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Résolution 1651 (2009)

Conséquences de la crise financière mondiale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 janvier 2009 (8e séance) (voir Doc. 11807, rapport de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Sasi). Texte adopté par l’Assemblée le 29 janvier 2009 (8e séance).

1. L’Assemblée parlementaire note avec préoccupation qu’une période prolongée de croissance économique s’est transformée en une récession pratiquement mondiale, dont il est à craindre qu’elle soit, pour de nombreux pays, à la fois profonde et durable. Ce retournement est en grande partie dû à la crise financière qui a frappé l’économie mondiale en 2007-2008, même si celle-ci coïncide avec ce qui semble être la fin d’un cycle haussier, caractérisé par une période de forte augmentation des prix des matières premières et de l’énergie, et par l’effondrement des prix de l’immobilier. Quoi qu’il en soit, les causes de la crise financière sont claires. La croissance du cycle haussier a été prolongée par des taux d’intérêt maintenus à un niveau trop bas. Les pratiques managériales pernicieuses, notamment dans les banques et les institutions financières non bancaires, se sont généralisées et les incitations financières pour leurs employés sont devenues trop alléchantes. Des instruments financiers complexes, manquant de transparence, ont été élaborés et les systèmes de gestion du risque n’ont pas joué leur rôle. La cupidité a été récompensée par des systèmes de rémunération beaucoup trop généreux, qui ont continué à fonctionner, même lorsque les institutions financières ont enregistré des pertes colossales.
2. L’Assemblée ne sait que trop que la détérioration de la situation économique risque d’entraîner une hausse du chômage, la perte de revenus et d’un patrimoine gagnés «à la dure», et la spirale du surendettement pour ceux qui sont déjà endettés. A ce stade, l’Assemblée rappelle aux gouvernements des Etats membres de l’Organisation qu’il est de leur responsabilité de protéger les droits sociaux et humains des populations. Il est capital qu’un redressement économique se produise aussi rapidement que possible, mais il faut aussi, dans le même temps, que les réseaux de protection sociale compensent les effets de la récession économique. Les pays qui ont veillé à maintenir leurs finances en bon état pendant les années de croissance sont aujourd’hui mieux placés pour garantir à leurs citoyens les prestations des réseaux de protection sociale existants.
3. L’Assemblée est donc extrêmement préoccupée de l’impact désastreux de cette crise financière et de ses conséquences économiques sur les conditions de vie des citoyens européens et du reste du monde, avec des répercussions qui risquent à terme de saper les fondements mêmes de la démocratie.
4. L’Assemblée considère que les institutions financières ont manqué à leur obligation d’information, que les pouvoirs publics n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités en ce qui concerne le contrôle des risques inhérents à la diffusion d’instruments financiers de plus en plus sophistiqués et qu’ils ont, de ce fait, failli à leur devoir de protection des citoyens et des acteurs financiers engagés dans des transactions à haut risque.
5. L’Assemblée se réjouit de la tenue à Washington, le 15 novembre 2008, du sommet des 20 plus grandes puissances économiques de la planète (le G20) et des engagements pris à cette occasion par ses participants. Elle souscrit pleinement aux recommandations formulées à l’issue de ce sommet pour stimuler l’économie, garantir l’apport de liquidités, consolider les institutions financières et protéger l’épargne.
6. Toutefois, l’Assemblée déplore que le plan d’action du G20 ne comporte pas de volet visant à protéger les droits sociaux et économiques des citoyens en période de crise. A cet égard, elle s’associe pleinement à la déclaration du Bureau du conseil d’administration du Bureau international du travail, adoptée le 21 novembre 2008, qui préconise six mesures spécifiques «pour remédier aux retombées de la crise sur l’économie réelle afin de protéger les personnes, de soutenir la productivité des entreprises et de préserver l’emploi», ainsi qu’à la déclaration du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe du 17 novembre 2008 invitant à la mise en place d’un «programme sérieux pour la protection des droits économiques et sociaux».
