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Résolution 1662 (2009)

Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2009 (13e séance) (voir Doc. 11784, rapport de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Papadopoulos; et Doc. 11873, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Hancock). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2009 (13e séance). Voir également la Recommandation 1868 (2009).

1. Aujourd’hui, en Europe, de nombreux Etats sont confrontés au problème des mariages forcés, des mutilations sexuelles féminines et d’autres violations graves des droits de l’homme perpétrées contre les femmes et les filles en raison de leur sexe. Les estimations disponibles dans différents pays indiquent que des milliers de filles et de femmes, le plus souvent issues des communautés immigrées, sont vulnérables à ces formes de violences. Alors que les pratiques incriminées sont interdites en Europe, ces filles et ces femmes deviennent des victimes du fait des agissements de leur propre famille. Elles sont enlevées, séquestrées illégalement, dans certains cas contraintes à retourner dans leur pays d’origine et, au nom de la tradition et de pratiques coutumières ou religieuses, mariées de force, excisées ou réduites en esclavage.
2. Si les avancées réalisées dans le domaine des droits de la femme dans certains pays d’émigration sont encourageantes, ces pratiques qui tendent à perdurer au sein des communautés immigrées installées en Europe perpétrant, au nom de la coutume ou de la religion, des traditions et des rites issus de leur pays d’origine, sont une régression. Les mariages forcés et les violations des droits de la personne humaine de ce type sont souvent un alibi pour permettre à l’époux étranger de migrer par le biais du regroupement familial.
3. L’Assemblée parlementaire réaffirme que toute violation des droits de la personne humaine perpétrée contre les femmes et les filles doit être combattue avec fermeté. Aucun relativisme culturel ne saurait être invoqué pour justifier la mise en danger de l’intégrité physique ou psychique d’une femme ou d’une fille. En vertu des textes internationaux en vigueur, et en particulier la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont une obligation d’agir, avec diligence, de sorte à empêcher de telles violations des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales.
4. Rappelant sa Résolution 1468 (2005) sur les mariages forcés et les mariages d’enfants, sa Résolution 1247 (2001) sur les mutilations sexuelles féminines et ses nombreux travaux sur la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains, l’Assemblée considère qu’il relève de la responsabilité des Etats membres de mettre tous les moyens en œuvre pour prévenir et combattre ces pratiques, aux niveaux tant national qu’international. La volonté politique est une condition essentielle pour éradiquer ces pratiques.
5. L’Assemblée estime que les Etats membres devraient, d’une part, au niveau national, développer des politiques de protection des victimes, de prévention de ces violations et de sanction des auteurs, et, d’autre part, au niveau international, promouvoir les droits des femmes et la lutte contre la violence fondée sur le sexe. La lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne humaine que représentent les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines et toute autre forme de violence fondée sur le sexe devrait dans le même temps devenir une priorité dans les pays d’origine, tout comme la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes.
6. L’Assemblée note que les Etats membres rencontrent des difficultés pour protéger les victimes, potentielles ou avérées, de pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsque les victimes détiennent la double nationalité car, en vertu des règles de droit international privé ou de certaines conventions bilatérales, les possibilités d’intervention des missions consulaires des Etats membres sont réduites.
