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Recommandation 1835 (2008)
Développement durable et tourisme: vers une croissance qualitative
1. L’Europe attire les visiteurs depuis
longtemps et reste la région la plus visitée au monde grâce à son histoire,
à ses paysages, à sa culture et à ses styles de vie qui offrent
une multitude de perspectives. Sept pays européens – la France,
l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche et
la Fédération de Russie – figurent parmi les 10 premières destinations
du monde en termes de fréquentation. Globalement, près de la moitié
du nombre total de touristes dans le monde (478 millions) ont voyagé
dans des pays européens en 2007. On s’attend à un doublement des
flux touristiques en Europe dans les vingt prochaines années, la mondialisation
favorisant la mobilité et rendant les voyages de plus en plus abordables.
Pour l’Europe, cela représente à la fois un enjeu de développement
et une chance de rester concurrentielle à long terme dans la compétition
mondiale pour les gains de prospérité assurés par le tourisme.
2. Les relations interpersonnelles établies dans le cadre du
tourisme et des voyages peuvent faciliter la compréhension mutuelle
et la diplomatie internationale. Elles contribuent à la construction,
en Europe, d’une communauté de valeurs érigée en exemple sur la
scène internationale. Les pays européens, représentés par le Conseil
de l’Europe, devraient mettre l’être humain et le développement
durable au cœur de leurs politiques de développement, notamment
en ce qui concerne le tourisme. Une vision à long terme et une approche holistique
du développement sont nécessaires pour que l’Europe ouvre la voie,
non seulement comme destination touristique la plus fréquentée mais
aussi comme modèle de réussite.
3. Avec une croissance moyenne de 3 à 4% par an, le tourisme
est devenu en Europe une activité économique majeure, qui représente
24 millions d’emplois directs, contribue à hauteur de 4% du PIB
cumulé et dégage chaque année 237 milliards d’euros de recettes.
Un quart de l’activité touristique est lié aux voyages d’affaires
destinés à favoriser la création de richesses, les transferts de
compétences et de technologies, l’esprit d’entreprise et les relations
entre marchés. Ces dernières années, le développement du tourisme
a été particulièrement dynamique – bien qu’irrégulier – en Europe
centrale et orientale, ce qui a permis aux pays de la région de
rattraper leurs voisins occidentaux sur les plans du développement
économique et du niveau de vie, non sans créer des pressions socio-économiques
considérables résultant du gonflement des flux de visiteurs. Il
est essentiel de concentrer les efforts en vue de promouvoir le
développement d’un tourisme de qualité, dans ces pays mais aussi
dans toute l’Europe, afin de permettre au tourisme de contribuer
de manière substantielle et durable à un développement globalement
équilibré et viable tout en évitant les excès constatés dans certaines
stations accueillant un tourisme de masse.
4. Les aspects quantitatif et qualitatif peuvent et doivent être
conciliés au moyen d’un développement durable du tourisme fondé
sur des indicateurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels
en synergie. Encourager la diversité, l’authenticité et la qualité
dans le tourisme est la clé d’un succès durable. La viabilité économique,
la prospérité locale, la qualité de l’emploi, l’équité sociale,
la satisfaction des touristes, la maîtrise locale, le bien-être
collectif, la richesse culturelle, l’intégrité physique, la biodiversité,
l’utilisation efficace des ressources et la pureté environnementale
sont des impératifs à prendre en compte pour façonner une vision
et des stratégies de développement à long terme.
5. La prospérité du tourisme et des voyages est inconcevable
sans sûreté et sans sécurité. Bien que l’Europe ait bonne réputation
en la matière, elle n’est pas à l’abri des menaces. Les Etats membres
du Conseil de l’Europe doivent rester vigilants et se demander comment
améliorer encore la sécurité à tous les niveaux, de manière discrète
et en respectant les droits de l’homme, les valeurs éthiques et
l’Etat de droit. Il faut qu’ils fassent le point sur leurs systèmes
d’alerte et de gestion de crise (notamment les plans d’évacuation),
leur communication avec le public sur la sécurité et leurs dispositions
de coopération transfrontalière. Le Conseil de l’Europe et son Assemblée
parlementaire devraient également étudier plus en détail la légitimité
des nouvelles exigences de sécurité concernant les liaisons transatlantiques
soumises il y a peu par le Gouvernement des Etats-Unis aux Etats
européens.
