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Résolution 1632 (2008)

Situation des minorités nationales en Vojvodine et de la minorité ethnique roumaine en Serbie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 1er octobre 2008 (33e séance) (voir Doc. 11528, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Herrmann). Texte adopté par l’Assemblée le 1er octobre 2008 (33e séance). Voir également la Recommandation 1845 (2008).

1. L’Assemblée parlementaire note que les sociétés européennes sont aujourd’hui par essence multiculturelles et multiethniques.
2. Elle défend fermement la diversité culturelle, dont l’importance est soulignée dans plusieurs instruments du Conseil de l’Europe et en particulier dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) et dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148).
3. La diversité ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une source d’enrichissement. Elle doit être respectée et protégée en tant que composante fondamentale de toute société démocratique. Or, le respect des principes en matière de droits de l’homme, de prééminence du droit et de démocratie est la meilleure garantie du respect de la diversité.
4. La Serbie, comme toute la région des Balkans, est l’un des pays les plus multiculturels d’Europe. Elle doit relever les défis inhérents à toute société multiculturelle en veillant à promouvoir une vision de la société fondée sur le respect de la diversité, et en combattant toute forme d’intolérance et de discrimination.
5. La région, y compris la Serbie, reste marquée par des tensions interethniques. Aujourd’hui encore des incidents à caractère ethnique, à des degrés d’intensité variable, sont recensés en Serbie.
6. L’Assemblée souligne que le dialogue interculturel et le respect de la diversité des cultures sont des garants de la paix et de la stabilité à long terme dans la région.
7. Alors que les incidents à caractère ethnique sont actuellement peu nombreux dans la province serbe de Vojvodine, province caractérisée par une mixité ethnique des plus prononcées en Serbie, force est de constater qu’en 2004 – période marquée par des incidents interethniques nombreux et alarmants – les autorités ont réagi bien trop tardivement.
8. L’Assemblée exhorte les autorités serbes à toujours réagir avec beaucoup de célérité et de fermeté contre les auteurs de violences interethniques sous toutes leurs formes.
9. L’Assemblée se félicite de constater qu’un certain nombre d’initiatives louables, dont le «paquet» législatif de 2002 et la nouvelle Constitution serbe de 2006, ont été prises en faveur des droits des minorités nationales, et encourage les autorités à poursuivre leurs efforts.
10. A cet égard, l’Assemblée note avec beaucoup de satisfaction que, depuis les dernières élections, la fonction de ministre des Droits de l’homme et des Droits des minorités est rétablie, et que les représentants des minorités font partie du gouvernement de coalition et occupent des postes ministériels.
11. Ces efforts devraient être relayés par une politique de communication des autorités de l’Etat, des institutions religieuses ainsi que des médias, en vue de promouvoir un esprit de tolérance et le dialogue interculturel, et de lutter contre les discriminations.
12. L’Assemblée se félicite de constater qu’un projet de loi antidiscrimination a été préparé et soumis aux commentaires de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). L’adoption rapide et la mise en œuvre de cette loi sont particulièrement importantes pour prévenir les discriminations futures envers les membres des minorités nationales.
13. L’Assemblée est d’avis que le médiateur peut, et doit, jouer un rôle important en la matière. Elle se félicite donc de la nomination, attendue de longue date, du médiateur de la République de Serbie le 29 juin 2007.
14. Par ailleurs, les autorités doivent poursuivre leurs efforts visant à renforcer la confiance des minorités envers les représentants des autorités et à combattre les préjugés envers les minorités qui peuvent persister au sein des forces de l’ordre et du pouvoir judiciaire. L’Assemblée se félicite de l’existence d’un programme visant à augmenter la représentation des membres des minorités dans la police et les établissements judiciaires, et notamment de la mise en place d’une force de police multiethnique dans le sud de la Serbie. Elle encourage les autorités à étendre et à appliquer cette initiative à d’autres régions, et notamment en Vojvodine.
15. L’Assemblée est cependant inquiète de constater de fortes lacunes en terme de mise en œuvre des droits des minorités. Il est de la responsabilité des autorités nationales, régionales et locales d’assurer la mise en œuvre pleine et entière des dispositions législatives pertinentes.
16. Certaines dispositions législatives font défaut depuis plusieurs années, ce qui empêche que le potentiel du cadre législatif développé en 2002 puisse être exploité au mieux au profit des membres des minorités.
17. L’Assemblée est d’avis que ces lacunes dans le dispositif législatif remettent en cause la crédibilité de la volonté politique des autorités en matière de droits des minorités et qu’elles ne sont pas propices à renforcer la confiance des membres des minorités nationales envers les autorités.
18. De plus, l’Assemblée est préoccupée de constater des divergences d’une région à une autre quant à la mise en œuvre et à l’accès effectif des membres des minorités à leurs droits. Elle constate, en particulier, que les membres des minorités nationales dans l’est de la Serbie sont dans une situation nettement moins favorable que ceux de Vojvodine.
19. Quant à la question de l’identité des minorités, et en particulier eu égard au débat autour des minorités roumaine et valaque, l’Assemblée rappelle le principe énoncé à l’article 3 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et réaffirme que toute tentative visant à imposer une identité à une personne, ou à un groupe de personnes, est inadmissible.