7. L’Assemblée appelle par conséquent les Etats membres, au niveau national, à mettre tous les moyens en œuvre:
7.1. pour collecter les statistiques sur les mariages forcés et autres violations des droits de l’homme fondées sur le sexe, et en assurer l’analyse des résultats et le suivi au niveau national;
7.2. pour modifier la législation, si ce n’est pas déjà fait, afin d’interdire et de sanctionner, de manière non discriminatoire, tous les mariages forcés (suivant la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée parlementaire), les mutilations sexuelles féminines et toute autre violation des droits de la personne humaine fondée sur le sexe, y compris celle perpétrée au nom du relativisme culturel ou religieux;
7.3. pour promouvoir la mise en réseau des acteurs sociaux et politiques afin de faciliter l’échange d’informations, et pour promouvoir une action publique concertée;
7.4. pour lancer des poursuites en cas d’enlèvement, de séquestration illégale et de retour forcé de femmes et de jeunes filles, lorsqu’il est avéré qu’elles risquent de subir des pratiques contraires aux droits de la personne humaine et aux valeurs du Conseil de l’Europe, tels les mariages forcés ou les mutilations sexuelles féminines;
7.5. pour introduire ou mettre en place des mesures de prévention qui pourraient inclure:
7.5.1. des programmes de sensibilisation et d’éducation visant les femmes et les jeunes filles ainsi que leur entourage familial sur le respect des droits fondamentaux, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, et la lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsqu’elles sont fondées sur le genre;
7.5.2. une information sur les lois et les bonnes pratiques disponible dans les langues des communautés concernées, mettant en exergue les risques encourus en cas d’infraction et les dispositifs de protection existants;
7.5.3. une information ciblant les jeunes filles et les femmes des communautés concernées, y compris celles qui suivent une scolarité ou un cursus universitaire à plein-temps, sur les dispositifs de protection mis en place par les autorités du pays d’accueil;
7.5.4. un soutien aux organisations non gouvernementales visant à informer les communautés immigrées des avancées législatives dans le domaine des droits des femmes et de l’évolution des comportements qui ont pu intervenir dans les pays d’origine;
7.6. pour prévoir des dispositifs d’aide aux victimes, et en particulier augmenter le nombre de refuges accueillant les femmes, afin d’assurer leur protection (refuges, lignes d’aide téléphoniques) et leur réinsertion sociale et professionnelle, une fois rapatriées;
7.7. pour mettre en place des programmes de sensibilisation et de formation sur les violences fondées sur le sexe, destinés aux autorités de police (y compris la police des frontières), au personnel des tribunaux et aux magistrats des juridictions civiles et pénales, ainsi qu’au personnel de santé;
7.8. pour introduire un système d’alerte permettant aux proches de victimes – potentielles ou avérées – de violences fondées sur le sexe d’avertir les autorités du pays de résidence (et, le cas échéant, ses missions consulaires) des cas d’enlèvement, de séquestration illégale et d’éventuel retour forcé ou abusif de ces victimes vers leur pays d’origine, afin d’enclencher une procédure d’enquête, et de prévoir, lorsque cela est possible, des mesures pour protéger la victime, comme l’interdiction de sortie du territoire;
7.9. pour adopter des mesures juridiques propres à faciliter l’exercice de poursuites contre les personnes ayant commis une infraction pénale de violence domestique à l’encontre des femmes.
8. L’Assemblée invite par ailleurs les Etats membres, dans leurs relations internationales:
8.1. à renforcer la sensibilisation du personnel consulaire, par le biais de formations et de guides pratiques, aux enjeux de l’égalité entre les sexes dans les pays d’origine, au dispositif légal en vigueur relatif aux droits des femmes et à son application, ainsi qu’aux risques graves encourus par les femmes et les filles qui, au nom de pratiques contraires aux droits de la personne humaine, sont rapatriées, de manière forcée ou abusive, vers leur pays d’origine;
8.2. à développer, en particulier à l’attention du personnel consulaire, des protocoles d’intervention clairs définissant des mécanismes pour localiser et identifier les victimes, faciliter leur accès au consulat du pays dans lequel elles résident habituellement, et faciliter leur rapatriement et leur réinsertion;
8.3. à développer des mécanismes de coopération avec les autorités nationales et locales des pays d’origine pour les encourager à intervenir auprès des familles concernées en vue de prévenir ou de stopper les violations des droits de la personne humaine, et, le cas échéant, à appliquer les sanctions prévues par la loi;
8.4. à établir des programmes de coopération avec les organisations non gouvernementales dans les pays d’origine pour permettre la localisation et l’identification des victimes, et pour faciliter la prise de contact avec la famille de la victime;
8.5. à accélérer l’octroi d’un visa de retour à toute femme ou fille victime de violations de la personne humaine, en particulier lorsque son titre de séjour original a expiré;
8.6. à renforcer la coopération avec les autorités des pays d’origine et à les encourager, notamment par le biais de programmes de formation et de financements:
8.6.1. à modifier la législation, si ce n’est pas encore fait, pour interdire toute pratique rituelle ou coutumière contraire aux droits de la personne humaine, conformément aux instruments juridiques internationaux et notamment à la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;
8.6.2. à adopter des lois qui accordent davantage d’autonomie aux femmes, renforcent l’égalité entre les sexes et combattent les violences faites aux femmes;
8.6.3. à mener des politiques énergiques pour faire connaître cette législation et à en assurer l’application effective, à la fois dans les zones urbaines et les zones rurales;
8.7. à soutenir les organisations non gouvernementales dans les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine et peuvent assurer le lien entre les communautés immigrées et leurs pays d’origine.