Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1604 (2008)

Vidéosurveillance des lieux publics

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 janvier 2008 (9e séance) (voir Doc. 11478, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Sharandin). Texte adopté par l’Assemblée le 25 janvier 2008 (9e séance)

1. L’Assemblée parlementaire note que le recours à la vidéosurveillance est un phénomène de plus en plus répandu dans les lieux publics.
2. L’évolution rapide des technologies et l’augmentation du sentiment d’insécurité dans la population ont contribué à faire accepter au fur et à mesure la vidéosurveillance comme un outil utile de prévention et de détection de la criminalité.
3. L’Assemblée note que le recours à la vidéosurveillance en tant que tel n’est plus mis en cause. La technologie moderne permet d’effectuer de la vidéosurveillance de haute qualité sans s’ingérer dans la vie privée des citoyens. Les craintes inspirées par le spectre de «Big Brother» semblent s’estomper.
4. Dans de nombreuses villes des Etats membres du Conseil de l’Europe, la vidéosurveillance s’est fondue dans le quotidien et a prouvé à plusieurs reprises son efficacité. L’Assemblée connaît le rôle positif qu’ont joué les systèmes de vidéosurveillance pour élucider des affaires pénales devant les tribunaux, par exemple dans le cas des attentats à la bombe perpétrés le 21 juillet 2005 dans le métro de Londres et, plus récemment, pour empêcher de nouveaux attentats à la voiture piégée à Londres et à Glasgow.
5. Tout en se félicitant de l’utilisation de plus en plus efficace des nouvelles technologies pour assurer l’ordre public et la sécurité en Europe, l’Assemblée demeure préoccupée par le fait que la vidéosurveillance puisse porter atteinte aux droits de l’homme, par exemple à la protection de la vie privée et des données. Eu égard notamment à l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5) (la Convention), qui garantit le droit au respect de la vie privée, la vidéosurveillance devrait rester une mesure exceptionnelle, encadrée par la loi et limitée aux cas où, dans une société démocratique, elle répond à un impératif de sécurité nationale, de sûreté publique, ou à la défense de l’ordre, ou à la prévention ou à la détection des infractions pénales.
6. La collecte, le traitement et la conservation des données obtenues par vidéosurveillance doivent être régis par la loi, conformément à la Convention telle qu’interprétée par la Cour européenne des Droits de l’Homme.
7. A ce propos, l’Assemblée rappelle que plusieurs instruments juridiques, nationaux et européens, offrent des garanties minimales de protection des droits individuels au regard de la vidéosurveillance et que ces derniers devraient être respectés et pleinement mis en oeuvre dans tous les Etats membres.
8. L’Assemblée est préoccupée par l’étendue des possibilités de surveillance permanente offertes au plan technique par les systèmes de vidéosurveillance. L’usage de ces moyens techniques devrait être strictement réglementé.
9. Etant donné que les équipements de vidéosurveillance et les logiciels existants permettent l’utilisation de zooms très puissants (facteur de grossissement jusqu’à 30x-50x) et d’une très haute résolution d’image, l’Assemblée encourage vivement les Etats membres du Conseil de l’Europe à adopter une législation limitant l’installation de ces équipements en fonction de la spécificité des lieux concernés.
10. L’Assemblée souligne aussi que les équipements de vidéosurveillance et les logiciels existants permettent de soustraire automatiquement à l’observation vidéo des «zones privées» (les fenêtres d’appartements, par exemple). L’Assemblée considère que cette pratique permet non seulement de protéger la vie privée des particuliers, mais aussi de préserver les employés de centres de vidéosurveillance de la vision de scènes qui ne relèvent pas de leur compétence. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il conviendrait de définir légalement ces zones privées et de faire en sorte que, grâce à l’utilisation de tels logiciels spécialisés, elles échappent à la vidéosurveillance.
11. Actuellement, les images des caméras de vidéosurveillance sont stockées au format numérique et il est possible de les protéger par chiffrement grâce aux logiciels informatiques, ce qui empêche la consultation par des tiers des informations stockées, les accès non autorisés et d’éventuelles modifications. Le chiffrement peut permettre la validité des informations dans le cadre d’enquêtes criminelles. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, la pratique du chiffrement des données vidéo devrait être imposée par la loi.
12. Toute personne qui vit ou circule dans un espace sous vidéosurveillance a le droit de se savoir surveillée et d’obtenir l’accès à toute image d’elle-même. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient protéger ce droit dans leur législation.
13. De plus, l’Assemblée souligne que la coopération entre organes gouvernementaux et entités non gouvernementales est capitale en matière de vidéosurveillance, et incite les Etats membres à intensifier cette coopération. Les gouvernements ont l’obligation de coopérer avec les ONG, lesquelles devraient avoir le droit de contrôler l’ampleur et la forme de la vidéosurveillance.
14. L’Assemblée note avec préoccupation que les lois nationales sont loin d’être homogènes en la matière et appelle donc formellement les Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à appliquer les principes directeurs pour la protection des personnes par rapport à la collecte et au traitement de données au moyen de la vidéosurveillance, adoptés en mai 2003 par le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) du Conseil de l’Europe, et à veiller à ce qu’ils soient respectés de manière aussi systématique que possible;
14.2. à définir dans leur législation des restrictions techniques limitant l’installation de ces équipements en fonction du lieu surveillé;
14.3. à définir dans leur législation des zones privées à exclure du champ de la vidéosurveillance, en imposant l’utilisation de logiciels adaptés;
14.4. à prévoir dans la législation nationale la pratique du chiffrement des données vidéo;
14.5. à créer une voie de recours juridique en cas d’allégation d’utilisation abusive de la vidéosurveillance.
15. L’Assemblée considère qu’il est nécessaire qu’une signalétique et un texte d’accompagnement uniformisés soient adoptés le plus tôt possible et utilisés par les Etats membres.
16. Enfin, l’Assemblée – considérant qu’il faut approfondir la réflexion sur la vidéosurveillance – encourage la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à examiner plus avant cette question afin d’énoncer des principes conciliant l’intérêt public avec le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles, propre à toute société démocratique.
17. Au vu de l’actualité et des progrès techniques constants en matière de vidéosurveillance, l’Assemblée souligne la nécessité de poursuivre les travaux sur le thème de la vidéosurveillance à l’avenir.