20. L’Assemblée encourage donc les membres des minorités roumaine et valaque de l’est de la Serbie à joindre leurs efforts et à dépasser leurs désaccords internes dans leur propre intérêt et afin de conserver les spécificités qui constituent leurs identités. Les autorités serbes ont ici pour responsabilité de ne pas entraver mais au contraire de soutenir les initiatives en ce sens.
21. L’Assemblée est consciente des inquiétudes exprimées par la Commission de Venise à propos de la loi de 2006 concernant les Eglises et les organisations religieuses en République de Serbie, et s’associe à sa recommandation par laquelle elle demande une définition plus précise du statut du droit canon et des décisions des instances ecclésiastiques. D’autre part, l’Assemblée prie instamment les autorités serbes de coopérer à la fois avec l’Eglise orthodoxe serbe et avec l’Eglise orthodoxe roumaine dans la recherche d’une solution pratique visant à rendre effective la liberté de religion dans l’est de son territoire, comme c’est déjà le cas en Vojvodine.
22. Finalement, consciente que la coopération entre l’Etat de résidence et l’Etat-parent, à travers des accords bilatéraux, présente un réel intérêt afin de garantir la stabilité en Europe, l’Assemblée appelle les autorités serbes à intensifier leurs relations de bon voisinage avec les Etats-parents (la Roumanie, la Hongrie, la Croatie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine») en mettant pleinement en œuvre les accords bilatéraux qu’elles ont signés. Cet appel vaut aussi pour les autorités des Etats-parents.
23. En conséquence, l’Assemblée invite les autorités compétentes de la République de Serbie:
23.1. à accorder aux allégations de violences interethniques une attention accrue et à y réagir avec célérité, fermeté et efficacité, notamment par des enquêtes policières et des poursuites judiciaires efficaces;
23.2. à veiller à la mise en œuvre effective des législations en matière de droits des minorités et en particulier des lois adoptées en 2002;
23.3. à mettre en place aussi rapidement que possible le fonds de promotion sociale, économique, culturelle et de développement général des minorités nationales prévu à l’article 20 de la loi-cadre de 2002 sur la protection des droits et libertés des minorités nationales;
23.4. à adopter rapidement une loi antidiscrimination, en tenant compte des remarques formulées par la Commission de Venise;
23.5. à adopter en priorité les textes législatifs relatifs à l’élection, aux compétences et au financement des conseils nationaux pour les minorités nationales, en prenant en compte les commentaires des experts du Conseil de l’Europe sur le projet de loi relatif aux élections;
23.6. à définir plus précisément les compétences et obligations des différents conseils nationaux pour les minorités nationales tout en les dotant des fonds nécessaires à la réalisation de leurs missions;
23.7. à introduire un mécanisme de contrôle par les différents conseils nationaux pour les minorités nationales des actes de l’exécutif en matière de droits des minorités;
23.8. à convoquer des réunions plus nombreuses et régulières du Conseil national pour les minorités nationales;
23.9. à envisager la nomination d’un médiateur adjoint en charge des questions relatives aux droits des minorités;
23.10. tout en reconnaissant les progrès que représentent les dispositions de la nouvelle Constitution à cet égard, à renforcer encore la stabilité des budgets des provinces autonomes;
23.11. à prendre des mesures positives en faveur des personnes appartenant à toutes les minorités nationales et à veiller à l’éradication de toute discrimination à l’encontre de leurs membres;
23.12. à intensifier leurs efforts pour le développement d’initiatives visant à promouvoir un esprit de tolérance et le dialogue interculturel;
23.13. à accélérer les initiatives visant à former des enseignants ayant les qualifications requises pour enseigner les langues et enseigner dans les langues minoritaires;
23.14. à continuer de développer des écoles bilingues et de langue maternelle;
23.15. à supprimer les différences régionales existantes en terme de garanties effectives des droits des minorités (notamment en ce qui concerne l’usage des langues minoritaires dans l’administration, l’enseignement en langues minoritaires, la liberté de religion, etc.) en mettant pleinement en œuvre, et sur tout le territoire, les législations existantes en la matière;
23.16. à prendre les mesures nécessaires afin de faciliter aux Valaques/Roumains qui vivent dans l’est de la Serbie (dans les vallées du Timoc, de la Morava et du Danube) l’accès à l’enseignement, aux médias et à l’administration publique dans leur langue maternelle, et de leur donner les moyens de tenir des services religieux dans cette langue;
23.17. à identifier et à appliquer des solutions techniques qui permettraient aux personnes vivant dans l’est de la Serbie de recevoir les émissions en langue roumaine qui sont émises en Vojvodine;
23.18. à prévoir des exceptions aux procédures de privatisation des médias au bénéfice des médias en langues minoritaires afin d’en assurer la viabilité.
24. L’Assemblée appelle également la Serbie et les Etats-parents concernés à convoquer le plus rapidement possible les commissions mixtes intergouvernementales prévues dans les accords bilatéraux relatifs à la coopération dans le domaine de la protection des minorités nationales qu’ils ont conclus.
25. L’Assemblée invite sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) à dûment prendre en compte les propositions contenues dans cette résolution dans le cadre de son dialogue avec les autorités serbes.