Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1632 (2008)
Situation des minorités nationales en Vojvodine et de la minorité ethnique roumaine en Serbie
1. L’Assemblée parlementaire note
que les sociétés européennes sont aujourd’hui par essence multiculturelles
et multiethniques.
2. Elle défend fermement la diversité culturelle, dont l’importance
est soulignée dans plusieurs instruments du Conseil de l’Europe
et en particulier dans la Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales (STE no 157) et
dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(STE no 148).
3. La diversité ne doit pas être perçue comme une menace, mais
comme une source d’enrichissement. Elle doit être respectée et protégée
en tant que composante fondamentale de toute société démocratique.
Or, le respect des principes en matière de droits de l’homme, de
prééminence du droit et de démocratie est la meilleure garantie
du respect de la diversité.
4. La Serbie, comme toute la région des Balkans, est l’un des
pays les plus multiculturels d’Europe. Elle doit relever les défis
inhérents à toute société multiculturelle en veillant à promouvoir
une vision de la société fondée sur le respect de la diversité,
et en combattant toute forme d’intolérance et de discrimination.
5. La région, y compris la Serbie, reste marquée par des tensions
interethniques. Aujourd’hui encore des incidents à caractère ethnique,
à des degrés d’intensité variable, sont recensés en Serbie.
6. L’Assemblée souligne que le dialogue interculturel et le respect
de la diversité des cultures sont des garants de la paix et de la
stabilité à long terme dans la région.
7. Alors que les incidents à caractère ethnique sont actuellement
peu nombreux dans la province serbe de Vojvodine, province caractérisée
par une mixité ethnique des plus prononcées en Serbie, force est
de constater qu’en 2004 – période marquée par des incidents interethniques
nombreux et alarmants – les autorités ont réagi bien trop tardivement.
8. L’Assemblée exhorte les autorités serbes à toujours réagir
avec beaucoup de célérité et de fermeté contre les auteurs de violences
interethniques sous toutes leurs formes.
9. L’Assemblée se félicite de constater qu’un certain nombre
d’initiatives louables, dont le «paquet» législatif de 2002 et la
nouvelle Constitution serbe de 2006, ont été prises en faveur des
droits des minorités nationales, et encourage les autorités à poursuivre
leurs efforts.
10. A cet égard, l’Assemblée note avec beaucoup de satisfaction
que, depuis les dernières élections, la fonction de ministre des
Droits de l’homme et des Droits des minorités est rétablie, et que
les représentants des minorités font partie du gouvernement de coalition
et occupent des postes ministériels.
11. Ces efforts devraient être relayés par une politique de communication
des autorités de l’Etat, des institutions religieuses ainsi que
des médias, en vue de promouvoir un esprit de tolérance et le dialogue interculturel,
et de lutter contre les discriminations.
12. L’Assemblée se félicite de constater qu’un projet de loi antidiscrimination
a été préparé et soumis aux commentaires de la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). L’adoption
rapide et la mise en œuvre de cette loi sont particulièrement importantes
pour prévenir les discriminations futures envers les membres des
minorités nationales.
13. L’Assemblée est d’avis que le médiateur peut, et doit, jouer
un rôle important en la matière. Elle se félicite donc de la nomination,
attendue de longue date, du médiateur de la République de Serbie
le 29 juin 2007.
14. Par ailleurs, les autorités doivent poursuivre leurs efforts
visant à renforcer la confiance des minorités envers les représentants
des autorités et à combattre les préjugés envers les minorités qui
peuvent persister au sein des forces de l’ordre et du pouvoir judiciaire.
L’Assemblée se félicite de l’existence d’un programme visant à augmenter
la représentation des membres des minorités dans la police et les
établissements judiciaires, et notamment de la mise en place d’une
force de police multiethnique dans le sud de la Serbie. Elle encourage
les autorités à étendre et à appliquer cette initiative à d’autres
régions, et notamment en Vojvodine.
15. L’Assemblée est cependant inquiète de constater de fortes
lacunes en terme de mise en œuvre des droits des minorités. Il est
de la responsabilité des autorités nationales, régionales et locales
d’assurer la mise en œuvre pleine et entière des dispositions législatives
pertinentes.
16. Certaines dispositions législatives font défaut depuis plusieurs
années, ce qui empêche que le potentiel du cadre législatif développé
en 2002 puisse être exploité au mieux au profit des membres des
minorités.
17. L’Assemblée est d’avis que ces lacunes dans le dispositif
législatif remettent en cause la crédibilité de la volonté politique
des autorités en matière de droits des minorités et qu’elles ne
sont pas propices à renforcer la confiance des membres des minorités
nationales envers les autorités.
18. De plus, l’Assemblée est préoccupée de constater des divergences
d’une région à une autre quant à la mise en œuvre et à l’accès effectif
des membres des minorités à leurs droits. Elle constate, en particulier,
que les membres des minorités nationales dans l’est de la Serbie
sont dans une situation nettement moins favorable que ceux de Vojvodine.
19. Quant à la question de l’identité des minorités, et en particulier
eu égard au débat autour des minorités roumaine et valaque, l’Assemblée
rappelle le principe énoncé à l’article 3 de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales et réaffirme que toute
tentative visant à imposer une identité à une personne, ou à un
groupe de personnes, est inadmissible.
