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Résolution 1618 (2008)
Situation de la démocratie en Europe Mesures visant à améliorer la participation démocratique des migrants
1. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, on compte plus de 64,1 millions de migrants en Europe et
leur nombre augmente de façon constante. Parallèlement, se renforce la nécessité de veiller à ce que les migrants aient
une «voix égale» dans le processus démocratique.
2. Le niveau de la participation démocratique à travers l’Europe reste faible, particulièrement pour les migrants.
3. L’intégration est la clé de la participation démocratique des migrants, participation qui, à son tour, favorise
l’intégration. Non seulement elle facilite la participation, mais elle génère aussi une meilleure compréhension des
valeurs partagées et le respect des différences culturelles, qui sont tous deux essentiels au développement
démocratique. Elle doit toujours être considérée comme un processus à double sens, impliquant à la fois les migrants et
la population majoritaire.
4. La participation démocratique est importante pour tous les individus au sein de la société, dont les migrants
appartenant à la première génération ou aux générations suivantes. S’agissant des migrants, plus tôt leur sera offerte la
possibilité d’une participation démocratique, plus ils seront susceptibles de participer et de s’intégrer. La participation
démocratique des migrants dans leur pays d’origine est tout aussi importante.
5. Les migrants ne constituent pas un groupe homogène. De nationalités et d’ethnies diverses, ils sont en outre venus
en Europe pour des raisons diverses. Certains sont venus pour des raisons professionnelles ou d’études, d’autres à la
faveur du regroupement familial, pour échapper à des persécutions ou parce qu’ils ont été victimes de la traite. Un
grand nombre d’entre eux sont en situation irrégulière. Certains sont issus de la première génération, d’autres des
générations suivantes. Les femmes représentent presque la moitié de la population migrante en Europe.
6. Il existe différentes formes de participation démocratique. Elle peut être politique et s’exprimer à travers le vote ou
la candidature à des élections. Elle peut inclure l’exercice de droits, comme la liberté d’expression, de pensée, de
conscience ou de religion. Elle peut englober la liberté d’association, dont l’adhésion à un parti politique ou à un
syndicat, et la participation à des manifestations. Elle peut aussi se traduire par un engagement dans la société civile,
que ce soit dans des associations dédiées aux migrants ou dans celles intervenant dans des domaines plus larges –
sportif, artistique, caritatif, philosophique ou religieux.
7. La participation démocratique peut se situer au plan européen, national, régional ou local. Dans la pratique, c’est au
niveau local que la participation des migrants est la plus importante et la plus efficace. Le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe a donc un rôle particulier à jouer à ce niveau. Il a d’ailleurs effectué un travail
significatif dans ce domaine, dont la mise en place d’organes consultatifs locaux pour les résidents étrangers. La
Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a également un rôle à jouer, ayant
rédigé le Code de bonne conduite en matière électorale.
8. L’Assemblée parlementaire rappelle sa plus récente Recommandation 1500 (2001) sur la participation des immigrés et des résidents étrangers à la vie politique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle relève de plus l’importance des normes établies par le Conseil de l’Europe au moyen de la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE no 93), la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) et de la Convention européenne sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144).
