sur un engagement résolu de leur part et se manifester par des progrès réels vers une démocratie, qui intègre la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme.
17. Par conséquent, dans une démarche d’échange réciproque et de partenariat privilégié, l’Assemblée invite les autorités de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie:
17.1. à envisager de devenir partie aux instruments juridiques pertinents du Conseil de l’Europe qui sont ouverts aux Etats non membres;
17.2. à profiter davantage de l’expérience de la Commission de Venise;
17.3. à nouer des relations et à envisager de coopérer avec d’autres instances du Conseil de l’Europe, notamment le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud
18. L’Assemblée encourage les Parlements de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie:
18.1. à jouer un rôle de premier plan dans la promotion du dialogue et de la coopération entre, d’une part, les autorités compétentes et les institutions de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, et, d’autre part, les différents organes institutionnels et les responsables du Conseil de l’Europe;
18.2. à avancer encore plus dans les réformes politiques de leur pays en vue de renforcer la démocratie, de promouvoir la prééminence du droit et de garantir le respect des droits de l’homme, et à réexaminer, en coopération avec la Commission de Venise et conformément aux normes du Conseil de l’Europe, la législation concernant:
18.2.1. l’administration des élections;
18.2.2. la création et les activités des partis politiques;
18.2.3. la liberté et l’indépendance des médias;
18.2.4. la liberté de manifestation et d’association;
18.2.5. l’indépendance du pouvoir judiciaire;
18.2.6. l’autonomie locale;
18.2.7. la lutte contre la corruption;
18.3. à prendre les mesures législatives nécessaires pour abolir définitivement la peine de mort dans leur pays;
18.4. à garantir la liberté de pensée et de croyance religieuse de toutes les populations dans leur diversité.
19. Pour sa part, l’Assemblée est déterminée à développer la coopération avec les parlements des trois pays du Maghreb, en invitant des délégations parlementaires à assister aux sessions plénières de l’Assemblée et à être entendues par la commission des questions politiques.
20. Elle demande au Bureau et à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles de prendre en considération ce rapport sur les pays du Maghreb, de l’intégrer dans la réflexion générale en cours sur les structures futures et les relations extérieures de notre Assemblée afin de définir la place de ces trois Etats dans les relations privilégiées à établir avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.