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Résolution 1612 (2008)

Munitions chimiques ensevelies dans la mer Baltique

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 29 mai 2008 (voir Doc. 11601, rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Jakavonis).

1. Les Alliés (les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la France et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS)) ont hérité des munitions chimiques qui n’ont pas été utilisées par l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Ces stocks représentaient en tout environ 300 000 tonnes, dont à peu près 65 000 tonnes de substances toxiques à usage militaire: 39 % d’ypérite (gaz moutarde), 18 % de tabun (un agent neurotoxique), 11 % de gaz lacrymogène et 9 % de phosgène (un gaz suffocant). Ils contenaient 14 types d’agents chimiques toxiques.
2. Lors de la Conférence de Potsdam (1945), les Alliés ont décidé de transporter ces munitions chimiques dans l’océan Atlantique pour les déverser dans des sites profonds. La tâche a été répartie entre les Alliés en fonction de leurs capacités. Le Royaume-Uni a reçu environ 65 000 tonnes, l’URSS environ 35 000 tonnes, le reste revenant aux Etats-Unis.
3. La clause de l’accord qui prévoyait que les munitions chimiques seraient transportées par bateau dans l’océan Atlantique et déversées à des profondeurs supérieures à 1 000 mètres n’a pas été respectée. On sait maintenant qu’elles ont été déversées en mer du Nord et en mer Baltique, à des profondeurs n’excédant parfois pas quelques dizaines de mètres.
4. Les Alliés sont convenus de classer secrètes les informations à ce sujet et ont décidé qu’elles ne pourraient être rendues publiques avant cinquante ans. En 1997, les ministères de la Défense du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont prolongé de vingt ans le secret recouvrant l’information relative aux opérations menées en 1946 et 1947. Il est regrettable qu’actuellement le droit international n’oblige pas les Etats à fournir des indications détaillées sur la localisation des munitions chimiques déversées.
5. Il est, par conséquent, extrêmement difficile de déterminer quel est aujourd’hui l’état de ces munitions chimiques ainsi que les risques qu’elles constituent pour l’environnement marin.
6. L’Assemblée parlementaire rappelle dans ce contexte sa Recommandation 1571 (2002) sur la prévention des risques écologiques par la destruction des armes chimiques et sa Résolution 1295 (2002) sur l’état de l’environnement de la mer Baltique, ces deux textes mentionnant entre autres les munitions chimiques déversées en mer Baltique après la seconde guerre mondiale.
7. Elle rappelle aussi la recommandation de l’Assemblée baltique sur l’observation des munitions chimiques déversées dans la mer Baltique (2003) et sa résolution sur les dangers liés à la construction du gazoduc dans la mer Baltique (2005), ainsi que les appels de la Conférence parlementaire de la mer Baltique, lancés dans le cadre des résolutions adoptées à Reykjavík en 2006 et à Berlin en 2007, à une évaluation transparente et en concordance avec les obligations internationales de la faisabilité du gazoduc, et à la réalisation des études d’évaluation de l’impact environnemental du projet.
8. La contribution la plus importante à l’étude sur l’état actuel des munitions chimiques déversées a été celle de la Commission pour la protection de l’environnement marin de la zone de la mer Baltique (Commission d’Helsinki, HELCOM). Son rapport publié en 1995 analyse les divers types et quantités de munitions déversées, et précise les zones de déversement, les caractéristiques des munitions déversées et leur état, ainsi que les risques sanitaires et environnementaux qu’elles pourraient entraîner. Il contient aussi des lignes directrices et des recommandations à l’intention des pêcheurs sur la conduite à suivre en cas de découverte accidentelle de munitions chimiques en mer.
9. HELCOM est d’avis qu’il ne faut pas récupérer ces munitions chimiques des fonds marins, mais les laisser là où elles se trouvent. Cet avis est d’ailleurs partagé par la plupart des experts ayant étudié le sujet.
10. L’Assemblée attire l’attention sur le projet actuel de construction d’un gazoduc sur les fonds marins de la mer Baltique, reliant la Fédération de Russie à l’Allemagne, qui risque d’engendrer des dangers nouveaux et importants. La compagnie en charge de la construction affirme que le choix du trajet pour le gazoduc ainsi que sa construction proprement dite n’affecteront en rien les éventuelles munitions se trouvant dans le couloir de travail, et que le gazoduc fera l’objet d’une surveillance continue même après qu’il sera devenu opérationnel.
11. L’Assemblée regrette qu’aucune étude approfondie et détaillée des sites de déversement des munitions chimiques et de leur état actuel n’ait été faite avant de prendre la décision de construire le gazoduc.
12. L’Assemblée rappelle que les Etats baltes reconnaissent tous l’importance du problème des munitions chimiques déversées en mer Baltique. Ces Etats mènent, dans la mesure des ressources financières et scientifiques disponibles, des travaux de surveillance et de recherche, et participent aux projets internationaux. La coopération internationale est, en effet, essentielle pour résoudre ce problème.
13. L’Assemblée encourage les pays européens, surtout ceux qui bénéficieront de la construction du gazoduc, à faire preuve d’une vraie solidarité, y compris du point de vue financier, avec les pays riverains de la mer Baltique, dont les moyens pour gérer les problèmes d’ordre environnemental ne sont pas nécessairement suffisants.
14. L’Assemblée rappelle que la Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière oblige les Parties à évaluer l’impact sur l’environnement de certaines activités au début de la planification, à notifier et à se consulter sur tous les projets susceptibles d’avoir un impact transfrontalier préjudiciable à l’environnement.
15. L’Assemblée se réjouit du fait que, depuis novembre 2005, le projet international financé par l’Union européenne «Modélisation des risques écologiques liés aux armes chimiques déversées en mer» (Modelling of ecological risks related to sea-dumped chemical weapons, MERCW) est en cours de développement. La Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Lettonie et la Fédération de Russie participent notamment à ce projet qui a pour but l’étude des sites de déversement des munitions chimiques en mer Baltique et l’évaluation des risques correspondants pour les écosystèmes marins et la santé humaine.
16. L’Assemblée invite par conséquent les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
16.1. à renforcer la coopération pour trouver une solution globale au problème des munitions chimiques déversées dans les fonds marins en Baltique;
16.2. à définir des plans d’action spécifiques afin de localiser tous les sites où des munitions chimiques ont été déversées;
16.3. à prendre les mesures nécessaires pour contrôler de manière permanente les sites de déversement des munitions chimiques pour prévenir tout danger pour l’environnement;
16.4. à décider des mesures précises à prendre immédiatement au cas où des dangers pour l’environnement seraient causés par les munitions chimiques;
16.5. à faire preuve de précaution dans la construction du gazoduc sur les fonds de la mer Baltique;
16.6. à procéder à une évaluation fiable des risques environnementaux, notamment de ceux induits par l’existence des munitions chimiques sur le trajet du gazoduc.
17. A cet effet, l’Assemblée insiste auprès des Gouvernements du Royaume-Uni et des Etats-Unis, ainsi qu’auprès de l’OTAN, pour qu’ils lèvent sans tarder le secret militaire sur la localisation de toutes les munitions chimiques présentes dans la mer Baltique.