9. L’Assemblée reconnaît que beaucoup de bonnes pratiques ont été développées concernant la participation
démocratique des migrants. Sur cette base et dans l’intention d’améliorer l’intégration et la participation démocratique
des migrants en Europe, l’Assemblée exhorte les Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.1. à encourager l’intégration en tant que vecteur de la participation démocratique des femmes comme des hommes,
au moyen:
9.1.1. de la promotion de l’intégration en tant que processus à double sens non discriminatoire, en prenant des mesures
pour lutter contre le racisme et la discrimination, et pour encourager la participation de tous (comme la formation à la
diversité pour les personnes travaillant avec des migrants et l’évaluation comparative pour garantir la participation),
ainsi que des initiatives visant à sensibiliser les membres de la population majoritaire aux diverses cultures des
migrants et en évitant la stigmatisation des migrants dans le débat sur l’intégration;
9.1.2. de l’éducation et l’apprentissage de la langue de la société d’accueil. Sont particulièrement concernés les femmes
et les nouveaux arrivants pour qui il faudrait prévoir des cours d’alphabétisation et de langue, des programmes
d’éducation civique et une formation à l’emploi. Les exigences relatives aux compétences linguistiques ne devraient
pas constituer un obstacle à l’exercice du droit à la vie de famille;
9.1.3. d’une égale protection et reconnaissance devant la loi, et de mesures à l’encontre des violences à motivations
raciales, afin de garantir l’accès des victimes à des recours en justice efficaces et leur droit de demander une réparation
équitable et appropriée, indépendamment de leur statut d’immigrant. Il conviendrait d’accorder une attention
particulière à la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et l’intolérance – y compris
toute tendance des fonctionnaires, des enseignants et des médias à cibler, à stigmatiser ou à affubler de clichés ou de
profils types les membres de groupes de «non-citoyens» au sein de la population – en s’attachant en même temps à
combattre la discrimination fondée sur le sexe et la violence à l’égard des femmes. Il faudrait assurer un suivi
approprié des recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI);
9.1.4. de la construction de passerelles sociales entre les communautés, y compris dans des domaines comme le sport
et les activités culturelles, philosophiques et religieuses;
9.1.5. du développement de liens sociaux au sein des communautés, comme moyen d’instaurer la confiance et comme
tremplin pour d’autres formes de participation;
9.1.6. de la création de liens sociaux via les services pour les communautés en vue d’éviter l’exclusion et la
discrimination, et afin d’assurer la participation des migrantes et des migrants à la conception et à la mise en oeuvre
des politiques qui les concernent. Les migrants devraient être représentés et employés à tous les niveaux de
l’administration, et les Etats membres devraient envisager d’établir, là où il n’en existe pas, des ministères ou des
directions spécialisés pour l’intégration et la prise en compte des questions d’intégration dans tous les secteurs
pertinents;
9.1.7. de l’octroi d’une assistance dans les domaines de l’intégration professionnelle, de la sécurité et de la flexibilité
de l’emploi, des permis de travail et de la reconnaissance des compétences et des qualifications des migrants. Il
conviendrait d’accorder une attention particulière aux femmes migrantes qui travaillent souvent dans des secteurs où
elles risquent d’être exploitées, y compris dans l’économie informelle;
9.1.8. de la mise en oeuvre d’une politique d’emploi des immigrés dans le secteur public, notamment dans les domaines
de la santé, de l’éducation et de l’administration publique;
9.1.9. de la signature et la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille;
9.1.10. de la garantie d’un accès équitable à un logement de qualité, en créant des quartiers où la population serait
mélangée, ainsi que par la prévention et la réduction de la ségrégation;
9.2. à lever les obstacles à la participation démocratique:
9.2.1. en facilitant l’accès à la nationalité:
9.2.1.1. en abaissant à cinq ans, voire moins, les conditions de la durée de résidence pour l’acquisition de la
nationalité;
9.2.1.2. en assurant que d’autres obligations, comme les tests de naturalisation, les tests de langue, les conditions de
revenus et de logement, les frais et les serments, ne deviennent pas excessivement lourdes en termes de nombre et de
contraintes inhérentes;
9.2.1.3. en supprimant ou réduisant les restrictions liées à la double nationalité;
9.2.1.4. en prenant en compte la situation spécifique des réfugiés, hommes et femmes, et leur besoin urgent de
nationalité;
9.2.1.5. en signant et ratifiant la Convention européenne sur la nationalité;
9.2.1.6. en veillant à ce que les migrants de deuxième ou troisième génération ne soient pas confrontés à des obstacles
démesurés pour obtenir la nationalité;
9.2.2. en octroyant un permis de séjour de longue durée à ceux qui ont passé cinq ans ou moins dans le pays, sans leur
imposer des obstacles bureaucratiques importants, des frais élevés ou des conditions exorbitantes en matière de
connaissances linguistiques, de logement, de revenus ou d’emploi;