6. Avec les nouvelles technologies, l’évolution du comportement
des consommateurs et la simplification de l’organisation des voyages,
les cas de saturation des transports, du logement et des sites touristiques
sont de plus en plus fréquents dans beaucoup de stations de vacances
et de centres d’affaires européens, tandis que de nombreux sites
périphériques ou secondaires pâtissent au contraire du manque d’intérêt
des visiteurs. La saturation stresse les visiteurs, perturbe la
vie locale et provoque souvent une dégradation des sites et des services
touristiques. Il est urgent de mieux gérer les flux touristiques,
afin d’optimiser l’utilisation des installations et des ressources
dans l’espace et dans le temps.
7. Nos modes de vie, le bien-être et l’économie vont subir progressivement
les conséquences du changement climatique. En Europe, ce sont les
régions méridionales et septentrionales, ainsi que les zones montagneuses,
insulaires et côtières, qui risquent d’être le plus gravement touchées,
mais tous les pays vont devoir faire face à des dérèglements et
à des épisodes climatiques extrêmes de plus en plus marqués et fréquents
(canicules, sécheresses, tempêtes ou précipitations exceptionnelles,
par exemple) et aux problèmes qui en découlent (incendies de forêt,
inondations, conséquences sur la faune, la flore et la biodiversité,
érosion côtière, dégâts matériels, maladies infectieuses, variations
des niveaux d’eau et manque de ressources). En tant que secteur
très sensible au climat – au même titre que l’agriculture, l’énergie,
l’assurance et le transport – le tourisme doit s’adapter et contribuer
à la lutte mondiale contre le changement climatique, principalement par
la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine
du transport et du logement.
8. Dans de nombreux pays, des dispositions de la législation
générale et du droit du travail garantissent aux salariés des congés
payés et régissent les modalités de ces congés. Les pays d’Europe
et la quasi-totalité des autres pays du monde se sont ouverts au
tourisme et ont beaucoup simplifié les formalités administratives imposées
aux touristes. A cause de l’écart de plus en plus grand entre les
revenus, qui s’observe dans tous nos pays, près de 40 % de la population
n’a plus les moyens de partir en vacances, ni dans son pays ni à l’étranger.
Sont particulièrement concernés les familles, les personnes âgées,
les immigrants, les jeunes et les personnes handicapées. En tenant
davantage compte des aspects sociaux du tourisme, on pourrait contribuer à
réduire la saisonnalité de la demande et les concentrations géographiques
excessives de voyageurs, à stabiliser l’emploi tout au long de l’année
et à soutenir le développement de régions défavorisées, surtout
si l’on pouvait persuader plus de touristes de partir hors saison
et/ou ailleurs que dans les endroits les plus fréquentés. Il convient
de s’attaquer à plusieurs problèmes importants: l’accessibilité
physique des destinations et sites touristiques, le caractère financièrement
abordable des vacances et l’amélioration de l’information des personnes
ayant des besoins particuliers sur les possibilités de voyager.
9. Le tourisme est source de richesse lorsqu’il est un phénomène
équilibré, qui crée une situation gagnant-gagnant pour les visiteurs
et pour leurs hôtes. Si les autorités publiques et les institutions
internationales sont responsables au premier chef de l’action politique
et de la mise en œuvre de politiques propices à la durabilité dans
le tourisme, les autorités locales et régionales sont également
responsables de la promotion de l’écotourisme dans leurs régions
respectives. La contribution du secteur privé est essentielle pour
obtenir des résultats sur le terrain et faire remonter des informations
aux responsables politiques. Les acteurs publics et privés devraient
travailler main dans la main pour définir et mettre en œuvre un
système intégré de gestion de la qualité respectueux de normes de
référence dans le domaine des services et produits touristiques,
et pour en assurer le suivi. Si le tourisme et les associations
sectorielles peuvent servir de relais d’information entre les autorités
publiques et les acteurs locaux, les partenariats public-privé peuvent,
quant à eux, servir à réaliser des projets pilotes, à promouvoir
la responsabilité sociale des entreprises et à mettre en œuvre des programmes
d’emploi équitable, de meilleurs modèles de fixation des prix, un
marketing innovant des destinations touristiques et une planification
des investissements compatible avec les impératifs environnementaux,
culturels et sociaux.
