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Résolution 1613 (2008)

Exploiter l’expérience acquise dans le cadre des «commissions vérité»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 29 mai 2008 (voir Doc. 11459, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Gross).

1. Surmonter les épreuves du passé, établir la vérité et promouvoir la réconciliation dans les sociétés en transition déchirées par la guerre ou au lendemain des conflits est une des conditions essentielles si l’on veut garantir une paix durable et un avenir stable qui permettent l’instauration de la démocratie, et le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Pour accomplir cette tâche, un nombre croissant de pays sortant d’un passé douloureux a recouru à un mécanisme connu sous le nom de «commissions vérité».
2. De plus en plus acceptées de par le monde, les commissions vérité n’ont pas été largement utilisées en Europe. Il existe pourtant des pays et des régions sur le continent européen où les violences passées – et qui, dans certains cas, perdurent – ont laissé dans la société de profondes blessures qu’il faut absolument traiter, pour que le futur ne soit plus l’otage du passé. L’expérience acquise par les commissions vérité dans d’autres parties du monde pourrait se révéler d’une extrême importance politique et une source d’inspiration pour ces pays.
3. Les commissions vérité sont des organes non judiciaires formés officiellement à titre provisoire pour mener des recherches et faire rapport sur les événements violents et tragiques du passé d’un pays, en particulier pour enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme commises lors d’une période violente ou par l’ancien régime au pouvoir.
4. Les commissions vérité se concentrent sur des violations d’un certain type, examinent leurs racines et leurs causes, et tirent les leçons des abus passés, contribuant ainsi à la création de conditions visant à éviter que de tels abus ne se reproduisent. Les travaux et les conclusions des commissions vérité doivent permettre d’établir la responsabilité institutionnelle et de faciliter les réformes institutionnelles requises.
5. En répondant au besoin pour les victimes d’être entendues et que leurs souffrances soient reconnues, les commissions vérité peuvent redonner un sens à la réinsertion dans la vie civile de ceux dont les droits ont été bafoués et mettre un terme à leur exclusion sociale. Dans de nombreux cas, les commissions vérité peuvent être une occasion unique pour les survivants d’apprendre le sort de leurs proches disparus, répondant ainsi à leur droit de connaître la vérité.
6. L’Assemblée parlementaire estime que les commissions vérité peuvent être un instrument efficace pour faire face aux violations passées des droits de l’homme et permettre la réconciliation des sociétés sortant d’un passé douloureux. Lorsqu’elles sont établies conformément aux principes élémentaires des droits de l’homme internationaux, ces commissions jouent aussi un rôle utile en complément de la justice pénale, mais ne peuvent et ne sauraient être considérées comme une alternative à cette dernière. En particulier, les commissions vérité ne devraient pas accorder l’amnistie pour des crimes relevant du droit international. Elles devraient fonctionner d’une manière qui respecte, protège et promeut les droits de l’homme. Afin d’être impartiales et indépendantes, elles devraient être établies par de vastes consultations dans la société, avec la participation des organisations de la société civile et des victimes.
7. Bon nombre de pays et de régions d’Europe ne sont toujours pas parvenus à un compromis sur l’héritage de leur passé tragique. Il faut donc les encourager à s’appuyer sur l’expérience des commissions vérité, à tirer un enseignement des forces et des faiblesses de ces dernières, à déterminer si ces expériences peuvent s’adapter à leurs contextes nationaux spécifiques, afin de réconcilier les sociétés divisées et de restaurer la justice, la confiance et l’espoir dans un avenir commun.
8. L’Assemblée demande donc aux gouvernements, aux parlements, aux partis politiques et aux organisations de la société civile des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe, en particulier de ceux dont les blessures du passé sont encore présentes dans la société, d’étudier les expériences et les meilleures pratiques internationales des commissions vérité, et d’examiner si le fait d’établir une telle commission pourrait contribuer à surmonter les épreuves du passé.
9. L’Assemblée considère que l’expérience acquise dans le cadre des commissions vérité peut être particulièrement utile pour la République tchétchène de la Fédération de Russie. Il importe que la société en Tchétchénie, et dans toute la Fédération de Russie, assume l’héritage du conflit dans cette région, pour reconstituer l’histoire des abus perpétrés, de la violence et des injustices subies, par toutes les parties concernées. Elle doit en outre apporter reconnaissance et réparation aux victimes, et établir les responsabilités institutionnelles et individuelles pour s’assurer que leurs auteurs en rendent compte et pour prévenir d’autres abus à l’avenir. Une commission vérité pourrait être un des moyens de répondre à ces besoins.
10. L’Assemblée reconnaît qu’il appartient aux autorités de la République tchétchène de la Fédération de Russie de décider s’il est approprié d’établir une commission vérité. Elle note, dans le même temps, un intérêt croissant pour cette question ainsi qu’une demande de vérité et de réconciliation à différents niveaux de la société tchétchène.
11. Pour répondre à cette demande, l’Assemblée demande à sa commission des questions politiques de fournir, de la façon la plus appropriée, aux autorités et aux organisations de la société civile de la République tchétchène de la Fédération de Russie des informations sur les expériences et les meilleures pratiques internationales des commissions vérité.
12. Rien dans la présente résolution ne doit être interprété comme pouvant porter atteinte au droit des individus d’introduire une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.