9.2.3. en régularisant la situation des migrants en situation irrégulière, qui ne seront pas renvoyés vers leur pays d’origine, conformément à la Résolution 1568 (2007) de l’Assemblée sur les programmes de régularisation des migrants en situation irrégulière;
9.2.4. en accordant aux migrants des droits électoraux, notamment le droit de vote et le droit d’éligibilité aux élections
locales et régionales au bout de cinq ans de résidence ou moins;
9.2.5. en signant et en ratifiant la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local;
9.2.6. en levant, conformément aux normes internationales en matière de droit à la liberté de réunion, d’association et
d’expression, les restrictions qui pèsent sur les droits politiques des migrants en ce qui concerne l’adhésion à des partis
politiques ou la création d’associations politiques, et en encourageant les partis politiques à intégrer des femmes et des
hommes d’origine immigrée parmi leurs membres;
9.3. à faciliter la participation:
9.3.1. en s’assurant que les migrants jouissent du droit de consultation, moyennant la création d’organes consultatifs,
conformément à la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local. Ces organes
devraient veiller à être représentatifs des migrants et des membres des autorités, locales ou autres, et garantir une
représentation égale des femmes et des hommes. Ils devraient donner aux migrants et aux associations de migrants le
droit de présenter des candidats, avoir des objectifs clairement définis et accorder la priorité aux activités politiques,
notamment la consultation et la promotion de la participation citoyenne. En outre, ces organes devraient avoir le droit
d’être informés et consultés, et celui de prendre l’initiative d’une consultation et de recevoir une réponse;
9.3.2. en soutenant les initiatives de la société civile prises par des migrants et à l’intention de migrants, qui proposent
à ces derniers diverses possibilités et orientations, conduisent à rapprocher les communautés et contribuent à établir
des liens avec elles et à faciliter les rapports avec les autorités. Il serait bon de soutenir tout particulièrement les initiatives émanant d’organisations locales de femmes migrantes;
9.3.3. en incitant les médias à dépeindre fidèlement et positivement les migrants, sans les stéréotyper, en tenant compte
aussi de l’image doublement stéréotypée des femmes migrantes donnée par les médias; en faisant en sorte, en outre,
que les migrants soient représentés dans le personnel des médias, qu’ils soient visibles et que leurs points de vue
soient entendus;
9.3.4. en soutenant les projets qui encouragent les migrants et d’autres membres de la communauté à prendre des
initiatives et à s’engager dans la société civile;
9.3.5. en appuyant la recherche, y compris les travaux menés par des migrants, sur la participation démocratique des
migrants, notamment la recherche sur les bonnes pratiques en matière de participation et d’intégration, les obstacles à
la participation, les répercussions de l’intégration et les habitudes de vote des migrants;
9.4. à garantir que les migrants en situation irrégulière ne sont pas exclus de toutes les formes de participation démocratique et qu’ils jouissent de leurs droits fondamentaux, conformément à la Résolution 1509 (2006) de l’Assemblée sur les droits fondamentaux des migrants irréguliers;
9.5. à veiller à ce que les besoins spécifiques des femmes migrantes soient pris en compte et différenciés de ceux des hommes, conformément à la Recommandation 1732 (2006) et à la Résolution 1478 (2006) de l’Assemblée sur l’intégration des femmes immigrées en Europe;
9.6. à faciliter une participation démocratique accrue des migrants dans leur pays d’origine.
10. L’Assemblée appelle le Congrès du Conseil de l’Europe à poursuivre son travail sur la participation des étrangers à
la vie publique au niveau local et, en particulier, à promouvoir davantage le recours à des organes consultatifs et le
droit de vote au niveau local. Elle invite en outre le Congrès à renforcer son action en faveur de l’intégration des
migrants au niveau local, notamment par l’intermédiaire du Réseau de villes européennes pour une politique locale
d’intégration des migrants (CLIP).
11. L’Assemblée appelle le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à inciter les Etats membres à
lever les obstacles à la participation démocratique des migrants.
12. L’Assemblée invite l’Union européenne à soutenir, au moyen du Fonds européen d’intégration, les projets qui
portent à la fois sur l’intégration et sur la participation démocratique des migrants. Ont également besoin de soutien les
projets qui fournissent des indicateurs sur la participation démocratique des migrants dans la Grande Europe, ventilés
par sexe, si possible, et ne se limitant pas aux 27 Etats membres de l’Union européenne.
13. L’Assemblée invite les syndicats et les organisations patronales à maintenir et à renforcer leur engagement pour la
promotion de l’intégration des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
14. L’Assemblée invite les partis politiques à intensifier leurs efforts visant à inciter des personnes d’origines ethniques
différentes à se porter candidates à toutes les élections.
15. L’Assemblée invite son Bureau à consulter la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles sur les mesures à prendre pour assurer une meilleure représentation des personnes issues de
l’immigration au sein de l’Assemblée.