10. Le tourisme est avant tout l’affaire d’hommes et de femmes
de tous âges, ayant des intérêts et des compétences variés. Le tourisme
de qualité contribue à la diversité culturelle et au dialogue interculturel.
Pour offrir des services touristiques de qualité, il faut que les
populations locales et les professionnels du tourisme concernés
fassent preuve de dévouement et de compétence. L’hospitalité, qui
se traduit par un comportement prévenant à l’égard des visiteurs,
le respect des traditions et du patrimoine, et la connaissance de
langues étrangères, joue un rôle de plus en plus éminent. Elle est
indissociable de la durabilité, fondée sur des modes de production
et de consommation responsables visant à réduire au minimum le gaspillage
de ressources et la pollution, et à mettre l’accent sur la valeur
plutôt que sur le volume. Ces notions devraient être enseignées tôt,
à l’école. Il faudrait par ailleurs réinvestir une part équitable
des retombées du tourisme dans le développement local.
11. Le développement durable du tourisme est très prometteur pour
l’Europe et au-delà. Les objectifs de croissance et de viabilité
ne sont pas incompatibles s’ils sont correctement menés à bien.
Les problèmes de développement, qui tiennent à l’évolution des modes
de vie, à la croissance économique et à la restructuration, aux
tendances démographiques et à la mondialisation, appellent non seulement
des réponses mesurées aux niveaux national, régional et local, mais
aussi des réponses collectives, paneuropéennes. Dans ce contexte, l’Assemblée
souligne l’importance d’examiner les implications de la croissance
du tourisme sur le développement de l’infrastructure dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe.
12. L’Assemblée parlementaire demande donc au Comité des Ministres
d’inciter les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
12.1. à allier la réflexion à long
terme, les bonnes pratiques et un ensemble de critères économiques, sociaux,
environnementaux et culturels ambitieux pour forger des politiques
nationales de développement du tourisme;
12.2. à examiner la compatibilité de la législation nationale
en matière de tourisme avec les principes du développement durable
et avec les conventions applicables du Conseil de l’Europe dans
les domaines environnemental et culturel;
12.3. à inclure le tourisme dans la mise en œuvre des engagements
découlant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques et du Protocole de Kyoto, et à contribuer à l’élaboration
du nouveau train de mesures pour l’après-2012;
12.4. à soutenir la mise en œuvre de politiques internationales
de codéveloppement, notamment les objectifs du Millénaire pour le
développement, des accords environnementaux, le Code mondial d’éthique
du tourisme de l’Organisation mondiale du tourisme, le Mécanisme
de développement propre et les programmes d’aide multilatéraux et
bilatéraux, afin d’aider les pays émergents à concilier leurs besoins
en matière de développement et leur aspiration à amplifier le tourisme;
12.5. à promouvoir le tourisme à l’intérieur du pays et intra-européen
pour tirer parti de trajets plus courts et d’un recours accru aux
transports publics;
12.6. à atténuer l’impact des émissions de CO2 liées aux transports
et voyages au long cours, notamment grâce au principe du pollueur-payeur
et à une participation plus importante des compagnies aériennes
au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre
de l’Union européenne, ainsi qu’au moyen de mesures fiscales incitant
à transférer de la route au rail le transport de marchandises sur
les principaux axes de transit européens;
12.7. à encourager des modes responsables de consommation et
de production qui limitent le plus possible le gaspillage de ressources
et la pollution (en particulier pour ce qui est de l’utilisation
de l’eau et de l’énergie, du recyclage, de la gestion des déchets,
de la planification, etc.) et à faire connaître les solutions alternatives
(recours accru aux ressources renouvelables, transports publics,
construction durable, etc.) qui présentent un intérêt dans le cadre
de l’offre de services touristiques;
12.8. à promouvoir le partage des connaissances et les échanges