20. L’Assemblée encourage donc les membres des minorités roumaine
et valaque de l’est de la Serbie à joindre leurs efforts et à dépasser
leurs désaccords internes dans leur propre intérêt et afin de conserver
les spécificités qui constituent leurs identités. Les autorités
serbes ont ici pour responsabilité de ne pas entraver mais au contraire
de soutenir les initiatives en ce sens.
21. L’Assemblée est consciente des inquiétudes exprimées par la
Commission de Venise à propos de la loi de 2006 concernant les Eglises
et les organisations religieuses en République de Serbie, et s’associe
à sa recommandation par laquelle elle demande une définition plus
précise du statut du droit canon et des décisions des instances
ecclésiastiques. D’autre part, l’Assemblée prie instamment les autorités
serbes de coopérer à la fois avec l’Eglise orthodoxe serbe et avec
l’Eglise orthodoxe roumaine dans la recherche d’une solution pratique
visant à rendre effective la liberté de religion dans l’est de son
territoire, comme c’est déjà le cas en Vojvodine.
22. Finalement, consciente que la coopération entre l’Etat de
résidence et l’Etat-parent, à travers des accords bilatéraux, présente
un réel intérêt afin de garantir la stabilité en Europe, l’Assemblée
appelle les autorités serbes à intensifier leurs relations de bon
voisinage avec les Etats-parents (la Roumanie, la Hongrie, la Croatie
et «l’ex-République yougoslave de Macédoine») en mettant pleinement
en œuvre les accords bilatéraux qu’elles ont signés. Cet appel vaut
aussi pour les autorités des Etats-parents.
23. En conséquence, l’Assemblée invite les autorités compétentes
de la République de Serbie:
23.1. à
accorder aux allégations de violences interethniques une attention
accrue et à y réagir avec célérité, fermeté et efficacité, notamment
par des enquêtes policières et des poursuites judiciaires efficaces;
23.2. à veiller à la mise en œuvre effective des législations
en matière de droits des minorités et en particulier des lois adoptées
en 2002;
23.3. à mettre en place aussi rapidement que possible le fonds
de promotion sociale, économique, culturelle et de développement
général des minorités nationales prévu à l’article 20 de la loi-cadre
de 2002 sur la protection des droits et libertés des minorités nationales;
23.4. à adopter rapidement une loi antidiscrimination, en tenant
compte des remarques formulées par la Commission de Venise;
23.5. à adopter en priorité les textes législatifs relatifs
à l’élection, aux compétences et au financement des conseils nationaux
pour les minorités nationales, en prenant en compte les commentaires
des experts du Conseil de l’Europe sur le projet de loi relatif
aux élections;
23.6. à définir plus précisément les compétences et obligations
des différents conseils nationaux pour les minorités nationales
tout en les dotant des fonds nécessaires à la réalisation de leurs
missions;
23.7. à introduire un mécanisme de contrôle par les différents
conseils nationaux pour les minorités nationales des actes de l’exécutif
en matière de droits des minorités;
23.8. à convoquer des réunions plus nombreuses et régulières
du Conseil national pour les minorités nationales;
23.9. à envisager la nomination d’un médiateur adjoint en charge
des questions relatives aux droits des minorités;
23.10. tout en reconnaissant les progrès que représentent les
dispositions de la nouvelle Constitution à cet égard, à renforcer
encore la stabilité des budgets des provinces autonomes;
23.11. à prendre des mesures positives en faveur des personnes
appartenant à toutes les minorités nationales et à veiller à l’éradication
de toute discrimination à l’encontre de leurs membres;
23.12. à intensifier leurs efforts pour le développement d’initiatives
visant à promouvoir un esprit de tolérance et le dialogue interculturel;
23.13. à accélérer les initiatives visant à former des enseignants
ayant les qualifications requises pour enseigner les langues et
enseigner dans les langues minoritaires;
23.14. à continuer de développer des écoles bilingues et de langue
maternelle;
23.15. à supprimer les différences régionales existantes en terme
de garanties effectives des droits des minorités (notamment en ce
qui concerne l’usage des langues minoritaires dans l’administration, l’enseignement
en langues minoritaires, la liberté de religion, etc.) en mettant
pleinement en œuvre, et sur tout le territoire, les législations
existantes en la matière;
23.16. à prendre les mesures nécessaires afin de faciliter aux
Valaques/Roumains qui vivent dans l’est de la Serbie (dans les vallées
du Timoc, de la Morava et du Danube) l’accès à l’enseignement, aux médias
et à l’administration publique dans leur langue maternelle, et de
leur donner les moyens de tenir des services religieux dans cette
langue;
23.17. à identifier et à appliquer des solutions techniques qui
permettraient aux personnes vivant dans l’est de la Serbie de recevoir
les émissions en langue roumaine qui sont émises en Vojvodine;
23.18. à prévoir des exceptions aux procédures de privatisation
des médias au bénéfice des médias en langues minoritaires afin d’en
assurer la viabilité.
24. L’Assemblée appelle également la Serbie et les Etats-parents
concernés à convoquer le plus rapidement possible les commissions
mixtes intergouvernementales prévues dans les accords bilatéraux relatifs
à la coopération dans le domaine de la protection des minorités
nationales qu’ils ont conclus.
25. L’Assemblée invite sa commission pour le respect des obligations
et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission
de suivi) à dûment prendre en compte les propositions contenues
dans cette résolution dans le cadre de son dialogue avec les autorités
serbes.