7. L’Assemblée est convaincue que des mesures énergiques et efficaces s’imposent pour atténuer la récession, et que la réforme du système financier mondial ne peut aboutir, entre autres, qu’à la condition que les principes suivants soient pris en considération:
7.1. la nécessité de garantir la stabilité des marchés financiers par l’apport de liquidités, la reprise des prêts aux entreprises, en particulier les petites et moyennes, et aux ménages, ainsi que la garantie de la pérennité des institutions financières;
7.2. la nécessité d’élever le niveau d’emploi en stimulant l’activité économique, notamment en accroissant la demande agrégée, afin de doper la consommation, par des investissements supplémentaires des pouvoirs publics en faveur des infrastructures et du logement, et en développant l’éducation et la formation pour les personnes sans emploi;
7.3. la nécessité d’améliorer la transparence des marchés et des produits financiers afin que les épargnants soient mieux informés des risques encourus;
7.4. la nécessité d’entretenir un sens moral et éthique chez les acteurs économiques et financiers – tout particulièrement en ce qui concerne les rémunérations et les bénéfices –, et de soumettre leurs activités à un code de conduite; il conviendrait notamment que les systèmes de rémunération propices à des bénéfices à court terme et à haut risque ne soient pas autorisés;
7.5. la nécessité d’un contrôle parlementaire plus actif et d’une plus grande implication des parlementaires aux niveaux national et paneuropéen pour contrôler l’application des règles et des principes;
7.6. le renforcement des règles régissant le fonctionnement des marchés financiers, notamment en matière de responsabilité, de manière à consolider la primauté du droit, doit être affirmé dans ce secteur;
7.7. la nécessité d’instaurer une coopération intense entre le Fonds monétaire international, les institutions de Bâle, le G20, les banques centrales et les autorités de contrôle financier, en vue d’élaborer des règles efficaces et un cadre international pour la supervision des réglementations financières; les institutions financières internationales devraient se doter de systèmes d’alerte précoce qui jouent effectivement leur rôle;
7.8. la nécessité de renforcer le système des notations pour que ces dernières reflètent mieux la réalité, et la nécessité pour les auditeurs d’institutions financières d’examiner de plus près l’exposition aux risques;
7.9. la nécessité de faire en sorte que les paradis fiscaux offshore n’échappent pas à un contrôle financier approprié;
7.10. la nécessité de rappeler aux gouvernements que, malgré les difficultés financières, les droits de l’homme, les droits sociaux et les droits économiques des citoyens doivent être sauvegardés, si l’on veut éviter que les fondements mêmes de la démocratie soient sapés;
7.11. la nécessité de prévoir des mesures économiques qui promeuvent une croissance durable à la fois sur les plans économique et environnemental, ces mesures ne devant toutefois pas aboutir à un niveau d’endettement tel qu’elles compromettraient une nouvelle croissance, ni être en contradiction avec les objectifs climatiques;
7.12. la nécessité pour les gouvernements de faire tout leur possible pour rétablir la confiance du public dans le fonctionnement de l’économie.
8. L’Assemblée considère qu’il est approprié d’assurer une surveillance permanente de l’impact social et de la dimension humaine de la crise économique et financière dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée insiste sur le fait que les Etats membres doivent également investir dans les moyens humains nécessaires pour faire face aux défis économiques et sociaux engendrés par la crise financière. Dans nos sociétés mondialisées et interdépendantes, les ressources humaines sont un facteur déterminant de la stabilité économique, sociale et démocratique. C’est pourquoi l’Assemblée appelle la Conférence permanente des ministres européens de l’Education à veiller à ce que les politiques de l’éducation soient élaborées en tenant compte de ces défis, et invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à consolider la place de l’éducation dans le programme d’activités de l’Organisation.
10. Enfin, l’Assemblée rappelle avec insistance qu’en ces temps de crise il est vital que la solidarité, la coordination et la coopération économiques jouent à plein, non seulement entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et entre les pays industrialisés, mais aussi vis-à-vis des pays en développement.