de bonnes pratiques en matière de développement durable du tourisme
avec d’autres pays et régions;
12.9. à envisager de restructurer les organisations nationales
de tourisme pour qu’elles travaillent sous la forme de partenariats
public-privé;
12.10. à promouvoir le tourisme rural, en particulier dans les
régions moins développées, par des aides – notamment de nature financière
– pour inciter les habitants de ces régions à envisager de développer le
tourisme comme une possible source de revenus secondaires;
12.11. à soutenir la création d’offres de logement et de voyage
à caractère familial, par exemple en créant des fondations pour
la promotion des vacances familiales qui, par des mesures incitatives, encouragent
les prestataires de services à proposer de nouveaux services destinés
à ce groupe cible;
12.12. à accélérer la mise en œuvre du Plan d’action du Conseil
de l’Europe pour les personnes handicapées 2006-2015;
12.13. à encourager et à faciliter les voyages vers différentes
destinations européennes de certaines catégories de population (jeunes,
personnes âgées, familles, habitués et surtout personnes handicapées,
qui ont des besoins spécifiques et pour qui le manque d’infrastructures
appropriées peut décourager les déplacements en tant que touristes),
afin d’assurer une répartition géographique et saisonnière plus
harmonieuse des flux de touristes dans les régions européennes;
12.14. à effectuer à intervalles réguliers des audits de sécurité
aux niveaux tant national que sectoriel;
12.15. à créer ou, le cas échéant, à désigner des points de contact
nationaux multilingues chargés de la sûreté des touristes, et des
centres d’appel d’urgence;
12.16. à encourager la mise en place de matériels multilingues
dans les musées et d’autres lieux fréquentés par les touristes et
à abandonner, là où elle existe encore, la pratique discriminatoire consistant
à interdire les guides touristiques étrangers qui satisfont pourtant
aux normes de qualité en vigueur dans le pays visité;
12.17. à réévaluer leurs systèmes d’alerte et de gestion de crise
(notamment les plans d’évacuation), leur communication avec le public
sur la sécurité et leurs dispositions de coopération transfrontalière;
12.18. à mieux exploiter les nouvelles technologies de sécurité
et de défense dans la protection civile, y compris dans le secteur
du tourisme;
12.19. à créer des mesures réglementaires d’incitation et à
fixer des objectifs minimaux contraignants pour promouvoir une construction
et une rénovation immobilières durables;
12.20. à faire en sorte qu’une part équitable des retombées directes
et indirectes du tourisme soit affectée à la protection, à l’entretien
et au développement approprié des ressources naturelles et culturelles;
12.21. à soutenir le développement du tourisme comme source alternative
de revenus et d’emplois locaux dans les zones en voie de déclin
économique et de dépeuplement, notamment en région rurale et de
montagne;
12.22. à promouvoir des mécanismes de certification de la qualité
pour les services et produits du tourisme;
12.23. à étudier la possibilité d’introduire les notions d’hospitalité
et de développement durable dans les programmes scolaires;
12.24. à assurer la protection effective des droits du consommateur
dans le secteur du tourisme.
13. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
du Conseil de l’Europe:
13.1. à
étudier l’impact des voyages à bas coût sur le développement local
et les conditions d’emploi ainsi que ce qui en découle, en vue de
rédiger, le cas échéant, des lignes directrices sur cette question;
13.2. à mener des études comparatives sur les systèmes de gestion
des visiteurs et à élaborer des lignes directrices sur cette question;
13.3. à garantir une surveillance efficace, au niveau local,
de la mise en œuvre de la réglementation relative à l’aménagement
du territoire;
13.4. à encourager les autorités locales et régionales à promouvoir
le tourisme rural dans le plein respect du développement durable.
14. L’Assemblée invite les parlements nationaux à s’assurer que
leur pays dispose d’une législation visant à encadrer les investisseurs,
les touristes et les autres acteurs, et à garantir une réponse gouvernementale adaptée
aux problèmes de développement touristique durable.